Prédateurs

Ici sont chroniquées les histoires des Etats et de leurs dirigeants

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Kossnei
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Prédateurs

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La pâleur d’une lune naissante scintillait avec un rayonnement grandissant auprès de ses comparses étoilées. Le soir avait depuis peu laissé place à la nuit, et les bruyants bureaux ainsi que les habitations paisibles reposaient à présent dans un commun silence et, fort évidemment, une implacable cécité. Il en était qui ne fermaient l’œil, mais ceux-là occupaient leur esprit éveillé par diverses activités abrutissantes et, au final, se mêlaient eux-aussi à la léthargie générale.
Galactica, planète du travail, du chiffre, de l’excellence. Mais Galactica, refuge du labeur, de l’ennui et donc inévitablement des pires déviances, également. Et la nuit chatoyante a beau chasser les soucis et emmener les galacticains dans leurs rêves les plus inouïs, cette traîtresse est aussi messie d’odieuses exactions.
Elle, qui a vu sa mère se faire briser la nuque sans pitié aucune, le sait plus que tout autre. Alors elle court, son insatiable prédateur sur ses talons, et elle pleure, crie à la rue de s’éveiller, à la ville de l’aider ; mais personne ne répond. Alors elle s’engouffre dans une ruelle adjacente à l’avenue principale du 36 425ème arrondissement de Galactica, et se réfugie derrière un tas d’ordures, tremblotante, en sueur. Les larmes continuent de couler sur ses petites joues que la peur et l’effort ont rendues écarlates, elle qui n’a vécu que neuf années, alors que la clarté de la lune se fait plus intense et bientôt révèle, face à la fillette que le désespoir hante, un homme drapé d’une cape verte munie d’un capuchon blanc ; et qui la regarde, attentivement, comme s’il eût toujours été tapi, là, quelque part dans l’ombre, comme s’il avait deviné qu’elle se logerait à cet exact endroit, sans raison particulière, sinon pour échapper à la mort qui la traquait.
Elle a envie de hurler mais son corps ne répond plus. L’homme dépose un index impitoyable à l’exacte équidistance entre les deux commissures des lèvres de la jeune fille, et lui murmure, de sa bouche inexpressive :


« Chhhhut… Tout va bien se passer, tu verras. »

Alors il plonge son regard dans le sien, et il décrypte, comprend, sait les sentiments qui l’habitent. Elle l’implore de ses petits yeux bruns, et lui, jouissant presque des expressions faciales de la fillette, lui enfonce une dague aiguisée dans l’abdomen.

Elle hurle.

Galactica s’éveille, une demi-douzaine d’heures plus tard. Partout aux actualités, on annonce le meurtre de la jeune Mikka, et de sa mère Odée, et Galactica la silencieuse devient Galactica l’affligée, mais cinq minutes plus tard, alors que les esprits encombrés repartent à leurs préoccupations quotidiennes, le Prédateur sort de son antre et devient Investigateur. Une délégation Corporatique pose le pied à terre dans le 36 425ème arrondissement, le Grand Conseiller Vélériane à sa tête, pour une nouvelle fois ne faire que constater l’échec d’une entité en perdition qui peine à faire régner l’ordre à quelques lieux de son enceinte.


« Ah, Excellence, vous venez pour le double homicide ? »

Un homme un peu enveloppé, l’œil jovial, les joues volumineuses, s’approche du groupe de la Corporation de sa démarche hâtivement maladroite.

« Inspecteur Mahom. Je suis Aleseï Vélériane, Grand Conseiller de Galactica, et c’est moi qui suis chargé de cette affaire. J’espère que je ne vous ai pas fait trop patienter, nous sommes débordés à l’heure actuelle. Si c’est le cas, vous m’en voyez désolé. »

Le Conseiller, de son mètre soixante-dix-neuf qu’une cape verte à capuche blanche vient couvrir, observe l’inspecteur d’un regard sans expression, se détachant de temps à autres pour observer ses mains meurtrières aux doigts fins, qu’il s’amuse à déplier et replier, tandis que l’inspecteur lui débite un roman dont, à vrai dire, il n’a cure.

« … et voilà, on l’a retrouvée ici. Je pense qu’il s’agit d’un voyou du coin, et comme je sais que le Grand Conseil a des moyens plus poussés pour le retrouver, je me suis permis de contacter la Corporation. Pensez-vous pouvoir nous aider, Excellence ? »

Vélériane observait le ciel, comme perdu dans ses pensées.

« Quelle pollution… C’est vraiment abominable de vivre dans un tel enfer », pensa-t-il, lui qui avait la peau mate et des yeux bruns qu’un soleil intense changeait en un sublime et singulier vert.
Hébété, l’enquêteur observait ce Conseiller, qui avait appris à n’aimer que lui et lui seul, en pleine mascarade narcissique. Troublé par l’aberrant et inadéquat comportement de l’homme face aux tragiques événements, Mahom insista, la voix ferme :


« Excellence. Pouvez-vous nous aider ? »

Vélériane posa sur lui ses yeux sans expression, et rétorqua d’un ton glacial :

« Je vous ai entendu. Allez, à présent. Je m’occupe de tout. »

L’inspecteur lança un dernier regard inquiet et rageant vers l’homme qui observait à nouveau les environs, puis se retira sans un mot. Toutefois, lorsqu’il eut marché quelque distance, ses lèvres se délièrent, pour lui-même :

« Cinglé… »

« Vous dites ? »


Mahom se stoppa net, et se retourna vers le Conseiller, qui lui tournait le dos à vingt mètres de là, et qui venait de prononcer ces deux mots.

« Pardon ? »

« Ne faites pas l’idiot, Mahom. Je vous demande de répéter ce que vous venez de dire… »


L’inspecteur ressentit une bouffée de chaleur, et commença à avoir des sueurs froides. Il était impossible que Vélériane ait pu l’entendre, alors pourquoi lui demandait-il de répéter ? Mahom opta pour le bluff, et mentit :

« Je n’ai rien dit, Excellence, j’ai simplement soufflé. Vous savez, toute cette affaire, ça me rend ner… »

« Choisissez bien vos mots, Inspecteur, ou je vous envoie dans un de ces lieux où ceux-ci n’ont plus aucun poids. »


Aleseï Vélériane s’était retourné, et observait Mahom de son regard inexpressif mais non moins perçant.
L’homme frémit mais, ne laissant rien paraître, s’entêta :


« Allons, c’est ridicule… Je vous jure, Excellence, que je n’ai absolument rien dit. »

Le Grand Conseiller leva les yeux au ciel, soupira longuement, puis s’approcha de l’inspecteur d’un pas lent. Ce dernier, immobile, tremblait intérieurement.
Lorsque Vélériane arriva à la moitié de la distance qui le séparait de Mahom, une femme apparut à sa gauche qui était vêtue d’une tunique blanche, elle aussi munie d’un couvre-chef similaire. Elle capta l’attention du Conseiller, et sans croiser son regard, déclara d’une voix monocorde :


« Lord Terluan veut vous voir, Conseiller Vélériane. Tenez. »

Elle lui tendit un papier, sur lequel étaient griffonnés deux mots, ou plutôt deux noms.

Raykovith
Katarilis
« Altea seit Ethel. Ton nom ne sera jamais oublié... » - Kami Raykovith
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Kossnei
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Re: Prédateurs

Message par Kossnei »

Idole d’ivoire décomposée, reconstruite, détruite puis renaissante, abri des plus humbles et des plus vils esprits de l’histoire de Galactica, la Tour Blanche est là qui guette et épie, menace et empreint. Oui, empreint tous les hommes et femmes de l’univers d’une indicible et pourtant tellement implacable illusion : celle que le Grand Conseil, ce savant berger, dans son extravagante et prétentieuse puissance, les protège et les mène, ces brebis égarées, vers une chimérique lumière ; et qui pourtant luit d’une plus terne teinte chaque jour.
Qui sait ce qu’il se trame, au plus haut de cette tour ? Est-ce pire, ou même en faveur de ce qu’il se trame en contrebas, loin dans les dédales de couloirs qui en forment les sous-sols ? Ou alors, au contraire, sont-ce ces murs garants d’une quelque métonymique protection ? Qui sait si la force semblant émaner des reflets d’un astre fort sur cette laiteuse bâtisse est euphémistique ou s’il ne s’agit que d’une ubuesque litote ?

Il en est un qui sait, en sa qualité d’Omniscient. Il sait, lui, que la réalité n’est pas claire, et que le monde se meurt, s’enfonçant dans de redoutables sables dont la mouvance impitoyable absorbe tout.
Il sait aussi la raison de tout cela. Elle se tient, au sommet de cette Tour Blanche, fière, puissante et cruelle, et elle s’appelle Althor Terluan.

Debout face à une silhouette difforme qui à ses pieds courbe l’échine, le maître de la Corporation accueille son nouveau prodige.
Aleseï Vélériane, tout juste rentré de sa pseudo-investigation, pénètre dans la pièce ovale.


« Aleseï. Tu tombes plutôt bien, regarde donc qui vient nous rendre visite… »

Ne posant pas un regard sur la pauvre femme qui était toujours à genoux devant Terluan, le Conseiller alla s’asseoir sur un lourd fauteuil, avant d’édicter, non sans une certaine et délibérée nonchalance :

« Je sais. Trenia Firumesa Koliovka Heqat. Comme c’est curieux. »

La susdite, cloîtrée dans sa prison de silence et réfugiée dans son miteux apparat, frémit un instant, puis osa poser un pied à terre. Relevant la tête, posant ses yeux d’un bleu électrique sur son maître, elle risqua la détermination :

« Lord Terluan, j’ai accompli énormément de choses pour ce Conseil, et je viens de vous délivrer une information cruciale. Vous savez dorénavant que Nikki Katarilis est en vie. N’aurai-je pas la vie sauve, pour cela ? »

Le Lord posa son impitoyable regard sur cette femme dont l’allégeance à l’égard du Grand Conseil n’avait jamais cédé, à l’instar d’une minorité et à l’inverse de beaucoup, et il articula, froidement :

« – Tout ce que cette information m’apporte, Trenia, c’est l’assurance d’un échec supplémentaire dans ta si longue liste. Tu as été incapable de me livrer Raykovith, et voilà qu’à présent tu oses venir te montrer ici, après de longs mois de silence, pour démonter ta seule véritable réussite à mes yeux.

– Je…

– Je n’ai pas fini »
, trancha Terluan.
La jeune femme déglutit difficilement, des gouttes d’une sueur naissante perlant sur son front. Le Lord reprit :

« Cependant… Tu as été un élément, sinon l’élément majeur de la finalisation du projet Kazaü. Et Althor Terluan n’est pas ingrat. Tu seras donc destituée de tes pouvoirs de Grande Conseillère, et interdite de séjour sur Galactica… ainsi que Desertica. »

Trenia sursauta, et hurla :

« NON !! »

Terluan leva la main, et Heqat se tut et s’en fut. Devant l’interdiction de renouer avec ses racines, de voir le peu qu’il lui restait de famille, l’Enjôleuse descendit les nombreuses marches de la tour d’ivoire en titubant et sanglotant. Elle n’avait jamais été très attachée à ses pairs, mais depuis la chute de l’Aegyptia, ce poste de Grande Conseillère l’avait menée à apprécier une part d’humanité, et à l’embrasser.
Aussi, si se savoir exclue des Douze était une chose, elle ne pouvait concevoir le fait de se reconstruire, loin d’ici ou loin de chez elle, loin de cette Desertica qui avait porté les pas de sa jeunesse.

Alors elle rabattit son capuchon troué sur son hâlé visage, et profita une dernière fois de ses avantages Corporatistes en empruntant un chasseur pour s’envoler vers son enfance.


« Maintenant, attrape-moi, Terluan, toi et ton medium excentrique. Oui, arrêtez-moi… si vous le pouvez. »

Trenia se perdit dans le néant et les étoiles tandis que sur Galactica, un petit sourire naquit sur le visage du maître du Grand Conseil.
Aleseï Vélériane, quant à lui, le regard vide, l’œil hagard, la bouche pincée sur le côté, soupira.


« Alors c’est la voie que tu choisis, Heqat… Votre clémence vous perdra, Lord Terluan. »

Observant le ciel assombri par une nuée de vaisseaux décollant du Siège de la Corporation, l’homme susurra d’une voix ferme :

« Assez. Trouve-moi Raykovith et Katarilis. J’ai à faire sur Kazaü. »

Et Althor Terluan quitta la pièce ovale, laissant un Vélériane à ses pensées ainsi qu’aux paroles de milliards de milliards de Galacticains.

« Allons, allons. »

S’infiltrant dans toutes les discussions de comptoir, les babillages au coin des ruelles, les inepties des uns, les rumeurs des autres, le Conseiller cherchait ardemment, entendant toute parole, sondant toute sonorité. Sur les cinq planètes étaient ses oreilles avisées. Tandis que ses yeux se dilataient dans leurs orbites et que ses paupières s’ouvraient largement, il souffla :

« Allez, montrez-vous… enfin ! »
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Sergent Kami
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Re: Prédateurs

Message par Sergent Kami »

Autres protagonistes, autre décor.

Volcano la sauvage, impétueuse boule de nerf, aux réactions tout aussi imprévisibles que destructrices. Volcano, terre de tous les espoirs et de tous les renouveaux, où les plus téméraires y apprennent à dompter l’atome et le feu, se faisant tour à tour honnête commerçant ou vil marchand de mort. Le prix à payer est parfois lourd, mais le jeu en vaut la chandelle. Lui, parti de rien, devenu à la fois habile maître d’armes, redoutable chef de guerre, éminent chercheur mais également le plus doux des amants le sait plus que tout autre.

Alors, assis dans son chasseur biplace, virevoltant entre les nuages de cendre, esquivant les rocs en fusion qui tombent çà et là, il fuit.

Point 2-152-6378-O atteint.
Phase d’atterrissage en cours.
Température au sol 87°C.
Alerte ! La radioactivité est élevée, veuillez-vous équiper des protections adaptées.
Protection pilote désactivée.
Déploiement de la protection passager.


Sans prêter attention aux protestations de Nikki, surprise dans un premier temps puis littéralement prise en otage et habillée de force par la machine, je déverrouillais le cockpit m’extirpais de l’appareil en douceur et laissant ma cape effleurer gracieusement au sol.

Karamdaï la désolée… De la riche capitale kaméenne, il ne restait plus rien. Prise sous une pluie de bombes, menacée par la toute puissance de l’atome, massacrée selon le bon vouloir du grand conseil, la fière cité, symbole de la désobéissance envers la Corporation et fleuron de technologie, avait lentement agonisé une fois ses boucliers thermiques et nucléaires mis à mal. Ces somptueux quartiers d’habitations où autrefois de riches banquiers se complaisaient à exposer toute l’étendue de leurs fortunes respectives étaient en ruines, quasiment revenus à l’état de poussières. Alors profitant de la désertion de ses maîtres, Mère nature avait franchit la prison technologique à laquelle on l’avait cantonnée, laissant le sol s’affaisser, se déchirer, pour mieux laisser couler l’incandescent magma en un flot de tristesse et d’incompréhension.

Mon regard glissa lentement vers ce qui fut mon palais. Le roc sur lequel il se trouvait s’était en partie effondré, emportant avec lui un large morceau de la bâtisse et certainement certains secteurs des bunkers en sous-sol.

Je laissais encore mon esprit vagabonder une bonne dizaine de secondes avant de m’étirer bruyamment en inspirant une grande goulée de cet air vicié et mortifère. Indubitablement, je me sentais ici dans mon élément et ce retour aux sources bien que ponctuel me faisait le plus grand bien. Me retournant vers l’élue de mon cœur, je ne pus m’empêcher de sourire en voyant ce bibendum qui essayait de retrouver un brin de fierté malgré sa tenue ridicule. Pour être franc, je voulus éclater de rire, mais le regard noir que Nikki me retourna alors m’en dissuada.

Vexée et préférant couper court à toute excuse que j’essaierais de formuler, la dame s’éloigna en direction du palais, m’obligeant à la rattraper pour la guider dans ce brûlant dédale.



Vingt minutes plus tard.

Une nouvelle crise politique s’annonçait. Dès le moment où l’Amirale comprit que je me dirigeais vers les anciens jardins, une tension certaine s’installa, palpable et ô combien désagréable. Je m’avançais vers la tombe de ma femme, conservée en l’état grâce à la magie que j’avais insufflé dans l’édifice. Je m’agenouillais à quelques centimètres du monument. Au même moment, j’entendis Nikki soupirer longuement, agacée, avant qu’elle n’envoie quelques mètres plus loin un caillou d’un coup de pied. Ces réactions puériles commençaient à m’irriter passablement…


(Murmure) Embrasement

Lorsque la rune apparut à la base de la stèle, je me levais et m’en détournais. La jeune femme qui m’accompagnait se raidit, les yeux écarquillés, lorsque la dernière trace de May sur les 5 disparut, engloutie par une colonne de feu. J’avançais d’un pas lent vers Nikki et arrivant à sa hauteur, lançais froidement, à la fois piqué au vif et déçu :


Et maintenant que mon passé est parti en cendres, as-tu enfin confiance en moi ? Idiote.


Cinq minutes plus tard.

Je nous téléportais au cœur du réseau souterrain. Subitement plongés dans le noir, nous utilisâmes simultanément nos magies respectives pour apporter à nouveau la lumière dans ces couloirs déserts. Une flamme virevoltait autour de Nikki éclairant quelques mètres autour d’elle alors que pris d’une poussée de modestie, j’invoquais des dizaines de runes mineures sur les murs, illuminant les couloirs d’un bleu apaisant.


Nous sommes au troisième sous-sol. Normalement au bout du couloir se trouve un groupe énergétique de secours.

L’Amirale acquiesça et nous nous mîmes en marche. Après plusieurs essais de démarrage et quelques coups de pied bien placés dans la machine, le générateur eut une secousse, puis après une phase où le matériel dégageait une épaisse fumée noire en tournant au ralenti, l’ensemble semblait fonctionner à merveille. Les lumières s’allumèrent alors, accompagnées d’une voix de synthèse qui hurlait au travers de haut-parleurs.

Attention ! Mauvaise qualité de l’air. Mise en sécurité du secteur six.
Attention ! Brèche de sécurité dans les secteurs adjacents. Isolement du secteur six en cours.


Il y avait une pointe d’appréhension dans le regard que Nikki me lançait. D’un geste, d’un sourire, je lui fis comprendre que tout était normal et dans l’expectative d’une autre agression auditive, j’attendais, non sans saisir la main de mon amante.

Secteur six isolé à 100%. Sécurité confirmée.
Air respirable rétabli. Fin de l’alerte dans le secteur six.

Nous traversâmes alors le couloir pour pénétrer dans mon ancien laboratoire, aux murs d’un blanc éclatant que le temps n’avait pas altéré qu’une intense lumière artificielle illuminait. A l’intérieur, les machines ne réussirent pas à redémarrer lors du rétablissement du courant, trop fortement endommagées par les bombardements. Toutes à l’exception d’un poste informatique et du matériel médical. Alors que la porte se refermait derrière nous, je m’approchais de la deserticaine et l’aidais à enlever cette tenue qu’elle haïssait. Lorsque le tissu brillant tomba au sol, laissant apparaitre la chevelure d’or et le visage d’ange de Nikki, je ne pus m’empêcher de retrouver une mine rayonnante.


Voilà une tenue qui vous sied mieux, Mademoiselle Katarilis.


Et échangeant un sourire avec ma partenaire, nous nous embrassâmes, oubliant nos petites prises de tête passées.


Plus tard.


Nikki, tu peux venir m’aider ?

La susnommée qui balançait ses jambes de l’avant vers l’arrière assise sur une table en sauta et s’approcha de la fresque runique qui ornait mon bras droit. D’un signe de tête, je lui désignais le garrot qui trainait sur le bureau, qu’elle serra autour du membre que je lui tendais. Non sans grimacer, je remplissais deux petits tubes à essais de mon précieux sang, qui furent ensuite placés dans l’analyseur adéquat.


Nikki, tu l’as senti ?


Non, que se passe t-il ?

J’ai l’impression que nous ne sommes pas seuls. Hmm… Je vais vérifier cela.

Et sur ces mots je disparus dans un nuage de fumée.

***

Le laboratoire était bien calme depuis que Kami était parti. Dévorée par la curiosité, l’Amirale s’employait à comprendre le fonctionnement de chacune des machines et la raison de leurs présences dans le laboratoire d’après les rares documents trouvés sur le poste informatique. En réalité, la demoiselle aurait bien voulu sortir, mais la sécurisation des zones souterraines avait verrouillé toutes les portes de sortie qu’elle avait trouvée. Alors, elle s’occupait comme elle pouvait, rongeant son frein…

Soudain, un bip résonna dans le laboratoire, puis une feuille le traversa, planant négligemment jusqu’aux pieds de Nikki…


*** Résultats d’analyse de sang

Item … % … Différentiel depuis dernière analyse
Porteurs sains … 24 % … - 50%
Contamination + … 18 % … 0 %
Contamination - … 58 % … + 70,6 %

*** Rappel :
Contamination + due à un taux trop élevé d’uranium dans le sang
Contamination – due à une réaction physicomagique anormale

*** Module médical
*** M-Analyzer kbtw. v 2.8


Les lèvres pincées, Nikki plia soigneusement la feuille qu’elle rangea dans l’une de ses poches. Prise dans ses pensées, elle fronçait les sourcils. La déserticaine n’était pas bien sûre de ce que tout cela signifiait, mais elle était intimement convaincue que Kami lui cachait encore quelque chose…
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Sergent Kami
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Re: Prédateurs

Message par Sergent Kami »

Je m’asseyais derrière un rocher, à couvert, et attrapais un vieux fusil de précision datant de l’époque de l’armée kaméenne, trouvé au détour d’un couloir dans les décombres de mon palais. Je me plaquais au sol, et lentement posais la lunette de visée contre mon œil droit. Mon sourire s’élargissait, en découvrant cette horde humaine qui débarquait l’air de rien dans la vallée. L’excitation me gagnait, démultipliée par ces obscurs souvenirs de mon passé d’homme de terrain dans les forces spéciales. En professionnel de la guerre, j’observais patiemment mes cibles, cherchant le point faible de la troupe pour mieux les désorganiser au besoin.

Après un temps, les porteurs commencèrent à vomir d’imposants mastodontes d’acier. Il s’agissait d’un modèle de char que je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer dans mes différentes campagnes. J’ignorais parfaitement ce qui se déroulait ici, mais il ne faisait aucun doute que nous allions devoir décamper dans de brefs délais…

L’immobilité commençait à me peser. J’envisageais mon problème sous toutes ses formes et je ne voyais aucun moyen de revenir au chasseur sans attirer l’attention sur Nikki et moi-même. Mais, n’ayant aucune autre alternative, j’attendais…

Plus tard.

Le soleil commençait à décliner. Bientôt, la lumière de l’astre se reflèterait sur le dispositif optique de ma lunette de visée, m’obligeant à décamper. Une ultime navette se posa près de mon appareil, dans la vallée. Surpris, je m’orientais de façon à mettre en joue ce nouvel arrivant bien peu ponctuel. Un homme en uniforme en descendit, le torse littéralement placardé de choses brillantes.

J’ajustais mon fusil de manière à viser sa tête, ce qui le tuerait à coups sur. Mon sourire s’élargissait. Je me sentais comme le maître tout puissant, tel un dieu tenant au creux de sa main le destin d’un homme. Ce pouvoir de dispenser l’ultime sentence réveillait d’autres instincts plus anciens… et sanglants.

Je bloquais ma respiration, et d’un geste lent mais assuré, pressais la gâchette.

***

Au même moment.

Dans les entrailles de la montagne se trouvait une autre âme tourmentée. Toujours abandonnée dans les lugubres couloirs du secteur six, Nikki pestait contre son amant, les yeux plissés, muscles bandés, et réduisait en cendres tout objet passant à sa porté dans un spectacle pyrotechnique des plus réussi. Cela n’était qu’un avant goût de ce qu’aurait à affronter le gentleman qui avait osé la laisser à son sort, six pieds sous terre. S’échauffant davantage, des insultes fusaient, résonnaient dans l’écrasant silence des souterrains puis s’éteignaient en de manifestes déclarations d’une fierté et d’un honneur une fois de plus mis à mal. Haletante, la princesse s’adossa puis se laissa glisser contre le mur. Les yeux écarquillés, elle venait d’avoir comme une illumination. Cherchant à retrouver ses esprits, Nikki inspira profondément.

Non… Cela ne doit pas se passer ainsi, murmura l’Amirale dans un soupir.

Nikki Kataliris, éminence Déserticaine et officier le plus gradé de son Etat n’avait toujours connu que des foules admiratrices ou de froids détracteurs la mettant au centre de l’action, sous la lumière des projecteurs. Se sentir délaissée était un sentiment nouveau pour la demoiselle, un sentiment fort déplaisant qui plus est.

Ce n’est pas comme cela que je veux t’aimer, Kami. Je veux que nous revenions emsemble sous les projecteurs… Oui, ensemble.

Forte d’une conviction renouvelée, Nikki se revela. L’éclairage artificiel commençait à la peser. Elle devait quitter ce dédale. Après un temps, perdue au hasard des couloirs, l’Amirale se trouva face à une porte close… et blindée. La dame posa ses deux mains sur le lourd morceau métal lui barrant la route et la frappa de toutes ses forces, en proie aux larmes.


Tu vas t’ouvrir… PUTAIN DE PORTE !

Au bord de l’hystérie, elle hurlait de toutes ses forces, tambourinant la porte de plus bel. Puis elle recula d’un pas et l’air s’embrasa sans crier gare, propulsant la porte blindée hors de ses gonds.

***
Tac.

J’entendis le léger bruit caractéristique d’un percuteur qui ne voulait pas exécuter sa tâche. Je décollais l’œil de la lunette en haussant un sourcil. Ainsi, le sort avait voulu que ma cible ne tombe définitivement dans les bras de Morphée. Je soupirais, accusant le coup de cette désagréable surprise, puis me relevais, le fusil à la main. Mon regard se perdit momentanément sur l’arme défectueuse, avant que je ne la jette négligemment au sol.

Coup de feu.

Le bruit se répercutait dans la vallée en un terrible écho. La réaction de la troupe en contrebas ne se fit pas attendre. Je vis d’un bref coup d’œil une colonne de chars manœuvrer, des hommes s’affoler.

D’un pas lent, je me dirigeais vers la porte a demie-effondrée de mon palais. Nikki m’y attendait, adossée contre le montant, furieuse. Elle me gifla avec une force surprenante. Il me fallut quelques secondes pour reprendre mes esprits durant lesquelles nous nous fixâmes silencieusement. La deserticaine semblait me jauger. Je ne comprenais pas.

D’un geste brusque, j’attrapais mon amante d’une main et la plaquais contre le mur. De multiples tirs traversèrent mon corps en autant de volutes de fumée. Je me matérialisais peu après, avant de nous téléporter Nikki et moi loin de tout ce bordel.

***

Une heure plus tard, à une trentaine de kilomètres de l’incident.

Cela faisait vingt ans que le vieux Ed tenait son rade miteux coincé dans la périphérie d’une cité tout aussi active qu’insignifiante, car bien trop éloignée des routes commerciales habituelles. Ainsi, l’agglomération était devenue un repaire de coupe-gorges, le paradis pour un criminel en cavale. Le tavernier serait le premier à avouer que la pègre payait bien, et ce n’était pas pour lui déplaire.

Alors, lorsque deux êtres encapuchonnés débarquèrent dans son établissement, la main de l’homme glissa imperceptiblement sur le fusil caché sous le comptoir. Il ne savait pas ce que voulaient ces étrangers, mais ces deux inopportuns ressemblaient à deux agents gouvernementaux. Et les Agents, Ed’ ne les aimaient pas.

L’homme se crispa quand les étrangers s’approchèrent du comptoir, puis son sourire s’élargit quand ils lâchèrent sur la surface boisée une liasse de près de cinq mille crédits galacticains.


Un Bloody-Mary, un Jägermeister, ta chambre à l’étage pour la semaine et pas de questions, lança d’un ton froid l’homme encapuchonné.
Amiral Andrew K. R. Leister, dit le Feu, à votre service.
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Kossnei
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Re: Prédateurs

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« ... Enfin ! »

Deux pupilles qui se dilatent, un sourire carnassier qui se déploie, un vaisseau qui décolle.

---

Frottement de pierre. Longues volutes de fumée virevoltant jusqu'aux cieux. Toux étouffée.

Nikki Katarilis, seule sur le toit de l'établissement miteux où l'avait amenée son compagnon Kami Raykovith une dizaine de minutes auparavant, un agacement incontrôlable guidant ses cent pas, s'enivrait d'une dose ponctuelle mais non moins salvatrice de nicotine. Les yeux rougis par la fatigue, l'exaspération et, même si elle ne l'avouerait pas, la tristesse, l'Amirale faisait tourbillonner autour d'elle la poussière environnante dans un impressionnant manège.


« Nikki. »

Le visage de Kami venait d'apparaître au-dessus de l'échelle de secours. Il acheva son ascension, posa un pied sur le toit, puis observa sa compagne d'un air grave.

« Pourquoi es-tu partie si précipitamment ? »

Cette dernière, qui n'avait pas bronché et maintenait son perpétuel et obsessionnel mouvement, rétorqua d'une voix cinglante :


« Quoi ? Il y a un souci ? Ahh, oui. J'oubliais. Monseigneur Raykovith n'en fait qu'à sa tête, me laisse poireauter incessamment, ne m'implique dans aucune de ses opérations, se souciant sans doute davantage de ma protection que de mes sentiments... »

« Nikki, je... »

« Je n'ai pas fini. »
trancha-t-elle. « Je t'ai posé des questions sur le chemin, mais tu n'en as eu cure. Tu me caches des choses, Kami, des données très importantes pour toi, mais également, ce que tu sembles oublier, très importantes pour moi. »

Elle lança un regard inquisiteur à son vis-à-vis, avant de conclure :

« Vas-tu enfin me... »

Explosion dans le dos de l'Amirale.

Un appareil corporatique aérien ultra-silencieux était sorti des ténèbres de la nuit, et sans crier gare, avait violemment frappé de ses armes à plasma la surface du toit. Le sol se déroba sous les pieds des deux compères qui, surpris par la rapidité de l'attaque, ne purent prévenir la chute d'une demi-douzaine de mètres qui s'ensuivit.
Kami, dans un réflexe incroyable, eut le temps de se dématérialiser en de noires fumées qui traversèrent la matière jusque dans un conduit d'égout, quelques pieds en profondeur dans le sol. Nikki, elle, subit le choc avec une puissance qui la cloua au sol, le souffle coupé.
Cependant, le drone de la Corporation avait disparu, et un homme, debout seul au milieu des cadavres et des gravats, s'avançait vers une Amirale qui peinait à retrouver ses esprits. Coupée en divers endroits, recouverte de poussière, elle se releva néanmoins bien avant que l'homme ne parvienne à sa hauteur.
Lui faisant face, vacillant légèrement puis rapidement se reprenant, Nikki Katarilis jaugeait un type de personnage qu'elle ne connaissait que trop. Elégant, imposant malgré sa taille moyenne, il la dominait de son mètre soixante-dix-neuf habillé par une longue cape verte ornée d'une capuche blanche sur laquelle étaient brodées deux lettres synonymes à la fois d'un ennemi de longue date pour la déserticaine et d'un danger imminent pour elle : G.C.


---

Dans le même temps, Kami avait reparu à la surface. Mais il ne retrouva pas un décor qu'il connaissait. Non, au lieu de cela, il atterrit dans une petite ruelle qu'il ne reconnut pas, et qui se situait en réalité dans une banlieue adjacente. Pensif, il marcha quelques mètres avant de souffler, pour lui-même :

« Tss... Mes nerfs ont dû altérer ma concentration. Saleté de Nikki. »

L'Amiral eut un léger sourire en imaginant qu'il eût été son genre de faire cela volontairement, puis chassa cette pensée ironique en se concentrant sur sa destination. Néanmoins, au moment où il s'apprêtait à se dématérialiser, une puissante magie repoussa son intention.
Sur ses gardes, les muscles crispés, Kami observa son environnement physique et magique. Quelques secondes plus tard, il dut admettre que ce lieu n'avait pourtant rien de suspect.
C'est alors qu'un son de pleurs le coupa dans sa réflexion, émergeant de toutes parts, lancinante, cette litanie continuait de manière incessante... Des sanglots que le Veesnien ne connaissait que trop.
Abasourdi et décontenancé, il fit quelques pas, puis murmura, d'une voix douce et rare chez lui :


« Lisa... ? »
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Sergent Kami
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Re: Prédateurs

Message par Sergent Kami »

Aucune réponse. Les sanglots redoublèrent d’intensité. Mon rythme cardiaque s’accélérait alors que, soudainement écrasé par une myriade de sentiments, je cédais à la panique. Je courais sans direction particulière, perdu dans la brume surnaturelle qui s’était répandu dans la ruelle. Le décor s’assombrit brutalement. Emmuré dans mon désir de retrouver ma fille, j’avançais tête baissée vers ce qui semblait être l’épicentre de cette tristesse exacerbée. Un pas plus tard, j’arpentais le voile, le regard vide, tel un égaré dans le désert.

Soudainement abattu pour mon échec à la retrouver, je m’arrêtais au milieu de ce qui avait du être une clairière verdoyante des centaines d’années auparavant, avant que ce monde ne se retrouve englouti dans l’immensité du voile. L’ensemble avait perdu de sa superbe et ressemblait désormais plus à un bois dévasté par la guerre et la maladie.

Lisa, où es tu..., murmurais-je.

P..papa ? C’est toi ?


Je relevais brutalement la tête, et cherchais désespérément la fillette… Recroquevillée derrière une souche de bois, Lisa grelottait. Mué par mon instinct paternel, j’accourais et l’enlaçais avec toute la tendresse dont je pouvais faire preuve. L’étrange tenue qu’elle portait, similaire à une tenue de combat de couleur noire, retint ponctuellement mon attention avant que je ne passe ma main dans ses cheveux châtains blanchis par le givre pour faire cesser ses pleurs. Un étrange sentiment m’étreignait... Qu’importe, je contemplais le visage de mon enfant, des étoiles dans les yeux. Une larme de joie coulait sur mon visage rayonnant.

Brusquement, Lisa se tourna vers ce qui semblait être l’orée de la forêt que je venais d’arpenter. D’un geste anormalement adroit, la fillette se dégagea de mon étreinte, se releva et se dirigea vers la lisière du bois. Elle s’agenouilla subitement, regardant obstinément le sol tandis que deux yeux rougeoyants se posaient sur moi.


J’ai agit selon votre volonté, Maître, déclara t-elle.

Les yeux écarquillés, j’étais comme tétanisé, accusant la surprise.


Lisa ? Que fais-tu ? Que se passe t-il
, lançais-je affolé.

Ma fille ne me répondit pas. Une main sortie du néant caressait les cheveux de ma fille comme on caresserait son animal de compagnie. La scène me fendit le cœur.


Brave bête.
Je pouvais presque sentir cet inconnu esquisser un rictus malsain. C’est une très belle fille que vous avez là, Monsieur Raykovith. Ses capacités sont étonnantes… A tous points de vue.

Cette voix me rappelait quelqu’un sans que ne puisse identifier son propriétaire. Instantanément, mon regard se durcit. Je voulais hurler, insulter cet inconnu qui avait manifestement embrigadé mon enfant… Mais si je pouvais ouvrir ma bouche, aucun son n’en sortait.

D’un geste de la main, il incita Lisa à relever la tête.


Finis le travail…

Non, hurlais-je, horrifié.

Je me languis que vous soyez mien, chevalier des cinq… Opale, tue-le.


Oui, Maître, répondit Lisa d’une voix monocorde.

Ma fille se leva lentement. Je pouvais lire une haine prononcée sur les traits de son visage. En une poignée de seconde, mon enfant avait perdu toute l’innocence que je lui connaissais, la troquant pour la froide détermination de l’assassin.

Alors Papa… Es-tu prêt ?

Et elle rit. D’un rire à vous glacer le sang. Le même qui hantait mes rêves chaque nuit depuis le passage de Dia Négacié sur les cinq.


Non Lisa. Je ne veux pas me battre… Par pitié…


Je me tenais debout, droit au centre de la clairière. J’implorais ma fille de s’arrêter avec le regard aimant mais non moins teinté de tristesse d’un père désabusé comprenant que l’affrontement s’imposait. Lisa esquissa quelques pas vers moi avant de se volatiliser. Sa magie était inutile face à moi. Mon sixième sens me permettait de pressentir chaque mouvement, chaque coup qu’elle pouvait exécuter. Mais le simple fait de devoir l’affronter me blessait tellement plus intensément… Mon cœur implosa sous le poids du chagrin, lorsque d’un geste bien placé je déviais sa main, lui faisant lâcher la lame acérée qu’elle tenait fermement.

Je m’abritais derrière l’impénétrable bulle protectrice d’Ethel Trust. Je regardais d’un air morne Lisa se téléporter puis frapper de toutes ses forces le rempart que j’avais érigé. Très vite, la fillette comprit que ma défense ne ploierait pas sous ses assauts et réapparut face à moi, haletante. Toute agressivité semblait avoir disparut de son visage.


Pardon Papa…

Je baissais la garde, me laissant prendre par l’innocence du regard de la défunte. Lorsque la bulle s’évanouit, mon enfant bondit sur moi, lame au poing et la planta profondément sous le sternum. En quelques secondes, la douleur se propagea dans mon organisme. Puis ma vue devint trouble.


Du poison … ?


Je libérais mon aura, projetant deux mètres plus loin la petite Lisa. Profitant de cette fenêtre, je m’enfuis vers ma réalité et retombai lourdement sur le béton malodorant de l’évacuation des eaux usées. Mes yeux se fermèrent sur une larme solitaire, qui s’échappa dans les commissures du sol.

J’ai réussi Maître. Papa s’éteindra bientôt…

[…]

Je repris connaissance, sans savoir si mon imagination venait de me jouer un sombre tour. Je me relevais, et me sentais comme harassé tandis que ma perception du monde s’en voyait augmentée.


Déjà… murmurais-je, alarmé.

Une douleur lancinante me rappela à la dure réalité. Je posais une main sur le veston de cuir sombre maculé de sang pour limiter au mieux l’hémorragie. Complètement désorienté sous l’effet du poison insidieux qui se répandait lentement en moi, je titubais à la manière d’un homme ivre, en me focalisant sur l’aura de mon amante...
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Kossnei
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Re: Prédateurs

Message par Kossnei »

« Enchanté, Nikki Katarilis. »

Sans broncher, cette dernière observa d'un regard noir le Grand Conseiller qui lui faisait face. Hésitant un instant entre la discussion et l'attaque, elle opta pour la solution la plus sage, ne sachant quoi attendre de la force de son adversaire.

« Qui êtes-vous ? » rétorqua-t-elle d'un ton sec.

« Ah ! » s'exclama l'homme. « Quelle ironie, n'est-ce pas, Amirale ? Vous vous tenez devant moi, désemparée que vous êtes dans votre ignorance, et quant à moi... »

Le Conseiller porta sa main à la poche intérieure de son veston, tandis que les muscles de Nikki se raidirent. Le représentant de la Corporation sortit un petit calepin, qu'il ouvrit sans plus attendre dans un désinvolte geste de la main.

« ... je sais absolument tout de vous », conclut-il en vrillant le regard de la déserticaine.

Il entama sa lecture.

« Vous êtes née en République de Crashsis, qui deviendra plus tard l'Empire Platin, à la suite d'un putsch, blablabla, cette histoire tout le monde la connaît. »

Il marqua une pause. Eut un petit rictus, puis continua :

« Ah ! Cette partie devient intéressante. En 3720, à l'âge de dix-neuf ans, vous intégrez l'école militaire. De laquelle vous sortez, non sans brio, Capitaine de l'Etat-Major platin. Vous devenez, moins de deux ans plus tard, l'Amirale Mana-Li deuxième du nom, sous la nomination posthume de l'Empereur Platin lui-même, narguant ainsi l'autorité de Kossnei, le Conseiller de l'Empereur, qui a toujours vu en vous un danger potentiel. »

Nikki frémit. Ces souvenirs, ces erreurs qu'elle avait tenté de dissimuler, pensant que l'univers les lui aurait pardonnées, lui revenaient avec une évidence absolue des mots d'un parfait étranger. Décontenancée, elle se mura dans le silence, attendant la suite du monologue, qui ne tarda pas à reprendre son cours.

« Oui, c'est intéressant... Car cette année-là, vous avez profité de votre influence et de votre incommensurable popularité pour prendre le contrôle de l'Empire, reléguant Kossnei à l'exil, vers une terre qui l'accueillit avec la plus grande hospitalité : l'Helgan. »

L'Amirale tremblait de tout son corps. Elle ne parvenait pas à délier les lèvres, mais son expression faciale trahissait toute la haine qu'elle avait pour ce passé, et par transitivité pour l'homme qui le lui contait. Percevant la colère qui habitait la déserticaine, le Conseiller orna son visage de ce sourire carnassier qui le caractérisait tant. Assénant à nouveau un coup au moral de son adversaire, il conclut :

« Kossnei devient Empereur Platin lorsque l'Helgan parvient à vous chasser du pouvoir. Puis il meurt, quelques mois plus tard. Il l'écrit lui-même dans ses Contemplations, cette fameuse œuvre qu'Endymion et lui-même avaient créée dans leur folle mélancolie : son corps, son âme, son être est rongé par un poison qu'il décrit comme la nostalgie. Mais... avez-vous déjà vu quelqu'un mourir de mélancolie, Nikki Katarilis ? »

Elle resta de marbre, baissant les yeux.

« Je ne vous connais que trop, chère Procréatrice de Combination. Déjà par le passé vous sévissiez par vos actes barbares et non moins sournois. Kossnei vous barrait la route. Et tout comme ce Grand Conseil, en la personne de l'Archimage Terluan, qui vous empêche d'exercer avec la plus grande liberté, il vous dérangeait... et vous l'avez tué.
Mais je ne vous laisserai pas agir de la sorte avec Althor Terluan. »


Le Conseiller empoigna son communicateur, puis déclara :

« Je suis Aleseï Vélériane, Grand Conseiller, et au nom de la loi Corporatique qui régit Galactica, je vous déclare, Nikki Katarilis, en état d'arrestation. »

A l'annonce de cette phrase, Nikki, qui jusqu'alors était restée immobile, envoya une gerbe de flammes incendier les cadavres qui entourait les deux protagonistes, puis profita des fumées orangées qui se dégagèrent pour s'esquiver au milieu des décombres. Agile qu'elle était, elle parvint rapidement à s'extirper de ce qu'il restait du bâtiment, et à tracer sa route dans les dédales de rues qui sillonnaient la ville, avant même que le Conseiller ait pu réagir.

Aleseï Vélériane, qui n'avait pas bougé d'un pouce, soupira pour lui-même :


« Comme vous voudrez, Amirale. La ville est cernée, les routes sont closes. »

Pris de légères convulsions, l'esprit assailli par d'innombrables voix, l'homme se courba en avant, puis releva la tête, ouvrant des yeux d'un vert perçant, posant alentours un regard de fou furieux. Il éclata d'un rire malsain, puis hurla :

« TU VAS CREVER DANS UNE GEÔLE, POUFFIASSE !! »


---

De l'autre côté du Voile.


Cela faisait maintenant de nombreuses semaines que Devar Shurak errait au cœur d'un univers inconnu, abandonné en terrain hostile par Trenia Heqat l'Enjôleuse, et laissé pour mort dans la dimension parallèle dans laquelle il était né.
Bien bas était tombé l'Empereur Platin, en quête de réponses qu'il ne pouvait obtenir, avide d'une guérison qui ne saurait venir. L'esprit étriqué par les jours qui semblaient années, il s'était vu refouler l'entrée à ce temple devant lequel on l'avait amené, et avait opté pour l'errance sans aucune destinée dans des contrées plus que jamais désolées. Ah, ça ! Il en avait traversé, des déserts, des forêts, des vallées. Il en avait franchi, des rivières, des océans, des montagnes. Il en avait bravé, des orages, des tempêtes et ouragans.
Et un jour, enfin, épuisé qu'il était, la civilisation l'avait retrouvé.

Il s'était éveillé, comme d'un long cauchemar, dans une pièce presque vierge de par sa sobriété, où trônait juste un lit sur lequel il était allongé. Il s'était alors levé, puis avait attrapé et enfilé ses quelques effets. Il était sorti de la chambrée, puis avait marché, sous un soleil de plomb, les quelques pas qui le séparaient d'un bistrot.
Il s'était assis à ce comptoir, comme s'il y était habitué, par pur réflexe. Puis avait commandé un Bloody Mary.
Le patron l'avait regardé d'un air jovial, puis s'était amusé d'un fait certain :


« Vous n'êtes pas du coin, vous ? »

---

« Eh oh, j'vous parle, l'ami. »

Reprenant ses esprits, Shurak releva les yeux, puis observa cette grosse bouille qui lui souriait calmement.

« Euh, je... Pardon. Non, non, je suis... Euh... »

Levant un sourcil vers cet homme bizarre, le patron du bar éclata d'un rire gras, puis déclara :

« Bon, en tous les cas, c'est toujours un plaisir de rencontrer de nouvelles recr... personnes.
Bienvenue sur Kazaü ! »
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Sergent Kami
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Re: Prédateurs

Message par Sergent Kami »

De toute ma vie, je n’ai jamais eu à m’occuper de patients aussi singuliers et aussi complexes que Kami Raykovith. Outre ses étranges capacités m’imposant l’usage de techniques curatives inédites, il m’était apparut au cours de ma réflexion que le diagnostic devait également s’appuyer sur son passé médical ainsi que sur la cause du mal.

L’examen préliminaire incluant toute une batterie de tests sur les fonctions vitales du patient m’avait honteusement induite en erreur. Me basant principalement sur les seuls résultats divergents des normes humainement acceptables, c'est-à-dire les très mauvais résultats sanguins, je pensais fortement à avoir à faire à une forme d’anémie. Un diagnostic fort confortable de par la quantité de traitements existants. Ma thèse expliquait notamment les principaux symptômes, comme la fatigue et la pâleur.
Considérant son passé sur les terres de la planète rouge, il m’avait semblé évidement que les traitements sanguins à base d’uranium se trouvaient parfaitement adaptés. […]

Dans un premier temps, les soins semblaient fonctionner. Les signes de la maladie disparurent, malgré la nécessité d’injections de plus en plus courantes. Et de moins en moins efficaces…

Ce fut sans surprise que quelques semaines plus tard, que je constatai sur les relevés une baisse significative du nombre de porteurs sains…

Je révisais donc ma copie, en attaquant le problème sous un angle différent. […]
Je ne doutais plus de devoir recourir dans un avenir proche à la magie noire…

Notes de Mess 21 Galan 3728

**

Expérience médicale n°109
Sujet : Kami Raykovith
Par : Mess

*Protocole expérimental
Une fois le sujet endormi à l’aide d’un puissant sédatif enrichi en fluides de type E, je tenterai une projection dans son subconscient.

J’ignore encore à quoi je dois m’attendre. Je ne souhaite pas à en arriver à de telles extrémités, mais il ne me reste plus que la nécromancie…

*Résultats
Incident pendant l’opération, a priori sans conséquence. J’ai constaté un flux anormal liant le sujet à une source hors de notre plan d’existence. Peut-être est-ce lié au voile. Le canal semble être bidirectionnel.

**

Si d’ordinaire le vieillissement causé par l’oxydation des cellules d’un humain est la première cause naturelle de mortalité, il convient de considérer les autres possibilités. Le patient qui m’inspira l’étude suivante possède une étonnante capacité, pouvant faire croire au monde qu’il possède une longévité hors du commun. En effet, chez ce dernier, le processus est complètement différent. Ainsi, si le temps ne cause aucune altération physique perceptible, ses cellules semblent s’endommager d’elles-mêmes lorsqu’elles sont soumises à une variation de force magique.

Pouvons-nous parler de vieillissement, si la cause est totalement différente, bien que les conséquences soient parfaitement semblables ? Pour ma part, je préfère le terme dégénérescence.

Préface du mémoire de Mess pour le diplôme en chirurgie magique, université impériale platine

**

Chaud. Je me sentais incandescent, comme si je brulais vif sur le bucher. Mon pas me semblait hasardeux. A chaque mouvement j’oscillais dangereusement d’avant en arrière. Je ne réussissais plus à rassembler mes pensées… J’avais… envie de vomir.

Mon pied droit se bloque contre un rocher. Je me retenais contre un mur proche, et tentais de reprendre mon souffle. Tout me paraissait sur embrouillé, si difficile. Se focaliser sur mon objectif. Avancer. Mais mon esprit était sourd, mon sixième sens aveuglé. Mon corps était lourd ; inévitablement, je m’affalais. Mes yeux se fermèrent sur deux inconnus courant dans ma direction.


Tiens, tiens. Mais qui voilà, s’enquit un homme à la voix enjouée.

Un bandeau sur les yeux, des liens fermes me maintenant en place. Où étais-je ? Etait-ce une prise d’otage ? La Corporation ? Je sentais une présence s’approcher, puis un doigt se poser sur mon nez. Je tressaillais, provoquant l’hilarité de mon tortionnaire.


Bonjour Monsieur Raykovith. Êtes-vous bien installé ?


Qui es-tu ?

(Voix mielleuse) Qui suis-je ? Laissez-moi vous rafraichir la mémoire.
(Voix sèche) Le Kamagma.
(Avec une pointe de haine) Les ruines… d’Illid.

Au même moment, je reçus un coup de poing dans le torse. La douleur se propagea, tandis que j’étais pris d’une folle envie de rire. En cet instant, tout me semblait parfaitement clair. Dans un écho surprenant de réalisme, mon esprit reformait l’exact moment où cette scène s’était passée, près de cinq ans auparavant.

Andrew Zamessa Imahovic Leister
, murmurais-je en esquissant un sourire en coin. Je pensais que tu aurais tourné la page, depuis tout ce temps. Cher frère.

Demi-frère
, trancha l’autre. Comment pouvais-je oublier ? Tu as déshonoré ta patrie. Tu as causé la perte des tiens, en provoquant l’ire du Grand Conseil. Je te hais, Kami.

Crois-tu que…


TA GUEULE !
Mon frère fit une pause, et en profita pour reprendre son souffle. Alors comme ça, tu es revenu foutre ta merde ici bas ? Les troupes de la Corporation ont cerné la cité. Ils cherchent deux renégats. Genre les deux connards qui ont démoli la taverne d’Ed. Tu ne les aurais pas croisés, par hasard ?

J’encaissais un nouveau coup sans broncher. La violence muant l’âme torturée de mon tortionnaire me semblait si futile face à ce que j’allais endurer dès le Grand Conseil me retrouverait. Et pendant ce temps, mon état empirait…

***
Dégénérescence - Phase 1 :
L’utilisation prolongée de magie entrainait inévitablement une surcharge locale d’énergie, qui se stockait en moi. Ainsi mon potentiel magique s’en voyait augmenté sans conséquences apparentes, pour le moment.

Dégénérescence - Phase 2 :
En réalité, cette magie rémanente issue du voile avait un double effet. Après avoir emmagasiné suffisamment de cette force nocive, les premiers symptômes apparaissaient. Légers dérèglements des constantes vitales, pertes ponctuelles de concentration…
A partir de ce moment là, la machine était lancée et inéluctablement, mon corps se chargeait au travers du lien magique. Irrésistiblement, je m’épuisais, glissant un peu plus vers le voile…
***


Hé toi, pirate la console des haut-parleurs de la cité. J’ai un message à faire passer à la Corporation.


Mon frère s’approcha à quelques centimètres. Je pouvais sentir son souffle alcoolisé sur ma peau. Ce dernier me susurra à l’oreille sur un ton ironique :
A ton avis Kami, quelle valeur a ta misérable vie ?
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Sergent Kami
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Re: Prédateurs

Message par Sergent Kami »

Aucune, grand frère. Tu ne crois tout de même pas que la grande Corporation paierait pour quelque chose qu’elle pourrait prendre de force, rétorquais-je sur le même ton. Et puis, ce n’est pas comme si j’étais grièvement blessé. Ils me veulent vivant. Donc si je mourrais ici, je t’emporterais avec moi dans la tombe.

Au bruit qui s’échappaient par la commissure de ses lèvres, j’en déduisais que Zamessa voulait me retourner l’une de ces si belles marques d’affections trouvées au hasard de violentes disputes familiales… mais les mots ne sortirent pas. Muet, il semblait traverser la cave dans sa longueur d’un pas lent, en proie à de tortueuses réflexions. Manifestement, mon frère n’avait pas envisagé cette alternative. Malgré mes forces déclinantes, je me délectais de la scène, un léger sourire naissant sur mon visage.


Eh bien Za, où est passé ta verve légendaire ? T’avouerais-tu vaincu, soufflais-je d’une voix moqueuse.

T’es vraiment qu’une crevure, cracha mon tortionnaire. Szia, fais ce qu’il faut pour qu’il survive jusqu’à la livraison.

Et sur ces mots, l'homme s’éloigna - certainement dans une pièce voisine -, me laissant aux mains d’une de ses sous-fifres. Sans se faire prier, la femme ôta mon veston de cuir, et souleva doucement ma chemise. Je grimaçais, pris d’une soudaine bouffée de chaleur tandis qu’elle retenait un haut-le-cœur.

Suis-je si mal en point, demandais-je innocemment.

L’inconnue m’enleva le bandeau qui me cachait la vue, sans toutefois me répondre. Dans le silence le plus total, je la regardais avec insistance et en profitais pour juger d’après le matériel médical qu’elle avait rassemblé l’état de ma blessure. La femme se saisit d’un flacon d’un désinfectant quelconque non sans brièvement en jauger le contenu en laissant filtrer la faible lumière de la cave au travers de l’opaque contenant. Visiblement satisfaite, elle me fit basculer en arrière dans un simulacre de position allongée, déboucha la bouteille de désinfectant et en m’adressant un sourire sadique, versa intégralité de son contenu sur ma plaie suppurante. Je me cabrais, hurlant de toutes mes forces sous l’effet de la douleur.

Dans ton état, il aurait été plus humain de t’achever
, finit-elle par lâcher en soupirant. Ouvre la bouche et avale ces trucs. Cela apaisera la douleur.

J’obéissais docilement, et quelques minutes après, je troquais le mal pour une sorte de somnolence alors cet incongru médecin d’un jour serrait un bandage autour de mon torse, limitant de ce fait une hémorragie bien préoccupante.

Profitant de ce break inespéré pour récupérer, je fermais lentement les yeux, laissant mon esprit s’étendre vers la ville, là haut, et contempler avec intérêt la partie d’échecs qui s’y déroulait…




Bas quartiers de la cité, au même instant.

Explosion.

Profitant du nuage de fumée ainsi créé, l’audacieuse Nikki Katarilis feinta de prendre une ruelle, avant de se précipiter dans la direction opposée. Dans une course effrénée, la demoiselle traversait les bas quartiers de la cité, projetant çà et là des gerbes de flammes qui embrasaient bien vite l’environnement créant autant d’obstacles à d’éventuels poursuivants. Et au hasard d’une venelle, constatant qu’elle était seule, l’Amirale s’accorda quelques secondes pour reprendre son souffle et ses esprits quand une voix se propagea dans la cité.

Agents de la Corporation, nous tenons Raykovith. Je répète : nous tenons Raykovith. Quittez la cité sans faire d’histoire, et il sera à vous. Ce sera notre seule offre.

C’est pas vrai, pesta Nikki. Oh Kami, comment ont-ils pu te capturer si rapidement ?

Les injonctions se rapprochaient. Une rafale de lasers creusa la pierre au coin du mur imposant à la demoiselle un mouvement de recul pour se protéger. Sans se faire davantage prier, la proie reprit sa fuite désormais talonnée par un groupe de soldats. Dans sa course, la belle jeta un regard en arrière et ne vit qu’une masse d’homme qui attendait en retrait. Avant d’avoir eu le temps de trouver une raison expliquant cet étrange comportement, une explosion proche souffla la deserticaine qui, au terme d’un cri de surprise, ne manqua pas de percuter un mur proche. Et ce fut l’arme au poing que la petite troupe accosta Katarilis. Echec.

Un sourire se dessina lentement sur le visage de la fugitive. Puis la venelle s’embrasa, emportant dans un torrent de hurlements la vie de soldats un peu trop confiants. Et elle se releva et disparut dans une rue adjacente. Puis elle prit à droite, avant de se raviser et de revenir sur ses pas sous la pression des lasers. Echec, à nouveau.

Ce petit jeu dura encore un moment durant lequel les noirs ajustaient leurs mouvements pour mieux refermer le piège. Et fatalement, Nikki se trouva aculée à un carrefour, mise en joue par des troupes de la Corporation venant dans toutes les directions. Alors, bien décidée à ne pas se laisser faire, la belle, la grande Amirale déployait toute l’entièreté de son arsenal pyrotechnique et brulait, mutilait, tuait. Face à ce déferlement de violence, on resserrait les rangs formant autant de pelotons d’exécution avant que l’ordre fatidique ne soit donné.


Puisqu’elle ne veut pas se rendre, abattez-la, hurla un sous-officier.

Echec… et mat. Ou pas.



Dans un quelconque sous-sol, deux secondes plus tard

J’ouvrai les yeux, mû par une force renouvelée, et me dégageais des entraves en passant succinctement sous forme éthérée, puis me levais une main plaquée sur ma blessure. D’abord surprise, Szia se jeta sur une table proche, se saisit d’un revolver et pointa dans ma direction un revolver en tremblant.


Ne… ne bougez plus ! J’vous jure que je vais tirer !

A votre place, je poserai cette arme avant de blesser quelqu’un, dis-je d’une voix douce en contournant d’un pas hésitant ma geôlière.
Et toujours à votre place, je songerai à sortir immédiatement du bâtiment et à me cacher dans une ruelle un peu plus loin. Un détachement de la Corporation est en route en ce moment même pour me capturer et ce serait mentir sur leurs habitudes de vous faire croire que vos vies seront épargnées. N’y voyez aucune ruse de ma part ; j’honore simplement la dette qui pesait sur mes épaules suite aux soins que vous m’avez prodigués tout à l’heure. Maintenant, partez, car ils seront là d’une minute à l’autre... Adieu, Szia, conclus-je sobrement en attachant mon holster sous mon veston de cuir. Et non sans jeter un ultime regard à la volcanienne, je m’éclipsais.



Au même moment, dans un autre quartier


TIREZ !

Et lorsque ses tympans répercutèrent l’ordre, l’indomptable flamme perdit de sa superbe, prise une fraction de seconde dans ses pensées. Une fraction de seconde durant laquelle les fusils tirèrent à l’unisson. On disait que dans ces moments là, il suffisait de fermer les yeux en songeant aux meilleurs moments de sa vie. J’aurais tout donné pour être dans ta tête, en cet instant précis.


Serait-ce la fin
, murmura t-elle pour elle-même.

Cela me ferait mal de m’incliner aussi facilement, marmonais-je en apparaissant dans le dos de mon amie. Dans un sifflement assourdissant la menaçante pluie de balles vit l’ensemble de ses projectiles déviés de leurs trajectoires sous l’effet de nos magies combinées.

Tu es en retard.


Ces quelques mots m’arrachèrent un sourire franc car c’était en cette quasi-exacte formule qu’une poignée d’années auparavant, j’avais engagé la conversation aux jardins de la Corporation avec cette même amie devenue amante au fil du temps. D’un regard par-dessus mon épaule, je constatais que le sourire était partagé. Un bruyant raclement de gorge interrompit notre touchante scène de retrouvailles. Les rangs se desserrèrent, laissant un drôle d’individu portant les couleurs du Grand Conseil s’avancer d’un air maladroit certes, mais non moins assuré.


Et maintenant que vous êtes acculée, voulez-vous bien vous rendre, Amirale ?


Je me tournais vers ma partenaire, l’air interrogateur. Les lèvres pincées, cette dernière serrait les poings et après une dizaine de secondes de silence, mon amie me murmura simplement :

Es-tu prêt ?

Et sans sommation, elle projeta une immense vague incandescente sur le peloton qui lui faisait face tandis que je concentrais mon énergie à l’invocation d’une bulle défensive. Le reste de la troupe réplica à feu nourri.
Si la première salve de laser fut aisément amortie, les balles suivantes semblaient pénétrer de plus en plus profondément le rempart magique… Et exténué, j’accueillis avec un soulagement quasi salutaire l’indispensable phase de rechargement des armes ennemies. Le bouclier s’évanouit au moment où mon genou frôla le sol.


Que se… Kami ? Kami !

Nikki se précipita à mon encontre, partagée entre la surprise et l’inquiétude. Non sans souffler, je me relevais soutenu par la fière Amirale.

Je suis désolé, j’ai… échoué, murmurais-je d’une voix où tristesse, amertume et honte se mêlaient.

Alors c’est tout ce que deux grands terroristes peuvent faire ? Ha. C’est pathétique…
Se détournant de nous. Finalement, seule Katarilis m’intéresse. Abattez l’autre.

Mon amie objecta violement, et sentant de part et d’autre les fusils s’ajuster sur ma personne, m’enlaça avec une tendresse sans égal, rendant alors mon exécution beaucoup plus difficile. Echangeant un sourire triste, je posais une main froide contre sa joue chaude et écarlate et l’embrassai avec tout l’amour que j’éprouvais pour elle. L’Amirale se raidit un temps infinitésimal, les yeux d’abord écarquillés puis se fermant lentement. Et subitement, nous disparûmes dans un impressionnant panache de fumée.


*


- Heu… Conseiller ? On a un petit problème.
- Ne vous ai-je pas demandé de tuer Raykovith ? Je n’ai pas entendu de tir. Entendez-vous une veuve éplorée ? Où sont les larmes ? Où est-elle ? OU EST KATARILIS ?
- C'est-à-dire… Ils se sont volatilisés, comme ça, d’un coup. On.. on a rien pu faire…

(Long soupir) - Vous serez châtié pour votre incompétence. En attendant, hors de ma vue.
- Et que fait-on des prisonniers ? L’un d’entre eux semble être le frère de Raykovith. Il dit pouvoir nous aider à…
- Le Grand Conseil n’a pas besoin d’aide. Exécutez les tous.
Amiral Andrew K. R. Leister, dit le Feu, à votre service.
Un homme éclairé a écrit :Sergent dieu n'aime pas être contredit ! :evil:
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