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L'envol

Publié : 06 janv. 2012, 22:51
par Sergent Kami
Depuis toujours, l’homme est considéré par son opposé comme une brute épaisse aux capacités limitées. La plupart vous diront qu’il n’agit que dans un intérêt purement charnel pour assurer la reproduction de son espèce. Quelques uns tentèrent d’entrevoir ce qu’il cache en lui, ce qu’il est vraiment derrière sa carapace. Tous s’y brûlèrent et se résignèrent.

J’ai échoué.


Les fresques que sa vie avait peintes, ces combats acharnés dont il sortait vainqueur in-extremis et ces idées portées par un espoir sans égal n'étaient rien s’il n’y avait de public à impressionner, de personnes pour le relever lorsqu’il trébuchait. Elles étaient mortes, le laissant à son triste sort. Le masque était tombé.

***

La lune ne pouvait poursuivre son silencieux périple sans être dérangée par les hurlements d’un cœur qui saigne dans une lente agonie. Asphyxié par la douleur, l’esprit devenait défaillant. Dans ses vaines tentatives d’arracher sa promise à la mort, l’homme procréait ajoutant à chaque essai une marche de plus à un escalier d’échecs. Lorsqu’essoufflé, il se lassa de courir après l’impossible, notre homme se retourna pour contempler du haut de sa construction ce qu’il n’avait jamais voulu voir : sa réalité.

Une saison plus tard, une page lourde de souffrance s’était tournée.


Plus tard, encore.



Conseiller ? Conseiller ! Andrew, revenez s’il vous plait.

Je n’ai que faire de vos suppositions, je veux des résultats… et qu’on me laisse seul.


Depuis des lunes, la solitude se révélait être ma meilleure sinon ma seule amie. A chaque fois, que j’en avais l’occasion, je m’isolais dans mes appartements et contemplait selon le moment de la journée, la puissance de l’astre du jour ou la beauté du ballet céleste qui chaque nuit reprenait sa danse sans fin. Et je disparaissais.

Contrairement à la croyance populaire, notre monde n’était pas le seul dans lequel nous évoluions. Entre notre réalité et le voile, il existait une quantité finie de plans d’existence. Invisibles pour le commun des mortels, il s’agissait du terrain de jeu parfait pour moi. Pour comprendre leur fonctionnement, il fallait voir cela comme un calque appliqué à notre réalité.

Lorsque l’on s’échappait vers un plan supérieur, on se retrouvait dans un monde similaire mais estompé dans lequel les constructions, la faune et la flore devenaient moins distincts, de même qu’aux yeux des autochtones, je n’étais guère plus qu’un amas de fumée. Sous cette forme, il m’était alors possible de traverser tout objet ‘solide’ sans mal.

En évoluant vers les plans supérieurs, notre monde disparaissait peu à peu dans les ténèbres laissant lentement sa place à l’autre coté.

Ce qu’il fallait comprendre par là, c’est que le voile n’était pas une barrière totalement hermétique. Pire encore, je ne percevais sa présence qu’au moment où la pression magique était telle que je n’avais d’autre choix que de retourner dans cet espace où une faune et une flore réelle mais généralement impalpable menait sa paisible existence. Bien qu’étant incapable de traverser ce rideau magique, il m’était possible d’y voir au travers. J’en concluais qu’avec suffisamment d’énergie, la possibilité de le franchir n’était pas exclue…

Une autre subtilité régissait ces réalités superposées. Les règles établies de la physique n’y avait plus court et le temps n’existait plus en tant que base universelle. Tout était question d’énergie : l’énergie dépensée à la traversée influait sur la capacité à se mouvoir librement dans un laps de temps toujours plus court dans les plans parallèles. Si bien que le plus fort potentiel énergétique imposait son propre ‘temps’ aux autres.

En un clin d’œil, j’arrivais dans le plan le plus éloigné que j’étais capable de rejoindre. J’étais seul, évidement. Je marchais au milieu de ce qui semblait être une verte prairie balayée par les vents. Mes sens en éveil, je n’avais comme d’habitude rien ressentit d’étrange… hormis une singularité. Une frêle et petite fleur, semblable à une pâquerette, siégeait là audacieuse et fière au milieu de ce néant.

Sentant la fatigue pointer, je réintégrais mes appartements un sourire narquois sur mes lèvres. Ainsi une simple fleur possédait plus d’énergie que moi…

Re: L'envol

Publié : 18 janv. 2012, 01:19
par Sergent Kami
Maître, j’ai peur. Cette nuit, j’ai encore vu cette chose traverser la ville. Croyez-vous que des habitants d’un autre monde puissent venir ici ?

Le maître, une personne d’un âge certain, dévisageait son élève. Pris par ses pensées, ses lèvres bougeaient sans qu’un mot n’en sorte. S’il l’enfant disait vrai alors le problème semblait beaucoup plus important que de simples cauchemars… Cela signifiait que quelqu’un essayait de traverser la frontière interdite.


Je l’ignore mon enfant… Mais il s’agit d’un phénomène extrêmement intéressant. Je souhaite voir cela de plus près. Ce soir, notre réflexion avancera.

***

Vingt-quatre heures que je n’avais repris pied dans ma réalité. Voyager dans les hautes sphères de notre réalité était une façon comme une autre de m’occuper l’esprit, en joignant l’utile à l’agréable. Tel un enfant prenant possession de son nouveau jouet, je parcourais ce monde brumeux et triste à souhait me délectant à chaque instant des merveilles de j’apercevais de l’autre coté. Un pas en avant suffisait pour voir la création d’une ville prospère. Un autre me permit d’observer la construction accélérée d’une épaisse muraille.

Et ce fut ainsi que d’un pas lent, je suivis le chemin qui se traçait dans un avenir trouble sans vraiment savoir où j’allais et ce que j’y trouverais.

Une fleur fanée, piétinée.

Je m’accroupis pour observer de plus près ma défunte singularité, sans pour autant oser l’effleurer. Les flux magiques semblaient différents, inquiétant et surtout à cet instant, tous projetés vers moi.


Tu n’es pas à ta place, voyageur… Retournes d’où tu viens avant qu’ils ne te trouvent.


Ces mots avaient percuté mon esprit à la vitesse de la pensée. Dans un premier temps, je n’y prêtais aucune attention particulière, tant l’engouement provoqué par cette communication réussie était intense. Puis un détail retint mon attention. Ils me cherchaient. Etait-ce le Grand Conseil local ? Cette pensée aussi futile soit-elle m’arrachait un sourire… Qui prit un temps fou à s’estomper… Le temps ralentissait.

Fuis !

Deux yeux flamboyants apparurent à quelques mètres de moi. Des runes inconnues s’illuminaient au sol d’un violet si sombre que cela ne présageait rien de bon pour moi. J’essayais de me jeter en arrière pour esquiver la menace, en vain. Cette chose m’écrasait par sa puissance.

Bien que mon corps ne réponde pas, mon esprit, lui, continuait à fonctionner à plein régime... Si bien que, réduit à l’impuissance, la peur déferlait en moi m’intimant de fuir vers ma réalité.
Je n’eus pas le temps de constater par moi-même l’effet des runes démoniaques car happé par ma propre magie, je dévalais à pleine vitesse les plans inférieurs pour heurter violement le sol au beau milieu d’une capitale Veesniene en proie à un profond sommeil.


Qu’est ce … Monsieur ? Conseiller ? Mais .. que faîtes vous là ?

Ni le garde en faction qui me secourut, ni les autres Conseillers au palais n’eurent de réponse cette nuit là. Encore sous le choc, mon regard se perdait dans l’immensité céleste d’où provenait un inquiétant cri de colère.

Bordel, c’était quoi ce truc ?

Re: L'envol

Publié : 25 janv. 2012, 01:32
par Sergent Kami
Bourg de Faij, à proximité de la frontière nord de l’Etat

Depuis l’annonce des résultats, la fête battait son plein. Le destin semblait avoir sourit à cette insignifiante bourgade qui vivait jusqu’alors dans l’ombre écrasante de la capitale. Le gisement, que l’on croyait asséché depuis des lustres débouchait en réalité sur une réserve incroyablement riche. A un point tel que d’après les experts miniers, il suffisait de se baisser pour récolter le minerai. Une véritable renaissance.

Tous les habitants étaient conviés. Ainsi, alors que les adultes s’enivraient les plus jeunes enfants courraient ici et là, apportant une touche de vie non-négligeable... et innocente.

Secousse. Les visages se tournèrent d’un même mouvement vers la porte sud de la ville, puis les convives reprirent leurs discussions respectives. Encore un dynamitage trop proche de la bourgade… Personne ne remarqua cette étrange rune apparue sous la table.

L’explosion de cette dernière fit voler la table en morceaux. Une fillette vint se loger dans les bras si rassurants de sa mère. L’incendie magique alors imperceptible par la population s’étendait, lentement, pervertissant chaque esprit avant de s’attaquer au prochain. Ce que la magie ne pouvait altérer, elle le brûlait.

Déjà, cette femme à l’instinct maternel pourtant si aigu commençait à défaillir. Peu à peu le mal prenait le contrôle, annihilant méthodiquement chaque parcelle de raison de sa victime. Lorsque que l’overdose fut atteinte, que chaque pore de la peau crachait de cette magie malsaine en rythme avec les battements de son cœur, la mère se leva et agrippa violement son enfant à la gorge. Sans un mot, la femme se précipita vers un mur proche pour y fracasser le crâne du rejeton. Aveuglé par cette force qui les dépassait, les adultes devinrent inconsciemment acteur de ce massacre inhumain. Faij avait succombé.

Au petit matin, on pouvait observer d’étranges flammes pourpres léchant les bâtiments.

***

Dès les premières lueurs du jour, mes appartements furent envahis par une pléthore de conseillers et de jeunes officiers. Les mots fusaient, incompréhensibles de part l’incroyable quantité qui bombardait mes tympans. Les esprits s’échauffaient à une vitesse impressionnante alors que je balayais d’un regard endormi la scène. Ils semblaient tous attendre quelque chose de moi, alors que sous mes draps de soie je me trouvais dans le plus simple appareil. L’intensité sonore de la pièce ne semblait pas décroître. Pire encore, la foule s’amassait autour de mon lit, m’asphyxiant littéralement.


Du calme, du calme, murmurais-je.

Tentant de comprendre ce que je disais, tous se turent. Le calme revenu, je repris sur un ton calme et posé :


Qui peut m’expliquer pourquoi je suis réveillé par mon état-major au complet ?

Amiral ! La situation est… est… catastrophique ! On a perdu Faij !

J’eus la soudaine envie d’éclater de rire alors que mon esprit embrumé essayait de situer la petite bourgade. Je n’avais jamais considéré ce lieu comme une position stratégique car à part une poignée d’habitants, il n’y avait justement rien à défendre. Toutefois face à l’air grave de l’ensemble du cortège, je me ravisais. Je ne pensais pas que le trou-du-cul du monde pouvait avoir une telle valeur sentimentale à leurs yeux. Sous leurs regards insistants, j’esquissais un mouvement d’impatience.

Dîtes-m-en plus. Que s’est-il passé ?

Une attaque Amiral ! La cité brûle !


Avez-vous dépêché une force de secours pour la population ?

Oui, Amiral ! C'est-à-dire que ce n’est pas comme d’habitude … D’après le rapport préliminaire, le feu a prit sur l’ensemble des constructions et il n’a rien de naturel…

Rien de naturel ? Dis-je en haussant un sourcil.

Ce n’est peut-être qu’un détail mais… les flammes ont une couleur violacée.

Ma première réaction fut de froncer les sourcils, durcissant instantanément les traits de mon visage. Il s’agissait à n’en pas douter de magie pure, semblable à celle qui avait failli me couper les ailes durant mon escapade nocturne.

Capitaine. Affrétez nos porteurs et embarquez avec une compagnie de chars.

Une compagnie ? Répéta l’officier surpris par ma décision.

Non, vous avez raison. Emmenez-en deux avec une vingtaine de batteries d’artilleries. Nous ne sommes jamais trop prudents.

L’officier dépassé par ma décision hésita, avant de disparaître. Je fis sortir le reste de la troupe pour m’habiller et m’équiper de mes armes habituelles. Une frappe magique de cette ampleur n’était aussi anodine que cela pouvait en avoir l’air… Je devais aller voir cela de mes propres yeux.


Re: L'envol

Publié : 31 janv. 2012, 01:18
par Sergent Kami
Une heure plus tard, à un kilomètre au sud de Faij

J’écartais le pan de tissu pour pénétrer la tente devenu poste de logiste pour l’occasion. Je n’avais encore eu l’occasion de constater par moi-même les dégâts, m’imposant une phase de briefing avant d’agir. Les bras bien en appuis sur la table de commandement, je regardais fixement la carte de la région. Chaque possible évolution de la situation était envisagée. Avoir subit un tel revers était déjà quelque chose de difficile à avaler, aussi ne pouvais-je en encaisser un autre.

Les capitaines attendaient nerveusement la fin de mon interminable mutisme. Mes yeux analysaient chaque recoin de l’image holographique, se posant un temps sur le groupuscule de char postés aux portes de la bourgade sinistrée puis plus longuement sur la ligne rouge plus au nord symbolisant la frontière avec… l’Empire Platin. L’idée aussi folle que persistante voulant que quelque chose se trame là bas m’effleura l’esprit. Une vérification s’imposait.

Je relevais la tête. Mes capitaines esquissèrent un pas en arrière, parfaitement synchronisé. D’un mouvement de tête, je désignais le plus jeune de mes officiers en présence, qui s’avança en souriant.


Toi ! Jake Haizerald, c’est ça ? Tu seras chargé d’une mission de la plus haute importance. Il s’agit d’un vol de reconnaissance en terre platine. Un rayon de 60 kilomètres autour de Faij sera suffisant. Je veux avoir une vue de tout ce qui paraitrait suspect.

Oulà ! Et avec ça l’Amiral, il veut pas que je lui apporte le café ?

Un rapport détaillé à ton retour suffira, répliquais-je sur un ton neutre.

Capitainte Spomenai ? Je veux que les compagnies de blindés soient débarquées dans les plus brefs délais. Le Capitaine Ajerun prendra le commandement de l’artillerie, le capitaine Bohm coordonnera les opérations avec les forces tactiques. Capitaine Ienove, venez avec moi, je souhaite voir Faij de plus près.

***

La première chose que je ressentis en voyant la bourgade était une impression de déjà vu. Je ne pouvais encore identifier précisément l’origine de ce flux de magie, mais déjà les similitudes avec Ekelia étaient frappantes. Une aura aux combinaisons inconnues et surtout à l’apparition impossible de manière naturelle dans notre dimension. Une attaque difficile à repérer car la frappe était liée à ce qu’il se passait dans les plans supérieurs.

L’opération aurait pu se clore rapidement si de multiples singularités n’avaient pas assaillit mon esprit.


Officier ? Avez-vous relevé la présence de survivants dans les environs ?

Non Amiral. Ils sont tous morts dans l’incendie.


Vos hommes l’ont vérifié ? Insistais-je.

Nous avons retrouvé des corps brulés près de chacune des portes nous prouvant que le feu à intégralement frappé la cité et nos recherches de survivants dans le désert n’ont rien donné.

Et pourtant Faij abritait encore de la vie, je le sentais au plus profond de mon esprit. Je dégainais mon révolver et m’enfonçais seul dans les entrailles de la sinistrée.

Cinq minutes plus tard, le bruit d’une explosion retentit.

***

Depuis l’explosion, nous étions tous sur nerveux. La cité pourtant si calme n’avait pas encore révélé toutes ses horreurs. Que faisait l’Amiral ? Etait-il blessé ? Devions-nous traverser ces flammes surnaturelles pour aller le sauver ? Ces questions revenaient en boucle dans mon esprit alors que ma faible expérience alliée à ma peur me dictait de ne pas bouger.

Ces minutes passées dans l’expectative semblaient interminables et pourtant je savais qu’il allait se passer quelque chose. Il
devait se passer quelque chose.

Qui sait le temps que nous attendîmes en nous jetant mutuellement des regards pour nous rassurer ? Un quart d’heure ? Une heure ? Plus encore ? Alors que je m’apprêtais à arranger mes troupes pour entrer dans Faij, un chef de char m’interpella en désignant une femme qui s’approchait en titubant. Je commençais à louer intérieurement la clairvoyance de l’Amiral. L’espoir emplissait nos cœurs alors que nous nous apprêtions à accueillir la rescapée. Je me permis même un sourire… qui fut de courte durée.

Sans crier gare, la survivante se rua sur un soldat proche et le plaqua au sol. D’un geste, nous la mîmes en joue, lui hurlant de se relever et de faire un pas en arrière. L’autochtone releva la tête dans une expression de pure haine avant de frapper le soldat à terre. Je pressais la gâchette et ma victime s’effondra, prise de spasme… pour mieux se relever.

Un halo bleu enveloppa le corps de la miraculée, qui implosa dans les secondes qui suivirent. L’Amiral était revenu.

***

Trop tard. Je voyais déjà cette même aura qui polluait Faij émaner du soldat encore choqué. Ce dernier sombrait lentement et lorsqu’il choisit de s’encastrer la tête dans un char, je mis fin à ses souffrances en le faisant imploser.

Tous les regards se posèrent alors sur moi. Mon escapade suscitait de nombreuses interrogations surtout après la mort étrange de ces deux personnes. Questions auxquelles je ne pouvais répondre. Tant d’interdits avaient été bravés qu’il ne me restait plus qu’une solution pour étouffer l’affaire… Me détournant de la cité, je saisis mon communicateur.


Capitaine Bohm, faîtes décoller l’escadron de bombardiers et rasez Faij. Il n’y a plus rien à sauver là bas.

Re: L'envol

Publié : 28 févr. 2012, 18:24
par Sergent Kami
La nuit suivante, Appartements du Haut-Conseiller, 01h20

Les ténèbres m’étreignaient à nouveau sans que je ne comprenne la cause de tout cela. Un seul chemin, tracé d’avance, semblait prédominer sur toutes les autres destinations. J’avançais d’un pas hésitant. Un pressentiment envahissait mes pensées. Comme si ce soudain changement de décor n’annonçait rien de plaisant…

Je foulais désormais les rues poussiéreuses d’une Faij embrumée. J’avançais vers la grande place d’un pas lent, tous mes sens en éveil, prêt à tirer sur un ennemi désespérément invisible. A cela s’ajoutait une forme de diaphonie magique causée par la saturation de mon environnement en magie, ce qui limitait fortement mes capacités à percevoir leurs auras...

Une voix familière qui trahissait la peur, puis un cri.

Mon cœur percutait ma cage thoracique en un rythme effréné qui ne cessait de s’accélérer. Oubliant toute forme de méfiance, j’accourais pour voir ma belle agoniser. Les autochtones, devenus monstres d’inhumanité, venaient de la contaminer. Un filet de sang s’écoulait de sa bouche. Je l’essuyais en versant une larme sur son corps inanimé.


Nikkiiiiiiiiiiiiii !

Je me réveillais en sursaut dans mon lit, haletant. Un mauvais rêve… Tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Et pourtant…

Je me levais maladroitement, toujours en proie à ce sommeil pour le moins étrange. Je décidais malgré tout de sortir sur le balcon. Plus qu’une envie passagère, j’avais besoin de prendre l’air.

Accoudé à la balustrade, mon regard se perdait dans l’immensité stellaire alors que la légère brise me sortait lentement de ma torpeur. En de rares occasions, il m’arrivait d’avoir la faiblesse d’hésiter face à un avenir incertain. Depuis mon retour de Faij, j’avais relu avec le plus grand soin chaque rapport pour qu’aucun détail sur l’Empire voisin ne m’échappe, aussi infime soit-il. Ils faisaient état de mouvements de troupes singuliers alors qu’une guerre civile s’annonçait et surtout de la construction de complexes arborant l’emblème de la combination, fait particulièrement étrange sachant que Nikki et moi-même étions les derniers héritiers de ce mouvement…


Nikki, que ferais-tu à ma place … dis-je dans un soupir.

Malgré ma volonté de ne pas en arriver à de telles extrémités, je constatais avec une grande déception que toutes les équations convergeaient vers la même solution. Ethel n’allait certainement pas apprécier, mais à trop jouer avec le Feu, elle ne pouvait que se brûler…

A l’aube, mes compagnies de chars rouleraient au travers des montagnes, de l’autre coté de la frontière.

***

A proximité du poste frontalier – 05h15

Dans le noir le plus total, l’immense colonne de char progressait en direction de l’empire voisin à un rythme réduit pour ne pas attirer l’attention. Enfermé dans le char de commandement, le monstre d’acier le plus large et le plus lourdement blindé de notre arsenal, je suivais l’évolution de la manœuvre via la multitude de radars, d’ordinateurs en tous genres et surtout grâce à l’holo-carte stratégique installée dans la cabine. Grâce à cette dernière, il m’était possible de distribuer mes ordres à l’ensemble de mes troupes tout en observant les mouvements ennemis. Ainsi, tel un roi observant avec satisfaction son domaine, je me tenais en permanence devant l’hologramme actualisé en temps réel, prêt à faire détruire l’éventuelle poche de résistance d’un tir de soutient bien placé.

Au loin, nous pouvions observer les vives lumières émanant du poste braquée vers notre direction. Les évènements récents semblaient rendre les gardes platins nerveux, au point qu’ils redoutaient -à raison- une contre-attaque de notre part.


Tirez la charge EM.

Je n’eus pour seule réponse le bruit assourdissant du canon principal. Une poignée de secondes plus tard, une violente décharge énergétique détruisit l’équipement du poste frontalier, plongeant l’ensemble de la zone dans l’obscurité. Pas un garde n’osa opposer de résistance lorsque nous nous emparâmes de la structure défensive, les faisant prisonniers. Pas un officier platin ne sut cette nuit là qu’une immense colonne de blindés roulait en direction des montagnes, ultime rempart pouvant stopper la folle avancée de mon armée.