Une simple histoire

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Namaj Vüenthal
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Inscription : 19 févr. 2008, 19:49

Une simple histoire

Message par Namaj Vüenthal »

L'eau se laissait couler tranquillement entre les falaises de calcaire. La journée était belle, le Soleil ne se faisait pas taquiner par les nuages, la rivière renvoyait les raies de l'étoile diurne dans nos yeux, nous obligeant à les crisper continuellement.
Thomas et moi avions marché une heure avant d'arriver à la rivière. On était parti du village juste après manger ; maman nous avait préparé un goûter et l'avait mis dans nos sacs à dos ; ensuite, après avoir traversé la bruyère et le bois, on se posa sur la roche à deux pas de l’eau. De celui-ci on comptait passer de l'autre côté de la rivière pour sauter de la falaise. Elle devait culminer à une petite dizaine de mètres. Maman ne voulait pas qu'on saute. Elle disait sans cesse que c'était dangereux, qu'on ne savait pas ce qu'il y avait au fond, et que si on sautait près d’une couleuvre, elle risquait de nous mordre. Malgré tout, on lui disait qu'on partait pour faire quelques longueurs et ce serait tout, elle râlait et on y allait discrètement par la porte qui menait au jardin.
L'après-midi était chaud, très chaud. Il devait faire une trentaine de degrés. La sueur ruisselait sur nous comme la rivière dans son lit.
On restait silencieux. Exceptée l'eau qui clapotait sur nos chevilles, le silence était total. Thomas s'allongea. Je ne pus résister, je lui donnai un coup de coude pour le garder éveillé.
Les minutes défilaient rapidement et comme je supportais pas de rester près de la rivière sans s’y baigner, je pris Thomas par le bras et on se jeta enfin à l'eau.
On perdait de suite pied. La rivière avait dû mettre des siècles ou plutôt des millénaires à éroder le plateau. Elle n'avait pas chômé. En regardant en hauteur, on voyait des falaises d'une quarantaine de mètres. Cependant, l'autre rive ne présentait pas le même relief. A peine quinze mètres, ce qui satisfaisait largement pour s’amuser.

On traversa la rivière en se faisant la course. Thomas toucha en premier la paroi. Il l'escalada. Il voulut être aussi le premier à se jeter.
Plus petits, mon frère et moi, on avait commencé par de petits murs de deux mètres. Au fur et à mesure, prenant du poil de la bête, les deux mètres ne paraissaient plus bien grands. La hauteur des plongeoirs augmentait. Cette année, on avait décidé d'essayer un escarpement situé un plus en amont, qui, d'après des gars qui l’avait essayé, mesurait dix-huit mètres. Il faudra garder nos chaussures. Les arpions… On sondait en se laissant couler jusqu’à toucher le fond, on regardait comment était fichue la falaise avant de sauter. Il y a déjà eu des blessés, autant éviter de prolonger la liste.
Juste avant le premier bond de la journée, on avait toujours une drôle d'appréhension qui revenait dès qu'on inaugurait un nouvel endroit. De temps en temps, on n’arrivait pas à sauter. Mais il suffisait que nos regards se croisent pour que celui qui devait se lancer comprenne que l'autre lui disait «poule mouillée».
Thomas sauta droit comme une tige — une belle chandelle —. Je fis comme mon frère pendant qu'il remontait. Je restai dans l'eau pour le voir sauter. Moi, il me fallait toujours un petit instant de concentration, les bras tendu vers l’avant pour me tirer dans l’eau. Mon frère, lui, fonçait tout droit sans réfléchir. Il avait bien raison. On ne sait pas de quel côté va tomber la pièce tant qu'elle n'est pas tombée par terre, alors ça ne sert à rien de réfléchir sur le «pile ou face». Foncer. Rester debout à regarder en bas, c'est pas bon. On commence à se dire «c'est quand même haut». Se vider la tête et foncer.

Cela faisait un moment qu'on faisait des cabrioles. On avait sauter de plusieurs endroits. Une fois, il fallait viser une zone de deux mètres carré, sinon les rochers…
J'étais crevé. Je dis à Thomas qu’il fallait que je retourne aux sacs à dos pour goûter. Il me fit signe de la tête. Plouf ! il plongea et me rejoignit à la brasse.
Maman avait saupoudré deux tartines beurrées de chocolat en poudre. Et en plus, elle nous avait donné des pêches du voisin.
Le souffle coupé, on s'allongea sur nos serviettes de bain.
Thomas me demanda si je voulais rentrer. Je lui répondis que non.
« Encore une dizaine de plongeons ?

— Oui, ça me va », lui répondis-je.
On s'endormit.

Quand nous nous réveillâmes, nous fûmes surpris par le niveau de l'eau. Il avait mystérieusement monté. Pourquoi ? La marée ? Une rapide fonte des neiges ? Une lâchée d'eau du barrage ? On saura jamais…
Il y avait le ciel qui avait changé. La luminosité n'était plus la même. Le bleu était plus foncé, le soleil plus jaune, les nuages moins présents.
Nous eûmes de nouveau envie de nous baigner. L'eau était un peu plus chaude.

Thomas me fixa d’un air étrange. Il voulait faire la course avec moi. Aller le plus loin possible sans s'arrêter, jusqu'à l'épuisement de l'un ou de l'autre.
L'eau se laissait couler tranquillement entre les falaises de calcaire. La journée était belle, le Soleil ne se faisait pas taquiner par les nuages, la rivière renvoyait les raies de l'étoile diurne dans nos yeux, nous obligeant à les crisper continuellement.


La course dura bien quinze minutes avant que je n'eusse une crampe à la jambe qui me stoppa net. Thomas s'arrêta lui aussi, victorieux. On regagna la rive. Il y avait moins de calcaire ici, et il y avait à peine un mètre à escalader afin d'arriver sur la terre ferme. Une fois monté, Thomas m'aida à monter. Les environs étaient bien plus plats que par chez nous, et pourtant nous n'avions nagé qu'un quart d'heure, même pas un kilomètre.
Ma crampe disparut petit à petit. Thomas en avait profité pour faire un tour.

« Viens voir ! cria-t-il. Viens voir !
— Qu'est ce qu'il y a ?
— Viens voir, je te dis. »
Je le rejoignis.

La porte de la cabane était ouverte et Thomas était dans l’entrée. On balaya la pièce de nos regards. Il y avait toutes sortes de choses posées ou accrochées par terre, sur un meuble qui devait servir de table ou au plafond.
« Regarde ça, me dit-il en me montrant un sabre qu'il prit aussi sec.
— Vas y enlève le fourreau. (Il le fit et le brandit en l'air ; il fendit brusquement l'air avec, la lame passa près de moi.) Hé ! Fais gaffe, putain ! Je sors moi, il n'y a rien d'intéressant là-dedans. Que de vieux trucs miteux.
— Je rapporterais bien ce sabre à la maison. Il examina le sabre sous toutes ses coutures.
— Ça va pas la tête, maman va nous engueuler. (Je vis quelqu'un à une cinquantaine de mètres près de la rivière.) Laisse le, il doit appartenir à la personne là-bas.
L'illusion de l'énergie dans la certitude du surplace.
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