Re: Traité de Licurgue
Publié : 19 nov. 2010, 14:01
"Vous vous trompez, Lord of Darkness, fier et fidèle chef des Hérétiques."
Un homme se leva dans le dos du général Luciole et chacun pu mettre un visage sur cette voix, perçante.
"Il n'est pas question d'humanistes. Il n'est jamais question d'humaniste. Nous ne voulons pas d'humanistes. Nous sommes humanistes, mais nous ne vous demandons pas de le devenir. Nous ne sommes pas hégémoniques. Nous ne sommes pas divins. Nous sommes humains, des humains qui croient dans le l'humain, dans l'humanité ; dans l'Homme. Et cela fait de nous des humanistes. Croyez-vous en l'Homme, Lord ? Hérétiques, Chevaliers, Frères de l'Ombre, tous les autres : croyez-vous en l'Homme ?"
Il s'avança jusqu'à l'estrade et s'opposa à l'assemblée. La figure jeune mais déjà tirée de l'homme était là, blanche, blafarde.
"Mon nom est Thylième, conseiller et membre du cabinet dirigeant de Lord Faust en Anteverse et je viens apporter cette réponse, Lord of Darkness, une réponse qui remettra chacun dans la position à laquelle il devrait se tenir : non. Vous, Hérétiques, ne croyez pas en l'Homme. Les Chevaliers de l'Opale ne croient pas en l'Homme. Aucune des entités de ce monde ne vit pour l'Homme, ne respire, pour l'Homme, ne meurt, pour l'Homme. C'est là notre souffrance, notre propre fardeau, il est à nous, il nous appartient, nous avons décidé de le faire nôtre et jamais il nous est venu à l'esprit de le partager par la force. Un Humaniste est un homme qui croit en l'Homme, nous sommes Humanistes, c'est ce que nous sommes et vous tous, êtes ce que vous êtes, et c'est très bien ainsi. Lorsque vous nous demandez, Lord, à quoi reconnait-on un humaniste d'un hérétique, je ne peux pas vous répondre parce que la question est mal formulée. La réelle question, c'est ce qui différence un Homme d'un hérétique. Et d'hérétiques je n'en vois aucun dans cette pièce.
Que les choses soient bien claires, messieurs du Darkness, lorsque le mot hérétique sort de nos bouches, il ne vous qualifie pas, ou pas nécessairement. Vous vous considérez vous-même comme Hérétiques selon votre dogme, votre socle, vos rites. C'est votre choix, et il est très bien ainsi. Vous et moi n'avons pas le même dogme, aussi, quelque soit votre nom, je ne vous considère pas comme hérétiques. Mais par la force des choses et par respect pour votre amour Lord, je me vois bien dans l'obligation de vous appeler par votre nom. C'était un point que je voulais éclaircir, afin qu'aucun amalgame n'ennuie ces négociations.
Ainsi, Lord, je respecte votre amour, votre passion et votre clairvoyance comme je respecterai votre haine, votre colère et votre folie. Les juger n'est pas mon droit, ce n'est pas mon rôle, je n'en ai pas le pouvoir. Et votre amour se porte sur un Dieu ? Bien, qu'il en soit ainsi ! Quel être s'est, jusqu'ici, insurgé de cela ? Vous n'aimez pas l'humanité ? Libre à vous de ne pas la porter dans votre coeur, qui oserait donc vous l'obliger ? Personne, pas nous, en tout cas. Notre amour, nous le portons dans l'espoir que l'homme peut se relever de son silence et que, quelques soient ses motivations, bonnes, mauvaises, il est en devoir de s'exprimer afin de donner un sens à ces gestes, un sens à ses idées, un sens à sa vie et ce qu'il crée. Qui sommes-nous pour juger ? Des hommes, simplement. Alors il n'y a pas de bien, ou de mal. Il y a seulement des hommes muets, qui aboient simplement comme des chiens, qui jappent comme des hyènes, des animaux, des bêtes. Et il y a des hommes qui s'assument.
Notre passion est de révéler à chacun ses fantasmes, de faire découvrir aux impies et aux blafards qu'il existe dans leur fond, quelque chose d'engagé, quelque chose de vivant, qui pourrait les passionner à leur tour, pour un dieu, pour un dogme, pour la guerre, pour la paix, pour l'amour, qu'en sais-je ? Nous sommes tous construits pour faire, pour créer ou pour détruire. Trop d'hommes ne font rien. Voilà notre passion. La politique, tout comme la diplomatie et la guerre, ne sont qu'un moyen. Un moyen de révéler à ceux qui se taisent ce pour quoi ils ont été conçus. Et quoi que Luciole soit un général tout à fait illustre, je doute que le Xhimo et l'Ashair, palais de Lord Faust, furent des Etats considérés plus comme de fin espoirs politiques que comme des machines de guerres. C'est notre passé, à nous deux, nous avons décidé de tourner cette page du passé, mais n'oubliez pas que nous sommes aussi des hommes de bataille.
Quant à la clairvoyance, mon cher Lord, elle fut vôtre, puisque la victoire vous revient. Elle fut vôtre puisque les armées de l'Olympus furent sûrement les meilleures que notre univers n'ait jamais connu et qu'elles étaient parfaitement alignées sur celles du Nabla. Vous nous avez étudié, vous nous avez sondé et vous avez agi en conséquence ; avec réussite. Mais, Lord, croyez-vous vraiment que nous ignorions que l'Olympus n'avait qu'un seul objectif ? Croyez-vous que nous ignorions les velléités qui vous animez vous, alliance des Hérétiques et Chevaliers de l'Opale ? Non. Nous étions parfaitement conscient de ce que vous tramiez, de ce à quoi vos motivations s'attachaient. Et si nous avons connu l'échec, Lord of Darkness s'est simplement que l'étiquette du passé qui collait sur notre front et que j'espère aujourd'hui disparue ne nous avait donné ni le temps, ni les moyens de réagir comme vous l'avez fait, en conséquence de nos informations. Mais c'est par cette clairvoyance que nous nous sommes mis en mouvement. Non dans un but d'humanisation qui est irait à l'encontre de notre charte, de nos propres convictions. C'était par peur, par crainte et tout en sachant qu'un jour ou l'autre, nous subirions cette défaite cuisante, que nous avons agi. Et il n'y a rien d'anormal là dedans, c'est même tout à fait logique et complètement ... humain.
Et malgré les apparences, malgré le mercredi noir que nous avons connu avec la chute du Nabla, le rasage intégral de toute notre faction, le bombardement de la seule flotte qui restait, celle d'Anteverse, malgré les actions du vendredi soir qui, après l'explosion de six canons à particules, nous avons vu toutes nos compagnies de saboteurs et d'artilleurs partir en fumée, malgré le tableau chaotique de ce qui restait samedi matin à l'Inquisitio, Lord of Darkness, nous avons gagné."
Thylième s'arrêta et son visage s'éclaircit. Il devient plus joyeux, plus optimiste, presque heureux. Son regard se porta vers Lord of Darkness, vers Goroth, vers Kami, vers tous ceux des Hérétiques et des Chevaliers qui étaient là, vers les siens également, et il se pencha sobrement, comme pour les remercier. Avec ce même sourire, simplement, sobre mais sincère.
"Le prix que nous avons payé pour cette victoire fut énorme, gargantuesque, je vous le concède. Et cette victoire n'est pas celle de l'Inquisitio, elle est nôtre, à tous. Même si l'objectif, personnel, de faire oublier à un passé Azharien est je pense aujourd'hui, celui de nos hommes seulement et ne nous concerne uniquement, c'est d'une autre victoire que je veux avancer : celle des hommes. Vous êtes un habitué des couloirs du Sénat, Lord, comme moi, comme Lord Faust. Bien que petits, et vous déjà grand, nous avons connu les plus grandes alliances, nous avons connu Sheptal, l'Oracle, le Shadowsong et tant d'autres évènements qui nous amenèrent ici, dans ces lieux, à discuter, de quelque manière que se soit. Mais ces choses là avaient disparu, ces choses là, nous ne les connaissions plus. Depuis combien d'années n'avons-nous donc pas partagé ? Combien de guerre avons-nous laissé filé ? Combien d'alliances ont oublié de jouir de l'arme la plus puissante qui soit, aux côtés de la guerre, qu'est la diplomatie ? Depuis combien de temps n'avons-nous pas respiré, réellement, ne nous sommes pas battus pour quelque chose en quoi nous croyons, ne nous sommes-nous pas déchirés dans le plaisir, dans le respect ou dans la haine, saine ? J'ai connu les Brumes Oniriques et le Cartel de l'intérieur et je peux vous assurer, Lord, qu'il n'y avait rien de sain dans cette colère qui nous séparait, nous de nos ennemis. Que l'amitié n'existait plus, même chez nous, que nous étions mué par une seule obsession : celle de détruire l'autre, l'ennemi, celui que nous repousserions toujours, celui que jamais nous n'accepteront, celui que nous respecterions jamais. Trop longtemps, que les hommes ont oublié de partagé en bien comme en mal. Trop longtemps que je n'avais pas goutté aux échanges cordiaux ou non avec un chef d'alliance. Trop longtemps que je n'avais pas imaginé échanger avec Mandragore, un adversaire qui était devenu héréditaire. Trop longtemps que je n'espérais plus partager ma soif de vie avec les hommes du Smallcity, du Dros Delnoch, du Gilaec, et, peut-être, demain, avec vous. Qui, aujourd'hui, peut prédire l'avenir, là où tous savaient qu'aucun Amphictyon ne partagerait jamais rien avec un lapin des Brumes, où tous savaient qu'aucun Chevalier, Améthyste, Hérétique ne nouerait quoi que se soit de sain avec un Astre.
Nous avions perdu notre curiosité, notre optimisme, notre confiance en l'autre, notre prise de risque. S'élever perpétuellement contre une même entité est une obsession et cette obsession a scellé notre univers, il nous a empêché de gouter à nouveau au plaisir. C'est ainsi que je le ressens, moi, nous, anciens Astres, anciens lapins des Brumes Oniriques, anciens pantins des dieux de l'Oracle Maudits.
Alors oui, Lord of Darkness, cette guerre a connu des échecs et des réussite militaires. Mais nous en sommes tous vainqueurs. Parce qu'aujourd'hui et je l'espère encore demain, le manichéisme de notre monde, est tombé. Les clivages politiques se sont effondrés. Et grâce à un conflit qui, vous le savez, nous le savons, était inévitable, nous avons tenté de créer quelque chose pour qu'aucune des morts de nos hommes à tous, ne soit inutile, vaine. Nous ne sommes pas parfaits, Lord. L'Inquisitio n'est pas parfaite, sa vision du monde n'est pas parfaite et d'ailleurs ce n'est pas son objectif. Vous avez prouvé qu'elle avait ses limites, ses paradoxes, ses ambiguïtés mais finalement, Lord of Darkness ... ce n'est qu'une charte. Un morceau de papier. Un écrit réalisé par un homme. Ces mots, aussi cruciaux soient-ils pour nous, ne sont rien face aux actes. Et ces actes, ont payés. Notre plus grande victoire à nous, Inqui, c'est de nous voir réuni ici, avec vous. C'est d'arriver à négocier un pacte avec Mandragore, respectueusement. Quelque soit le moyen, quelque soit l'outil utilisé, notre seule ambition est de nous voir à nous partagé plutôt que de sombrer dans un silence qui ne motive qu'une chose : la haine. Et qui efface tout le reste du coeur des Hommes.
Nous avons perdu cette guerre que nous ne pouvions de toute manière gagner. Mais nous avons réussi notre combat. Moral."
Le jeune homme marqua un temps d'arrêt. Il scruta à nouveau la salle, toussota pour reprendre sa voix déjà usée et reprit un ton plus calme et plus doux, moins engagé.
"Excusez Faust, my Lord. Lui aussi est humain et lui aussi connait la colère. Voilà. Vous avez raison, nous avons nos limites, nos croyances ont leur limites. Je puis néanmoins, avant que je ne reprenne concrètement le cours de nos négociations diplomatiques, vous affirmer une chose, my Lord : c'est que ceux, que nous considérons et appelons hérétiques, ceux qui oublient d'être humains, sont bien moins importants à nos yeux que ceux qui, aujourd'hui, ici ou ailleurs, participent à ce tournant.
Hier au soir, le Theoden puis le Mandragore ont contacté Lord Faust afin de négocier quelques points du traité. Après quelques missives, les Chevaliers de l'Opale et l'Inquisitio ont décidé de sceller un pacte de non agression afin de maintenir la paix. Je m'attacherai donc, ici, à discuter avec vous, Lord of Darkness et avec les vôtres.
Vous avez demandé aux Inqui de partager des informations avec vous, informations portant sur nos silos et nos ogives nucléaires. Bien que perdants de cette guerre, nous avons aussi notre fierté et notre honneur et ce point relève donc d'une difficulté. Je ne pense pas que l'Inquisitio puisse accepter une tellement requête. De même, sonder nos Etats m'apparait comme dégradant et c'est ce que my Lord a voulu communiqué en parlant de "chiens" et "d'esclaves". Le Pacte que nous vous proposons, Hérétiques, est simple. Il contribuerait à une étape de paix, n'empêchant pas les pillages que nous considérons comme nerf de l'économie, mais amènerait un stade de reconstruction tranquille. Je connais les doutes que vous portez à ces pactes, my Lord, nous avons maints exemples dans le passé de ce qu'ils ont amenés. Et je ne peux pas vous promettre que ce pacte n'est pas un camouflage pour nous refaire et pour ensuite votre revanche simplement parce que je ne vois pas l'avenir et qu'il est tout à fait possible que durant ce traité, d'autres guerres apparaissent, d'autres amitiés et hostilités de forment, ou non. Néanmoins, je m'en remets à votre clairvoyance pour savoir saisir le moment opportun où vous sentirez le danger trop grand et à votre intelligence pour savoir s'il faudra à ce moment-là, détruire ce pacte ou non.
Sachez également, que malgré le passé de nos membres et les personnalités que vous y savez intégrées, tant que ce pacte restera actif, toute entorse sera sanctionnée. La seule puissance ayant le pouvoir de rompre ces engagements et celle qui les a invoqué, l'Anteverse, chef de l'Inquisitio. Et que si ce cela venait à se produire, vous en seriez averti. Vous avez ma parole.
Néanmoins, et à la vue de la tournure que prennent les évènements dans notre monde je vous demande à vous, Lord Of Darkness cher de l'alliance des Hérétiques, de bien vouloir considérer le risque que nous prenons nous aussi à léguer un peu de notre amitié à nos adversaires d'un jour, de bien vouloir donner un peu de votre confiance à l'humain et de bien vouloir prendre le pari que notre hostilité de ce même jour, ne sera pas éternelle. Je crois foncièrement et sincèrement que notre monde change et qu'il peut apporter encore de bien nombreuses surprises.
Si vous avez d'autres points, gênants, que vous voulez soulever, je reste ici à votre disposition, en nom de l'Inquisitio afin que les Traités de Licurgue soient menés à bien, ou non. Mais que d'une manière ou d'une autre, ils apportent une réponse concrète. N'oubliez pas, my Lord : nous n'imposons rien, nous proposons. Merci de m'avoir écouter."
Un homme se leva dans le dos du général Luciole et chacun pu mettre un visage sur cette voix, perçante.
"Il n'est pas question d'humanistes. Il n'est jamais question d'humaniste. Nous ne voulons pas d'humanistes. Nous sommes humanistes, mais nous ne vous demandons pas de le devenir. Nous ne sommes pas hégémoniques. Nous ne sommes pas divins. Nous sommes humains, des humains qui croient dans le l'humain, dans l'humanité ; dans l'Homme. Et cela fait de nous des humanistes. Croyez-vous en l'Homme, Lord ? Hérétiques, Chevaliers, Frères de l'Ombre, tous les autres : croyez-vous en l'Homme ?"
Il s'avança jusqu'à l'estrade et s'opposa à l'assemblée. La figure jeune mais déjà tirée de l'homme était là, blanche, blafarde.
"Mon nom est Thylième, conseiller et membre du cabinet dirigeant de Lord Faust en Anteverse et je viens apporter cette réponse, Lord of Darkness, une réponse qui remettra chacun dans la position à laquelle il devrait se tenir : non. Vous, Hérétiques, ne croyez pas en l'Homme. Les Chevaliers de l'Opale ne croient pas en l'Homme. Aucune des entités de ce monde ne vit pour l'Homme, ne respire, pour l'Homme, ne meurt, pour l'Homme. C'est là notre souffrance, notre propre fardeau, il est à nous, il nous appartient, nous avons décidé de le faire nôtre et jamais il nous est venu à l'esprit de le partager par la force. Un Humaniste est un homme qui croit en l'Homme, nous sommes Humanistes, c'est ce que nous sommes et vous tous, êtes ce que vous êtes, et c'est très bien ainsi. Lorsque vous nous demandez, Lord, à quoi reconnait-on un humaniste d'un hérétique, je ne peux pas vous répondre parce que la question est mal formulée. La réelle question, c'est ce qui différence un Homme d'un hérétique. Et d'hérétiques je n'en vois aucun dans cette pièce.
Que les choses soient bien claires, messieurs du Darkness, lorsque le mot hérétique sort de nos bouches, il ne vous qualifie pas, ou pas nécessairement. Vous vous considérez vous-même comme Hérétiques selon votre dogme, votre socle, vos rites. C'est votre choix, et il est très bien ainsi. Vous et moi n'avons pas le même dogme, aussi, quelque soit votre nom, je ne vous considère pas comme hérétiques. Mais par la force des choses et par respect pour votre amour Lord, je me vois bien dans l'obligation de vous appeler par votre nom. C'était un point que je voulais éclaircir, afin qu'aucun amalgame n'ennuie ces négociations.
Ainsi, Lord, je respecte votre amour, votre passion et votre clairvoyance comme je respecterai votre haine, votre colère et votre folie. Les juger n'est pas mon droit, ce n'est pas mon rôle, je n'en ai pas le pouvoir. Et votre amour se porte sur un Dieu ? Bien, qu'il en soit ainsi ! Quel être s'est, jusqu'ici, insurgé de cela ? Vous n'aimez pas l'humanité ? Libre à vous de ne pas la porter dans votre coeur, qui oserait donc vous l'obliger ? Personne, pas nous, en tout cas. Notre amour, nous le portons dans l'espoir que l'homme peut se relever de son silence et que, quelques soient ses motivations, bonnes, mauvaises, il est en devoir de s'exprimer afin de donner un sens à ces gestes, un sens à ses idées, un sens à sa vie et ce qu'il crée. Qui sommes-nous pour juger ? Des hommes, simplement. Alors il n'y a pas de bien, ou de mal. Il y a seulement des hommes muets, qui aboient simplement comme des chiens, qui jappent comme des hyènes, des animaux, des bêtes. Et il y a des hommes qui s'assument.
Notre passion est de révéler à chacun ses fantasmes, de faire découvrir aux impies et aux blafards qu'il existe dans leur fond, quelque chose d'engagé, quelque chose de vivant, qui pourrait les passionner à leur tour, pour un dieu, pour un dogme, pour la guerre, pour la paix, pour l'amour, qu'en sais-je ? Nous sommes tous construits pour faire, pour créer ou pour détruire. Trop d'hommes ne font rien. Voilà notre passion. La politique, tout comme la diplomatie et la guerre, ne sont qu'un moyen. Un moyen de révéler à ceux qui se taisent ce pour quoi ils ont été conçus. Et quoi que Luciole soit un général tout à fait illustre, je doute que le Xhimo et l'Ashair, palais de Lord Faust, furent des Etats considérés plus comme de fin espoirs politiques que comme des machines de guerres. C'est notre passé, à nous deux, nous avons décidé de tourner cette page du passé, mais n'oubliez pas que nous sommes aussi des hommes de bataille.
Quant à la clairvoyance, mon cher Lord, elle fut vôtre, puisque la victoire vous revient. Elle fut vôtre puisque les armées de l'Olympus furent sûrement les meilleures que notre univers n'ait jamais connu et qu'elles étaient parfaitement alignées sur celles du Nabla. Vous nous avez étudié, vous nous avez sondé et vous avez agi en conséquence ; avec réussite. Mais, Lord, croyez-vous vraiment que nous ignorions que l'Olympus n'avait qu'un seul objectif ? Croyez-vous que nous ignorions les velléités qui vous animez vous, alliance des Hérétiques et Chevaliers de l'Opale ? Non. Nous étions parfaitement conscient de ce que vous tramiez, de ce à quoi vos motivations s'attachaient. Et si nous avons connu l'échec, Lord of Darkness s'est simplement que l'étiquette du passé qui collait sur notre front et que j'espère aujourd'hui disparue ne nous avait donné ni le temps, ni les moyens de réagir comme vous l'avez fait, en conséquence de nos informations. Mais c'est par cette clairvoyance que nous nous sommes mis en mouvement. Non dans un but d'humanisation qui est irait à l'encontre de notre charte, de nos propres convictions. C'était par peur, par crainte et tout en sachant qu'un jour ou l'autre, nous subirions cette défaite cuisante, que nous avons agi. Et il n'y a rien d'anormal là dedans, c'est même tout à fait logique et complètement ... humain.
Et malgré les apparences, malgré le mercredi noir que nous avons connu avec la chute du Nabla, le rasage intégral de toute notre faction, le bombardement de la seule flotte qui restait, celle d'Anteverse, malgré les actions du vendredi soir qui, après l'explosion de six canons à particules, nous avons vu toutes nos compagnies de saboteurs et d'artilleurs partir en fumée, malgré le tableau chaotique de ce qui restait samedi matin à l'Inquisitio, Lord of Darkness, nous avons gagné."
Thylième s'arrêta et son visage s'éclaircit. Il devient plus joyeux, plus optimiste, presque heureux. Son regard se porta vers Lord of Darkness, vers Goroth, vers Kami, vers tous ceux des Hérétiques et des Chevaliers qui étaient là, vers les siens également, et il se pencha sobrement, comme pour les remercier. Avec ce même sourire, simplement, sobre mais sincère.
"Le prix que nous avons payé pour cette victoire fut énorme, gargantuesque, je vous le concède. Et cette victoire n'est pas celle de l'Inquisitio, elle est nôtre, à tous. Même si l'objectif, personnel, de faire oublier à un passé Azharien est je pense aujourd'hui, celui de nos hommes seulement et ne nous concerne uniquement, c'est d'une autre victoire que je veux avancer : celle des hommes. Vous êtes un habitué des couloirs du Sénat, Lord, comme moi, comme Lord Faust. Bien que petits, et vous déjà grand, nous avons connu les plus grandes alliances, nous avons connu Sheptal, l'Oracle, le Shadowsong et tant d'autres évènements qui nous amenèrent ici, dans ces lieux, à discuter, de quelque manière que se soit. Mais ces choses là avaient disparu, ces choses là, nous ne les connaissions plus. Depuis combien d'années n'avons-nous donc pas partagé ? Combien de guerre avons-nous laissé filé ? Combien d'alliances ont oublié de jouir de l'arme la plus puissante qui soit, aux côtés de la guerre, qu'est la diplomatie ? Depuis combien de temps n'avons-nous pas respiré, réellement, ne nous sommes pas battus pour quelque chose en quoi nous croyons, ne nous sommes-nous pas déchirés dans le plaisir, dans le respect ou dans la haine, saine ? J'ai connu les Brumes Oniriques et le Cartel de l'intérieur et je peux vous assurer, Lord, qu'il n'y avait rien de sain dans cette colère qui nous séparait, nous de nos ennemis. Que l'amitié n'existait plus, même chez nous, que nous étions mué par une seule obsession : celle de détruire l'autre, l'ennemi, celui que nous repousserions toujours, celui que jamais nous n'accepteront, celui que nous respecterions jamais. Trop longtemps, que les hommes ont oublié de partagé en bien comme en mal. Trop longtemps que je n'avais pas goutté aux échanges cordiaux ou non avec un chef d'alliance. Trop longtemps que je n'avais pas imaginé échanger avec Mandragore, un adversaire qui était devenu héréditaire. Trop longtemps que je n'espérais plus partager ma soif de vie avec les hommes du Smallcity, du Dros Delnoch, du Gilaec, et, peut-être, demain, avec vous. Qui, aujourd'hui, peut prédire l'avenir, là où tous savaient qu'aucun Amphictyon ne partagerait jamais rien avec un lapin des Brumes, où tous savaient qu'aucun Chevalier, Améthyste, Hérétique ne nouerait quoi que se soit de sain avec un Astre.
Nous avions perdu notre curiosité, notre optimisme, notre confiance en l'autre, notre prise de risque. S'élever perpétuellement contre une même entité est une obsession et cette obsession a scellé notre univers, il nous a empêché de gouter à nouveau au plaisir. C'est ainsi que je le ressens, moi, nous, anciens Astres, anciens lapins des Brumes Oniriques, anciens pantins des dieux de l'Oracle Maudits.
Alors oui, Lord of Darkness, cette guerre a connu des échecs et des réussite militaires. Mais nous en sommes tous vainqueurs. Parce qu'aujourd'hui et je l'espère encore demain, le manichéisme de notre monde, est tombé. Les clivages politiques se sont effondrés. Et grâce à un conflit qui, vous le savez, nous le savons, était inévitable, nous avons tenté de créer quelque chose pour qu'aucune des morts de nos hommes à tous, ne soit inutile, vaine. Nous ne sommes pas parfaits, Lord. L'Inquisitio n'est pas parfaite, sa vision du monde n'est pas parfaite et d'ailleurs ce n'est pas son objectif. Vous avez prouvé qu'elle avait ses limites, ses paradoxes, ses ambiguïtés mais finalement, Lord of Darkness ... ce n'est qu'une charte. Un morceau de papier. Un écrit réalisé par un homme. Ces mots, aussi cruciaux soient-ils pour nous, ne sont rien face aux actes. Et ces actes, ont payés. Notre plus grande victoire à nous, Inqui, c'est de nous voir réuni ici, avec vous. C'est d'arriver à négocier un pacte avec Mandragore, respectueusement. Quelque soit le moyen, quelque soit l'outil utilisé, notre seule ambition est de nous voir à nous partagé plutôt que de sombrer dans un silence qui ne motive qu'une chose : la haine. Et qui efface tout le reste du coeur des Hommes.
Nous avons perdu cette guerre que nous ne pouvions de toute manière gagner. Mais nous avons réussi notre combat. Moral."
Le jeune homme marqua un temps d'arrêt. Il scruta à nouveau la salle, toussota pour reprendre sa voix déjà usée et reprit un ton plus calme et plus doux, moins engagé.
"Excusez Faust, my Lord. Lui aussi est humain et lui aussi connait la colère. Voilà. Vous avez raison, nous avons nos limites, nos croyances ont leur limites. Je puis néanmoins, avant que je ne reprenne concrètement le cours de nos négociations diplomatiques, vous affirmer une chose, my Lord : c'est que ceux, que nous considérons et appelons hérétiques, ceux qui oublient d'être humains, sont bien moins importants à nos yeux que ceux qui, aujourd'hui, ici ou ailleurs, participent à ce tournant.
Hier au soir, le Theoden puis le Mandragore ont contacté Lord Faust afin de négocier quelques points du traité. Après quelques missives, les Chevaliers de l'Opale et l'Inquisitio ont décidé de sceller un pacte de non agression afin de maintenir la paix. Je m'attacherai donc, ici, à discuter avec vous, Lord of Darkness et avec les vôtres.
Vous avez demandé aux Inqui de partager des informations avec vous, informations portant sur nos silos et nos ogives nucléaires. Bien que perdants de cette guerre, nous avons aussi notre fierté et notre honneur et ce point relève donc d'une difficulté. Je ne pense pas que l'Inquisitio puisse accepter une tellement requête. De même, sonder nos Etats m'apparait comme dégradant et c'est ce que my Lord a voulu communiqué en parlant de "chiens" et "d'esclaves". Le Pacte que nous vous proposons, Hérétiques, est simple. Il contribuerait à une étape de paix, n'empêchant pas les pillages que nous considérons comme nerf de l'économie, mais amènerait un stade de reconstruction tranquille. Je connais les doutes que vous portez à ces pactes, my Lord, nous avons maints exemples dans le passé de ce qu'ils ont amenés. Et je ne peux pas vous promettre que ce pacte n'est pas un camouflage pour nous refaire et pour ensuite votre revanche simplement parce que je ne vois pas l'avenir et qu'il est tout à fait possible que durant ce traité, d'autres guerres apparaissent, d'autres amitiés et hostilités de forment, ou non. Néanmoins, je m'en remets à votre clairvoyance pour savoir saisir le moment opportun où vous sentirez le danger trop grand et à votre intelligence pour savoir s'il faudra à ce moment-là, détruire ce pacte ou non.
Sachez également, que malgré le passé de nos membres et les personnalités que vous y savez intégrées, tant que ce pacte restera actif, toute entorse sera sanctionnée. La seule puissance ayant le pouvoir de rompre ces engagements et celle qui les a invoqué, l'Anteverse, chef de l'Inquisitio. Et que si ce cela venait à se produire, vous en seriez averti. Vous avez ma parole.
Néanmoins, et à la vue de la tournure que prennent les évènements dans notre monde je vous demande à vous, Lord Of Darkness cher de l'alliance des Hérétiques, de bien vouloir considérer le risque que nous prenons nous aussi à léguer un peu de notre amitié à nos adversaires d'un jour, de bien vouloir donner un peu de votre confiance à l'humain et de bien vouloir prendre le pari que notre hostilité de ce même jour, ne sera pas éternelle. Je crois foncièrement et sincèrement que notre monde change et qu'il peut apporter encore de bien nombreuses surprises.
Si vous avez d'autres points, gênants, que vous voulez soulever, je reste ici à votre disposition, en nom de l'Inquisitio afin que les Traités de Licurgue soient menés à bien, ou non. Mais que d'une manière ou d'une autre, ils apportent une réponse concrète. N'oubliez pas, my Lord : nous n'imposons rien, nous proposons. Merci de m'avoir écouter."