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A l'aube d'une machination

Publié : 26 sept. 2010, 17:03
par Wyatt
Wyatt Kurby était assis à son bureau, comme tous les jours. Comme si de rien n'était, il lisait le journal et, parfois, écrivait une phrase ou deux sur un carnet tapissé de ratures.

C'était un homme entre deux âges, bientôt la quarantaine. Des rides commençaient tout juste à apparaître dans une discrétion assurant au temps que de belles années lui restaient, du moins par sa santé. D'une corpulence normale, il était grand et se tenait toujours droit.

Un homme au gabarit maigrelet entra dans la pièce et s'assit lourdement sur le canapé en cuir à une dizaine de mètres, sans déclencher la moindre réaction de Wyatt. Il avait à peu prés le même âge mais ses soucis passés et certains encore présents ne l'avaient pas autant épargné que le liseur de journal.


- Ce fut en tout cas une belle aventure. Lança l'homme au canapé cuiré. Nos poches ont été maintes fois remplies et nous avons reçus tant de regards haineux de nos concurrents qu'il y aurait de quoi écrire un livre sur la façon imaginaire de tuer sans ne rien faire d'autre que plisser les yeux. Enfin je me moque, mais je pourrais presque croire que ma vue a baissé à cause d'eux, ces dernières années.

Wyatt se détacha enfin de son journal et fixa l'autre homme. Ce dernier ne manqua pas de remarquer le sourire en coin qu'il affichait en réponse, accompagné d'yeux perçants pour compléter une magnifique expression sournoise.

- Tonnerre ! Vous faites peur, Wyatt. Qu'est-ce que je dois conclure ? Vous pensez ne pas avoir dit votre dernier mot ? Ce serait un faux espoir, croyez moi. J'y ai bien réfléchi et tout cela est bel et bien fini.

- Tout cela, oui, sans aucun doute, Luther. Mais j'ai dans l'idée qu'une aventure ne prend fin que pour mieux en apprécier les évènements passés, et se servir de l'expérience obtenue pour l'avenir. Ce serait trop facile et presque pas drôle si les bonnes choses pouvaient continuer sans jamais cesser, non ?

- J'imagine... Répondit Luther avec un manque de conviction évident. Pourtant je ne me serai pas plaint si quelques années nous avaient encore accueillies ici.

- Moi non plus. Avoua Wyatt. Alors que ça aurait été dommage de ne pas pouvoir aller plus loin. Nous avons fait beaucoup, mais presque rien si l'on considère ce qu'il est possible de faire d'autre.

Luther contempla un moment Wyatt en essayant de déceler en lui une once de plaisanterie ou de folie qui se serait immiscée dans son habituelle raison. Puis, Luther sourit et se leva pour s'asseoir en face de son récent ancien patron.

- Je vous prendrai éternellement pour un fou, sacré Wyatt, mais un fou si lucide que je ne parirai certainement jamais contre vous.

- Luther, songez qu'il est faisable d'aller plus loin que nous ne l'avons été, tout en ayant sur ceux qui nous ont coulé le pouvoir du revirement.

- Revirement ? Rackef et tous ces vautours ? Vous m'intriguez fortement maintenant. Comment ferions-nous pour avoir cette vengeance ?

- Il n'est pas question de vengeance voyons, seulement d'une guerre qu'ils pensent avoir gagné alors qu'il ne s'agissait que d'une grande bataille.

- Une gigantesque bataille vous voulez dire. Votre compagnie est morte, nous avons tous deux perdu énormément. J'avais beaucoup investi...

- Je sais mon cher, je sais. Vous avez été le meilleur second que je n'ai jamais eu et c'est pour cela que je vous parle du projet auquel je pense.

- C'est bien beau d'y penser mais il faut de quoi le démarrer. Et je ne pourrai pas vous aider en ce sens, je n'ai plus rien. Vous avez une idée précise ou bien vous êtes enthousiaste sans même avoir ouvert votre cadeau surprise, tel l'enfant que nous sommes tous ?

- J'ai une idée plus que précise. Luther, nous allons faire créer un nouvel état !

Luther ouvrit des yeux ronds et se frotta machinalement l'arrière du crâne.

- Je suis sur que votre sélection de mots veut tout dire, n'est-ce pas ? Ce n'est pas nous qui allons le créer.

- Non, en effet. Nous n'avons pas de quoi faire cela. Et c'est tant mieux car organiser l'affaire nous sera plus profitable que si l'on avait été les élus directs. Diriger une compagnie, oui, mais un état ? Non merci. Je n'en ai ni le profil ni l'envie, je me vois mieux dans un fauteuil confortable de conseiller. Et vous en seriez un également, nous mettant au même rang.

- Une organisation qui nous vaudrait une bonne situation, à nouveau... Je vois. Mais même une " simple " organisation demanderait une somme énorme de crédits. Nous chercherons des investisseurs ? Et puis il faudrait déjà un peuple pour faire bâtir un état...

Wyatt ne répondit pas mais ne se débarbouilla pas de son sourire pour autant. Il joignit les mains et son regard se perdit dans quelques réflexions. Luther se cala dans son siège et pensa à quelques actions boursières, quelques stratégies commerciales, n'importe quoi de positif et surtout réalisable.

Puis Wyatt sortit enfin de son silence.

- Il ne nous faudrait pas tant de crédits que cela, je pense qu'il m'en reste assez pour l'affaire. Quant au peuple qu'il nous faut, il est seulement divisé pour le moment. Réparti à travers certaines provinces, si vous voyez là où je veux en venir...

[Notes: Les états sur les planètes ne constituaient pas toutes les terres habitées. Au loin de ces états, parfois tout juste entre deux états, il y avait pour séparation des terres habitées mais sans armées, des terres non revendiquées et assez éloignées pour ne pas subir le coût de l'expansion des états avoisinants. Ainsi, ces terres non revendiquées étaient soient pauvres au point de ne pas intéresser, soit des terres qui avaient jadis appartenu à un état et qui depuis n'avaient plus été sous tutelle. Le nom que l'on donnait à ces terres étaient provinces. L'anarchie ne durant jamais bien longtemps puisqu'amenant directement à la barbarie, des dirigeants occupaient le poste de maire, mais au service du peuple qui sinon aurait tôt fait de faire brûler le présomptueux égoïste. Au sud de Vertana, plusieurs provinces étaient regroupées, côtes à côtes. Elles avaient formé jadis un état, et s'étaient ensuite séparées pour pouvoir exister car une province ne pouvait être trop grande, afin de ne pas être considérée à tort comme un état et ne plus susciter d'intérêt. Cependant, ce groupement de provinces au sud de vertana était généralement appelé "Anosby". Wyatt et Luther habitaient un état du sud de Vertana et connaissaient Anosby pour y avoir souvent parader dans les rues, tels des Bourgeois devant un défilé de paysans.]

- Vous voulez dire, les provinces d'Anosby ? S'étonna Luther.

- Nous n'avons qu'à les rassembler pour faire de nouveau un état. Il y a bien assez de place ailleurs, cela ne se fera pas sur les ruines de leurs maisons.

- Je ne vois pas ce qui les ferait adhérer... Mais je vous fais confiance pour trouver une idée.

- Et je l'ai déjà. Cela va vous plaire car consistera en quelques missions secrètes...

- ... Qui, donc, ne porteront pas notre signature...

- ... Tout en officialisant la possibilité du projet en le soumettant à chaque Maire d'Anosby...

- ... Qui... ne nous renverront pas le document en pleine figure ?


- Si tout se passe comme il faut, non. Se rassembler ne deviendra que la seule chose à faire pour eux. C'est bien la prouesse qu'il nous faut accomplir, amoindrir tant les options qu'il n'en reste plus qu'une seule au final.

- Et pour ce faire, nous allons créer une situation, j'imagine.

- Manipuler, c'est tout à fait de notre ressort. Vous ne croyez pas ?

- Nous pourrions dire sans aucun mal que c'est tout ce que nous savons faire. Ah vous avez le chic pour me remettre d'aplomb, mon ami ! En route pour l'aventure !



Machination à suivre...