Faim de Magie

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Dox
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Faim de Magie

Message par Dox »

Une nuit noire, sans lune et opaque, pas même un nuage pour refléter les lointains rayons du bas soleil, pas même une étoile pour guider les quelques pilleurs, juste un long ciel feuillu et sombre. Les catacombes vertanes. Un phénomène végétal souverain qui inhibe toutes traces du passage de l'homme, et les ruines du Stanford en avait été la proie.

Les recoins sombres de la galaxie, à l'abri des regards, épris des plus lugubres rumeurs, ils sont le terrain de jeu des morts, les puits insondables de l'assoiffé voile. Dans ces mondes éteints, les plus puissants démons vagabondent afin d'assouvir leur faim. On pourrait compter les survivants sur les doigts d'une main, on pourrait être un senseur exceptionnel que l'on ne localiserait leurs auras, si puissants furent-ils. Deux longues années maintenant que ce monde a offert son sombre destin au vorace voile, il n'en reste plus rien, excepté quelques âmes abandonnées dont l'interminable douleur effraie même les plus affamés prédateurs.

C'est l'une de ces âmes que le Prince Azhar était venu chercher. Ici, dans les mondes voilés, il n'était plus archimage, il n'était plus chef d'état, il n'était même plus homme ; il était un démon, l'un des trois Princes Démons, l'un des sommets du Delta Sibyllin de Fédéralis. Une longue toge faite d'ombre et de magie sombre le recouvrant de la tête aux pieds, il marchait, laissant une sinueuse et noire trace de mort sur la flore. Son visage rajeuni d'une trentaine d'années, il semblait revenu aux temps lointains du Nécrolia, aux temps lointains du triste lendemain d'une des plus périlleuses conquêtes du voile.

Il marchait, cherchant désespérément quelques restes de sentiers terreux, pour guider ses pas jusque le fin souffle que ses sens avaient pisté depuis un autre monde. Un souffle faible et triste, une future victime de ses doigts spiritistes.
  • — Hum... Stanford, mère de Lilas, magicienne dont le saint sang s'est perdu dans les travers de l'évolution. Ce linceul, de tes yeux, j'ôte de mes mains blanches. Une fois la vue retrouvée, tu pleureras toutes les larmes de ton corps ; une fois ta voix retrouvée tu crieras jusqu'à la perdre ; une fois le goût retrouvé, tu vomiras jusque tes entrailles ; une fois l'ouïe retrouvée tu sombreras dans un silence éternel ; une fois le touché retrouvé, tu crouleras sous la douleur de tes entrailles, avalée par ma faim. Tu sombreras alors, vidée de l'essence de ton âme, dans la triste vie d'une de mes poupées.
    Durant de longues lunes, je t'obligerai à pleurer, j'irai jusque les profondeurs de ton être pour réveiller chacune des myriades de souffrances que ta carapace scintillante camoufle. J'éveillerai en toi un sentiment à des parsecs de la haine, plus fort que l'indifférence, plus profond que l'amour, une soif intarissable de magie t'animera, car seule la magie saura guérir ton corps, ton âme et ton coeur des travers de la reviviscence.
Il l'avait trouvée, au fond d'une grotte, son corps dessinant une étoile, sa tête renversée sur le côté, le lière dessinant son contour, comme sanctifiée. Condamnée à demeurer là, au milieu d'une grotte verte et humide, toute l'ironie du glorieux passé des élémentaliens, ce fut une sépulture descente, si elle avait été réellement morte. Le prince s'exécuta, trois des cinq doigts de sa main gauche se posèrent sur le haut de son crâne, l'autre main glissa sous sa nuque où seuls son pouce et son annulaire exercèrent une fine pression. Il écarquilla les yeux, une lueur rouge se dessina au fin fond de ses pupilles noires, la magie prit vie, et la livide créature qui errait là, lutant pour préserver le lien entre sa charnelle et son ombre, se réveilla.

Se tordant de douleur, dans l'harmonie tempétueuse des divers liquides qui s'échappaient de son corps avec violence et orgiaque, elle fleurait avec l'agonie. Une frontière que ses sens torturés auraient aimé franchir rapidement, mais tenue par les fils de son nouveau geôlier, elle se prêtait malgré elle à ses sadiques moeurs.

Dans un torrent de cri, des effluves de sang qui surgissaient de tous les trous, même certains juste créés pour l'occasion, ils disparurent. Deux voiles noirs les emportèrent... Dans le Voile.
Ouzine Lullazhar, Président élu des Euliadoux.

Khyrhyle, Magister des Naïadimes
Hidaï Lévi, Ingénieur en Chef Saharidiste.
Fondateur des Columna Creationis et éternel membre de la Pléiade.
Stanford
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Re: Faim de Magie

Message par Stanford »

Le temps suspendu. Et la vie coule... Ailleurs.

Pas pour elle, en déséquilibre entre les mondes, le jouet d'une magicienne de seconde zone. À se heurter aux cloisons de son esprit emmuré, il lui semblait élargir ses horizons. Elle n’éprouvait plus la moindre envie de rejeter les chaînes qui l'entravaient. Elle en avait bien caressé l’idée à certains moments en réchauffant son âme aux nombreuses trames du possible. En aurait-elle eu la capacité ? Plus facile de se laisser aller au néant, pas la force de se frotter à cette réalité là. Son temps ne se mesurait plus au sablier de la vie, la réalité ne l’emprisonnait plus dans ses reflets changeant, ses sens ne l’abreuvaient plus d’informations mensongères, ses émotions s’étaient affadies, elle se croyait libre.

Malgré la privation de ses sens, elle perçut cette approche, cette aura d'ombre et de désespoir, et sa cohorte de légions maudites. Et la promesses de souffrances infinies.

- Essaie un truc idiote, n'importe quoi plutôt que cela.

Mais la curiosité, l'envie de goûter à l’aventure même si celle-ci exhalait un parfum de sombre magie. Et l'impuissance. Elle s'était donnée le nom de magicienne, ses pouvoirs n'étaient rien au regard de ceux d'un Prince Démon. Elle n’avait fait qu’effleurer de sa conscience le vrai savoir, elle en était encore à ânonner ses lettres, alors que lui écrivait les pages les plus sombres du livre des ombres. Maintenant, elle appréhendait l’autre versant. Et ce savoir, elle en paierait le prix fort. Non, pas celui de sa vie, trop facile. Elle entrevit en une fraction de seconde ce que serait cet éveil, et tenta en une esquisse de révolte, une fuite, une parodie de défense. Elle tenta la mort.
Elle réunit ses pensées autour d'une seule, banda les forces de son esprit pour affûter cette volonté, tendit l'arc vers sa cible... Elle-même. Il y eut cette zébrure mauve trouant l'humide et verte prison, un éclat de feu voilé. Trop tard, beaucoup trop tard, trop faible, beaucoup trop faible. Elle sentit chez le démon la satisfaction, l’amusement, elle serait un jouet de choix. Et l'éclair s'éteignit avec la velléité de désobéissance.

Alors elle renaquit. Et mourut. Des milliers de fois. Elle brûla et gela de haine et d'amour. Elle hurla, et ses tympans s’assourdirent du chant des Cinq. Ses yeux effleurèrent le monde et elle voulut l’anéantir. Elle demanda grâce mais aucun son, aucune pensée ne franchirent les barrières de ses lèvres et de son esprit. Au-delà du sanglant linceul qui la régénérait, il y avait le voile.

Stanford la magicienne en avait rêvé. Elle avait joué avec l'idée de l'explorer, de se battre contre les forces qui menaçaient le monde. Et le cauchemar se substituait au rêve. Des secondes, des siècles s’écoulèrent. Des mondes agonisèrent, Des rêves s’étiolèrent à l’assaut de la réalité. Sous un ciel sans étoiles, elle n’entendait plus que les battements sourds de son corps enfiévré. Elle savait ce qu’il lui faudrait pour en panser les plaies. Elle deviendrait ce qu’elle avait ambitionné. En pire. Le Stanford relèverait lui aussi ses ruines éparses pour en distribuer la cendre au hasard de son hasardeuse quête.

Et pourtant, la flamme de la révolte ne s’éteignit pas, pas tout de suite pas comme cela. Elle garda au fond de son esprit une étincelle, une brindille, prêtes à s’enflammer et à brûler l’entrave du démon Azhar. C’était moins qu’une pensée un rien, tellement ténu, imperceptible qu’elle ne savait même en avoir conscience et que lui-même ne pouvait percevoir.

La souffrance avait et forgé et aiguisé l'instrument. Il ne restait plus qu'à le lancer sur les Cinq. Il était assez fou pour n'être qu'une flèche visant une seule cible. Le démon avait réussi au-delà peut être de ses desseins mais il lui faudra toute sa puissance pour le contrôler.
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Dox
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Re: Faim de Magie

Message par Dox »

Même dans la mort, dans la souffrance et le désarroi, l'espoir existe. Enfermé, caché ou scellé par les tissus de l'atrocité, il demeure. Cadre des plus fantasques toiles il est l'arme absolue des grands hommes. Mais l'espoir nourrit la foi, et la foi est propriété de l'âme. Et cette douce reine n'était plus qu'une âme meurtrie, accrochée à la vie par une foi nourrit d'une pellicule d'espoir. Une pellicule parasite, aussi tenace que le premier cheveux blanc, une poussière que le fin doigté du Prince Démon balayait avec soin.

La solitude était à la magicienne ce que la méditation est à un moine, le remède de ses maux, et le Prince ne laisserait cette graine traîner parmi les fines lianes de l'anémone empoisonnée qu'il avait implanté dans les profondeurs de son être. L'étape deux devait commencer. Stanford la reine trahie puis perdue, retrouvée puis détruite deviendrait bientôt une marionnette, docile et affamée.

Animée par l'ardeur de son pouvoir, elle déplierait ses nouvelles ailes, elle goûterait toute la subtilité de la jouissive puissance. Elle ferait de ses besoins sa volonté, de ses envies un génie qui exaucerait les voeux tacites d'un prince ravi.
  • — Lève-toi. Déploie tes ailes. Le feu qui brûle en toi, cette chaleur te révèle. Tu seras mon phénix.
    De tes cendres, des plumes naîtront. Tes chaudes flammes refroidiront quantité d'âmes, tandis que tes ailes feront pleurer les cieux. Les larmes du tout-puissant s'abattront sur les impurs, et nous épandrons les frontières de notre royaume.
    Le Grand Conseil tombera. Les démons régneront de nouveau en Galactica. Mais pour l'heure, suis moi.
Théran ouvrit la paume de sa main, un voile éthéré prit le vent et révéla l'un des trois chasseurs démons. Des vaisseaux noirs, plus noirs que le soleil n'est lumineux, un noir qui inhibe même les plus chaleureux regard, qui éteint l'espoir et fait de ses courbes de rêves le plus inattendu des cauchemar. L'engin ne comportait ni de porte, ni de vitre, pas même un cockpit. Il était piloté par la plus noire des âmes qui l'habitaient, et seul un songe suffisait à le lancer sur plusieurs parsecs. Seuls les êtres baignés du voile pouvaient le pénétrer. Il n'arborait nul étendard, aucune étoile, du pont au flan ne se reflétait, il abritait à lui tout seul, l'oeil du cyclone qui menaçait les chroniques toutes entières. Depuis la nuit de temps et pour l'éternité.

Aujourd'hui, et pour la première fois, le prince démon Azhar invitait une esclave à l'aborder. Chacun des trois chasseurs démons disposaient de deux chambres, deux salles de méditation, une soute, une salle des moteurs et deux systèmes d'armements très sophistiqués qui seront décrits plus tard dans l'aventure de la renaissante Stanford —elle en aura besoin. Pour piloter, il fallait méditer, pour manger, il fallait méditer, les chambres ? Elles étaient pour décorer, car même pour dormir, il fallait méditer. Enfin, tous deux finirent par l'investir.

Première destination, Désertica. Première étape de la formation, cours d'histoire. Lorsque Kronotos, fit de ses enfants, des gardiens, et lorsqu'ensemble ils faillirent à leur mission, lorsque la magie dégorgea sa malédiction sur la galaxie entière. Et lorsque les premiers démons, de l'autre côté, naquirent et grandirent en marge de la nouvelle société magifiée des Cinq. Un sujet qu'affectionnait tout particulièrement Théran. Son sang élémentalien était né du premier gardien de la sphère de Bois, Eulième l'Orbier, quatrième fils de Kronotos. L'autre moitié de son patrimoine génétique, nécromancienne celle-ci, descendait d'Alisha Mortis*, septième fille de Kronotos, la damnée.



* Complète invention, je chercherai bien dans les vieux écris du Lievanta, mais j'ai pas trouvé ='( .
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Stanford
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Re: Faim de Magie

Message par Stanford »

Le temps déposait son linceul gris sur les cinq captives pendant qu'elle étanchait sa soif à l'histoire des Azhar. Les sceaux du passé rouillé se désagrégeaient sous la volonté de Théran et les mémoires s'ouvrirent à elle. Elle revécut l'agonie de Dame Aburale Première, l'aînée de celles qui se sacrifièrent à Théran, celle dont la liqueur d'âme avait libéré les songes d'un enfant pour en faire la Geste d'un Prince Démon. Elle vit le sable de Désertica hydraté de sang se transformer en un bourbier aux reflets de rubis, lors de l'apparition de Kronotos. Elle frémit d'horreur quand le plus puissant des mages lança enfin la première incantation du chant des ombres tandis que les démons riaient de voir bientôt leurs entraves se changer en poussière.

Pendant qu'elle s'abreuvait à la source rouge sang de l'histoire, les Cinq continuaient de s'enfoncer dans leur déliquescence. Le voile n'était plus depuis longtemps qu'un souffle si ténu que les démons le traversaient sans peine. Et d'instiller l'ennui et l'indifférence au coeur des hommes pour en faire leurs créatures. C'est ainsi que Théran étendit son empire, c'est ainsi que Théran fit de la Galaxie son jouet, un jouet qu'il rêvait de modeler à sa guise comme il le ferait de la Magicienne. Et, se faisant Pygmalion, il en conçut une fierté immense.

***

L'enfant court et joue, il bâtit l'univers. Parfois, il tombe et des pans entiers de vie s'écroulent. Il rit et son appétit s'aiguise.

- Quatre, j'ai gagné !
- Non, j'ai le joker !
- Et moi...

Le plateau de jeu est renversé, les dés brouillés. Il pleure son jouet cassé.

Les bourses s'écroulent, le monde à l'agonie s'indigne et se révolte. Alors on rebâtit, il regarde, applaudit et souffle. Echec et Mat. La tour se délabre et le roi s'enfuit.

D'un piano invisible s’élèvent quelques notes fragiles, ténues, un espoir qui s'inscrit dans l'air. Et l'empire entier se lève et frémit, le renouveau enfin. L'enfant triche et sort la carte maîtresse.

L'espoir se tait. L'autre gagne la mise, rafle le coeur de la pianiste et le noie dans l'eau gelée de ses yeux. Tapis

***

L'obscurité en toile de fond car c’était toujours ainsi, pourquoi changer ?

Et les milliers de chars déferlent et les milliers de mages se lancent à l'assaut des tours qui se liquéfient. Le sol se change en roche volcanique, le relief s'exaspère sous l'aiguillon des puissances déchaînées. Se forment des montagnes aux pics de glace acérés, autant de souvenirs qui enflamment les mémoires. Et des cascades de sang ici et là miroitent à la lueur sépulcrale des yeux affamés des démons. L'air crépite sous les incantations, les canons écumants tressent la mort et la désolation en une danse or et lilas dont la chorégraphie immuable se joue sur une scène de crime. Du déjà-vu, déjà décrit, déjà écrit...

C'était hier pour des idées ; c'est aujourd'hui pour le profit, pour rien, par jeu … Et demain ?

***
Un bar crasseux dans une vieille ruelle infâme. Quelques habitués, une cape sombre, un capuchon couvrant soigneusement un visage oublié et des yeux trop reconnaissables.

_ Ce matin un oiseau...
_ a tué un chasseur...

Mot de passe ridicule, pense-t-elle, sous sa capuche grise. Ridicule mais efficace. La scène se répète à cinq reprises. Ils sont donc six. Six à se partager le monde et leur appétit insatiable ne s'en contentera pas. Il leur faudrait l'élargir le sublimer aux dimensions de leurs égos.

Six ombres luisantes de convoitise pour déchaîner l'horreur de leur médiocrité sur la galaxie et le destin s'écrirait mollement entre faiblesse et compromissions jusqu'à l'écoeurement.

***
Les flashs grésillaient et se succédaient pour exhumer le passé et le Prince démon satisfait s'abreuvait à l'étonnement et à l'admiration de la magicienne. Mais elle, recouvrant la mémoire, ranima la flamme de son propre passé pour y réchauffer de vieux souvenirs. Elle se remémora les figures oubliées du passé, celles que le sable de Desertica avait recouvert de sa prison de sable dorée, elle se remémora aussi les anciens maîtres de la Galaxie, ceux dont l'ombre planait encore dans les archives, ceux qui alliaient le verbe et l'action, et qui dans un rire et une pirouette avaient engagé des batailles homériques. Elle se remémora surtout Vertana et la très jeune femme qui un jour avait tenté d'y bâtir des chimères. Et à l'aune de ses voyages retrouvés, la silhouette de Stanford s'échappait de l'ombre et se dessinait en traits de lumière sur le fond noir des desseins du Prince Démon. Et soudain une ancienne perle verte dont elle avait oublié jusqu'à l'existence même apparut sur sa gorge. Et l'humanité alors lui revint et avec elle ses erreurs et ses défauts. L'ambition et la glace. La rigidité et la rancune.

_ Non !

Et le jouet s'échappa de l'emprise du Démon alors qu'il le croyait encore au creux de ses mains.
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