Renaissance

Ici sont chroniquées les histoires des Etats et de leurs dirigeants

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Sergent Kami
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Je me nomme Kami, Kami Raykovith. Fier gouverneur d’un Etat Volcanien, le Kamagma.

Une puissance moyenne que j’avais toujours pris soin de ne pas placer sur le devant de la scène. En effet, nos troupes bien que très compétentes ne suffisaient plus pour affronter les puissances colossales qui s’alliaient. Au fond, cela ne me dérangeait pas, puisqu’en contre partie nous possédions assez de techno-pirates pour protéger notre or contre toute tentative de vol. Nous avions plus de missiles que nécessaire pour effacer l’une de ces puissances d’un seul coup. En somme, le Kamagma faisait partie de ces Etats pouvant réellement nuire sans être inquiété par ses pairs et cela nous emplissait de fierté.

Mais toute chose avait une fin.

Je poursuivais mes recherches sur la magie, et plus spécialement la série d’expériences qui devaient confirmer ma théorie. Je pensais alors que chacun avait un potentiel magique, un peu comme un terrain en friche plus ou moins grand selon les individus et qu’il nous suffisait de cultiver ce terrain pour pouvoir manier la magie. Maniant une forme de magie peu répandue je me suffisais souvent à moi-même lorsque j’avais besoin d’un échantillon de cellules pour divers tests. Cela expliquait en grande partie pourquoi je m’isolais souvent, laissant mes officiers régler les éventuels problèmes avec des flottes non autorisées en orbite.

Un après midi, après plusieurs jours d’isolement, un jeune soldat vint à la porte de mon laboratoire et hurla presque paniqué que je devais monter en salle de logistique. La voix de ce bleu attira immédiatement mon attention. Je sauvegardais mes recherches et les emportais avec moi, au cas où l’on s’amuserait à piller le laboratoire pendant mon absence.

Après une volée d’escaliers gravis au pas de course, j’arrivai enfin là où j’étais attendu. J’y vis des soldats blêmes, des officiers qui se massaient les tempes en cherchant une solution. Le radar était formel : L’armada arriverait dans 35 minutes et nous ne possédions que le centième de sa force estimée. L’alerte était donnée.

Cinq minutes plus tard, tous les soldats formaient une assemblée improvisée devant le palais du Kamagma. Les officiers attendaient sur les marches, nerveux. Tous se tournèrent dans ma direction lorsque j’apparus aux portes du palais accompagné de May -ma femme- et de ma fille.


Mes frères, mes amis…

Toute l’assemblée était suspendue à mes lèvres prête à réagir au moindre de mes ordres. Ils avaient placé toute leur confiance en moi, parce qu’auparavant j’avais toujours réussi à nous tirer des pires problèmes. Mais aujourd’hui je ne savais que faire. Je m’adressais à eux avec une pointe de désillusion dans la voix.

Comme vous le savez, une armada approche. D’ici trente minutes, nous serons à portée de canon. Cette force… Nous ne pouvons lutter contre elle. Ce serait comme s’ils envoyaient un chasseur attaquer l’une de nos stations SOLAR. Quelques soldats goûtèrent à la plaisanterie avant d’être rappelés à l’ordre par leurs pairs. Aujourd’hui je suis dans l’incapacité de prendre une bonne décision, tout simplement parce que qu’il n’y en a pas. Nous sommes acculés.

Les troupes régulières n’en croyaient pas leurs oreilles. Ce n’était pas dans mes habitudes d’avoir ce genre de discours. Je lisais dans leurs yeux de l’incompréhension. Etais-je en train de les abandonner ? Je repris :

Aussi, je ne peux me résoudre à tous vous envoyer combattre sachant que votre mort sera quasi-certaine. Avant cette réunion, j’ai ordonné aux civils de se diriger le plus rapidement possible vers les bases spatiales pour embarquer et fuir. Je vous laisse l’opportunité, soldats, d’en faire autant. Sauvez vos vies, partez avec vos familles pendant qu’il est encore temps. Fondez d’autres colonies ailleurs, et prospérez. C’est tout ce que je vous souhaite. Pour ma part, je ne faillirai pas à votre confiance et tacherai de retenir nos ennemis pour vous permettre de fuir.

Un soldat peut être un peu plus choqué que les autres s’avança et prit la parole sous le regard étonné des officiers.

Sergent? Vous nous disiez toujours qu’on était les meilleurs. Et à chaque fois, quand c’était la merde, on savait que vous étiez là pour nous ramener à la maison. Alors les gars et moi, on s’disait qu’aujourd’hui, bah on allait pas vous lâcher. Le soldat se retourna vers l’assemblée. J’sais qu’y’en a qui veulent se barrer pour sauver leurs fesses et les gosses mais si personne ne reste ici pour aider le sergent, personne ne pourra partir… Alors c’est décidé, moi, j’reste !

Les paroles du soldat firent vibrer la corde patriotique de quelques guerriers qui s’avancèrent et s’agenouillèrent, laissant l’assemblée en retrait. Je ne savais plus quoi dire. J’étais à la fois gêné et touché par cette loyauté. Je repris vite mes esprits pour distribuer mes derniers ordres.

Merci soldats. Que ceux qui souhaitent partir embarquent avec les civils. Prenez nos cuirassiers, et quelques chars si vous le souhaitez. Embarquez également dans les stations SOLAR, nous n’en aurons pas besoin ici. Soldats, vous êtes chargés de la sécurité de vos frères. Les équipes actuelles sont dissoutes. Dès que vous aurez choisi votre vaisseau, vous serez sous les ordres direct de l’officier à bord. Officiers, je veux que vous vous répartissiez dans les vaisseaux. Faîtes comme bon vous semblent, mais faîtes vite. Courte pause. Promettez-moi de rester en vie. Bonne chance.

Puis, en me tournant vers le petit groupe de suicidaires, j’ajoutais : Montez dans les chasseurs, votre mission sera de protéger les vaisseaux dans leur fuite. Tirez dès que vous jugerez être en danger.

Je m’approchai ensuite de ce soldat sans doute un peu plus fou que les autres et le fit se relever. Je le promus officier et ordonna aux autres de suivre ses directives comme si elles venaient de moi. Je le gratifiais ensuite d’une tape sur l’épaule et disparaissais.

Encore 20 minutes. J’étais prêt à poursuivre mon plan. Mon chasseur m’attendait sur la piste du spatioport du palais prêt à décoller. J’avais lancé l’autodestruction de nos silos à missiles. Cela promettrait un superbe feu d’artifices. Désormais tout était calme.

10 minutes. Regardais les vaisseaux de civils décoller un à un. Nombre de souvenirs remontèrent. La joie des batailles durement gagnées, le goût amer des défaites, les affaires des petites gens à régler. Tout était terminé. Je me dirigeais à présent vers les jardins du palais, que j’avais pris soin à faire aménager à ma convenance. Ici aussi, il s’en était passé des choses : Mon mariage, ma première rencontre avec le seigneur Dicou qui fut sans doute mon meilleur ami dans toute cette jungle politique.

Soudain, ma profonde méditation fut troublée par la présence de deux flux de magie à vingt mètres derrière moi. Je me retournais, ma femme et ma fille étaient là. Je me précipitai à leur rencontre.


Que faîtes-vous là ? Je vous avais dit de fuir ! Pourquoi n’avez-vous pas embarqué ?

Je n’eus pour seule réponse qu’une claque agrémenté d’un regard froid. Puis elle m’étreint en murmurant :

Il n’y avait plus de place. Les civils ont emmené plus que nécessaire. Une émeute a éclaté. Il y a déjà des morts. Une partie des soldats dut se résoudre à rester à quai… Ils remontent au palais avec des chars pour assurer notre sécurité.

Je restais sans voix. L’alarme retentit. L’attaque était imminente.

Je pris la main de ma femme et courut au spatioport. Il nous fallait décoller et traverser le portail de téléportation. J’entendis les premiers tirs. Déjà la capitale prenait feu. Ce n’était qu’une question de temps avant que le palais ne soit ciblé.

En passant devant la salle de logistique un détail m’arrêta dans mon élan. Tous les écrans indiquaient également deux autres choses : nous allions subir un bombardement nucléaire et d’ici quelques secondes nos boucliers thermiques allaient imploser. Ces boucliers nous permettaient de vivre au sol sans être inquiété des fortes chaleurs de Volcano. Sans ces derniers, la ville, le palais, et les derniers survivants… Tout serait réduit à l’état de cendres.

La température avait énormément augmenté depuis quelques secondes. Ma femme utilisait la magie pour ne pas ressentir les effets de la chaleur. Notre dernière chance était le chasseur qui attendait un peu plus loin.

Nous arrivâmes enfin sur la plate-forme d’embarquement. La température n’était plus supportable au point que je dus moi-même recourir à la magie pour ne pas mourir. En un instant, mon corps n’avait plus de consistance. J’étais devenu de la fumée. Il m’était alors plus aisé de me déplacer mais j’attendais May. En contrebas, la ville brûlait allègrement, et j’entendais des cris. Sans doutes mes derniers soldats qui furent emportés par la fournaise. Les tirs avaient cessé. J’en profitais pour presser May. Etant devenu de la fumée, je ne pouvais plus la forcer à courir à mon rythme. Plus le temps passait, plus la chaleur augmentait et plus les forces de May diminuaient. Son flux de magie, tout à l’heure très puissant n’était quasiment plus perceptible.

Il nous restait une dizaine de mètres à parcourir pour être sauvés. C’était dix mètres de trop. May épuisait ses dernières forces. Elle s’arrêta et me fit un sourire qui exprimait toute l’étendue de sa tristesse. Ma femme plaça ses mains là où se trouvaient les miennes comme pour les saisir.


Kami, pardon... Je ne peux plus avancer... Je n’ai plus de forces.

Le temps semblait s’être arrêté. Sa main s’approcha doucement de mon visage et au lieu de l’effleurer, elle passa au travers. Je voulus pleurer, mais la magie qui me protégeait m’en empêchait. La magie qui entourait May s’estompa et la femme parvint à articuler un « Je t’aime » avant que son corps et celui de ma fille ne prennent subitement feu.

L’instant d’après, la fumée me rendait mon corps à l’intérieur du chasseur. Ce dernier, préservé grâce à ses propres boucliers thermiques, décolla et traversa le portail de téléportation. Le portail se referma brusquement, coupant le réacteur de l’appareil en deux. J’arrêtais la propulsion avant que l’appareil n’explose. Je me trouvais en orbite de la planète rouge, loin du combat qui avait causé la perte de mon Etat.

Je me nomme Kami Raykovith et aujourd’hui, je ne suis plus rien.
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Mon appareil errait dans la voûte céleste, retombant lentement vers le sol volcanien faute de propulseurs. Je devais limiter au maximum la consommation du chasseur endommagé pour préserver ses maigres réserves énergétiques. Ainsi seuls les dispositifs d’urgences restaient actifs, c’est à dire le module d’atterrissage automatique, les rétro-propulseurs, les boucliers thermiques. J’avais même pris soin de limiter la puissance du recycleur d’air. Malheureusement, il n’y avait pas de fumée sans Feu, et encore moins de Feu sans air ! Malgré l’étonnante endurance que me procurait la magie, je restais humain et cette privation d’oxygène me faisait perdre peu à peu conscience.

Je ne saurais dire combien de temps mon appareil a chuté, son nez pointant dangereusement vers le sol. J’essayais de lutter contre moi-même, captant par moment les images inquiétantes d’un sol toujours plus proche. Le chasseur était secoué et se disloquait petit à petit. Puis après un ultime choc, l’engin se « posa », à proximité d’une cité. Le cockpit s’ouvrit lentement, faisant pénétrer en son sein un filet d’air salvateur qui ramena de force mon esprit au monde des vivants.

Quelques minutes plus tard, je me retrouvais face contre terre deux mètre plus bas, après avoir tenté de descendre de l’appareil endommagé. Si mon esprit avait retrouvé assez rapidement sa vivacité, mes membres ne s’étaient pas encore remis de leurs mauvais traitements et répondaient de manière incohérente. Inutile de préciser avec quelle facilité la troupe qui m’attendait me captura. Pour ma part, je m’évanouis.

Je me réveillai au centre d’une petite cellule austère fermée par une lourde porte en fer et au sol glacial. En dehors de la bougie que le garde endormi avait allumée, aucune source de lumière ne venait agrémenter ce sinistre espace. Je m’assis contre un mur, soudainement abattu par le chagrin. Le choc causé par la mort de ma femme et de ma fille s’était estompé, me laissant en proie à une souffrance indescriptible. Les larmes coulaient d’elles-mêmes sans que je puisse les retenir. Ces sombres pensées annihilaient ma détermination, ma combativité et mon envie de vivre.

Soudain une poignée de gardes apparurent à la porte du cachot pour m’escorter jusqu'à la salle d’interrogatoire. A l’intérieur, une femme m’attendait. Ses habits lui conféraient un charme certain toutefois inférieur à celui de ma défunte May. Même avec les yeux rougis par la tristesse et cernés par la fatigue, je lui rendais son regard emprunt de haine et de mépris. Je fus attaché à une chaise, et l’on m’injecta un puissant psychotrope sans doute pour faciliter l’interrogatoire. Malheureusement pour eux, j’étais entraîné à résister à cette forme de torture. Mon esprit n’allait pas flancher de cette manière même si je ne sentais déjà plus mon corps. Sans même la voir, je sentis la femme s’approcher de moi, avant que la drogue ne me donne l’impression de plonger dans les abysses.

Une voix martelait sans cesse mon esprit, l’intimant de céder.


Qui es-tu ? D’où viens-tu ?

J’étais aveuglé par la lumière. Pour ne pas répondre, je me concentrais sur d’autres images : Ma fille jouant au ballon dans les jardins du palais kaméen. Elle souriait, et quand elle tombait j’entendais des rires signifiant qu’elle n’avait pas mal.
L’interrogatoire prit fin sur cette note de joie cachée dans mes souvenirs. Mon visage retrouva le froid du sol de pierre de la cellule.

La drogue altérant ma perception du temps, j’ignorais combien de temps je fus contraint de barricader mon esprit. Ma journée était rythmée par les interrogatoires et les nouvelles injections de drogues. J’errais entre la lumière aveuglante de la salle de torture et les ténèbres du cachot. Toujours accompagné de cette voix tantôt douce, tantôt menaçante, mais qui essayait sans cesse de me faire craquer.

Noir absolu. Ma femme se promenait à mes côtés dans la cité d’Alanhav. Nous étions alors en paix. Tout allait bien à cette époque.


Qui…

Lumière aveuglante. May pleurait, de peur que je ne la rejette. Elle était enceinte de ma fille. Je la pris délicatement dans mes bras pour la rassurer. Je baignais dans une félicité indescriptible.

…es…

Ténèbres. Je tombais malade à cause de la magie. Ma main droite et mon avant bras se consumaient lentement. Je commençais à me détruire.

…tu ?

Lumière éclatante. Je revis encore une fois la fin de mon idylle, au spatioport, là bas. J’avais perdu. Je parvins à prononcer quelques mots, d’une voix tremblante, le tout agrémenté d’un sourire narquois.

Tue-moi…

Un cri sans doutes causé par la colère clôtura cet entretien. La voix se retirait.

Enfermez-le ! Je vous jure qu’il flanchera !

Noir. Je me retrouvais seul avec May. Elle me foudroyait du regard, puis me gifla de toutes ses forces. J’en fus assommé sur le coup. Puis, je sentis son étreinte douce et rassurante.
Je ne pouvais pas tout claquer et disparaître. Ce n’était pas ce qu’elle aurait voulu.

J’ouvrais les yeux, empli d’une détermination et d’une combativité renouvelées. Les effets des drogues s’étaient dissipés et remplacés par la fatigue. Avant de sombrer dans les ténèbres, je tendis mon esprit, captais l’énergie dégagée par mon voisin et un instant plus tard l’aura faiblarde du personnel de la prison qui dormait. Il n’y avait donc qu’un seul garde… Tant mieux. Le lendemain je sortirais.

A mon réveil, je me sentais en pleine possession de mes forces. Je fis quelques étirements pour la forme, puis mon corps devint fumée. Sous cet aspect, passer entre les barreaux de la porte fut un jeu d’enfants. Je retrouvais mon corps de l’autre coté, sous les yeux d’un garde qui frôlait la syncope. Je le saluais d’un signe de tête en esquissant un sourire satisfait. Au moment où j’allais pousser les portes et quitter le sous-sol de la prison, je réalisais que je n’avais aucune idée quant au lieu où mon équipement était entreposé ! Qu’a cela ne tienne, je fis marche arrière et demandai ce renseignement au garde. Ce dernier s’évanouit en murmurant quelque chose comme « premier étage ».

Tout le trajet se passa sans encombre. Je prenais toutes les précautions nécessaires pour ne pas être remarqué, usant de la magie lorsque je ne pouvais pas faire autrement. Si l’on découvrait ma cellule vide, l’évasion risquait de devenir compliquée… Dans la petite salle exiguë, je pris le temps de récupérer mes armes, c’est à dire mon revolver ARK 12 au canon élargi et mon poignard. J’emportais également les deux petites sphères de cristacier contenant les sauvegardes de mes recherches.

Alors que je m’apprêtais à repartir telle une ombre, l’alarme retentit. J’étais conscient que mon escapade ne pouvait pas passer inaperçue très longtemps mais j’aurais souhaité avoir un peu plus de temps. Il me fallait encore traverser toute la prison pour en sortir…

Tant pis pour la finesse, je n’avais pas d’autres choix que de foncer. Je libérais mon aura, m’entourant d’un léger voile de fumée, ce qui eut pour effet d’augmenter sensiblement la vitesse de ma course. J’entendais les gardes s’organiser pour m’empêcher de fuir. J’accélérai. Quelques bleus eurent la bonne idée de tirer à vue, les balles traversant sans peine la fumée.

Après cinq minutes de course, j’atteignais enfin la grande porte, la seule sortie de ce sinistre bâtiment. Cette dernière était gardée par des dizaines de gardes. La femme qui m’avait interrogé la veille me « barrait » le passage. Elle tenait dans sa main une grande hallebarde qu’elle pointait dans ma direction. Je m’arrêtais à dix mètres d’elle et souris. Je lisais dans son regard de la curiosité mêlée à de la convoitise.


Bats-toi.

Je m’élançais vers elle. La femme fit tournoyer la hallebarde dans les airs et se préparait à me donner un coup. Je voyais la magie se concentrer à l’extrémité de la lame. En un clin d’œil je disparus et pour réapparaître vingt mètres derrière elle. La porte fermée ne me retint pas plus longtemps.

Malik, Rann, trouvez-le et amenez-le-moi vivant.

J’avais réussi. J’étais désormais à plus d’un kilomètre de mon lieu de captivité, goûtant à nouveau à la liberté.

Qui que tu sois, je te veux.
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Un mois s’était écoulé depuis ma fuite. J’avais alors couru à travers les villes successives sans jamais me retourner, évitant par la même occasion de me faire rattraper par des souvenirs douloureux. Après des jours d’errance, je parvins à embarquer clandestinement dans un transport de marchandise pour la planète jaune.

Perdu au milieu de nulle part.

Ma boussole avait été endommagée lors d’un affrontement avec le transporteur. J’avais néanmoins réussi à lui chaparder une centaine de crédits galacticains et des vivres pour une poignée de jours avant de reprendre ma course. Et maintenant que la tension retombait et qu’une dizaine de kilomètres me séparait de tout point de ravitaillement connu, je n’avais plus que mes yeux pour pleurer. Pourtant, quelque chose en moi me pousser à avancer inlassablement de longues heures durant.

Le soleil se couche.

Je devais trouver un abri et vite. La nuit, le désert reprenait vie. La faune locale partait en chasse et les bandits en planque dans les environs se préparaient à attaquer les convois nocturnes. Rien à l’horizon, à mon grand regret. Je sortis un cachet que j’avalais avec difficulté. Il s’agissait d’un remontant qui estompait les effets de la fatigue. Je jetais un œil aux étoiles pour me créer d’éphémères repères. Ma marche pouvait reprendre. […]

Je ne comptais plus les jours qui passaient. Mon organisme semblait se déconnecter de la réalité lentement mais surement.


Ne me regarde pas comme ça ! Je peux le faire et je vais te le prouver…

Le désert apparut à nouveau. Mon interlocuteur avait disparut sans somation. Encore une hallucination… Pourtant cet intense brasier qui remontait lentement dans mes chairs semblait réel, lui…

Trois pas suffirent à me faire perdre l’équilibre, me faisant plonger dans le sable chaud. Sous l’impitoyable soleil de Desertica, le Feu de Volcano était prêt à s’éteindre. J’avais puisé dans mes dernières réserves. Je me retournai pour contempler le ciel azur. Ma vue se brouillait lentement. Une silhouette noire apparut au-dessus de moi ; je levais une main tremblante dans sa direction.


Kasseo (Pitié)

Dans un dernier éclair de lucidité, je parvins à murmurer « Aide-moi » avant de sombrer dans les abysses de mon inconscient.


T’en fais pas petit, l’vieux Nill va t'remettre d’aplomb.
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Gamin, j’sens qu’on aura plein d’choses à s’dire.

Depuis sa mort, j’avais l’impression de me redécouvrir, à chaque pas que je parcourais. Cela faisait longtemps que je n’avais pas senti ce petit quelque chose d’humain. Cette sensation profondément ancrée en nous, celle qui était notre pénitence lorsque l’on avait trop maltraité son enveloppe charnelle. Ces milliers de bourdonnement dans mes oreilles, si désagréables et qui finalement me rassuraient plus qu’autre chose. Le Feu ne s’était toujours pas éteint.

Agressé par la lumière du jour, j’eus du mal à ouvrir les yeux. Mon premier réflexe fut de me redresser. Bruit caractéristique d’un révolver qui s’arme. Je frissonnai, et accusai la surprise de sentir le canon de mon arme entre mes deux yeux. Je refermai les yeux, espérant me réveiller ailleurs, et sans me faire braquer de préférence
.

‘Bouge pas gamin.

Malheureusement, ce n’était pas un rêve. J’ouvrais les yeux lentement et soutenais du regard mon interlocuteur. Au fond, je n’avais rien à perdre vu que les balles ne pouvaient pas m’atteindre.

Où suis-je ?

J’pose les questions et tu réponds. T’es qui ? Et surtout tu fais quoi avec s’t’arme ? T’as pris çà à qui ? L’armée royale ? Un capitaine de garde ? J’déconne pas petit, j’veux pas d’emmerdes avec eux moi.

Je ne répondais pas, mon mutisme semblait me profiter davantage que la coopération. J’avais besoin de temps pour analyser mon environnement et trouver une issue. Pourtant j’étais intimement persuadé que cet autochtone pouvait encore m’aider d’une quelconque manière. L’homme recula de quelques pas et s’assit sur une chaise en bois. La baisse de tension, m’incita à parler.

Je suis Kami Raykovith, simple émissaire …

Et je lui racontais une histoire, parfois un peu enjolivé, parfois plus sombre. Pas la mienne, évidemment, mais cela m’amusait. Le temps où ma fille me demandait ce genre de récit était encore si proche dans mon esprit… Moi qui n’étais pourtant pas un si bon orateur comparé à mes semblables, je fus étonné de voir le vieil homme suspendu à mes lèvres. Etonné et soulagé que ma chance ne m’ait pas lâchement quittée.

… et c’est ainsi que je me suis réveillé ici. Je vous dois la vie d’ailleurs, et je ne sais comment vous remercier.

Je le gratifiais d’un sourire sincère.

Ton flingue, c’est pas de la daube, j’ai pas voulu l’vérifier mais à vue de nez t’as un calibrateur type « un quart-trois quarts ». Moi j’te l’dis, à l’époque c’était l’top.

Tu as servi dans l’armée ?

Et pas qu’un peu gamin ! Avec une autre escouade, on a libéré s’te ville d’l’influence des mag’noirs !

Les mages noirs ?

D'la folie ! Ces mecs là réveillaient les morts. J’me souviens l’chef d’escouade disait de bruler les corps dès qu’on en tuait. Une vraie boucherie, mais on s’était bien marré quand même !

Et… Où sommes-nous ?


T’es à Tirenn, petit. La première ville où on a interdit l’utilisation d’cette putain d’magie ! Je les r’vois encor’ s’pendre au bout d’une corde, ces p’tits merdeux…

Je rendis son sourire, feignant l’admiration pour son « exploit ». Certes, j’éprouvais un certain respect pour mes pairs, qu’ils soient soldats ou officiers, en activité ou non. Mais mon sixième sens sentait quelque chose, un flux de magie différent. Comme si je n’étais pas le seul être dans les environs à maitriser l’interdit. De toute évidence, les nécromanciens n’avaient pas été éradiqués. Intérieurement, je me réjouissais de cette découverte, j’avais enfin l’occasion de les étudier, eux et leur « magie ». Cette nuit là, je prétextais de vouloir me promener à la lueur des étoiles pour sortir. La traque pouvait alors commencer.
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Re: Renaissance

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La nuit, étrange alliée du rêveur, tisseuse des aventures les plus folles où chaque songe prenait une dimension supérieure sous l’œil bienveillant de ses gardiennes étoilées. Bercé par la lumière laiteuse d’une intensité céleste qu’aucun nuage ne saurait occulter, j’errais dans Tirenn à la recherche de cette étrange source de magie qui semblait faire écho de l’autre coté du voile dans un vacarme assourdissant, rendant ainsi mon sixième sens presque aveugle. Une immonde cacophonie causant un tout aussi immonde mal de crâne. Et pas une goutte d’alcool pour faire passer cela.

La grande cité deserticaine s’était depuis longtemps assoupie, alors qu’en son sein, entre deux rondes de la garde qui tachaient le paysage de chatoyantes marques orangées, les ombres prenaient vie le temps d’une course entre deux ruelles sombres puis disparaissaient tout aussi subitement. Je m’approchais silencieusement au coin de la dite-ruelle. Parfaitement étranger à cette intrigante toile, je m’effaçais lentement pour ne pas troubler ces autochtones qui sauraient certainement me guider vers ma destination.

Je réalisais peu à peu que l’ensemble de la ville reposait sur d’innombrables souterrains, qui certainement utilisés par les réseaux parallèles. Plus j’avançais, plus le flot d’êtres encapuchonnés s’accroissait. Qu’on leur fournisse armes et torches, et l’ensemble ressemblerait comme deux gouttes d’eau à l’écrasant échec d’un soulèvement populaire. Je commençais à ressentir quelque chose d’étrange… C’était comme un pressentiment : il y avait quelque chose de pourri à Tirenn.

La galerie débouchait dans le désert à un peu plus d’un kilomètre de la cité. Le cortège des ombres semblait se diriger vers une cavité naturelle qui, d’après la position des astres, semblait se trouver un peu plus au sud.

Contrairement à ce que je pensais, la caverne était étonnamment large et humide. Elle se composait d’une chambre principale et de plusieurs alcôves agrandissant d’autant l’espace exploitable. Et là où la roche ne s’ouvrait pas en une pièce connexe, elle suintait, alourdissant d’autant l’atmosphère. A intervalles réguliers se trouvaient une table et du matériel d’alchimie disposé dessus, créant autant de postes de travail où s’exercer. C’était à n’en pas douter un merveilleux endroit pour jouer avec la mort.

Je me téléportais dans une alcôve exigüe surplombant la cave principale. J’étais assis dans une position certes inconfortable, mais toutefois exceptionnelle pour examiner mes nouveaux sujets d’étude. Les êtres encapuchonnés se dispersèrent d’eux même dans les multiples cavités. Les quelques retardataires qui ne purent trouver de place libres s’assirent au fond dans un silence quasi-religieux. Et sous le regard quasi-inexpressif de la horde encapuchonnée, le maître apparut, vêtu d’une robe de mage miteuse.

L’homme lui-même semblait venir d’une autre époque, si bien que je me demandais si son affront fait au temps ne concurrençait pas celui des plus vieux Archimages vertaniens. D’un geste, l’étrange troupe ôta les capuches qui cachaient leurs visages. Comme s’il s’assurait de la présence de chacun, le nécromancien balaya du regard le groupe, regard qui inévitablement finit par s’arrêter sur moi. Je frissonnais à l’idée d’avoir déjà à redouter la haine d’un groupe dont je ne connaissais finalement rien. Puis sans autre réaction, l’homme débuta son cours. Cette attitude fut pour moi très déroutante. Devais-je me considérer comme accepté ?

Bonsoir mes enfants, lança t-il d’une voix d’outre-tombe, en écartant les bras en signe d’accueil.

Chaque soir, je constate l’engagement de chacun à cette juste cause qui est la notre. Ils veulent vous forcer à oublier ces traditions si profondément enracinées pour mieux vous faire courber l’échine. Mes enfants, gardez en mémoire ce don qui vous portera au dessus de cette foule de parasites pour mieux relever la tête le moment venu. Chaque soir passé ensemble vous rapproche, que dis-je, nous rapproche de notre objectif final. Déjà, nos premières fleurs sont prêtes à éclore et seront, j’en suis certain, suivies par bien d’autres !

De son regard perçant, l’homme fixa un groupe de jeunes gens qui, gênés, baissèrent les yeux en silence. Le nécroman eut un rictus qui se voulait certainement bienveillant mais qui d’un œil extérieur se révélait extrêmement effrayant...


Mes très chers élus, l’heure n’est pas à l’humilité. Gardez la tête haute, soutenez mon regard car d’aucun ne peut vous reprocher de renouer avec votre nature profonde… Soutenez mon regard et si vous en avez la force, venez à moi.

Le petit groupe s’avança lentement en direction du maître et se planta à une dizaine de centimètres de ce dernier, le regard fixe tels de jeunes aventuriers se concentrant sur l’horizon.

Mes jeunes fleurs, vous avez fait le bon choix. Ma fierté à votre égard est sans égal. En récompense de vos nombreux efforts, laissez-moi vous faire un présent.


Le maître se concentra un instant et posa sa main droite sur le front de chacune des 6 personnes face à lui. Je sentais ces jeunes gens accroître leur potentiel magique. Ils s’illuminèrent brièvement d’un halo obscur, dénaturant profondément l’originale symphonie que leurs auras produisaient. C’était comme s’ils s’embrasaient intérieurement sous l’effet de la magie. Comme s’ils venaient de céder à une terrible malédiction.

Faites bon usage de la sagesse d’Arthéa Heqat. Lui-seul saura vous guider le moment venu, murmura t-il au groupuscule. Puis plus fort :

Mes enfants, accueillez chaleureusement les premiers nécromans du nouvel ordre de Tirenn.

Et pour seule réponse, tels de pauvres hères embrigadés de force, le groupe entonna une sombre mélopée.

«Ô espream desteri, possum dar esperim,
Rekenan mari lar morator,
Par lar amano dan homis,
Pra lar granir dan Necroman.»


Et le cours débuta enfin.

Si la plupart des apprenti-sorciers s’échinaient à acquérir les principes fondamentaux de l’alchimie et de la préparation de breuvages divers, il était six privilégiés qui forts de leurs promotions respectives travaillaient le corps et l’âme de victimes disposées sur six tables ayant troqué le matériel d’alchimie pour celui d’opérations. Et parmi ces six, il en était une, au faciès moins travaillé par le temps, qui de part sa rigueur et la justesse de ses gestes attira mon attention.

Un calepin à la main, j’esquissais d’un trait rapide les actions effectués par mon sujet d’étude, agrémentant le tout de quelques notes sur la quantité au jugé et la fréquence des injections effectuées lors de ce qui semblait être une phase de préparation du cobaye.

Puis, la demoiselle posa lentement sa main sur la poitrine du cadavre et ferma les yeux. Peu à peu la nécroman et le mort partageaient la même aura. Elle semblait ne faire qu’un avec lui ; si bien que subjugué par ce phénomène pour le moins original, mon crayon se déroba pour tomber, rebondir puis négligemment rouler quelques mètres plus bas causant finalement plus de bruit qu’on ne l’aurait cru capable. Si le maître haussa un sourcil devant cette déconvenue, l’élève, elle, paraissait totalement absorbée par sa tache…
… qui à mon grand regret dura un temps si long qu’au moment où la demoiselle reprit conscience, après six heures de concentration intense, la caverne s’était vidée de ses occupants, à l’exception du maître, de l’élève et de moi-même.

Immédiatement l’ainé s’enquit avec un intérêt prononcé auprès de la jeune nécroman des résultats obtenus. Elle répondit, souriante, que l’homme mort de maladie se réveillerait dans les heures à venir. L’homme acquiesça puis sous le regard sidéré de sa protégée, planta violemment un poignard dans un cœur aux palpitations naissantes.


Tu as fait un excellent travail, mais il ne peut revenir à la vie. Je te rappelle jeune fille qu’à Tirenn, pratiquer notre art est dangereux
, répliqua sèchement l’ancien avant de se retirer laissant son élève en proie à l’indécision.

Et ce fut le moment où je m’éclipsais, retrouvant la fausse tranquillité de la cité. Constatant l’heure tardive, je rejoignais au pas de course le logement où mon hôte m’attendait sur le pas de la porte, les bras croisés.

T’étais où gamin, maugréa t-il.

Désolé, je me suis assoupi
, mentis-je en souriant bêtement pour la seconde fois de la journée.

L’homme me fixa d’un air soupçonneux, avant de murmurer un «
mouais » dans sa barbe et de me laisser entrer. Retrouvant la douce chaleur de ma chambre, je fermais les yeux encore étourdit par la formidable découverte que je venais de faire, songeant à celles qui m’attendraient le lendemain.
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Sergent Kami
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Re: Renaissance

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Tic tac…
Tic tac…

Quelque part dans la maison, une pendule sonne l’heure. Dans un bruit de papier froissé, Nill posa son journal sur la table du salon et jeta un regard désespéré en direction de la fenêtre. Déjà le soir s’annonçait et ce mystérieux et éphémère convive que l’ancien avait ramassé dans le désert quelques jours auparavant n’était toujours pas rentré. L’homme soupira. Son hôte devait être en train de s’émerveiller sur un quelconque attrape-touriste… Ce n’était pas dans les habitudes du vieillard de s’intéresser à ces gens si friands de mondanités mais il devait reconnaître que cet étranger était attachant…


Le p’tit gars va encor’ rentrer à pas d’heure, murmura Nill pour lui-même en se levant.

Comme chaque soir depuis des années, le deserticain avala son potage, en ruminant contre le livreur qui s’échinait à lui donner une double ration de légumes alors qu’il n’aimait justement pas cela, les légumes. Et comme chaque soir, une fois le bol vidé de tout contenu, Nill le déposait près du garde-manger puis s’asseyait sur une chaise et reprenait avidement la lecture des nouvelles. Le journal demeurait le seul lien qu’il s’autorisait encore avec le reste du monde – bien que pour Nill, ce dernier se limitât essentiellement aux abords de Tirenn. Et comme chaque soir, le vieux Nill se rembrunissait.

Les nouvelles n’étaient pas bonnes. Il était question d’une énième vague d’obscures disparitions, la cinquième depuis la profanation du cimetière de la cité par un groupuscule de mages ne supportant plus de se cacher pour pratiquer leurs tours de passe-passe. Une autre personne, jusqu’alors présumée morte, venait d’être retrouvée calcinée devant la maison du gouverneur. Les pouvoirs publics craignaient que cela ne soit le commencement d’une nouvelle période de terreur, à deux semaines du trentième anniversaire de la prise de Tirenn… La garde locale attendait avec impatience le renfort humain qu’on lui avait promis.

L’ancien replia finalement le journal. Plus que jamais, les temps devenaient incertains sur cette région de Desertica. Le regard désormais vissé sur le cadran de l’horloge, le vieillard attendait en silence
son retour, l’inquiétude reprenant le dessus sur une myriade de sentiments.

« Putain gamin, fait pas de conneries… »


*

Inlassablement, la nuit tombait dans un appel fracassant au rassemblement. D’un pas pressé, j’arpentais l’immensité désertique sous un ciel obscurci par l’approche imminente d’un orage. Devançant les autochtones de peu, je pris place dans mon alcôve, et observai les premiers arrivants faire de même en contrebas. Pour une raison que m’échappait, il me semblait percevoir une pointe de tension dans les chuchotements des apprentis.
Après une dizaine de minutes, les six nécromans et le maitre apparurent au fond de la grotte, un capuchon occultant leurs visages. Simultanément, le silence s’imposa au reste du groupe apaisant d’autant mes tympans. Laissant ses homologues en retrait, le guide s’éclaircit la voix, et tendis les bras vers le ciel en signe de bienvenue.


Enfants de Tirenn.

En ces heures sombres, je lis sur vos visages crainte et inquiétude. Les journaux vous mentent pour mieux vous contrôler. Les despotes impérialistes souhaitent asseoir leur autorité en faisant régner la peur. Ne nous leurrons pas, s’ils agissent ainsi, c’est parce qu’ils ne peuvent faire face à la volonté du peuple de reprendre la terre qui est sienne.

Dès notre première rencontre, je vous ai promis de vous libérer de ces entraves. Je vous ai promis de vous enseigner mon savoir pour que vous retrouviez votre vraie nature. Alors maintenant que vous êtes en passe de prendre possession de cet art subtil, je vous le demande : ai-je failli à ma parole ?

Enfants de Tirenn, votre gouvernement ne croie pas en notre volonté. Malgré notre avertissement, ces parasites espèrent encore qu’il ne s’agit que d’actes isolés. Dès ce soir, nous allons prouver au monde qu’ils se trompent. Et je vous certifie sur la toute puissance d’Arthéa Heqat, que jamais ils ne fêteront leur trentième année !

Gloire aux nécromans !


Mon visage se décomposait lentement tandis que d’une unique voix, le groupe hurlait sa haine à l’égard de l’autorité. Mes craintes personnelles se révélaient fondées. Je devais songer à rapidement plier bagage avant d’être enrôlé de force dans une lutte qui n’était pas mienne. Succinctement, j’évaluais mes chances de me frayer un chemin vers la sortie au travers de la foule avant de m’y atteler d’un air naturel et parfaitement innocent.


Noble visiteur, vous n’allez tout de même pas nous quitter si rapidement
, lança froidement le maitre.

Je tressaillais. Une centaine de regards convergèrent dans ma direction et l’instant d’après une dizaine de gaillards me barrèrent la route. Et merde.

Je me redressais lentement, jaugeant d’un regard la situation. Je songeais un instant à utiliser mes dons pour fuir, mais immédiatement l’image de Nill me revint à l’esprit. Je ne pouvais me résoudre à mettre sa vie en gage pour sauver la mienne. Malgré l’irrépressible désir de traverser le voile pour fuir, je préférais me détourner de mon sésame pour marcher lentement vers l’intérieur de l’édifice rocheux. Ponctuellement, la foule s’écartait pour me laisser progresser et une fois passé, resserrait les rangs pour m’empêcher de faire marche arrière. Peu à peu, une odeur de chair en décomposition m’attaqua les narines. Je parcourais les derniers centimètres qui me séparaient de la scène improvisée. L’ancien me fixait en esquissant un sourire énigmatique. Impassible, je haussais un sourcil.


Alors visiteur, comment trouvez-vous notre ordre ? Ces enfants ne sont-ils pas merveilleux, me questionna t-il d’une voix faussement enjouée.

Ce n’est pour moi qu’un sujet d’étude parmi tant d’autres, avouais-je après avoir pesé mes mots avec une attention particulière.

Eh bien, laissez-moi l’honneur d’étayer vos notes avec un peu de pratique, répliqua t-il en posant sur moi un regard suspicieux. Mess, il est à toi, conclut-il finalement en croisant les bras.

Le dénommé – qui une fois la capuche tombée se révélât être la jeune demoiselle de l’autre nuit – s’avança vers une table d’opération puis se saisit d’une fiole en verre contenant un liquide variant du pourpre au noir. Je posais mon regard perçant sur la nécroman, qui semblait perdre son assurance face à mon indécision. Je flairais le piège à plein nez et pourtant, il s’agissait peut-être de la seule occasion que j’aurais au cours de mon existence de connaître les secrets d’Heqat…


Qu’Arayàt me protège, murmurais-je pour moi-même avant de saisir la fiole et d’en ingurgiter le contenu en fermant les yeux.

L’effet ne se fit pas attendre. Une main plaquée au niveau du cœur sous l’emprise d’une douleur sourde, l’autre sur la table pour me retenir ; je me sentais sur le point de faire une attaque. Je respirais de manière anarchique, presque paniqué tandis que mes poumons peinaient à se remplir d’air…


Cher visiteur, vous êtes sur le point de mourir d’un arrêt cardiaque… Mais n’ayez crainte, vous êtes entre de bonnes mains. La jeune Mess n’aura aucun problème pour vous ramener à la vie et vous servirez, le temps d’une nuit, nos nobles desseins.

Manquant d’oxygène, je fus pris de convulsions et m’effondrai au pied de la table sous le regard emplis de remords de Mess.

*

« Gamin ! Gamin !
- Non, ne referme pas les yeux !
- ‘Tain, on n’a pas d’médecin sous la main ?
- Allez me chercher l’assistance médicale, vite !
- Non, y r’tourne chez moi !
- Bien, envoyez le médecin à la maison de Nill !
- Tout de suite, Capitaine ! »


Au loin, le tonnerre grondait. Une pluie battante me détrempait, me procurant d’affreuses sensations. Je tremblais de toutes parts. Lorsque je réussissais à maintenir les yeux ouvert, je voyais d’innombrables taches lumineuses danser autour de moi tandis que le sol s’échinait à se dérober sous mes pas mal-assurés. Episodiquement, mon cerveau me renvoyait quelques perceptions éparses de mon environnement et cet effroyable rire qui me glaçait le sang…


Arayàt, qu’ai-je fait pour mériter cela ?
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Sergent Kami
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Re: Renaissance

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Plus tôt dans la nuit.

Ouvre les yeux et lève-toi
, lança une voix d’adolescente d’un ton impérieux.

Ne soit pas trop empressée mon enfant
, ajouta une autre voix. Une tâche à la fois. Même si son esprit reste fort, n’oublie pas qu’un mort ne possède plus toutes les facultés cognitives acquises de son vivant. Réessaye, et prends ton temps pour assurer ton emprise.

Oui, maître.

Je sentis une légère pression dans mon esprit, et tandis que, machinalement, j’érigeais mes défenses mentales, je fus subjugué par une sensation nouvelle pour moi. C’était doux et chaud. Le tout sonnait comme une invitation à se relaxer, à se laisser bercer. Je baignais peu à peu dans une félicité sans égal. C’était si bon qu’intérieurement, je priais pour que cela ne cesse. Et, béat, je laissais ma tortionnaire enchainer et bâillonner ma conscience pour prendre le contrôle de mon organisme. Elle prit une profonde inspiration.

Ouvre les yeux.
Lève-toi
, ordonna-t-elle finalement.

Sans broncher, mon corps s’exécutait et mes yeux me renvoyèrent l’image de l’adolescente, inquiète, puis surprise et après un court instant, esquissant un léger sourire synonyme de satisfaction.


Excellent, Mess. Et maintenant mon enfant, il est temps de frapper. Cette nuit, le malheur s’abattra sur les impies. Cette nuit, tu tueras pour notre ordre.

Stupeur. Je me sentis faire volte-face et essayer d’articuler ; mais ne respirant plus, seul un léger sifflement sortit de ma gorge lorsque mes poumons se vidèrent du peu d’air qu’ils contenaient.


Je comprends mon enfant. Tu ne te sens pas prête à faire couler le sang. N’aie crainte jeune fleur, je ne t’en veux pas, bien au contraire, murmura l’ancien d’un ton bienveillant.

Mess lui retourna un sourire reconnaissant. Une force plus puissante encore prit possession de mon corps, marquant le début de mon cauchemar. Et puis, plus rien.

*

Plus tard, je crois.

J’errais dans la cité deserticaine, une torche à la main à la manière des gardes de la cité. Le déguisement semblait fonctionner, puisque je n’avais encore jamais été inquiété par ceux que j’usurpais.

Après quelques minutes de marche, j’entrais dans une ruelle à l’écart des rues principales, éteignais ma torche et observais les alentours. Après un instant, je remarquais qu’on me forçait à respirer. Etrange. Et ma marche repris, d’une manière plus discrète.

Je me faufilais en silence dans les rues désertes. Indubitablement l’itinéraire avait été soigné pour arriver sans encombre devant cette maison, semblable en tous points à ses voisines. Prenant une grande inspiration, je tambourinais à la porte.

Madame, ouvrez !

Une lumière apparut à l’intérieur puis après une poignée de secondes, la porte s’entrouvrit sur une femme au regard éteint par la fatigue. Cette dernière me dévisagea longuement avant que son regard ne s’arrête sur une plaque qui avait été ajoutée à ma ceinture.


Le gouverneur m’envoie vous prévenir…


Pas ici, coupa l’autochtone. Entrez, plutôt.

La femme s’écarta pour me laisser passer et referma aussitôt la porte. Elle m’invita à m’assoir sur un divan dans le salon aménagé - invitation que je refusais poliment - et prit place en face de moi. Nous nous fixâmes un moment, silencieux, puis elle reprit :


Que se passe t-il pour que mon mari vous envoie à cette heure tardive ?


Une autre attaque Madame. Tout porte à croire que la famille du Gouverneur est prise pour cible.

La dame me retourna un regard interrogateur, tandis qu’
il libérait mon aura. Une fine et imperceptible couche de fumée m’entourait peu à peu pour couler en direction de mon interlocutrice.

Je ne comprends pas…

Le gaz remontait le long du corps de la femme, qui finit par en inhaler à chaque inspiration. Désormais future victime, ses yeux se fermaient lentement alors qu’elle murmurait ce qui serait ses derniers mots.


…mon mari n’a pas d’autre membre de sa famille à Tirenn…


Et elle s’affalait sur le divan, inconsciente, la respiration coupée, enfin libérée des chaines de la vie. La lumière de la pièce faiblit puis s’éteint. Au loin, un éclair zébrait le ciel précédant le grondement sec du tonnerre tandis que je m’effaçais lentement, quittant la scène de mon forfait.

(Voix de filette, au loin)
Maman ? Maman, j’ai peur ! Maman ! Maman ! Maman, pourquoi tu te réveilles pas ?

Un effroyable rire fit écho dans ma tête aux sanglots naissants d’une fillette cherchant le réconfort contre le corps tiède de sa mère. Cette dernière image me hantait. Qu’avais-je fait pour mériter cela ?

*

Une caresse, froide mais non-moins douce, me tira de cet horrible songe. Allongé dans un lit drapé de soie, j’ouvrais lentement les yeux sur un visage connu, aux traits doux et souriants. Mon cœur battait la chamade alors que me redressant d’un coup, j’inspectais d’un regard la pièce redevenue silencieuse, qui n’était autre que ma chambre au palais de Karamdaï, la capitale du Kamagma.


Impossible
, murmurais-je interdit.

Qu’y a-t-il mon amour, me souffla May, interloquée. Je sentais l’angélique douceur de sa peau et le galbe de ses audacieuses formes caresser mon dos alors qu’elle m’étreignait lentement.

Vous me semblez tendu, Monsieur le Gouverneur, reprit l’elfe avant de me ramener lentement en position allongée, sur le dos. Cette dernière se blottit contre moi, et posa sa tête contre mon épaule.

Mais peut-être puis-je contribuer à vous détendre
, me susurra-t-elle au creux de l’oreille alors que sa main libre qui caressait lentement mon torse passait sous le drap de soie pour se diriger vers le creux de mes hanches.

Il suffit, rétorquais-je en repoussant violement la défunte.

Tu devrais…


La magie affluait en moi.

…être…

Je tendais mon bras gauche en direction de mon épouse.


…MORTE !!!

Et dans un halo de lumière azur, l’elfe ainsi que la plupart du mobilier implosèrent. Cri de surprise. Le décor disparut lentement. Je me trouvais désormais dans le désert, emmitouflé dans ma cape de voyage. Toujours le bras tendu, je faisais face à une Mess qui me toisait, tendue, à une dizaine de mètre de moi. La magie affluant encore davantage en moi, je menaçais à chaque instant de faire exploser la jeune nécroman qui m’avait ensorcelé.


C’est quoi ce bordel
, hurlais-je, déconcerté. Et tu sors d’où, toi ?

P...pardonnez-moi, bafouilla la demoiselle, j’ai cru qu’un visage connu et amical vous inspirerait davantage confiance...

Tu.. tu as… sali la mémoire de ma femme… Tu… as… essayé… de me faire souffrir… Je… je vais… te tuer
, bredouillais-je en blêmissant sous le coup d’un ressentiment soudain et inexplicable à l’encontre de la déserticaine.

Nan, j’crois pas, réplica l’adolescente, un sourire malicieux naissant sur son visage.

Faisant écho à sa volonté, je fus pris de tremblements et avant que ma colère ne s’abatte sur Mess, je chutais en avant dans le sable chaud, à demi-conscient. Bruits de pas. Je sentais la demoiselle se pencher au dessus de moi et, après un instant me retourner dos contre le sable, non sans souffler. Ma vue se brouillait, si bien que Mess n’était désormais guère plus qu’une tâche sombre sur un fond blanc. Je percevais par intermittences la chaleur de ses mains lorsqu’elle m’examinait.

(Voix s’éloignant)
Huitième heure d’intervention. Le patient est passé en phase 2. Le trouble paranoïaque est apparu beaucoup plus rapidement qu’à l’accoutumée. Réaction violente. Son âme semble avoir perdu énormément d’énergie, mais cela ne me posera aucun problème pour le ramener. Au moins, il restera calme quand je lierai à nouveau son âme et son esprit à son enveloppe charnelle.

Note pour moi-même : Me méfier des mages, il semblerait qu’ils ne perdent pas l’intégralité de leurs pouvoirs en mourant.


Je fermais les yeux, apaisé, et songeais à prendre mon élan pour partir. Partir et rejoindre ma bien-aimée de l’autre côté du voile. Au moment de faire le grand saut, je fus comme happé par le vide, tel un ange à qui on aurait mesquinement coupé les ailes. Au fur et à mesure de ma chute, une myriade de sensations me rappelant toute l’imperfection de l’humanité m’assaillit, rendant le tout éprouvant et désagréable au possible.

Trente-deuxième heure d’intervention, le patient reprend conscience. L’opération est un succès.

*

Beaucoup plus tard.

J’ouvrais lentement les yeux sur pas moins de quatre personnes fébriles, attendant impatiemment mon éveil dans le salon du vieux Nill. Sans me laisser le temps de retrouver mes esprits, celles-ci me sautèrent presque littéralement dessus. C’en était presque effrayant. J’eus un mouvement de recul, me cognant de ce fait contre l’accoudoir d’un siège trop proche. Me frottant l’arrière du crâne pour calmer la douleur, je réalisais avec stupeur que j’avais quasiment tout oublié de mes dernières escapades nocturnes à l’exception d’une certitude.

Sauvez vos vies… Fuyez Tirenn pendant qu’il est encore temps, murmurais-je d’une voix rauque à un public sidéré.
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