Le Projet Onirismes et Brumes Éthérées ; c'est la croisade des Grands Conseillers contre les failles de leur système.
Tout avait commencé le premier Vertan, 3726. Dans la tour Blanche des Grands Conseillers, une tempête faisait rage. La politique et la mégalomanie des hommes avaient séparé la galaxie en deux univers que tout opposait, ces mêmes univers étaient tiraillés par le sadisme, l'horreur, la rage et les peurs. Les populations souffraient des pires ignominies, entre l'absolue richesse de certains où l'hypocrisie et le luxe les strangulaient dans leur masochisme, et l'aliénante famine qui poussait aux pires horreurs dans les morbides mortuaires de guerre ; le monde souffrait de ses déboires. L'essence même de la volonté humaine était bafouée par des desseins et des philosophies qui puisaient leurs fondements dans les pires travers de l'esprit. D'où qu'ils proviennent, quoi qu'ils ambitionnent, quel qu'ai pu être les paysages qui baignèrent leur enfance, ils finissent tous par mettre leur pavé au fond de la soute, et bientôt tout le navire sombrera. Les torts étaient équitablement partagés entre chacune des polarités de la pensée, tous avaient une vision différente de la manière idéale pour redresser la barre, et inéluctablement ce serait le plus fort qui déciderait. Les Grands Conseillers s'étaient résolus à choisir un camp, à enfin prendre en main l'avenir de la galaxie et de renouer avec leur autorité et le respect qu'ils imposaient d'antan. Le premier des artifices qu'ils mirent en place, tout de rose éhonté et de mascotte empoté, fut la brume de ce projet. La poudre aux yeux qui captiverait tous les regards, retiendrait les attentions et offrirait assez d'ombres et de secrets pour fomenter depuis les ténèbres. C'était le Projet Brumes Oniriques.
L'hégémonie, bien que tacite, ne mit guerre de temps à soulever les engouements d'un univers entier. Et tandis qu'une forte majorité des bonnets verts s'adonnaient à guerroyer, les autres érigeaient un arsenal à peine imaginable d'armes nucléaires ; la multiplicité des armes de dissuasion était le plus fort des pions de l'échiquier Galacticain. Mais aucune des malversation orchestrées par le Grand Conseil et ses fanatiques n'eurent l'effet escompté. Chaque coup joué en vue d'une vague tétanique n'eut le don que d'enhardir leurs adversaires. Ce qui devait cracher de l'eau et dissiper la fumée ne faisait que l'épandre et raviver le feu. A l'horizon une impasse insurmontable, annonciatrice d'un futur tirailleur, surplombait chaque perspectives alternatives, quel qu'en soit le penseur. Nous étions à l'aube du chaos, de la fin des chroniques telles que nous les connaissions, le monde s'entredéchirait, les planètes fondaient sur elle-même sous le poids des batailles, l'espace était un gigantesque dépôt, envahi par les carcasses des vaisseaux tombés au combat ; le limite critique était atteinte mais dans leur folie ravageuse et annihilatrice, aucun des camps ne se ravisa. Les Grands Conseillers avait perdu la lumière une lumière vouée à illuminer la galaxie, qui en même temps qu'elle sombrait dans les désillusions laissait les calamiteux mythes de la dernière génération imposer leur démente oppression. Seul l'archimage Terluan avait paré à l'évidence. Et une fois encore, son immense pouvoir sonna le glas de la rédemption.
Chaque songe avait été dévoré, le vide lava la galaxie des exactions ahuries de ses hôtes et la Corporation se mit au travail. Pendant plus de trois cents jours, les grands conseillers payèrent leur hérésie en sombrant dans un sommeil éternel.
- — Debout, Conseiller. L'aube ne s'est toujours pas levée.
Tout en déambulant sous les branches nues qui toisaient les étroits sentiers de sa mère patrie, certains fantômes ressurgirent. Plus le temps passait et plus il renouait avec ses souvenirs, plus il terrait son instinct et recouvrait sa paranoïa. De l'immuable amas de songes qui harassait son esprit, un seul mêlait perplexité et incompréhension... Si la seconde phase du plan était de créer, à partir de rien une force dont chaque être doté d'intelligence aurait peur, comment Terluan comptait-il constituer cette flotte sans les richesses des états Conseillers ?
Et lorsqu'une question de cet ordre venait vous turlupiner, celle qu'il fallait trouver errait sur Désertica. Théran monta à bord d'un chasseur privé de la Corporation galactique et s'envola pour les plaines inondées de sable et arrosées de soleil de la planète blanche.