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L'Oasis d'Esoh

Publié : 13 août 2019, 19:58
par Esoh Cysp
Mon prénom veut dire soigner, mon nom obéir.
J'associe les deux dans une vaine tentative de me réparer moi même.
Je soigne le monde, et j'obéis à mes maîtres.
Pour soigner il faut savoir déconstruire : nettoyer, analyser, parer, aseptiser, ce n'est qu'après que l'on peut remettre les choses dans leur ordre naturel, reconstruire un nouvel ordre des choses.
Pour soigner ce monde il faut parfois inciser, et réduire le mal qui le ronge.
Pour soigner il faut tuer le mal.
Pour tuer il faut un bon blaster, une lame ou calciner l'autre par quelques incantations.
Pour soigner il faut tuer...
Pour tuer il faut obéir.
Pour obéir il faut...

« Votre grandeur ? »

Une voix vient me faire sortir de mon songe. Je n'aimais pas ce titre. Il était constant dans notre hiérarchie mais me donnait la perpétuelle impression d'une moquerie floue et sarcastique.

Je jetais un œil sur le corps sans vie du sans nom devant moi que je transperçais encore de mon coutelas. En le retirant la chose inanimée s'affaissa doucement sur le sol. Une rapide rotation de ma main eut vite fait de nettoyer les deux versants de ma lame sur mon bas avant que je me retourne vers mon inférieur hiérarchique.

Celui là me regardait d'un air hébété et bêta comme il le faisait si souvent. Le reste des hommes et femmes de troupe restait muet alentour parmi les dizaines de cadavres qui jonchaient le sol. Un léger souffle ensablé balayait leur visage coloré. Bientôt le vent viendrait recouvrir les corps de ceux qui il y a encore quelques minutes s'animait d'une vigueur éphémère.

« Faites parvenir à l'état major que les derniers parasites de la région sont tombés ».

Les premiers drones allaient pouvoir se déployer autour de l'Oasis de l'Esoh.

Je jetais un dernier coup d'oeil au corps à terre devant moi, balafré par le temps et l'acier. Il avait le visage de mon père. Je le détestais.

En l’enjambant pour rejoindre la troupe qui commençait à fouiller les baraques alentours un murmure me parvint de l'arrière.

« Assia. »

Je ne me retournais pas, c'était le même type de voix qu'à l'habitude... Mais comme le murmure vint à se répéter avec insistance je le fis taire d'un comprimé qu'il me restait du matin et que je pris la main tremblante et réfractaire dans une poche intérieure de mon large vêtement.

Le murmure mit plusieurs minutes à se taire et à se commuer dans le souffle de fond, le souffle expiatoire du vent qui balaye la plaine. Plusieurs minutes durant lesquelles mon regard se perdit sur le lointain où une effervescence mécanique se mettait en route parmi le jaune éclatant et brûlant de la planète Désert.