Le dernier voyage

Ici sont chroniquées les histoires des Etats et de leurs dirigeants

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flamme
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Nous n’avons jamais vraiment su si notre désignation était une faveur ou une disgrâce et nous ne le saurons probablement jamais …

Je venais juste de finir ma formation de magie défensive au temple d’Isbha et je n’avais intégré l’armée Arnienne que depuis quelques mois seulement quand on m’informa que j’étais affectée à une mission d’exploration qui se préparait dans le plus grand secret.

Il est vrai que la situation politique était préoccupante. L’armée était sur le pied de guerre depuis plusieurs semaines et ne parvenait pas à juguler les actes de guérilla de plus en plus nombreux et de plus en plus meurtriers des opposants au régime en place.
La nervosité avait gagné le Sénat où les politiciens s’invectivaient avec virulence, se rejetant les uns sur les autres la responsabilité des soulèvements. La presse se saisissant de la moindre rumeur soufflait le chaud et le froid sur une population qui ne savait plus très bien que penser de tout cela.

C’est pourtant en cette période troublée que je reçu ma lettre de mission.
Laconique, elle avait le mérite de la clarté.
J’étais affecté à la mission « Omega » à compter du lendemain et ce, pour une durée indéterminée.

Indéterminée … celui qui avait rédigé ce courrier ne savait pas à quel point cette mission le serait !

Jamais, au cours de la période de formation qui s’en suivit, je ne fus en mesure de jauger les moyens énormes mis en œuvre pour l’exécution de la mission « Omega ».
Nous avions travaillé par unité d’une vingtaine d’individus venant des tous horizons et de formations diverses et variées.
On ne nous disait rien de plus que ce que nous avions besoin de savoir.

Coupés du monde, on nous faisait travailler sans relâche les mêmes exercices de manœuvres aériennes, jusqu’à ce que l’unité travaille en parfaite cohésion.
Nous savions néanmoins que notre tache consisterait à trouver une terre d’asile et de sauvegarde pour de grands mystères dont on avait crainte qu’ils se gâchent ou se perdent dans le chaos ambiant de notre société.

Après trois mois d’une préparation menée à un train d’enfer, le grand jour arriva.
C’était le jour du départ, le cœur un peu serré nous étions néanmoins fiers d’y participer.

Ce n’est que lorsque nous arrivâmes dans un immense astroport dont le nom ne nous avait pas été révélé que je pris la réelle mesure de ce qu’était la mission « Omega ».
Éberluée, je voyais des centaines de véhicules comme le notre déverser des milliers de soldats aux uniformes gris agrémentés de l’insigne rouge de l’Omega, sur le parvis du bâtiment.
Dans un ordre irréprochable les unités regagnaient leurs vaisseaux et peu à peu l’astroport se transformait en une grouillante fourmilière. Cette marée humaine s’avançait au rythme des moteurs des solars qui décollaient pour se mettre en orbite de la planète et en quelques heures l’astroport se vida.

Il ne restait plus que le transporteur auquel nous étions affectés, là où un peu avant, tant d’hommes et de femmes avaient pris le départ.
C’était maintenant notre tour et après nous il n’y aurait ici, plus aucune trace de la mission du « Omega »
Notre vaisseau regagna enfin la flotte en orbite et nous fîmes ensemble le grand bond qui nous conduirait vers notre destin.

Extrait des mémoires de Nahika Nahr Delock, Enseigne de vaisseau.
Dernière modification par flamme le 17 janv. 2014, 01:43, modifié 3 fois.
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Arrimés à nos sièges par des harnais de sécurité, nous ne dûmes nos vies qu’à la stricte application des consignes de vol.
Certes une téléportation ne se fait jamais sans risque mais le choc qui marqua la fin de celle-ci fut d’une violence étonnante, comme si nous avions percuté un obstacle.

Dés que l’appareil fut stabilisé et avant même de savoir ce qu’il s’était passé, l’équipage se mit en position de défense, je pris mon poste avec les autres mages et me tins prête à lancer les premières incantations.

Une cellule de crise se mit rapidement en place et on vit arriver au poste de pilotage, un Haut Mage, une femme portant les insignes des scientifiques, une autre dont la mise élégante contrastait avec la sobriété des uniformes ainsi bien sur, que l’état major du vaisseau. La porte se referma sur eux et nous attendîmes.




Herko Orden, Colonel commandant du harkoda prit la parole sans attendre même que tous se soient assis.

Nous allons comparer nos informations et en faire une synthèse rapide. Nous devons comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons car l’heure est grave.
Capitaine Darko quelles sont vos observations ?
dit-il en s’adressant au pilote.

Mon Colonel répondit le jeune homme, la téléportation a été interrompue sans arriver à son terme, le vaisseau a été stoppé par un phénomène de nature inconnue, un champ électro magnétique a interféré dans le processus et le vaisseau se trouve « englué » dans ce champ.
Nous sommes dans l’incapacité de dire où nous nous trouvons.
Toutefois nous pouvons affirmer que notre vaisseau ne rencontre pas ce problème de façon isolée. Nous avons pu établir des contacts avec plusieurs autres vaisseaux de la flotte, des communications difficiles et de très mauvaise qualité mais assurément nous avons tous été touchés par cet incident.


Le regard d’Orden se porta vers Nikki Katarilys qui représentait les scientifiques embarqués à bord du Harkoda.
Le regard sombre de la célèbre scientifique en disait long sur la gravidité de la situation.

Nous nous trouvons face à un phénomène que nous n’avons encore jamais rencontré à ce jour. Les voyages intergalactiques n’en sont pourtant pas à leurs balbutiements. Les bâtiments de notre flotte se trouvent comme le disait fort justement le capitaine « englués » dans une matière que nous sommes en train d’analyser.
Cela n’a rien d’un mur, c’est souple et quelques poussées de moteur arrivent à l’entamer mais dés que les poussées se réduisent, nous revenons à notre place initiale comme si lentement, cela reprenait sa forme première.
Pour ce qui est de notre localisation, il est actuellement impossible de donner le moindre détail car nos instruments sont perturbés et leurs résultats n’ont aucune fiabilité.
Nous ne pouvons pas en dire beaucoup plus pour l’instant car nous devons continuer nos analyses et nos observations.


Quand ce fut le tour du Haut Mage de s’exprimer elle se renfrogna dans un mutisme boudeur.

Kander Dhar Belop était un homme entre deux âges, à la haute stature et il affichait en toutes circonstances une constante sérénité.
Cette situation pourtant dramatique ne faisait pas exception.

Toutes les situations, même les plus inattendues participent à notre destin, toutes les solutions que nous seront capables d’élaborer en seront aussi comptables. Rien ne se fait sans que la déesse ne l’ait voulu, souhaité ou jugé bon, tant les difficultés que nous rencontrons que la victoire de les surmonter.
Une chose est sure pourtant, il n’y a aucune vie dans cet obstacle, rien de pensant, juste de la matière. Car si la moindre parcelle de vie l’avait composé nous l’aurions ressenti et nous aurions communiqué avec elle.
Elle ne semble pas présenter d’autre danger que celui de nous retenir ici, en ce point de l’espace que nous ne pouvons même pas situer, nous l’élite de la société Vadolandienne.

Il eut un sourire un peu ironique puis se tu.

Tout ceci est bien beau intervint Lathienta laraancil, responsable des ressources du vaisseau, mais il me parait primordial et impératif de rétablir les communications avec le Vaisseau Mère de la Flotte pour partager nos informations et recevoir du haut commandement une stratégie commune pour sortir de cette affaire !!

Une tentative de connection est en cours intervint le Capitaine Darko. En effet depuis quelques minutes l’écran du poste de pilotage grésillait par moment laissant apparaitre de brèves images qui disparaissaient au bout de quelques secondes.

L’image se stabilisa enfin pour laisser apparaitre le visage grave d’Othis Belman, le commandant en chef de la flotte et haut responsable de la mission Oméga.

Nous traversons une situation dramatique et peut être l’est elle bien plus que ce que ne pourriez l’imaginer.

Peu d’entre vous peuvent mesurer l’importance de la mission Omega, je vais vous en exposer brièvement les objectifs et je ne doute pas une seconde que vous tirerez les conclusions adaptées.
Vous avez tous constaté la dégradation de la situation en Vadolandia, la guérilla, les morts, les attentats, les soulèvements, la barbarie qui ont éclaté notre société en milliers de morceaux sanglants.
Vous étiez toutefois loin de la vérité et la réalité de la situation était encore plus terrible, car les hommes à force de vouloir le pouvoir, sont prêts à tous les sacrifices, y compris celui de notre culture millénaire, y compris celui de notre éco système.
Lorsque nous sommes partis le processus était engagé et rien n’aurait pu l’interrompre, nous avons quitté un monde sacrifié à la folie des hommes.

Certains d’entre nous, mieux informés que d’autres, plus sages ou plus fous, l’avenir le dira, ont voulu sauver une partie de ce que nous fumes dans une fuite salvatrice et c’est bien là le but ultime de la mission Omega.

Nous avons repéré dans la constellation d’Armega, une planète susceptible de nous abriter et où les conditions de vie sont à peu près les mêmes que celles qui étaient les nôtres.

Nous avons donc dans nos soutes tout ce qui fût notre civilisation, tous ce à quoi nos pères et les pères de nos pères ont œuvré, les écrits de nos sages, les recherches de nos savants, les miracles de notre technologie, les œuvres de nos artistes, toute notre histoire en somme.

Bien sur, il y a toutes les femmes et tous les hommes embarqués dans chaque vaisseau de cette énorme flotte.
Vous n’avez pas été choisis parce que vous êtes les meilleurs ou parce que vous êtes les plus forts, vous avez été choisis parce que vous représentez les composantes de notre société et que vous, mieux que d’autres, saurez lui donner une nouvelle vie ailleurs.

C’est tous ensemble que nous portons un bien lourd fardeau, car en plus des richesses que nous transportons, nous avons avec nous les quatre piliers millénaires de notre société, les quatre gemmes fondamentales.
Elles ont été pour nous source de pouvoir, de développement et de fécondité et nous ne pouvions pas les laisser entre les mains scélérates des chantres de la destruction.

Vous comprenez maintenant que si nous ne nous sortions pas de cette situation nous y laisserions bien plus que nos vies …

Donc maintenant voici ce que nous allons faire.
Deux solutions s’ouvrent à nous, la première consiste à attendre quelques heures et à tenter une nouvelle téléportation.
Nos scientifiques considèrent ce n’est pas sans danger, loin de là, donc deux vaisseaux vont essayer ce moyen et s’ils réussissent nous les suivrons tous.
Dans le cas contraire il nous restera la possibilité de forcer le champ en combinant la poussée des moteurs à l’action de la prêtrise défensive pour repousser la matière sidérale et parvenir à la traverser.
Le Tamor IV et le Vicente tenteront la téléportation, Que l’Oubaz et le Harkoda se préparent à la poussée !
Je nous souhaite à tous chance et courage.


Sur ces derniers mots la communication cessa.
Dernière modification par flamme le 17 janv. 2014, 01:45, modifié 1 fois.
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Les minutes qui s’égrainaient s’étiraient pour me paraitre des heures.
Nous étions si nombreux mais aussi si seuls en position stationnaire au milieu de nulle part. C’est dans de tels instants que soudain l’on doute de l’avenir et que l’on se demande s’il y aura un demain, une vie, un espoir…

Je n’avais que vingt ans, tout voulu mais encore rien vécu, tant rêvé mais encore rien effleuré.
Un sentiment de panique vint souffler sur la mer toujours si calme de mon esprit habituellement serein.

La formation m’avait-elle si bien préparé que cela à affronter les situations difficiles ? Mais n’est ce pas vanité de penser que l’on peut se préparer à mourir ?

Je resserrais mes mains sur les accoudoirs de mon siège pour éviter que les autres ne perçoivent le léger tremblement qu’elles accusaient.

Les autres … ils étaient là autour de moi, mages, pilotes, techniciens.
Leurs visages fermés exprimaient eux aussi, la douleur de cette attente et l’assaut féroce du doute sur un moral qu’ils pensaient inaltérable.

Ce fut donc presque un soulagement quand notre officier vint nous exposer la difficile situation dans laquelle nous nous trouvions et le plan qu’Othis Belmann avait décidé de mettre en œuvre.

Il faudrait quelques heures aux techniciens pour activer les commandes qui seraient nécessaires à une nouvelle téléportation et déjà tous s’y attelaient.
Les mages défensifs s’organisaient aussi en espérant néanmoins qu’il ne serait pas nécessaire d’y recourir et que bientôt nous serions tous dans la constellation d’Armega, en route vers un nouveau monde.

Lorsque l’heure de la téléportation arriva, la tension était à son comble, les yeux rivés sur les écrans nous retenions tous notre souffle. Quoiqu’il arrive, je priais pour que la déesse les accompagne et inconsciemment, silencieusement, mes lèvres dessinaient les chants de l'ultime cercle pour apporter de la force à ceux qui allaient risquer leur vie pour que demain nous puissions encore exister.


5 – 4 – 3 – 2 – 1 – 0 …. TELEPORTATION


Le Tamor IV et le Vicente disparurent de nos écrans.

Les instants qui suivirent nous plongèrent autant dans l’espoir que dans l’angoisse mais quand une voix un peu mécanique sortit des hauts parleurs pour nous annoncer que Le Tamor IV et le Vicente avaient été détruits au cours de la tentative de téléportation, un terrible sentiment d’abattement nous saisit.


L’activité qui suivit cette annonce à bord de l’harkoda, fut presque un soulagement au regard de la lourdeur de l’attente des heures qui précédèrent.
Le capitaine Darko donnait des ordres brefs et précis à ses hommes et les Mages défensifs se positionnaient de part et d’autres du poste de pilotage.
Les techniciens paramétraient les moteurs pour un rendement maximum, ils en auraient besoin pour opérer une poussée régulière et sans faiblesse.
Les officiers des quatre ordres arrivèrent un par un et prirent place au poste de commandement.
Mes lèvres dessinaient déjà les premières incantations, les premiers chants, ceux qui nous donneraient la force, la foi et le courageux, ceux qui appelleraient à nous la grâce de la déesse.
Ma courte vie défilait sous mes yeux, mes parents, ma famille, le temple, Vadolandia … la fin d’un monde, le début d’un autre peut être, peut être …
Mon regard allait de l’un à l’autre des Mages, ils n’étaient que concentration, calme et détermination. Il fallait que j’y arrive moi aussi, que ma mission soit le centre du monde pendant le temps qui nous serait nécessaire pour vaincre, mais mon angoisse, mon esprit, mes pensées, me laisseraient-ils atteindre ma force de combat, ma puissance spirituelle ?
Il le fallait !
Les minutes, les secondes s’écoulaient et la check list qui occupait les écrans de contrôle se remplissait peu à peu sous le regard du Haut commandement.
Elle fut bientôt complète et Herko Orden donna enfin l’ordre de départ.
Dernière modification par flamme le 17 janv. 2014, 01:46, modifié 1 fois.
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Assis à son poste de pilotage le capitaine Drako commença la lente poussée sur cette matière mystérieuse qui nous emprisonnait et nous nous y enfonçâmes pour prendre la route de notre destin.
Il forçait progressivement les moteurs pour nous assurer une avancée régulière.
Nous marchions vers l’inconnu, ignorant tout de l’épaisseur de la substance, ne sachant même pas si elle avait une fin.
Soudain la voix de Drako brisa le silence pesant, On recule !!


En effet la distance gagnée pas à pas était en train de diminuer et le champ nous renvoyait peu à peu vers l’arrière. La puissance des moteurs luttait contre cet inexorable retour mais n’y suffisait plus.
C’est alors que la force spirituelle de la prêtrise défensive vint apporter sa pierre à l’édifice de foi et de volonté du vaisseau.
Je fermais alors les yeux et descendis au plus profond de moi-même pour y trouver la force d’ajouter ma propre puissance à cette progression.
On avance à nouveau exulta Drako !
Je sentais dans mon corps les flux d’énergie qui véhiculaient ma force spirituelle vers cette masse contre laquelle nous luttions, j’en sentais les contours, la résistance et j’y ancrais ma volonté au point de ne plus voir autour de moi ceux dont le pouvoir se rajoutait au mien et de ne plus entendre le chant repoussant la matière.


*
* *


Au poste de commandement du Vaisseau mère de la flotte de l'Oméga, Othis Belman suivait avec attention la progression des deux vaisseaux qui tentaient de traverser.

L’Ouzba avance avec régularité mais plus lentement que l’Harkoda. L’Harkoda, par contre, a accusé un léger recul voici une vingtaine de minutes mais a repris maintenant une progression plus rapide.

Commenta-t-il à l’adresse des chefs des quatre ordres qui suivaient avec lui ce qui était probablement leur ultime chance.

Oui, expliqua la prêtresse Hélanvha, Sur l’Ouzba, la puissance spirituelle progresse avec celle des moteurs depuis le départ, sur l’harkoda , les moteurs ont assuré la progression et ce n’est que lorsqu’ils ont été à saturation que la puissance spirituelle est venue les appuyer.
C’est ce qui avait été prévu.


Les choses se déroulaient comme prévu mais pourtant Othis Belman lisait de l’inquiétude sur le visage, d’habitude si serein, de la Magicienne.

Hélanvha, n’y aurait-il pas quelque chose que vous omettez de nous dire ?

La femme baissa les yeux et acquiesça.

La puissance spirituelle émanant de l’Harkoda est nettement supérieure à nos prévisions.
Je crains que l’équipe de prêtrise défensive de l’Harkoda soit en train d’opérer une mutation.
Une mutation ?
interrogea Othis pour qui les arcanes des prêtres guerriers étaient loin d’être limpides.

Oui la puissance de leur magie quitte le premier cercle pour rejoindre le deuxième. C’est rare et c’est extrêmement délicat. Cela se passe habituellement dans le calme d’un monastère et là je suis inquiète car cela arrive dans des conditions plus que critiques.
Quelles en seront les conséquences ?
demanda Othis soudain inquiet.

Soit la mutation réussit et le groupe pourra déployer une plus grande puissance au bénéfice de la mission, soit ça les tuera, seule la déesse en décidera …




Depuis combien de temps repoussions-nous cette masse ? Je ne saurais le dire, des heures, des minutes, des années …
Notre poussée était lente, progressive comme une marée qui vient noyer les grèves. Peu à peu je ressentais des crampes dans mes mains qui s’accrochaient aux accoudoirs de mon siège comme à un dernier refuge, les gouttes de sueur qui perlaient sur mon front suivaient leur chemin sur mes joues sans que rien ne les arrête et je luttais. Je luttais contre la matière et contre l’épuisement. Mon corps tremblait témoignant que le moment était proche où je ne trouverais plus en lui suffisamment d’énergie pour projeter ma force mentale vers l’obstacle qui nous retenait.
Mais si mes forces m’amenuisaient petit à petit, la volonté restait entière et je me battrai pour aller chercher au fond de moi la moindre parcelle d’énergie parce que je le voulais et aussi parce que je n’avais pas le choix.
Soudain mon cœur fit un bond, je ressentis brusquement un point de rupture dans la force spirituelle, une sensation, celle que l’on ressent lorsqu’on rate une marche ! Et j’entendis, comme dans un rêve, la voix désespérée de Darko crier : On recule ! On recule !
Dernière modification par flamme le 17 janv. 2014, 01:49, modifié 1 fois.
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Re: Le dernier voyage

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Kander Dhar belop, le Haut mage de l’Harkoda fronçait les sourcils.
Le surcroit de puissance magique, bien supérieur à ce qui avait été prévu, ne lui avait pas échappé et il ne lui avait pas fallut longtemps pour parvenir, lui aussi, à la conclusion qu’une mutation du groupe de mages défensifs vers un cercle supérieur était en train de s’opérer.

Le moment était pourtant bien mal choisi mais si telle était la volonté de la déesse, il allait bien falloir l’accepter.
Il sursauta quand il ressenti une baisse soudaine de la puissance magique et remarqua aussitôt que la tête de l’un des jeunes mages avait pris une inclinaison alarmante contre le dossier de son siège.

Sans attendre, Kander se leva pour détacher le harnais du jeune homme et déposa délicatement son corps sans vie sur le sol.
Une fois assis à sa place, il n’avait que deux options, un choix difficile, crucial même et qui allait engager l’avenir de sa mission c'est-à-dire aussi l’avenir de son peuple.
Soit il décidait d’ajouter sa puissance spirituelle à celle des mages défensifs qui sans désemparer continuaient à appuyer la poussée des réacteurs, soit il procédait au rituel d’accompagnement des mages vers le cercle supérieur.
Il ferma les yeux quelques secondes, puis entama de sa voix grave, l’incantation d’accompagnement qui, l’espérait-il, permettrait à la mutation de ne pas faire de nouvelles victimes.


C’est au moment où je suis arrivée au bout de mes forces, à l’extrême limite de mon énergie, au moment où il ne me restait plus que mon courage et ma détermination que cela s’est produit.
C’était comme une vague, un flux de puissance telle que je n’en avais jamais connu, que je sentais déferler en moi, bouillonner dans mes veines, crépiter dans chaque parcelle de mon corps. C’était avec soulagement qu’après m’être vidée de mes dernières forces, je sentais en moi monter une telle puissance mais non sans appréhension, aurai-je la force de la maitriser ?
Jusque là je n’avais pas eu conscience de l’étrange mélopée scandée par une voix grave et qui venait curieusement se superposer aux incantations de poussée que nos lèvres murmuraient machinalement depuis des heures.
Mon esprit vint s’arrimer aux mots de ce chant étrange et lent et petit à petit ma volonté domptait la vague, je l’utilisais, je ne la subissais plus et toute cette puissance nouvelle s’ajouta à la poussée.
On avance ! De plus en plus vite ! s’écria Darko !
Soudain, dans un craquement terrible de la carlingue, nous fûmes collés à nos sièges par une force due à la soudaine vitesse prise par le vaisseau.
Coupez les moteurs hurla Darko !! On y est arrivé, on est sorti de la masse !
Dernière modification par flamme le 17 janv. 2014, 01:50, modifié 1 fois.
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Re: Le dernier voyage

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Ils sont passés murmura la prêtresse Hélanvha.

Mais s’en sont-ils sortis ? S’interrogea Othis Bellman en constatant qu’il ne restait sur les écrans radars que la trace de l’Ouzba qui progressait avec lenteur mais continuait néanmoins sa route.

Oui répondit la femme, si le lien de vie s’était rompu je l’aurai senti, ils ont survécu, c’est certain.
Nous allons attendre de voir si l’Ouzba passe aussi pour lancer la totalité de notre armada au travers de la substance décida prudemment Othis Bellmann.

Il ne fallut que quelques heures de plus au second vaisseau pour disparaitre à son tour avec succès.
Le commandant en chef de la mission Omega donna alors l’ordre à l’ensemble des vaisseaux de la flotte de se lancer à l’assaut de l’obstacle en espérant que tous s’en sortiraient aussi bien que les deux premiers.

Après des heures fébriles d’effort et de volonté, la flotte émergea enfin de l’autre coté du champ de force pour découvrir leur ultime destination.

Il était certain qu’il ne s’agissait pas de la galaxie d’Armega où ils avaient projeté de s’établir et les cartographes scannaient déjà ce nouvel environnement pour le comparer aux cartes stellaires détenues dans la base de données mais ne trouvèrent rien de comparable.
Ils s’étaient projetés dans un univers totalement inconnu.

Vérifiez la compatibilité des écosystèmes ordonna Othis Bellmann aux scientifiques du vaisseau.

La prêtresse Hélanvha, quant à elle observait cette nouvelle galaxie d’un regard rêveur. Alors nous y voilà pensait-elle, voilà à quoi ressemble notre futur, cinq planètes, posées sur la voute céleste comme des joyaux dans un écrin.
L’une verdoyante de forêts tropicales, crépitant de magie, l’autre d’un bleu qui laissait penser qu’elle était entièrement recouverte par des océans, la troisième rougeoyante d’irruptions volcaniques, une autre encore dont la teinte ambrée laissait deviner la rudesse des immensités désertiques qui la recouvraient et enfin la dernière scintillante d’un environnement urbain qui semblait fort dense.


Lorsqu’elle se retourna elle fut surprise de voir la mine défaite et le teint livide d’Othis Bellman qui scrutait des yeux un listing défilant sur un écran.

Elle savait que certains vaisseaux de la flotte n’étaient pas arrivés indemnes de l’autre coté du champ de force. Des débris en suspension dans l’espace en attestaient et elle avait ressenti avec tristesse la rupture des liens de vie des équipages qui ne verraient pas le bout du chemin, c’était le prix … il y avait toujours un prix.

Elle alla s’assoir auprès du commandant en chef et posa une main légère sur son avant bras. L’homme sursauta et en lui lançant un regard affolé, il murmura : Il ne faut pas que ça se sache, tous doivent l’ignorer, le vaisseau qui contenait les quatre gemmes de pouvoir a explosé ….
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Il savait bien que son peuple venait d’une autre galaxie, que c’était un exode qui les avait conduits ici, il y avait de cela fort longtemps mais lui, il était né là, sur Vertana et il s’y sentait chez lui.

Ash, jeune garçon d’une douzaine d’années, vivait avec sa famille en Aerintie, État commerçant et pacifique de Vertana. La production de Pierre de mana permettait à ses habitants de vivre confortablement dans une sécurité, somme toute, assez bonne.
Son dirigeant, Harvernel jouissait de la considération de tous et du respect de ses pairs.

Ash était donc un enfant sans histoire et pour l’heure il était en train de pêcher dans le lagon, campé sur un rocher.
Quelques poisons frétillaient déjà dans le seau qu’il avait posé prés de lui.
Ses mèches brunes tombaient sur ses yeux noisette et le soleil vertanien avait donné à sa peau des reflets de miel.
S’il ramenait quelques poissons de plus sa mère le féliciterait surement de quelques gourmandises, il était donc attentif aux mouvements de sa canne à pêche et aux virevoltes de son hameçon.

Soudain, il attendit un sifflement vriller l’air calme du lagon et, levant les yeux, il vit que quelque chose chutait rapidement à travers les nuages.
L’objet vint s’écraser sur la plage voisine en soulevant de grandes gerbes de sable blanc.
Un cratère s’était formé à l’endroit de la chute.

Plein de curiosité, le jeune garçon posa sa canne à pêche et se précipita pour voir ce qui avait bien pu tomber ainsi du ciel.
Il couru jusqu’à la plage et descendit la pente sableuse.
Une fois en bas il fut déçu car il ne vit rien. L’objet avait du s’enfoncer dans le sable. Mais Ash n’était pas du genre à laisser tomber à la première difficulté.
Il entreprit donc de fouiller le sable de ses mains et au bout d’une petite heure, il sentit comme un caillou.

Aïe

C’était chaud et il s’était brulé les doigts.
Se servant d’un mouchoir, il réussit néanmoins à saisir l’objet. Il s’agissait d’une pierre de la taille d’un œuf aux beaux reflets ambrés.
Il la fourra dans sa poche, se dépêcha de récupérer son matériel de pèche et de rentrer chez lui car la nuit n’allait pas tarder à tomber.
Le soir en allant se coucher, il posa la pierre sur une étagère à coté de son lit et s’empressa de l’oublier …
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Sur Vertana, tout le monde avait, un tant soit peu, quelques capacités magiques, rares étaient ceux qui ne savaient pas tordre une petite cuillère ou de faire chauffer de l’eau grâce à elle, même les potentiels les plus minimes trouvaient à s’employer.
La proximité de quantités aussi importantes de pierre de mana ne pouvait qu’exacerber le plus petit des talents.

Mais Ash n’en n’avait pas le moindre... Rien du tout ! Pas même une petite étincelle magique ! Rien !

Il en était devenu presque un phénomène vertanien et il faut bien dire que ses parents en étaient un peu gênés.
A l’âge où d’autres jeunes gens et jeunes filles s’enorgueillissaient d’avoir quelque influence, sur le feu, la terre, l’air, le métal, l’eau ou le bois, Ash devait bien reconnaitre qu’il n’avait d’influence sur aucun des éléments fondamentaux.

Cela ne le perturbait pas spécialement, en effet, le jeune homme n’avait que peu de gout pour l’étude et la recherche, il ne trouvait d’intérêt qu’à la course, le combat, le pilotage et tout se qui lui permettait d’exprimer les capacités physiques qui étaient les siennes.
Il excellait dans nombre de sports et il avait harmonieusement grandi, ses épaules s’étaient élargies, ses jambes s’étaient musclées, Ash avait seize ans et il était devenu un beau jeune homme.

Il concevait des doutes par rapport à la magie, il pensait qu’il y avait là dedans une part de bluff, de fanfaronnade, voire de prestidigitation et un incident, une altercation survenue à l’école quelques temps auparavant l’avait conforté dans cette position...


La sonnerie annonçant la fin des cours venait de retentir et les couloirs étaient bondés d’élèves se dirigeant vers l’étroite sortie.
Ash apercevait déjà les rayons de soleil de la fin d’après midi par la porte enfin ouverte vers la liberté, la plage et les jeux mais surtout vers Talia qu’il ne voulait pas faire attendre.
Cela faisait plusieurs semaines que les courbes souples et charmantes de la jeune fille le faisaient rêver et elle avait enfin accepté de lui accorder un rendez vous.

Soudain, il fut poussé sur le coté par un garçon grand et maigre qui portait ostensiblement les insignes de mage sur sa veste et qui lui jeta un regard méprisant.
Ash sentit monter en lui une colère que son impatience ne le poussait pas à combattre, il saisit le jeune mage par le col et le remis à sa place dans la file d’attente.

Comment oses-tu ? Glapit le jeune homme, ne sais tu pas qui je suis ?

Tu serais l’archimage lui-même que ça n’y changerait rien répondit Ash, tu restes à ta place et c’est tout !

Une fois à l’extérieur, les garçons se toisèrent comme deux jeunes coqs montés sur leurs ergots.
La tension était grande et un groupe d’élèves s’était formé pour assister à l’altercation.

Ne t’avise plus jamais de porter la main sur moi sinon je te promets que bientôt tu ne vaudras guère mieux qu’un poulet grillé et comme tu ne possèdes pas une once de magie je ne vois pas très bien comment tu pourrais me contrer ricana le jeune mage.

Ash en tremblait de colère.
Talia, qui l’avait rejoint, tira légèrement sur sa manche et lui dit : laisse tomber, tu n’as aucune chance contre lui !

C’est un peu tardivement qu’il avait reconnu sous les traits du petit mage prétentieux, Malvin, celui qui avait retenu l’attention de tous au moment des tests et qui présentait, semblait il, le plus gros potentiel magique de sa génération.

Décidément Ash n’avait choisit ni le bon moment, ni le bon lieu, ni le bon adversaire pour une querelle mais sentant sur lui le regard de Talia, il ne voulait en aucun prix lâcher l’affaire.
Il avança de quelques pas menaçants vers le jeune mage.

Voyant que la rage aveuglait Ash, ce dernier entama une incantation. Immédiatement de petites flammes dansèrent au bout de ses doigts pour bientôt devenir une boule de feu de la taille d’un œuf.
D’un mouvement souple du poignet, il la lança sur Ash.

Contre toute attente la boule vint s’écraser et s’éteindre aux pieds de son adversaire comme un pétard mouillé.
Un sourire carnassier aux lèvres, le jeune homme s’avança alors vers le mage et lui envoya avec force son poing en pleine face.

L’autre était maintenant à terre, une main sur son nez sanguinolent.
Tu me le paieras !! hurla-t-il.
Quand tu voudras lui répondit Ash d’un ton triomphant.

Il écopa de trois jours d’exclusion et de quelques remontrances mais rien de suffisamment sévère pour porter atteinte à la joie qu’il avait eu à rosser le vantard.

C’est quelques mois après cet incident que le destin d’Ash, comme celui de tous les Aerintiens bascula.
La guerre s’abattit sans sommation sur ce peuple tranquille, plus aucun bâtiment n’était debout et leurs efforts pour les reconstruire étaient voués à l’échec par les bombardements ennemis.

Harvernel décida alors que pour sauver ce qu’il restait de son peuple, ils devraient partir et ne jamais rester longtemps au même endroit.
Ils rassemblèrent le peu qu’il leur restait et s’apprêtèrent à prendre la route.

Une dernière fois, Ash se rendit dans les décombres de ce qui fut sa maison toute sa vie, récupérant par ci par là, quelques souvenirs de son père qui avait trouvé la mort dans la bataille, une vieille photo racornie, un petit agenda …

Le reflet d’un rayon de soleil attira son attention.
Il se baissa et ramassa la pierre ambrée qu’il avait trouvée sur la plage quand il était enfant et qui avait longtemps pris la poussière sur une étagère.
Il la rangea dans son sac et tourna résolument le dos à son enfance
Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son

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flamme
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LA CHUTE

Luluberlue installée sur un banc du parc du Palais vadolandien, réchauffait ses vieux os au soleil du matin.
Elle savait que chacun ici l'avait toujours connu vieille, elle était la doyenne et la mémoire de son peuple. Elle avait traversé avec lui maintes épreuves.
Elle se souvenait des jours où dans ce même parc, Harvernel le patriache du peuple qu'on appelait autrefois les Aerintiens, regardait jouer ses deux fillettes, l'aînée Vado et Flamme la cadette, l'aînée un peu sauvage et la cadette sage.

Elle revoyait l'affection dans le regard de l'homme mais aussi cette ride légère sur son front, marquant son souci et ses interrogations, concernant les deux enfants. Sa femme ayant péri en mettant Flamme au monde, Harvernel élevait seul ses filles et se tournait souvent vers luluberlue pour qu'elle l'aide à décider ce qui était bon pour elles, pour leur éducation. L'une d'entre elles, un jour, présiderait à la destinée des Aerintiens, elles devraient être capables d'assurer cette charge et cet honneur.

C'est pour cette raison qu'Harvernel observait ses enfants avec une très grande attention, le temps viendrait bientôt, de les diriger vers les initiations qui leur seraient les plus utiles pour le bien de l'État.

Flamme a des dispositions pour diriger notre peuple avec sagesse. Elle sait obtenir les choses par la diplomatie plutôt que par la force et elle aspire au développement démocratique du peuple Aerintien.
Elle saura privilégier l'économie plutôt que la guerre. Elle sera juste avec les hommes mais n'oubliera jamais que l'intérêt général de l'Etat n'est pas composé de la somme des intérêts particuliers de ceux qui le composent. Sa volonté est forte, elle ne lâche rien et se relève toujours des épreuves plus déterminée que jamais. Elle saura s'oublier pour incarner l'État.


C'était ainsi que Luluberlue voyait la fillette mais Harvernel doutait encore.

Il y a de la froideur dans son comportement, on a toujours l'impression que ce qu'elle fait est une partition savamment orchestrée, rien n'est laissé au hasard. Je m'interroge quand même sur l'importance de la spontanéité dans la gouvernance. N'en faut-il pas un peu ? Et puis Luluberlue, qu'a-t-elle vraiment dans son cœur ? Son goût pour les affaires politiques et la gestion du Domaine ne te paraît-il pas curieux chez une enfant si jeune? Je crains, ma chère, que tous ces traits de caractères ne cachent une ambition démesurée. Elle est la cadette et elle veut être incontournable quand le choix devra être fait tant il est vrai que ce choix se porte souvent sur l'aînée.

Luluberlue était restée pensive à la suite de cette conversation mais elle demeurait persuadée que le destin de Flamme était de mener son peuple là où elle voulait aller.

C'est quelques semaines après cette conversation qu'est survenu l'irréparable, que le feu est tombé du ciel conjugué aux souffles magiques, détruisant pour toujours l'Etat Aerintien. Luluberlue s'en souvenait comme si cela s'était produit la veille

L'alliance des Justes, où Harvernel siégeait à cette époque depuis plusieurs années, avait subi une crise politique grave qui avait divisée ses membres.
A la surprise de tous, l'alliance avait été saisie d'une demande d'admission à la fois inespérée et surprenante. Kahora, Dirigeante du Hardz drei Gorth avait fait connaître son souhait d'intégrer les Justes.
Une telle requête était en soi un événement pour la petite alliance. La tentation d'avoir parmi ses membres un Etat aussi important, disposant d'une flotte aussi puissante, était grande.

Certains chefs d'État se voyaient déjà détenir un florissant commerce sous l'impressionnante protection des troupes de Kahora.
D'autres se trouvaient galvanisés dans leur ardeur guerrière et rêvaient de faits d'armes glorieux aux cotés de la puissante armée gorthienne.
Quelques dirigeants, toutefois, s'interrogeaient sur le souhait de kahora d'intégrer l'alliance des justes. Quel intérêt y avait-elle ? Harvernel faisait partie de ceux là.
Comme prévu dans la charte de l'alliance des Justes, un débat fut organisé pour décider de l'admission du Harzd drei Gorth.

Le contenu des débats ne fut pas rendu public. Mais l'information selon laquelle l'argumentaire de Harvernel avait été déterminant dans le refus d'admission du Hardz drei Gorth circula dans les couloirs de la confédération.

Deux semaines plus tard l'Aerentie était détruit par la flotte Gorthienne et Harvernel reçut une simple missive de Kahora à la suite du désastre, elle ne comportait que ces quelques mots : voilà ce qu'il en coûte de contrarier les projets des puissants.

Si la communauté galacticaine s'émut de cette attaque, personne n'osât pour autant la venger même si certains alliés aidèrent économiquement la reconstruction qui s'amorçait déjà.
Mais les attaques Gorthiennes reprirent et dés qu'un bâtiment était érigé, il faisait l'objet d'attaques éclair des flottes de Kahora.
Le moral de la population déjà fort bas commençait à frôler la révolte.
Luluberlue su à ce moment là qu'il en était fini de l’Aerentie.
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flamme
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• L’ERRANCE


Dés l’aube le camp prit vie. Les techniciens contrôlaient les quelques appareils de la petite flotte Aerentienne, essentiellement des transports, qui allaient permettre au peuple vaincu de se déplacer vers un nouveau site comme il le faisait plusieurs fois par an depuis le début de son errance. Le peuple d’Harvernel était devenu un peuple nomade pour survivre aux attaques de ses adversaires mais aussi pour assurer la subsistance des survivants.
Des hommes et des femmes démontaient les structures de bois qui leur servaient d’abris. Ils les remonteraient bientôt dans un autre paysage, en des lieux où la chasse serait bonne et les ressources seraient suffisantes.

Ash, Vado et quelques autres jeunes gens sortaient de la forêt voisine, arbalètes à l’épaule, leurs gibecières pleines. Ils revenaient d’une dernière chasse nocturne sur ce territoire. Ils se rapprochèrent du feu pour se restaurer puis se joignirent aux préparatifs de départ.

Harvernel qui supervisait les dernières opérations de transfert regardait Vado manœuvrer un chariot élévateur pour charger les soutes des transports. Il sourit. Sa fille, la sauvage, évoluait complètement dans son élément dans cette étrange vie. Sortir de la cité avait été pour elle comme un souffle nouveau, aussi quand Harvernel décida d’envoyer ses filles se former chez ses alliés Vado refusa-t-elle fermement.

Harvernel et les membres du conseil des sages de l’Aerenthie insistèrent beaucoup mais rien n’y fit.
Vado considérait que sa place était avec son peuple et que si son peuple était un peuple de nomade, elle serait une princesse nomade elle aussi.
La reconstruction d’un État était pour elle une chimère, de plus elle n’était pas sure du tout que ce projet serve réellement l’intérêt des Aerentiens. Elle pensait que ce choix servirait plutôt l’intérêt de certains d’entre eux.
Ils virent une telle détermination dans ses prunelles grises qu’ils décidèrent de ne plus insister mais la jeune fille devrait recevoir quand même une initiation à la mesure des taches qui seraient les siennes dans sa vie de femme.

Harvernel prit de nombreux contacts et on vit un beau jour, arriver un petit chasseur, qui transportait un vieil homme. Arthanael était un vieux sage qui avait vécu dans bien des mondes. Tous prirent l’habitude de le voir en compagnie de Vado partager de grandes discussions d’où elle sortait souvent le sourire aux lèvres mais, quelques fois aussi, les larmes aux yeux.
La nature de l’initiation de la jeune fille restait mystérieuse aux yeux de tous mais elle semblait en tirer un grand bénéfice s’épanouissant de mois en mois en une belle jeune femme active, sereine et franche.

Un matin Arthanael informa Harvernel qu’il allait partir quelques jours avec Vado. Son cœur de père trembla quand il comprit que la formation de sa fille touchait à sa fin et qu’elle était à la veille de l’épreuve finale, celle où elle laisserait sa vie si elle n’en sortait pas victorieuse.

C’est avec de l’angoisse dans le cœur qu’il les vit partir quelques heures plus tard.

Ils cheminèrent pendant deux jours sur les sentiers à peine marqués dans la touffeur de la forêt vertane.
Ils virent alors au loin une étrange colline qui ressemblait à un cône tronqué. Ils en grimpèrent le flanc. On aurait dit que le sommet de la colline avait été coupé net pour former une large surface plane. Vado constata que cette surface était entourée d’un haut mur. Quand ils arrivèrent devant une grille rouillée par les années et l’humidité de vertana, Arthael fouilla dans la bourse qu’il portait toujours à sa ceinture et en sortit une clé.

Il regarda Vado avec tendresse et fierté.

Tu vas affronter l’épreuve finale, n’oublie jamais qu’au fond c’est avec toi-même que tu vas te mesurer, va maintenant ma fille et fais moi honneur ainsi qu’à ton peuple.

Sur ces paroles il ouvrit la vieille grille et la poussa à l’intérieur.

Vado entra et avança sans regarder derrière elle. Elle se trouvait dans un jardin et la végétation y était dense, l’atmosphère était chargée des parfums capiteux. Elle fit quelques pas sur un sentier recouvert de gravillons blancs qui reflétaient la lumière. Elle plissa les yeux.
A fond du jardin elle apercevait quelques bâtiments bas aux murs blanchis à la chaux qui composaient, en se juxtaposant, une architecture surprenante représentant des cubes de volumes variés posés les uns à coté des autres un peu au hasard. Une femme vêtue d’une bure bleue sortit du bâtiment principal et se dirigea vers elle.

Le visage bienveillant de la femme rassura un peu Vado qui malgré sa détermination ne pouvait empêcher une certaine appréhension.

Bonjour Vado, nous t’attendions, suis moi.

La femme la précéda et elles entrèrent dans un petit bâtiment où Vado pu prendre un bain et revêtir la courte toge blanche que lui remit son hôtesse.
Elle l’amena ensuite dans une salle plus grande, fraiche et un peu sombre. Là quatre jeunes gens attendaient déjà, une fille et trois garçons.
Elle ne serait donc pas la seule à affronter l’épreuve finale.
Comme elle, ils avaient revêtu une toge blanche. Elle reconnu la fille, car son peuple entretenait des relations commerciales avec les Aerentiens. Puis son regard fut attiré par la silhouette familière d’un jeune homme qui lui tournait le dos debout devant une fenêtre.
Lorsqu’il se retourna Vado resta bouche bée, elle ne s’était pas attendue à retrouver Ash ici.

Mais déjà deux hommes entraient dans la pièce.

Bonjour à tous dit le plus âgé. Vous venez ici pour l’épreuve finale à vos initiations.
En effet, si les initiations dispensées par notre Ordre sont différentes, l’épreuve finale est commune.
Ici vos vies sont en danger, vous allez passer les quatre épreuves qui constituent l’épreuve finale et pour chacune vous risquerez votre vie.
Vous pouvez encore y renoncer.
Dans une heure, pour ceux qui auront décidé de rester, la première épreuve commencera, celle qui vous amènera au bord de la falaise de la réalité où vous affronterez vos doutes. La deuxième épreuve vous confrontera aux pics acérés de la douleur, la troisième fera vaciller votre jugement et la dernière mettra votre courage à l’épreuve.
Le maître Karnos ici présent dit-il, en désignant l’homme qui l’accompagnait, sera votre tuteur pendant l’épreuve.

Tous restèrent.

Ils luttèrent contre la folie et dérivèrent aux frontières de la réalité dans cette zone lumineuse de leur esprit où se cachait la sérénité, ils affrontèrent la douleur en oubliant leurs corps pour se réfugier au fin fond de leur âme, ils apprirent à leurs dépends que la justice pouvait être souffrance et qu’elle n’était pas la sœur de l’équité.

A la veille de la quatrième épreuve ils n’étaient plus que trois, Ash, Vado et Djerkanos, un jeune homme blond, fin et rapide comme l’éclair dont le regard de glace se cachait sous des sourcils broussailleux.

Ce matin là, à l’aube naissante Karnos leur proposa de choisir une arme.
Ash s’empara sans hésitation de l’épée du guerrier, Vado de l’arc de la rodeuse et Djerkanos de l’ankh lumineuse des mages du feu.
Puis, ils sortirent du bâtiment et du jardin pour s’enfoncer dans la forêt. Ils se dirigèrent vers un piton rocheux qu’ils apercevaient au loin. Arrivés à la base de l’éminence, Karnos leur désigna l’entrée d’une excavation et leur expliqua enfin en quoi consisterait cette dernière épreuve.

Cette entrée mène vers une immense grotte. Cet endroit est l’antre d’une abomination, comme il en apparait de temps en temps.
Il s’agit d’une hydre médusienne. Ce monstre à neuf têtes ne peut être abattu que lorsque sa dernière tête est tombée mais il faut savoir que chaque fois que vous trancherez une tête deux autres repousseront.
Quand vous approcherez de la bête, vous devrez éviter son regard, sous peine d’être transformé en statue de pierre.
Seule la mort de l’hydre vous permettra de sortir vivant. Celui qui l’aura tué, si jamais l’un de vous y parvient, sortira de l’épreuve finale avec le statut envié d’élu, les autres, s’ils ont la chance d’en revenir, recevront le statut de Maître.


Les trois jeunes gens se jaugèrent du regard. Puis ils entrèrent à plat ventre dans l’étroit accès de la grotte et rampèrent jusqu’au bout du boyau pour voir la caverne dans laquelle ils allaient pénétrer.
Ils aperçurent, au fond de l’excavation aux murs recouverts de pierres luminescentes et au plafond hérissé de stalactites, le monstre médusien campé sur ses pattes arrières, ses neuf têtes balançant dangereusement de droite à gauche.

Ash, Vado et Djerkanos se concertèrent à voix basse et lorsqu’ils eurent trouvé un accord, ils entrèrent silencieusement dans la grotte de l’hydre.

Ash observa attentivement tous les détails de son environnement, il mémorisa chaque obstacle, chaque roche, jusqu’aux courants d’air qui agitaient l’atmosphère de l’endroit.
Djerkanos grimpa sur un rocher et commença une incantation basse, Vado s’avança un peu et prépara nombre de flèches, puis sortit de sa poche un bandeau et en masqua les yeux de Ash.
Celui inspira profondément en tenant son épée brandie au dessus de sa tête puis expira en portant le pommeau son arme à ses lèvres. L’air en tremblait.

Ash s’avança face à la bête à pas mesurés. Il la sentait bouger mais il fallait qu’il ressente le moindre frémissement de l’air et sa concentration était totale.
Le monstre l’avait vu. Un grognement de rage guttural sortis de ses gorges comme un monstrueux écho. L’hydre s’avança vers sa proie.

Vado banda son arc, une deuxième flèche prête à partir. L’incantation de Djerkanos se fit plus forte et plus rapide, ses yeux semblaient refléter des éclairs.

La bête furieuse de cette intrusion passait d’une patte à l’autre prête à attaquer, les mâchoires ouvertes sur des dents acérées. Soudain l’une des têtes passa à l’attaque, la puissante mâchoire prête à saisir Ash mais l’épée fut plus rapide et une première tête tomba, tandis qu’une deuxième attaquait le dos du guerrier. Elle fut violemment détournée de sa victime par une flèche plantée en pleine gueule.
Un grincement retenti et une stalactite chauffée à blanc par la magie du feu tomba pour venir s’enfoncer dans le cou vide de tête de l’hydre empêchant ainsi les 2 autres têtes de pousser. Le monstre hurla de douleur et Ash se recula pour se mettre hors de portée.

Le monstre tournait sur lui-même comme pour retrouver un équilibre perdu puis avança vers Ash qui respirait profondément pour retrouver la concentration nécessaire à son combat aveugle. La manœuvre imaginée par la petite équipe ayant été efficace, ils la reproduisirent. Et une deuxième puis une troisième tête tombèrent.

La fureur de l’hydre était à son comble et elle s’élança vers Ash pour l’écraser sous son énorme corps sombre et écailleux. Celui-ci effectua un roulé boulé et l’évita, il se releva vif comme l’éclair et sectionna une nouvelle tête. Le mage fit chuter 2 nouvelles stalactites qui se plantèrent malencontreusement dans le dos de la bête. Le sifflement d’une, puis de deux flèches, raisonna sous la voute rocheuse. Elles s’enflammèrent sur un mot de puissance du mage et s’enfoncèrent dans le cou étêté.

Ash s’était reculé, le souffle court et tournait maintenant lentement autour du monstre qui râlait de douleur, ruisselant d’un sang rouge et épais. Une odeur acre de chair brulée rendait l’air de moins en moins respirable mais le monstre était affaibli et Ash avait retrouvé son souffle.
Cette fois c’est lui qui eut l’initiative de l’assaut et il trancha férocement les têtes restantes ne laissant que cous sanglants où venaient se planter, à une folle cadence, les flèches de Vado enflammées par le mage.
La dernière tête vint enfin rouler aux pieds d’Ash. L’hydre était morte et ils étaient vivants.

L’ordre n’accorda le titre d’élu à aucun d’entre eux car il ne fut pas possible de dire lequel des trois l’avait mérité.

Lorsqu’ils rentrèrent chez eux certains crurent voir au fond de leurs regards un petit surcroit d’âme comme on en décèle quelques fois chez les êtres d’exception.

Ash et Vado étaient de retour depuis trois semaines quand cette nouvelle migration fut décidée. Ils en étaient heureux car ceci était leur vie.
Tout était prêt et Harvernel donna l’ordre de départ.
Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son

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