Le Pardon

Ici sont chroniquées les histoires des Etats et de leurs dirigeants

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Dox
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Le Pardon

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  • Il existe en ce bas monde, deux types de mages. Le gardien et le porteur. Car quoi que l'Histoire eut retenue des années écoulées, seules les sphères nous ont jamais extirpés de la monotonie. Nos êtres sont vides et livides, rien n'est plus vrai que la magie, et pourtant les temps demeurent aux sciences et aux arts. Bâtie sur nos cinq éléments, notre évolution a évincé des mythologies entières pour imprimer sur le passé cet aspect désuet des réalités. Aucune science fataliste ne saurait expliquer les règles prêchées par l'archimage Terluan, pour réchapper à l'inévitable Voile. Et pourtant, c'est sur ces sciences artificielles que se construisent les sens de nos officiers. Qu'en est-il devenu de ces temps immémorés où la guerre se faisait avec des idées ? En deçà de la matière vit la vie, au-delà des frontières s'étendent les vérités. Et pourtant c'est à coup de nucléaire et laser que la guerre s'opère. A quoi bon ruiner les populations si par delà les opinions nulle voix ne se lève pour taire les pogroms. Car si nulle trêve ne tut l’absoluité de l'Homme, il est des magies qui surent, bien qu'éphémères, imager cette volonté de stimuler par la paix.

    Un gardien de sphère. C'est celui qui protège la galaxie du chant des ombres.
    Le porteur, c'est celui qui tient la sphère jusqu'à ce que son pouvoir le submerge et l'oblige à la céder. La céder à qui ? Il n'est malheureusement plus question de volonté lorsque l'impuissance vous rend victime. Et c'est ainsi qu'est devenue la galaxie depuis qu'ils s'en sont allés, les deux derniers gardiens. Ceux qui fièrement protégeaient en leur sein les cinq matrices créatrices de notre univers malade. Un jour, elles finiront entre de mauvaises mains et l'Ékélia, ou pire le Shadowsong, ou bien une nouvelle énigme du Voile, viendront sonner le glas des civilisations.

    Cette histoire, c'est celle du Concile Débonnaire. Une idée, un précepte, où agir dans l'inaction, consolidait les bases de la notoriété au mépris des bienfaits biaisés prônés par nos guerriers.
    Cette histoire c'est celle d'une paix surréaliste entre le feu et la plante, entre la lave et le bois. Qui au devant de leurs essences ne s'exprimaient que d'une seule voix.

    Alhiam, gardien de la sphère de Bois. Image d'un autre univers de l'ex-archimage Théran Azhar, dirigeant du Dox Corp, Nécrolia, Inerthis, Takalane puis Exitium. Banni d'Aquablue, Volcano, Vertana puis Galactica.
    Drim, gardien de la sphère de Feu. Image d'un autre univers de l'ex-archimage Laenelys ès Isael, dirigeante de l'Endymion, Mikanésia, Aegémonia puis Aetherys. Bannie d'Aquablue, Vertana, Galactica, puis Volcano.

    Deux Grands Conseillers. Qui de par les cieux, la civilité, prônaient. À une époque où l'Ean Feria et l'Uhmel Ayin bâtissaient l'inimaginé, sans jamais l'utiliser pour tuer.

    Mais les ténèbres qui sur le treizième univers régnaient, eurent raison de leur volonté.
    Cette scène retracera leurs derniers souffles. Leurs ultimes songes.
Ouzine Lullazhar, Président élu des Euliadoux.

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Atéléïde
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Re: Le Pardon

Message par Atéléïde »

Dans le labyrinthe aride des dunes Deserticanes, des traces de pas déjà disparaissent.
Chaque grain de sable fin, qui jonche la croûte de ce monde ingrat, danse tendrement un balai naturel.

Au bout de la piste, un homme vêtu de blanc.
Sa longue cape traîne presque au sol, seulement occasionnellement forcés en l'air par la douce brise de la soirée. Sous la capuche qui recouvre son visage d'un voile de pénombre, des yeux trop âgés, silencieux, un peu vide. Ils sont rivés sur la porte d'une veille battisse aux airs abandonnées.

Ses pas reprennent et il atteint le palier. Sa main se tend, ridée, aux veines apparentes, ses ongles longs comme des griffes, tous signes que ce corps a depuis longtemps déjà dépassé l'heure de son expiration, maintenu par un pouvoir chaotique qui prend forme entre le bien et le mal, entre la vie et la mort, entre l'idée et le réel.

La porte s'ouvre sans qu'il n'ait besoin de la toucher.

Il fait sombre, aucune lumière ne pénètre dans la pièce malgré la porte grande ouverte.

Le vieil homme, de nouveau, se meut et passe le pas de la porte. A peine l'eut-il franchit que la porte se refermait déjà.

-- Sal'em

Un feu resplendissant surgit du foyer de la cheminée, illuminant l'intérieur autrefois masqué d'une demeure luxurieuse, comme un grand salon.

Quatre murs de pierre entouraient la pièce. A droite, l’âtre brûlant servait comme seule source de lumière. Devant, une table basse et deux fauteuils étalaient leur apparent confort aussi irrésistiblement qu'un chant de sirène aux oreilles des marins. Un petit bar, sous la forme d'une commode sculptée, se tenait à disposition dans le coin près d'un des fauteuils et quelques verres, disposés sur le plateau supérieur semblaient demander à ce qu'on assouvisse sa soif, cadeau bienvenu après l'aride traversée d'un désert.

Le reste des murs étaient couvert de livres anciens, trop anciens, des livres perdues pour la plupart dont la seule édition reposait ici, conservée comme si le temps n'avait pas d'emprise sur eux dans l'enceinte de la curieuse demeure.

Le vieil homme s'était assis au creux d'un des fauteuils. Sa capuche était désormais rabattue, laissant sa longue chevelure blanche nacrée couler le long de son cou, se mélanger à sa barbe pour enfin disparaître comme une rivière à sa source.

Il regardait la porte, comme s'il attendait l'arrivée d'un invité qu'il ne connaissait que trop bien.
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Dox
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Re: Le Pardon

Message par Dox »

    • — On peut y aller ?
      — Allez-y Excellence, nous vous renouvelons nos plus plates excuses. Il courba l'échine une nouvelle fois, peinant à ravaler ce mélange de honte et colère.
      — N'en parlons plus. Bonne soirée à vous et vos hommes.
    Plus le temps passait, plus sa patience s'était effritée. Cet univers n'était pas le sien et il se montrait de plus en plus clair, exprimant chaque jour plus fort qu'il n'y avait en ce bas monde, nulle place pour Alhiam.

    A la sortie d'une de ces nombreuses visites à la Corporation, son empreinte génétique avait de nouveau déclenché une alerte. Une alerte selon toute vraisemblance commune, sans grand vacarme, ni le moindre protocole d'évacuation d'activé. Mais une alerte où chacun des membres de l'Escouade Verte de l'arbre de Vie, sondait les dédales de son esprit. Car si les apparitions de Théran à la Corporation n'était pas un sujet très répandu parmi les médias de masse ; l’œil du mal ayant pour le commun des mortels un nom plus grand et fédérateur : Voile. Les officiers et seconds des Grands Conseillers savaient ; aucun d'entre-eux n'avait oublié les Vizards, aucun d'entre-eux n'avait pris à la légère les avertissements de Terluan. Aussi rares, qu'intenses ; ce fut pour trois quart des grands conseillers actuels, leur seule entrevue avec le divin.

    Mais Alhiam n'avait rien à voir avec son image. Et dés lors que ces protocoles futiles, car s'il s'avérait un jour qu'ils eurent effectivement détectés Théran il serait sans nul doute déjà trop tard, s'activaient sur son passage il sentait une viscérale colère obscurcir ce qui lui restait de jugement.
    La Corporation finalement derrière lui, il monte à bord d'un transport civile. Escorte diplomatique, places en salon Monarque, seul. C'était la nouvelle rengaine de l'ancien Grand Conseiller et régent d'Uhmel Ayin. Finies les flottes inimaginables nées en quelques semaines, finies les pluies de missiles nucléaires, finies les soirées à s'exercer à la magie dans cet univers où la donnée Voile catalyse la moindre réaction. Fini le Concile Débonnaire et ses idéaux ; aujourd'hui la galaxie tremblait au mot Léviathan, demain Nùr Jàhan ; les dominants incarnaient le mal de nouveau et les états pacifiés poursuivaient des lubies aussi folles, que l'avarice de leur régent est grande.

    Mais s'il fut un trait de caractère qu'il eut en commun avec son image, c'est son impatience. Au bord de la névrose, lors de ces instants fatidiques où l'inaction est mère de sagesse, il sentait ces festons violacés venir iniber ses flux de réflexions. L'heure n'était donc plus à la préparation, ni à la méditation, mais bien à l'entrevue. Il sortit son holocomm', le posa sur la table basse devant lui. Avant d'appuyer sur un quelconque bouton, il montra du doigt le service à thé. Deux drones protocolaires s'en emparèrent et se retirèrent. Alhiam ouvrit la main, l'holocomm projeta une interface en trois dimensions, en quelques mouvements fluides des doigts, accélérés par l'habitude, il se mit à ronronner et composer les identifiants de celui de Drim.

    — Dynaste.
    — Grand Conseiller.
    — Que se passe-t-il ? Je pensais vous retrouver au Salon.
    — C'est pour cela que j'appelais. J'ai été retardé à la sortie d'un séminaire aux abords de la Corporation. Je suis en route.
    — Je vois. Toujours ce souci protocolaire ?
    — Toujours. Ils semblaient même plus insistants qu'à l'habitude. Cela n'inaugure rien de bon...
    — Tu sais. Il fut un homme de bien.
    — Qu'importe, nous devrions faire quelque chose...
    — Il n'y a plus rien que nous puissions faire en ce monde.
    — Nous pourrions le localiser, lire en lui et en informer Lord Yu.
    — Tu me rappelles tellement lui parfois... Toujours dans l'action, toujours à croire que tes doigts sont synonymes de pouvoir. Il marqua une pause. Alhiam s'enfonça dans son fauteuil. Drim inspira une longue bouffée de sa pipe. Il la recracha lentement, laissant planer un voile de réflexion et d'élévation de leur discussion. A pas de loup, il reprit. Si souvent je vous ai pourtant vus différents. Si souvent tu restais distant de ses malversations pour servir des dessins plus louables. Et pourtant, seuls vos dessins diffèrent.
    — Crois moi, je fus le premier subjugué par nos similitudes.
    — Elles dépassent tes observations. Il souffla la fumée différemment. Il y avait quelque chose de féerique, de chancelant dans les arcs chaotiques qui dessinaient les courants d'air ambiants. Quand j'étais plus jeune, beaucoup plus jeune. J'ai rencontré Théran. C'était à l'école. Une académie magique sur Volcano. Depuis l'extinction de la lignée des gardiens de la sphère de Feu, le Grand Conseil a pris la responsabilité d'en former un à chaque nouvelle génération. C'est là-bas que j'ai fait mes premiers pas dans cet univers fantastique. Mais il n'était pas l'un de mes camarades, non. Il était professeur. Drim croisa les jambes, ferma les yeux et se replongea dans l'abîme de ses souvenirs. Il ne portait pas ce nom. D'ailleurs nous n'avions jamais eu son nom. J'ai mis le nom Théran Azhar sur ce visage que bien plus tard. A ce moment là il était sage. Il répondait à l'idiotie par la patience. Il respirait la sérénité. Il arrivait en cours, simple, il donnait sa lecture et repartait. Il n'avait de considération pour aucun de nous. Pendant les deux premières années, il n'avait participé à aucun travaux pratique. Il était le seul de nos professeurs dont nous étions incapables de déterminer le niveau ou la portance. Une lecture hebdomadaire et il disparaissait. Lorsque vint la fin de la deuxième année, l'un de nos représentants au conseil d'élévation, nous fit part d'une attitude très étrange. Lors de tout le conseil, il n'eut dit un seul mot. Personne ne demandait au professeur d'histoire ancienne son avis. Il venait, contait ses contes, repartait. Beaucoup commencèrent à rire de lui, à nier son potentiel magique. Je fus tenté, par moment, de leur donner raison. Il ne dégageait rien. Pourtant il avait ce regard en classe, il sondait chacun d'entre-nous, comme pour nous lire, avec le fond de ses yeux noirs. Lorsque vint la troisième année, nous vîmes que M. B, de son nom à l'école, était notre professeur de méditation. A l'époque, c'était probablement le cours auquel nous prêtions le moins d'attention. Nous acceptions de jouer, mais très peu d'entre-nous comprenions l'importance de sa classe. Nous étions ados. Il commença par créer des duos mixtes, nous initiant à la sophrologie. Il rappelait sans cesse des passages de son cours d'Histoire. Il illustrait nos besoins, sans jamais nous parler de ce que nous étions. Et il se refusait la moindre remarque. Il s'était construit un camp d'ennemis. De jeunes ennemis, réputés invincibles et au potentiel infini. Et pourtant il ne daignait même pas y songer. Je me surprenais à avoir peur pour lui, vraiment.
    — Il les laissait vraiment lui manquer de respect sans tressaillir ?
    — C'était plus profond que cela. Même les autres professeurs agissaient comme s'il n'existait pas. On le pensait exclu du monde de la magie. Mais il ne lui fallut qu'un instant pour tous nous remettre à nos places. Une après-midi, trois de mes camarades, parmi les plus virulents l'eurent encerclés et le sommèrent d'accepter un duel. En deux minutes, d'une démonstration de force qui tut le moindre souffle, il révéla son rang. Il avait mis des règles étranges, le duel s'arrêtait à la chute de la première goutte de sang. Jamais, aujourd'hui il ne songerait même à ce genre de précaution. Pourtant cette fois là, il paralysa son ennemi, lui fit verser une goutte de sang, et reprit sa classe. Sans blesser quiconque, sans la moindre once de violence, en minimisant au stricte minimum les effluves de son pouvoir. Un contrôle qui dépasse tout ce que je ne t'ai jamais vu faire mon ami. Il était un grand mage. Il fut même archimage.
    — Le temps où il tétanisait le Grand Conseil avec les renégats Vizards n'est pas si vieux.
    — C'était il y a sept ans.
    — Sept ans seulement. En nous avons tendance à l'excuser tellement, depuis, il n'a fait que recommencer avec le Takalane puis l'Exitium. Cet individu est perdu.
    — Je tiens à te faire part de mon inquiétude. Parfois tu lui ressembles plus qu'il n'y parait.
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Atéléïde
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Re: Le Pardon

Message par Atéléïde »

Une légère pause fut marquée comme pour laisser l'information s'absorber.
Une bouffée de fumée s'envolait de nouveau dans de poétiques volutes.

- Ce n'est pas si simple.
- Et pourtant ça l'est. La ressemblance est frappante, vraiment. Je ne veux pas dire physiquement ni même psychologiquement. Je sonde la flamme qui brûle dans ton âme, prête à te consumer, prête à briser ses chaînes.
- Il n'y a pas de quoi s'inquiéter, je n'ai pas changé. Par ailleurs, je ne connais pas grand monde qui puisse lire en moi comme toi.
- Quoi qu'il en soit, je préférerai finir cette discussion en tête à tête si ça ne te dérange pas. Je n'aime pas trop l'idée d'avoir notre appel aussi facilement traçable. Je ne suis pas certain de pouvoir faire confiance au Grand Conseil ces jours ci.
- Si tu veux, je serai là dans quelques minutes.
- Prends ton temps, sois certain qu'on ne te suive pas. Je sens beaucoup de perturbation dans le voile en ce moment, comme s'il essayait de nous dire quelque chose.
- Je l'ai ressenti aussi, a tout de suite.

Drim inspirait une dernière fois dans le tube de sa pipe pour la poser enfin sur le bord de la table. D'un coup sec il frappa son sceptre contre le sol et le feu dans la cheminée reprit de plus belle, illuminant sa longue chevelure blanche et sa barbe de crin.

Il se leva pour inspecter le bar derrière lui pour n'y trouver aucune liqueur dont il aurait apprécié le goût à cet instant.
Drim avait quelques minutes avant l'arrivée de son ami. Les nuits avaient été courtes récemment et parsemées de cauchemars. Il s'assoupit un peu dans le confort moelleux des fauteuils du salon.
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Re: Le Pardon

Message par Atéléïde »

Un écran noir devant ses yeux...puis la lumière, pâle, douce, blanche comme la craie.
Dans un premier temps, il n'entend qu'un murmure, un frisson le long du cou.
Puis vint l'absence, son esprit qui s’envole transporté par un courant d'ether.

Au centre de la lumière, une ombre.
Il ne la reconnaît pas et pourtant tout en elle est familier. C'est un corps de femme comme il n'en a jamais vu.
Lui qui n'a pourtant jamais prit plaisir à la vue de la chair, se surprenait à frémir et se perdre dans les formes de la déesse qui se présentait à lui.

Il l'avait toujours connu, au fond de lui. Cette silhouette, il l'avait cherché toute sa vie. Depuis toujours, il savait que dans le coin le plus sombre de son âme gisait cette créature mythique à la fois sombre et lumineuse, yin et yang, détachée de l'emprise du voile, du monde et pourtant prisonnière dans son corps trop étroit pour contenir une telle énergie.

Ses yeux, aux pupilles rouges de la flamme éternelle qui brûlait en lui depuis l’absorption des pouvoirs de la sphère du feu, se faisaient peu à peu à la lumière candide qui l'environnait.
Il distinguait désormais la lueur claire qui protégeait la peau de sa chimère, dépourvue des vêtements des Hommes.

Le murmure s'amplifiait jusqu'à devenir une voix, douce et ferme, comme une obsession. Elle hante les pensées du vieil Archimage, oppressante, écrasant du poids de chacun de ses mots les années d'expérience qui croulaient déjà sous cet assaut incessant.

Il distinguait la jeunesse des traits, la pureté du regard et pourtant il n'y avait aucun doute, ce visage était plus ancien encore que la plus ancienne des étoiles.

Les mots se faisaient distincts, comme s'ils s'apprivoisaient doucement pour se laisser caresser, la douleur s'estompait pour laisser place à une lucidité qu'il n'avait jamais eu auparavant.

- Je sens le temps venir, nos images se meurent. Nos corps se matérialisent déjà dans ces cocons de chair.

Des mots si douloureux parce que privés de sens, des mots que Drim ne comprenait pas. Son esprit frôlait l'état de folie tant cet être de lumière, déesse de son esprit, évoluait dans un stade supérieur de l'existence.

L'image peu à peu disparaissait pour laisser place à la crasse de la réalité qui lui paraissait si fade après ce voyage onirique au sommet même de l'arbre de vie.
De nouveau, le noir écran de ses paupières fermées et la lumière du soleil Desertan, livide, agressive, rude.

La porte lourde, taillée dans un bois massif, s’entrebâillait à ce moment même.
Dernière modification par Atéléïde le 04 oct. 2014, 00:30, modifié 1 fois.
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Dox
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Re: Le Pardon

Message par Dox »

    • — Huit millions d'âmes. As-tu seulement idée, petit élu du Feu. De ce que représentent huit millions d'âmes, déchues ?
    Sa voix serpentait sur les reliefs du petit salon. Extirpé de son douloureux rêve, Drim la reconnu instantanément. L'ancien, habitué aux réveils tumultueux, louait ce moment où la douce réalité efface les nuits mortuaires et prémonitoires. Mais jamais il n'avait croisé parmi ces chimères celui qui, par droit de l'avoir fait, saurait le défaire. Quelle ironie lorsque la mort toque depuis l'onirique pour frapper à l'aube de la conscience. Et s'il n'était finalement nulle passage vers l'au-delà qui se faisait en stase ? Et si pour chacun des décès que nous traitions comme indolore et enseveli par les dunes de Morphée, il était en fait un coup de faux porté sur deux pupilles écarquillées ?

    L'ombre de Théran s'extirpait des tourments du voile. Lentement il progressait dans la terne lumière du salon. Les yeux voilés et asymétriques, il était momentanément aveugle. Deux ans, il était resté deux ans dans le noir.
    • — Tu sais, l'ancien. J'ai mis une éternité à comprendre, que notre seule issue était votre mort.

      J'ai appris à vous respecter. J'ai concédé à vous laisser mon trône. Mettre mon existence entre parenthèse en tentant d'apprendre. À certains instants j'ai même senti de l'amour. Il naissait dans les bribes ténébreuses du questionnement. Il tournait lentement les pages de mon propre deuil, caressant avec vous, l'espoir. Vous voir inculquer à Alhiam tout ce que Je vous avais enseigné. Découvrir le grand érudit que vous étiez devenu, troquant la fougue des flammes pour le froid métal. Je vous ai entendus nous consulter, surveiller votre élue, la sentir sans la voir, la frôler sans jamais la toucher.
      Alors je l'ai prise, sous mon aile, j'ai retrouvé ma fille.
      Et j'ai compris. J'étais le seul coupable. Alhiam, toi, aucun d'entre ces pales copies n'étaient capables de m'imposer cette vie.

      C'est dans l'obscurité la plus absolue que j'ai entrevu la vraie lumière.

      Une lumière rouge.
    Il lévitait, en dehors de l'espace, ses vêtements ne bougeaient pas, pourtant autour de lui, les ombres avalaient l'éthérique vie du salon. Dans un glas sinistre, la porte se referma, emmenant avec elle les flammes, la chaleur et cet espèce de timide bienêtre que respirait la pièce. L'ombre à peine distinguable du vieux mage prit place dans un fauteuil qui fut une fois le sien. Une barbe grisonnante teintait malhabilement un sourire carnassier retrouvé, son regard enfoui dans l'obscurité de sa longue bure à capuche se devinait aisément. Les rares traits que l'on entrevoyait, sous le poids des rides étaient pourtant saillants. Nul doute qu'il était de retour, mais plus calme, Drim était encore en vie.

    • — Non je dramatise. Au départ elle était blanche, source d'espoir et de bienveillance. J'ai pris ta jeune élève, sans qu'elle ne sache alors de qui il s'agissait. Je l'ai emmenée en sûreté. Le Voile est indescriptible mon ami. Je crois que cette sûreté, tu la crées, ce que tu marches, tu le dessines et ce que tu vois l'imagines. Il n'y a rien qui ne se révéla pas, un jour, familier.
      J'ai fait voir, à ma fille, les huit millions d'âmes, meurtries par mes réincarnations, qui ont élu domicile dans les méandres de mes souvenirs. Elle a vécu en dix saisons ce qui nous a pris huit ans de haine, à créer.
      Mais je l'ai protégée. Je l'ai emmenée dans des provinces que je pensais avoir égarées à jamais. Des cartes que seules mes doigts connaissaient encore, des souvenirs perdus dans les abysses de ma poitrine.
      J'ai sondé la sagesse. Et j'ai recommencé à apprendre. Comme je t'ai appris. Je t'ai vu, dans ses habitudes, ses réflexes, parfois ses songes, pourtant si jeune. En quelques mois, elle a pris ta place à peine retrouvée. J'ai su pourquoi, ta place j'ai retrouvée : ton image.

      Quelle ironie.
      J'ai moi-même pris la place de la mienne, plaît-il, l'ancien ?

      Écoute, les ténèbres te réclament, échec.
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Re: Le Pardon

Message par Atéléïde »

Dans le confort du transport spécialement affrété pour lui, Alhiam s'était assoupi.
Le trajet n'allait pas durer mais Morphée n'avait daigné ouvrir ses bras pour lui que trop rarement ces derniers temps.
Il était faible, frêle, silencieux... comme si un terrible mal le rongeait de l'intérieur.

________________________

Alhiam s'en était apercu quelques mois auparavant.
Ce fut soudain, sans symptome, fulgurant.

D'abord, ce fut comme une sensation étrange, un chatouillement au fond du ventre. Au fil des jours, le chatouillement devint palpable.
La médecine moderne déploya son arsenal d'examen, batterie de test et toute sorte de machines sans qu'aucun ne décèle rien.
Il se retira dans un lieu tenu secret, dans la forêt vertanienne.
Après plusieurs jours d'introspection, méditation et externalisation de ses énergies magiques, il sortit de son état de transe.

Désormais convaincu de la nature magique du problème, il entreprit la lecture de dizaines de livres anciens, tous traitant des diverses complications liées à l'utilisation de la magie.
C'est dans la grande bibliothèque de Vertana qu'il rencontra Drim. Pour un moment, les deux hommes avaient discuté de leur projets et souvenirs, le passé, le futur... le temps perdu.
Drim lui avait semblé lui aussi vulnérable. Son aura, qu'il avait connu flamboyante, grandiose et majestueuse, était terne, comme en deuil.
Ce dernier s'en alla continuer sa vie, non sans lui laisser un moyen de le contacter, comme au bon vieux temps.

Les lectures d'Alhiam décrivait de nombreux maux mais aucun ne correspondait totalement à ce qu'il ressentait: un fleuve en cru au fond de son âme happant les troncs même les plus anciens, les arrachant du bord en une vrille crissante et les emportant comme de vulgaires fagots.

Il ne fallu que peu de temps pour qu'il contacte Drim à nouveau.
Un rendez vous était fixé.

________________________

Alhiam baissa l'intensité de la lumière de sa cabine.
L'Obscure, comme il appelait son mal, lui avait laissé un de ces rares moments de répits.
Son âme était déchirée, fragmentée par ces mois d'une souffrance indolore, incolore. Un ennemi sans nom, sans visage, sans traitement, sans réponse qu'il combattait par la simple force de sa volonté. Là où milles hommes auraient déjà préféré la fuite de l'ultime sacrifice, il restait droit à la tête de son empire, maitre de son corps et de son esprit.

Alors qu'il s'apprêtait à totalement s'abandonner au creux de son fauteuil, le capitaine annonçait l'entrée en hyper espace.
La sérénité de ce milieu l'apaisait. Il se sentait en sécurité comme nul part ailleurs pourtant... aujourd'hui est différent. Il ne sentait plus rien, ni sérénité, ni danger. Ce mal qui le ronge depuis tant de temps avait complètement cessé son agitation sans disparaitre pour autant comme s'il s'apprêtait à lancer la dernière offensive.

Alhiam rentrouvit doucement les paupières.

Une intense lumière d'argent lui fit fermer les yeux complètement.
Son esprit s'affole, il est prit d'une intense panique qu'il n'a jamais connu auparavant.
Son iris ajuste la focale et son cerveau commence à traduire l'histoire que quelques photons racontent.

Dans la coque du vaisseau, des fissures.
Une onde infernale propage un bruit comme un tambour de guerre.
A chaque vague, la paroi du vaisseau fait des vagues comme un caillou jeté dans une mare.

Soudain, c'est l'éclatement.

Alhiam relève son dos du fauteuil.
Son visage est sévère, transformé par son instinct, à la fois en quête de réponse mais prêt au combat.
Tous ses muscles sont tendus, son mana circule librement.
Il n'a jamais libéré son corps de cette facon auparavant.

Un trou de lumière tient place à l'endroit où quelques secondes auparavant il y avait un morceau de coque et pourtant aucune perte d'oxygène n'est détectable de visu.

Il décerne nettement un objet, non, une main ou plutôt le squelette d'une main passant à travers le puits de lumière.
A sa base, une poussière noire et blanche s’agglutine dans un craquement d'os.
A son sommet, de la chair pousse et bientôt recouvre entièrement ce qui est désormais un bras.
Il s'articule et se tord alors que les ligaments se mettent en place.
Le bras essaye de s'agripper à ce qu'il peut agrandissant le trou de son origine et bientôt une deuxième main apparait pour devenir à son tour un bras.
Un crane qui s'habille de la même facon surgit de l'intensité lumineuse, ses orbites remplient de vide dans la direction d'Alhiam.

Le bruit de la chair et des muscles, des os...

C'est un visage de femme, dessinée.
Une déesse qui descend sur Alhiam.

Un pied touche le planché et bientôt tout le corps sera sorti.
Un corps nu, adolescent.

Sur son visage un sourire.
Elle semble prendre conscience de ce qu'elle est, comme un nouveau né.
Ses yeux se baladent sur son corps et ses mains s'agrippent aux endroits qui dépassent.
Elle semble s'évaluer, vérifier que tout est là.
Des vêtements se forment autour d'elle tout comme elle s'habillait de chair et d'os il y a de cela quelques instants.
Elle cachait ses longs cheveux noirs au fond de sa capuche et fermait les boutons d'une grande cape noire aux détails inconnus.

Alhiam s'était de nouveau assis dans son fauteuil.
Tous ses sens étaient en alerte et pourtant il ne pouvait s'empêcher de se sentir en danger.
Une inexplicable oppression, pis encore que l'Obscure, écrasait sa poitrine et son esprit.

Le regard de la jeune fille parcourait Alhiam.
Il essayait de deviner ses intentions sans réussir à se concentrer une seule seconde.
Il était en peine, difficilement capable de concevoir ce qu'il ressentait lui même.

________________________

Tant d'années que Laenelys patientait au côté de son père...
La lumière, le son, la gravité, toutes les influences de l'univers qui faisait de son corps la marionnette des éléments, elle vivait ce moment attendu comme une délivrance.
Ses sens peu à peu s'édulcore et réclament leur sensibilité.


— Je suis vraiment désolé.

Sa voix résonnait contre les parois du vaisseau, la surprenant au passage.

Le silence du voile l'avait privé du contact des autres. La seule existence des autres lui était difficile à accepter. Enfermée dans un plan de l'existence où exister est déjà un miracle, son esprit tout entier s'était réformée. Elle s'était pliée au courant de la solitude jusqu'à qu'Il vienne la chercher.

— Je suis vraiment désolé mais nous n'avons pas le choix. Je suis venu réclamer une raison d'exister.
Je t'ai observer longtemps, Alhiam. J'ai observé ton être et la plus sombre de tes pensées. J'ai vécu un peu en toi, testé tes limites dans les limites de mon influence ici. J'ai apprit à t'apprécier comme j'aime un père. Tu lui ressemble en tout point, physiquement et au fond de toi.


Alhiam comprit à ce moment là à qui elle faisait référence.


— Théran...

— Je suis vraiment désolé de ce que j'ai à faire et pourtant je viens te libérer. Je te libère de ton mensonge. Je connais tes murmures les plus intimes. J'ai vu tes nuits insomniaques rongées des démons de mon père. Tu as su les combattre, libérer la haine qui sommeil en toi sans que personne ne s'en rende compte mais moi, je l'ai vu. J'ai vu tes envies de carnage, le gout du sang qui parfois affole ton esprit comme une drogue. J'ai vu, dans tes désirs, la mort et l’annihilation.
Accepte la rédemption que je t'offre comme un dernier adieu à ce monde qui te déchire.

N'essaye pas de me fuir, ne gâches pas tes forces dans une bataille que tu ne peux pas gagner. Laisse moi apaiser tes souffrances.

Endors toi, laisse venir ce monstre des abysses, laisse le t'engloutir.

Sombre.
Votez Kaly, la maîtresse des soulis ! :D
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