Chroniques de l'Antioche

Ici sont chroniquées les histoires des Etats et de leurs dirigeants

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Xodia
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Chroniques de l'Antioche

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Première Partie

« Fêlures, éclosion, piaillements, envol. »


51 Volcan 3730 - Clinique Léviathanique - Volcano

Maîtres mages, généticiens, biologistes et chercheurs de tous bords, toute la fine équipe assemblée par le Léviathan s'affairait. Dans leurs yeux, l'autosatisfaction dansait, avec une passion un peu folle. Ils étaient sur le point de voir éclore le premier-né des miracles issus de leur labeur.
Des dizaines de câbles convergeaient vers cette hypnotisante bulle émeraude qui flottait au centre de la pièce. Certains se contentaient de laisser voguer négligemment leur électrode dans le fluide alors que d'autres venaient s'apposer sur la peau de cette jeune femme, à demi-consciente, dont le corps nageait, prisonnier de cette singulière matière. Régulièrement, de fins éclairs de mana barraient le globe d'une lueur lilas.

« Fluide biomanatique opérationnel, on lance la catalyse. »

Les corps se crispent, les mouvements se font fébriles. La foudre manatique irise l'orbe dans un rythme de plus en plus effréné. Le fluide se mit à luire avec une intensité croissante pour finir par s'apparenter à de l'énergie pure. Les souffles se bloquent. Les yeux se brûlent, fixés sur l'aveuglant halo.
La chair du sujet semblait fondre et venir couler, face à elle, dans un moule invisible. En quelques minutes, un corps parfaitement identique à celui de la Reine s'était constitué. Le seul bémol à cette symétrie était la chevelure du clone. Blanche et fine, comme déjà usée par le temps, elle semblait d'une fragilité extrême.
À mesure que le fluide regagnait sa teinte émeraude, son éclat perdait en agressivité.

« Mitose extra-corporelle effectuée. Ouverture de la connexion psychique. »

Les paupières de Xodia s'ouvrirent brutalement, sur un regard hagard. Le sien ? Argh ! Son double quitta sa position fœtale pour appuyer ses doigts sur ses tempes en grimaçant. Sa douleur poignait dans le crâne de la Reine, tandis qu'images et sensations plus ou moins définissables traversaient les âmes jumelles à une vitesse fulgurante. La femme aux cheveux blancs semblait très affectée par cette violente intrusion dans son esprit mais, à mesure que les minutes passèrent, elle cessa de se débattre et les grimaces douloureuse devinrent de plus en plus contenues.

Puis tout s'apaisa. Le clone regarda Xodia avec une expression proche de l'exaltation.

Peut-être allait-il falloir songer à mettre pied à terre à présent. Non pas que la traversée fut désagréable mais... Ah, si, un peu.
Cela ne devrait pas être trop long. Les deux femmes sentaient à présent l'étrange matière perdre en consistance. Elle paraissait fondre et une flaque verdâtre se constituait en-dessous.
Le clone tenta un mouvement ample des bras, vers l'arrière. Cela lui permit de se rapprocher du fond de leur bulle. Elle le répéta, et son pied émergea. Aussitôt, elle fut comme happée par le sol et put s'écarter de sa prison. Xodia l'imita, subissant le même rappel à la gravité.

Des serviteurs se pressèrent de venir envelopper les deux sujets de serviettes tièdes tandis que chez les blouses blanches, éclatait la jubilation.

« Il va falloir toute une batterie de tests, on les échelonnera sur une semaine, d'abord. Ensuite on avisera. Attendez, voyons déjà ce que cela donne à vue de nez, et puis compar... »

La main du clone s'abattit violemment. Cet imbécile allait arracher le linge qui enserrait son jeune corps.

« Non. Nous retournons immédiatement sur l'Antioche. Au moindre nouvel agissement ou propos aliénant, ce sera l'incident diplomatique aggravé et, croyez-moi, vous et vos collègues pourrez dire adieu à vos ambitions. Le projet tout entier s'écroulera, votre petite personne avec. Je ne tolérerai qu'un examen médical hebdomadaire. Pour toute demande ultérieure, vous pourrez nous contacter par missive privée, adressée à la Reine. »

Elle se saisit fermement du poignet de Xodia et l'entraîna vers la sortie. Le Capitaine Kaïen les attendait, aux commandes du croiseur royal.
La Reine restait muette, encore sous le choc. Ce qui devait être une expérience exceptionnellement plaisante s'était transformé en offense et, à présent, elle sentait se profiler quelque chose d'effectivement plaisant, et excitant. Elle sentit qu'elles décollaient.
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Deuxième Partie

« Horizon. »


58 Desertan 3730 - Suite Royale - Antioche

Le corps de Xodia s'agitait dans l'immense lit à baldaquin. L'ensemble des froissements, des légers chocs et des craquements qui en résultaient se mêlait au martellement de l'intense averse qui frappait les vitres de la suite royale pour laisser courir dans la pièce une rumeur chargée de reproches et d'inquiétudes. Quoique, la pluie n'y participait peut-être pas. Ça ne lui ressemblait pas.
Un visage identique à celui de la Reine tourna un regard pensif vers l'extérieur. La veilleuse hocha négativement la tête, semant la panique parmi sa chevelure désordonnée.
Non, pas la pluie.

Assise en tailleur sur un fauteuil ouvragé, elle posa un regard grave sur l'étrange petit appareil qui flottait au-dessus du bureau de la monarque. L'objet n'était composé que de deux éléments : une baguette de bois dans laquelle on pouvait voir une fine fente avec, au-dessus, un microphone d'un matériau et d'une largeur identiques.
« Messieurs les Grands Conseillers,

Regardez-vous parfois la pluie ?
Parfois elle tombe comme une caresse, enveloppant les ouvrages terrestres de fines perles, pour donner de l'éclat à l'aurore elle-même. Elle peut amener fraîcheur ou exaspération lorsqu'elle est juste là, juste elle, sans être délicate rosée ni déluge. Car oui, parfois elle s'abat, avec une telle véhémence que le ciel, l'air et la terre semblent alors ne former qu'un. Dans sa colère elle unit alors tout, laissant ensuite la place au règne d'un silence de soulagement et de prudence. La terre que l'on pense alors uniquement molestée vient au contraire de recevoir les moyens de prendre un nouveau départ.
La pluie crée, modèle et éteint la vie selon son bon plaisir, les pressions, et la température du sol. Chaque goutte apporte dans son voyage un fragment de l'esprit d'en-haut, elle roule dans l'air, s'unit à ce qui est, là où elle passe, sans jamais se confondre. Messieurs les Grands Conseillers, je veux pleuvoir.
Je veux voir le monde et sentir ses effluves. Je veux le ressentir dans mon âme. Je veux la violence, l'innocence, l'ambition, l'affection, l'apathie, la rancune, les rires, la haine, la passion... Je veux regarder l'agitation de ces flots, les encourager dans leurs danses tant qu'ils abreuvent et nourrissent. L'écume et la beauté de l'entrecroisement des vagues, sans raz-de-marée. »


La singulière oratrice s'interrompit quelques secondes dans son monologue, songeuse. Qu'avait-elle omis? Son regard se raffermit et elle reprit :
« Je crois qu'il conviendrait également de me présenter. Je me suis baptisée Nelcith. Ce nom errait dans le subconscient de Xodia. Je l'ai regardé. Elle se souvenait simplement que « cith » signifait « averse », dans un dialecte dont elle a oublié le nom. Je serai Nelcith.

Je suis née depuis peu mais n'ai jamais connu l'enfance. Le terme de création serait peut-être plus approprié pour évoquer l'origine de mon existence, mais il ne convient pas à ce que je suis.
Le résultat d'une expérience de gémination au moyen de la mana, voilà l'objective réalité. La vie ne m'a pas façonnée. Mes connaissances sont celles de Xodia mais elles sont brutes, et non teintées d'affects comme dans son esprit.
Est-ce pour cela que je perçois ceux qui animent les humains ? Ces émotions, je les caresse et m'en amuse. Elles viennent visiter ma chair sans l'imprégner. J'en découvre de nouvelles de chaque jour, et c'est divertissant de constater à quel point elles sont riches et fluctuantes. Je ne sais pas les reproduire comme eux mais cela me satisfait. Je ne connais que le plaisir que chacune d'entre elles me procure.

J'ai aussi remarqué la ferveur générale pour ce qu'ils appellent la Justice. Pourtant, l'objectivité n'est possible pour aucun de leurs semblables, c'est une évidence. Aucune de leurs opinions n'est totalement vierge d'un ressenti lié au pétrissage réalisé par leurs années d'existence, d'échanges, d'expériences, d'affections.
Si vous souhaitez cette Justice, je me permets d'avancer que vous aurez besoin de mon aide.

J'attends avec un intérêt curieux l'annonce de vos choix dans le cadre de cette vague de recrutement du Grand Conseil. Ceux-ci révèleront avec une telle véracité vos intentions pour cette Galaxie que je ne pourrai qu'en apprécier la saveur et l'éventuelle ironie.

Nelcith. »
« Impression. Un exemplaire. »

La partie inférieure de la machine à laquelle elle s'était adressée se posa délicatement sur le meuble. Une feuille de papier plus longue que le format standard s'en délogea, parée du discours de Nelcith. Elle sortit et fit appeler le suivant le plus fidèle de la Reine d'Antioche afin qu'il porte la précieuse missive à la Tour Blanche.
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Lorsque le serviteur, après un hochement de tête, s'en alla, Nelcith sut que son double s'était éveillé. À mesure que ses pas la reconduisaient vers la suite, les mots paniqués, inquiets et furibonds venaient frapper contre son crâne.
En ouvrant la porte, elle se baissa pour éviter de se prendre de plein fouet l'oreiller de la Reine.

« NEL' ! Non mais qu'est-ce qu'il t'a pris ?!
— Je...


Il était inutile à Xodia de s'exprimer à voix haute. Pourtant, elle en avait besoin. Besoin d'exprimer ses peurs pour les démêler, les aplanir et s'en distancier. Ce n'était qu'en procédant ainsi qu'elle pourrait les regarder avec une relative sérénité. Mais le chahut et la frénésie avec lesquels ses idées émergeaient de son subconscient ne lui permettaient pas ce confort.

Nelcith était jeune, si jeune... Pire : elle venait d'apparaître au monde, et le monde à elle. Ce n'était pas synonyme de fragilité aux yeux de cette nouvelle née, certes. Un bourgeon qui embaumait déjà, certes. Mais, et que savait-elle seulement du Grand Conseil, de cet Univers ? Xodia ne se considérait comme une source d'informations digne de ce nom. Comment cela elles lui suffisaient ? Elle se demandait bien comment l'on pouvait savoirque la connaissance de ce que l'on ignore nous serait inutile. Pas indispensable plutôt ? Et ? C'est du pareil au même !
Ces ondes indisciplinées étaient les frémissement d'une même eau. Celle de la méfiance et l'appréhension d'une Reine envers une poignée d'hommes puissants et mystifiés qui agissaient dans l'ombre. Supposés acteurs décisifs en faveur de la bonne marche de la Galaxie, elle ne les avait jamais vu que s'amuser de et avec la population. Ajoutons à cela ces vieilles rumeurs au sujet de sombres connivences...
Rien, elle ne savait rien de l'échiquier sur lequel elle revendiquait le droit de poser les pieds. Ni du libre-arbitre accordé aux pièces lors de chaque manche.

  « Chut. Calme-toi, s'il te plait. »

Le clone vint s'agenouiller sur le lit, et ses pupilles croisèrent leurs aînées. Xodia était l'unique personne dont elle ne faisait pas que goûter les émotions. Chacune pouvait se plonger totalement dans l'esprit de l'autre, en discerner les moindres nuances et tonalités, presque comme s'il s'était agi, l'espace d'un instant, du sien. Quoi de plus naturel, puisque la Reine était l'essence même de la conception de Nelcith ?
Cette dernière posa délicatement une main sur l'ovale du visage tourmenté, dans un geste presque maternel. La monarque ne serait réceptive à aucune communication classique, dans cet état.
Nelcith prit une lente et profonde inspiration. Puis, les yeux clos expira avec la même gravité.
C'est alors que Xodia se raidit. Une sorte de brume opaque se déversait lentement dans son esprit, emplissant tout l'espace, masquant ce qui résidait, là, avant. Ses pensées n'étaient plus agencées que par un seul et même tracé. Celui d'une architecte sûre d'elle et ambitieuse.

Elle avait été créée dans un but dont elle n'était en aucun cas un élément d'accomplissement. Ce projet, elle le trouvait récréatif ; comme tant d'autres. En aucun cas elle n'en aurait voulu comme fil conducteur de ses desseins, même pour quelques mois.
Non elle en avait un autre, bien plus flamboyant, qui offrait tant de possibilités... Si elle était nommée, et ce même dans le cas où son pouvoir effectif serait bridé à l'extrême, elle ne pourrait que se délecter des divers fumets qui flottent là-haut. Si elle était écartée, elle devrait simplement trouver un nouveau terrain de jeu et de ravissements ou bien... Ou bien peut-être qu'elle s'amuserait encore plus que prévu, il y aurait simplement moins de parties.


À l'évocation par sa jumelle de cette dernière option et alors que l'impérieux brouillard commençait à se dissiper, Xodia ressentit un certain malaise. Elle dut entamer une lente et profonde respiration pour calmer nausée et angoisse.
Nelcith se figurait le tableau qui pourrait alors se peindre avec son active collaboration et sous son regard, comblé par tant de feux. Chaque cellule de son corps s'en régalait. Au final, peu importait la tournure que prendraient les événements, ce serait un délice.
La voix de Xodia s'éleva. Elle s'était brisée sur un nouvel émoi, qui lui apportait un oppressant sentiment d'impuissance.

« Si aujourd'hui tu ne peux qu'éprouver satisfaction et ennui, qu'adviendra-t-il de cet état par la suite ? Rien ne nous dit que tu ne commenceras pas doucement à t'émouvoir. Et l'expérience dans laquelle tu te lances pourrait bien te faire ployer sous les plus désagréables des sentiments. »

Un silence. Nelcith pensive. Curieux qu'elle n'ait jamais songé à cette éventualité.

« Alors je deviendrais moi-même ce qui m'amuse aujourd'hui. Ce serait juste différent. Je pense que mes facultés m'assureraient néanmoins une certaine objectivité... »

Perplexe, Son Altesse s'apprêtait à reprendre la parole, mais Nelcith fut plus rapide.

« Allez, dormons maintenant. »

Sans ajouter un mot, elle plongea sous la couette royale.
Xodia poussa un soupir, toujours préoccupée. À contre-cœur, elle se glissa à son tour dans la couche. La brume revint engloutir son esprit, la guidant vers un sommeil insipide.
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71 Desertan 3730 – Antioche

Le soleil avait coulé derrière l'horizon, et les heures basculé au lendemain. Nelcith s'était assise sur le balcon de la chambre de la Reine. Elle avait glissé ses jambes à travers les montants de granit. Elles ondulaient au rythme imposé par les flots, de même que le bas de cette fine robe blanche qu'elle portait.

Seule la partie est du Palais reposait sur la terre ferme. Les ailes ouest avaient ainsi pu être conçues de façon à être amovibles : on pouvait décider d'émerger ou immerger certains étages à loisir. L'étanchéisation et le système d'aération spécifique se déclenchaient automatiquement. C'était ce qu'il s'était produit une heure plus tôt pour tous les étages inférieurs à la suite royale, lorsqu'ils s'étaient enfoncés dans les eaux.
Car ce soir, en voyant le clair de lune caresser la mer, Nelcith avait voulu se joindre à cette ambiance magnétique.

Le ressac s'en allait courageusement affronter les vagues, vers le large. Mais celles-ci l'engloutissaient, pour ensuite venir frapper le balcon. Elles devenaient elles-mêmes un frêle ressac et répétaient l'inanité antérieure. Étrange. La jeune clone se demandait si c'était les hommes qui avaient été influencés par ce ballet ou si la mer avait pris pitié d'eux et le répétait inlassablement, dans l'espoir qu'ils regardent, et comprennent. Car en voulant balayer les échecs, jamais ils ne cherchaient à s'écarter trop significativement du modèle précédant. C'était consternant, mais elle n'avait pas encore observé d'autre conduite. Elle trouvait décidément plus agréable de regarder les hommes âme par âme. Les saveurs et nuances étaient bien plus riches. Parfois du moins.

« Nel' ! »

La fenêtre s'ouvrit, la jeune femme aux cheveux d'opale fut entraînée au chaud. Elle se laissait faire, telle une poupée de chiffon. Elle n'avait jamais essayé, mais elle appréciait. Donner un pouvoir illusoire à un humain tout en l'observant d'un esprit rieur était amusant. Expérience à réitérer.
Tandis qu'un domestique frictionnait ses jambes avec une serviette elle percevait, pensive, les sermons inquiets de la Reine.

« Tu dois être frigorifiée ! »

Oui, effectivement. Sa chair lui paraissait brûler dans la tiédeur de la pièce, à présent. C'était surprenant, et magnifique. Elle aimait les ressentis extrêmes auxquels ses sens pouvaient la faire goûter. Indemne de tout sentiment, elle pouvait ainsi éprouver des sensations qui n'appartenaient qu'à son propre corps.

« Ça me fait du mal de te voir aussi détachée et inconsciente, tu sais. Prends un peu plus soin de toi, je t'en prie ! »

Il n'y avait pas que la mer, n'est-ce pas ?

« La lune est un peu sotte.

— Hein ? Qu'est-ce que tu... Peu importe ! Pourquoi me fermes-tu totalement ton esprit ce soir ? Écoute, je sais que c'est difficile mais...


— Elle ne brille que lorsque le soleil daigne lui céder un peu de sa lumière...


— Oui, oui… Je suis là moi, tu sais ?


— Son existence aux yeux du monde, elle ne la doit qu'à cette part de l'autre qu'elle reflète, et à cette planète autour de laquelle elle gravite, inexorablement.


— Nel', s'il te plait prête un peu attention à ce que je te raconte ! Je crois savoir que tu attendais beaucoup de ces nominations, mais...


— D'ailleurs dire qu'elle gravite autour de quoi que ce soit me paraît erroné. C'est l'autre qui crée cette gravité, lui qui décide du cycle. C'est la présence d'un autre astre qui détermine la splendeur de l'éclat de ce simple satellite.


— Alors ça, il y a bien longtemps que je ne m'en soucie plus. Aucune importance. En tout cas, tu devrais...


— Au lieu de n'être que cet astre-miroir, qui n'a de place et de trajectoire qu'en fonction d'autrui, peut-être devrait-elle tenter de devenir elle-même étoile.


— NELCITH ! J'essaye de te parler de ce que tu vas devenir !


— Je te retourne cette remarque, ma sœur. »


La souveraine était on ne peut plus troublée. Par le terme affectueux comme par la compréhension de ces paroles qui, il y a quelques secondes, étaient vides de tout sens.

« Je, je suis... Je sais. Mais, et toi ? Ça ira ? Tu sais, tu pourrais continuer à prendre le relais en tant que chef d'État, comme nous l'avions fait pour la réunion du Leviathan. Cela t'amuserait déjà un peu, non ? »

La Reine afficha un sourire un peu triste, et Nelcith se délectait. Xodia avait parfois le cœur si chaud. Un cœur dont la moindre phrase ou attitude pouvait gouverner les battements. Un instrument dont n'importe qui pouvait extirper des sons inattendus, mais dont un fin mélomane savait déguster la réactivité et la palette de résonances. Le clone ne se lassait pas de jouer avec. Les mélodies produites étaient si pures...

« Leister doit toujours venir nous rendre visite, il n'a pas changé d'avis depuis sa nomination. Voilà déjà de quoi me divertir pleinement sur le très court terme. Du reste, j'accepte ta proposition, avec reconnaissance. Je te remercie, ma sœur. »

Le bonheur et le soulagement. C'était doux. Les jumelles s'endormirent. L'une apaisée, l'autre bercée par la saveur de cette quiétude.
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Xodia
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Re: Chroniques de l'Antioche

Message par Xodia »

Quelque chose, en bas, attire l’œil. Ça vient d'entre les vagues. Curiosité éveillée. Approchons-nous.

« Affleurement du passé. »
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Nelcith
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Re: Chroniques de l'Antioche

Message par Nelcith »

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Le récit qui va suivre contient des éléments violents pouvant heurter la sensibilité des plus jeunes.
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« Les affres sont des courants d'air chaud. »

Un cri. Un cri cassé, inhumain. De ceux que poussent les corps qui ne savent plus trop ce qu'ils sont. Ceux qui ne sont plus que douleur, et terreur, qui se débattent, trémulent et gémissent, qui frappent tout ce qu'ils peuvent, y compris eux-même.
Pour que tout cela cesse, probablement.

L'entêtante odeur métallique emplissait la pièce. Forte et pesante, tant le sang avait coulé, ici. Cela suscitait toujours un effroi relativement intense à ses « invités », avant même que les choses aient réellement commencé...
La dague argentée se promenait lentement sur le corps, encore hésitante, coupant superficiellement la peau du corps dément, sur un trajet aléatoire. Des lambeaux de chairs manquaient en plusieurs endroits. Un téton ici, une oreille là, un ongle là-bas, n'étaient plus qu'un creux sanguinolent. Elle s'arrêta sur l'index.
D'un coup sec, la pulpe du doigt fut arrachée jusqu'à l'os, provoquant une nouvelle secousse, aussi violente que possible. La mâchoire s'était déployée au maximum, dans un appel qui dépassait ce qu'un son pût figurer. Ses yeux exorbités, n'étaient, à l'évidence, plus à même de distinguer quoi que ce soit. Plus aucun de ses sens ne parvenait à percevoir autre chose que le supplice. Il envahissait tout, s'alimentant de sa propre existence, pour s'accroître sans même que la lame revienne.

Mais ce n'est pas sur la carcasse torturée que l'attention de Nelcith s'attardait. La souffrance physique, elle ne savait la palper, pas plus que la manier. Du moins, pas sans quelques aides extérieures.
Son regard vira vers son voisin. Lui aussi était fermement maintenu contre la paroi par chaînes et sangles.
À la vue des iris glacées, l'épouvante du prisonnier enfla encore. Le clone pouvait en examiner tous les contours... Si forts, si lourds, si tranchants, pétrifiants et...

« Pitié... »

Un sourcil se leva, de surprise, sous les cheveux d'opale. Elle laissa échapper un ricanement atone.

« Pitié, hein ? As-tu seulement la moindre idée de ce que c'est, enfant ? La pitié, elle n'opère que lorsqu'un humain projette sa propre personne dans l'autre, s'imaginant soumis aux mêmes malheurs. Il se voit, consciemment ou non, dans cette situation, et cela lui est insupportable.
C'est cela, la pitié, garçon. Rien de généreux là-dedans.
Rien de plus qu'une sorte de réflexe de... préservation, de sa propre personne. Une aberration, bien entendu...

Me penses-tu idiote ? »


Le pauvre acculé n'oserait rien répondre. Il ne trouvait aucune logique à ce qu'il subissait. Dans son incompréhension, il craignait que la moindre parole, le moindre acte puisse amener vers lui des horreurs plus grandes encore que ce qui était prévu pour lui. L'imbécile...

« N-n-na-n...N-n-non, Madame.


- Penses-tu que je pourrais trouver en vous quelques similitudes pouvant me rappeler ma propre personne ?

– N... N-n-n-non, Madame. V-vous, vous êtes... »

Mais déjà, Nelcith se retournait vers son autre invité, qui venait apparemment de retrouver la force de s'époumoner. Elle tendit les mains vers son cou. Le carcan métallique la gênait un peu. Hum, elle devrait penser à un autre système, la prochaine fois...
Elle finit tout de même par trouver la palpitation qu'elle cherchait, au niveau du col. Nouveau mutisme de souffrance, lorsque sa lame se planta. Elle tira vers elle, contre la résistance molle qu'opposait le solide vaisseau... résistance bien éphémère.
Un torrent écarlate jaillit et lui aspergea le visage. Elle recula vivement, et s'essuya le visage d'un revers, tandis que s'étendait le tapis sanglant.
Le corps de la victime trémulait, les yeux toujours horrifié, la pâleur extrême de sa figure ayant laissé place, là aussi, à l'écarlate.

La terreur. La terreur du spectateur avait atteint de tels sommets... Elle semblait presque à l'état solide, palpitante... Nelcith jubilait, laissant échapper un rire qui, comble de plaisir, faisait s'accroître encore l'effroi de cette petite âme.
Concentration, concentration... Mémoriser ces sensations, leur constitution exacte... Oh, c'était si simple, si palpable en cet instant... Ces subtilités, elle saurait les reproduire, elle en était certaine. Quelques séances supplémentaires suffiraient.
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Nelcith
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Re: Chroniques de l'Antioche

Message par Nelcith »

56 Galan 3732 - Antioche

Il faisait nuit noire, lorsque la Conseillère de la Reine s'éclipsa du palais. Grâce à la longue cape sombre munie d'un capuchon dont elle s'était vêtue, le seul contraste que l'on pouvait encore percevoir, sourcils froncés, entre sa personne et les ténèbres était provoqué par son mouvement vers les quartiers populaires les plus proches de la demeure royale. Elle chemina ainsi dans des ruelles de plus en plus ténues, jusqu'à s'arrêter devant une bicoque pourtant semblable à toutes celles qu'elle venait de dépasser.

Elle ouvrit la fragile porte de bois sans toquer, et la referma silencieusement derrière elle. Le gamin l'attendait, comme prévu, bien éveillé et paré pour sa mission. Elle l'avait repéré à l'Académie de pilotage. Il semblait transformer tout chasseur en une feuille discrète, volant avec calme, délicatesse et précision. Rares étaient les adultes capables de telles prouesses, et la jeune femme était convaincue qu'aucun d'eux n'aurait accepté de ne toucher aucun mot à la Reine d'une telle tâche.
Nelcith s'avança vers l'adolescent, lui tendant la clé d'un chasseur. Il offrit sa paume, et sursauta lorsque l'objet tomba dans sa main. Fasciné, il semblait ne pas en croire ses yeux et examinait ce précieux sésame sans oser esquisser le moindre mouvement. Le clone dû refermer elle-même les doigts mal-assurés du garçon.

« Tu sais où le trouver, n'est-ce pas ? Rappelle-toi : personne ne doit te voir, personne ne doit te suivre. Personne ne doit même soupçonner ton passage. »

La jeune femme tendit ensuite à l'apprenti pilote d'élite une missive, qu'il glissa avec soin sous sa combinaison d'ébène.

Une fois le garçon parti, Nelcith resta encore quelques minutes dans la masure, le regard perdu dans le foyer de la cheminée. Mais ce n'était pas la danse des flammes qui animaient l’âtre qu'elle voyait. La demoiselle se remémorait le contenu de la précieuse missive, tentant d'imaginer l'impact de chacun de ses termes sur les membres du Grand Conseil.
Messieurs les Grands Conseillers,

Mon nom est Nelcith.
Cela n'est pas la première fois que je vous contacte, mais j'ignore si mon nom est resté dans vos mémoires.
Je vous avais dit messieurs, que je voulais pleuvoir. Je vous avais expliqué ma volonté de pouvoir, comme la pluie, sublimer, molester, éteindre et raviver, unir le monde selon les desseins du ciel, les desseins d'en-haut. C'est vous messieurs, que j'avais ainsi mis sur ce piédestal.

Aujourd'hui, vous voilà chassés de votre Tour, et contraints de vous cacher de ceux qui vont en ont délogés, votre pouvoir tout aussi brisé que l'édifice qui le figurait.

C'est ainsi que le système de Galactica tout entier s'est plongé dans l'aridité. Sous chaque atmosphère, la vie semble suffoquer, et craqueler. Tout n'est plus que sécheresse. Dans les mots, dans les gestes. Et plus une goutte de pluie pour s'abattre, et redonner la vie.

Cependant, le règne du Léviathan, à son tour, chancelle. La résistance, à laquelle l’État dont je participe à la direction s'est désormais joint, s'organise, et les prémices de leur déclin commence à s'entrevoir.
Messieurs, je veux que la vie sur les Cinq puisse à nouveau se développer au rythme de vos pluies, quelle qu'en soit la douceur ou la violence. Ma détermination à participer à ces intempéries n'a pas disparu. Ainsi, malgré que ce pouvoir ait depuis fuit d'entre vos mains, cette missive contient la même demande que la précédente : moi, Nelcith, Conseillère Royale de l'Antioche, je souhaite intégrer le Grand Conseil.

Par ailleurs, je présume que vous n'être pas sans savoir que l'Antioche a longtemps fait partie des rangs du Léviathan. Je ne crois pas utile de vous expliciter en quoi ma collaboration vous sera par conséquent grandement profitable.

Pour finir, j'ajouterai que vous n'avez pas à craindre que mon messager ait été suivi. Le WGS87, vaisseau à bord duquel il a rejoint votre base, n'est autre que le fleuron de la technologie de l'Antioche. Une équipe de physiciens et des plus éminents maîtres mages de notre royaume a été chargée de sa conception. Il est indétectable, peu importe la longueur d'onde utilisée. Ni la vision, ni aucun radar actuellement en circulation n'est en mesure de le repérer. Pas plus qu'aucune technique manatique connue.

J'espère recevoir prochainement une réponse toute aussi discrète de votre part,

Cordialement,
Nelcith, Conseillère de Sa Majesté Xodia.
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Xodia
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Re: Chroniques de l'Antioche

Message par Xodia »

52 Vertan 3732 - Antioche

Xodia avait quitté la salle de contrôle sans un mot.
Les troupes de l'Antioche avaient gonflé progressivement, faisant, au fur et à mesure des mois, gagner à son Royaume une capacité de frappe. De frappe, et de vengeance. Contre ces insolents et insatiables dirigeants. Ces anciens alliés, au sein du défunt Léviathan, qui se plaisaient à humilier constamment, à gorges et canons déployés.
Rires, et déflagrations.

Le nombre de vaisseaux ne payait pas de mine... un millier de gros porteur, moitié moins de cuirassiers, qui fondaient vers l'Antioche...

Palabres pompeuses et hautaines...

Des vaisseaux chargés d'une nuée de mages.

Du sang, des cris, tant de massacres inutiles

Une vague flamboyante en avait déferlé, offrant un linceul de carlingues en fusion à l'ensemble des soldats qu'elle avait envoyé directement en enfer...

Rejet, et déclarations de guerres déloyales et légères... Klyz...

Elle ouvrit la porte de la chambre royale dans un grand fracas.

Jamais, jamais ce prétendu leader n'avait répondu de quoi que ce soit devant le Sénat... Tant de mépris...

Son bras balaya l'ensemble des objets à sa portée. Encriers, plumes, holotransmetteurs, et divers documents volèrent à travers la pièce. Elle les haïssait, elle les haïssait tant...
La haine n'apportait jamais rien de bon, disait-on. Pourtant, elle se souvenait d'un nom... Mais tout ça lui paraissait tellement lointain, à présent.

« Outch! »

Ses doigts s'accrochèrent aux racines de ses cheveux. Elle commençait à en avoir assez de ces céphalées.

« Nel'... »

Un grésillement répondit à son murmure, elle tourna la tête. L'image de la Conseillère royale s'élevait, un peu penchée, d'un appareil malmené.

« Je suis déjà en route, votre Majesté. »

Un nouveau grésillement s'en alla. Il abandonna la pièce à un silence pesant, opaque.
La Reine se laissa tomber sur le matelas.
La peur commençait à lui nouer les entrailles et lui enserrer le torse, mêlée à une sorte d'excitation. Il lui semblait tout à la fois se lancer dans un inconnu angoissant que dans un passé protecteur. Cette ambivalence n'avait rien de très rassurant, elle non plus. La crainte commença alors à se faire de plus en plus envahissante.
Mais avait-t-elle seulement le choix ? Il fallait que cette hécatombe cesse. Ses soldats continueraient-ils seulement de la suivre, si tel n'était pas le cas ? La monarque se mit même à songer, non sans douleur, à ses officiers. Où en étaient leurs egos, à eux ? Hormis Kaien, chacun d'entre eux avait servit l'Antioche avant son règne. Pas une victoire, depuis ce jour. Sauf si l'on comptait ce tournoi organisé par Ellassar, évidemment. Elle en sourit de dépit. Les larmes, elles, ne venaient pas.
Cette détermination froide et âpre semblait les sécher avant même leur naissance.
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Xodia
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Re: Chroniques de l'Antioche

Message par Xodia »

La Reine n'esquissa pas le moindre mouvement lorsque la porte s'ouvrit sur une ombre verte.
Elle entendit Nelcith se défaire de sa cape et s'approcher. Elle la vit s'asseoir près d'elle, sur la couette de plumes.

« Xodie... »

Tout s'estompa alors. Ne restaient plus que les questions, vierges de tout émoi. Mais Xodia n'aurai pas besoin de les exprimer à voix haute.

« Théran Azarh a été banni de Galactica, Vertana et Volcano, votre Altesse. Pour ce qui est de sa localisation actuelle, des murmures évoquent l'Orilla. Si cela était avéré, Madame, je pense que la naissance de ces chuchotements l'aurait enjoué à quitter ce territoire immédiatement. Leur seule existence lui interdit d'ailleurs de s'y rendre, si tel n'était pas le cas.
Les terres ne serait-ce que gouvernées sont à exclure, à mon sens. Des risques inutiles. Je vais lancer des ordres de recherches sur les terres désertées d'Aquablue et de Désertica, Votre Altesse.


- N'est-il pas plus aisé à un homme d'en repérer des centaines à sa recherche que cette centaine de le trouver ? Il est question d'un ancien Archimage, pas d'un vulgaire bandit en fuite... Même avec les WGS87, nous...

- Croyez-vous que je n'en ai pas conscience ? Bien sûr qu'il repérera et identifiera rapidement nos Hommes. C'est le but de la manœuvre. Que lui reste-t-il, à présent, de ses plus anciens alliés ? Parmi les États amis ne l'ayant jamais trahi, il ne reste que l'Ean Feria, le Yorinia... et l'Antioche. Si aucun d'eux n'a pour le moment cherché à le retrouver, je mise sur le fait que cette recherche l'interroge, et qu'il rentre directement en contact avec nous...

- En sachant que mon bras droit siège au Grand Conseil ?

-... S'il en a connaissance et voit les choses sous cet angle, peut-être que ces recherches l'inciteront à se tourner rapidement vers l'Ean ou le Yorinia, enfin d'assurer sa sécurité. Nous tournerons alors nos recherches vers là... De façon plus subtile. Il y a plusieurs tournures possibles, mais toute vous conduirons à le retrouver.

- Tous deux font partie du Nùr Jàhan... Si Théran Azhar les rejoignait... »

La main blême du clone se posa sur l'avant-bras de Xodia, l'amenant doucement vers une sérénité totale. Son corps se délia, et le sommeil la gagna.
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