
Le deuxième cri venant du temple à l'autre extrémité du fjord raisonna au travers des épaisses cloisons du Sas. Agnetha, de ses 7 ans, trépignait d'impatience. Voilà 5 années que l'hiver durait, et il touchait à sa fin, ainsi l'annonçait les prêtres chanteurs . Ma jeune sœur allait enfin pouvoir voir le soleil. J'en étais des plus ravies pour elle. Vilfred, notre cousin de 12 ans se tenait à ses côtés, tout aussi impatient, sautillant sur place.
Ouvre toi, ouvre toi, ouvre toi! ,cria ma sœur enjouée .
Je jetais un coup d'œil amusé au garde du palais qui allait commander l'ouverture de la dernière porte de sécurité. Ce dernier, bien que déridé par le comportement des deux enfants, essayait de garder son sérieux, attendant une dernière confirmation par son système de telecom . Celle-ci sembla arriver. Il se tourna vers moi.
Avec votre autorisation majesté?
Je lui répondis par l'affirmative, d'un léger acquiescement. Il abaissa un levier, tandis que l'ouverture se fit béante. Ma petite sœur et mon cousin se précipitèrent à l'extérieur alors qu'un rayon de soleil vint me caresser le visage et que je m'avançais doucement . La bise était légère, la température devait avoisiner les deux degrés. C'était des plus agréables sous nos gros manteaux. Le jardin du palais était encore, dans sa majorité, sous une large couche de poudreuse. J'entendais les rires de ma sœur et de mon cousin qui courraient déjà partout.
Ces cinq dernières années passées enfermée avaient été une dure épreuve pour moi, d'autant plus que cette fois ci papa et maman n'avaient pas été là. Mais moi, j'avais déjà connu l'été, à l'inverse de ma sœur qui (si elle l'avait déjà connu) ne s'en souvenait plus. Aussi je savais qu'un hiver aux confins polaires nord de la planète océan ne durait jamais indéfiniment.
Ma plus chère amie : Sanna, était déjà dehors. Elle avait pu sortir, pour sa part, dès le premier cri des prêtres, quelques heures plus tôt, la chanceuse! Elle s'avança en trottinant avec quelques grognements réjouis et je l'étreignis doucement en serrant son épaisse touffe de fourrure blanche. Sanna était une ours polaire que mes parents m'avaient autorisée à recueillir à mes 5 ans, alors qu'elle n'était qu'un petit ourson. C'était une grande fille de 12 ans maintenant, qui faisait sursauter plus d'un domestique à son passage (lorsqu'ils n'étaient pas habitués).
Plus loin, un cri, bien moins raisonnant et profond que celui des prêtres mais bien aiguë et bien connu, me fit réagir.
Elin! Elin! Viens voir, vite!
J'accourus vers ma sœur tandis qu'elle me pointait du doigt un des pots alignés sur le balcon. Une légère fleur d'un violet insolent pointait déjà le bout de ses pétales. C'était une de ses variétés à rechercher au plus vite la lumière.
C'est la première fois que j'en vois une pour de vrai!, dit ma sœur émerveillée.
Il y en aura bientôt plein d'autres tu vas voir, lui souriais-je en lui remettant son bonnet bien droit.
En relevant la tête, je vis Vilfred, accoudé au balcon qui longeait tout le jardin royal.
Me plaçant à côté de lui je regardais le paysage qui s'offrait à moi : la ville extérieure s'éveillait doucement à l'entrée du port. Certains bâtiments s'élevaient déjà au dessus des eaux après le passage des brises glaces. Tandis que des gens s'affairaient déjà à dégivrer les routes et infrastructures, ou à piquer la glace en chantonnant, d'autres s'enlaçaient ou se tapaient la causette l'air joyeux. Tidlösa se réveillait, et mon couronnement arrivait.
Le troisième et dernier cri des prêtres, annonciateur de l'été, se fit entendre tandis qu'une larme d'émotion perla sur mon visage. Une boule de neige m'arriva alors dans l'oreille tandis que ma sœur éclata de rire.
Je me mis à la poursuivre à mon tour.