Si le silence est d'or, alors nous serons pauvres
Publié : 05 nov. 2010, 16:51
Lord Faust n’avait jamais aucune une telle intensité morale. Trop peu de temps, certainement, s’était écoulé entre la chute de l’Exitium et la formation d’une nouvelle entité. Trop peu de temps pour que les mentalités évoluent. Trop peu de temps pour que les hommes oublient. Trop peu de temps pour que tous, regardent la carte des cinq planètes avec un œil nouveau, un œil curieux. Leur système ne les surprenait plus, ils en connaissaient tous les tenants et les aboutissements et Faust, du haut d’un balcon, perché dans les bureaux du Sénat Galactique, regardait la planète mère voler, parcourant l’immensité, pour répéter les mêmes interminables rondes. L’entreprise qu’il menait était, de loin, la plus intéressante. Elle ne serait sûrement pas la plus longue, mais, palpitante, il lui tenait déjà de frissonner en imaginant les rangs de l’assemblée remplit, la diplomatie chamboulée, le monde politique bouleversé. La sensation que l’Inquisitio pouvait retirer une aussi mince écharde que celle qu’est l’enclave sentimentale que les uns portaient aux autres, le passionnait.
Théran Azhar l’avait mené vers des sommets bien trop hauts pour qu’il se rende compte d’une réalité, quelle qu’elle soit. Les Dieux Maudits ? Oubliés, par tous. Stozec ? Il avait repris le nom de Sherpal, une lumière noirâtre qu’il respectait toujours, mais qui les avait abandonnés et qui prenait aujourd’hui le cœur d’autres. Faust avait toujours été là pour Théran, il l’avait toujours suivi, il l’avait toujours secondé du mieux qu’il put – et parfois, il ne pouvait pas grand-chose – mais le Lord, tout puissant, n’avait, lui sembla-t-il, jamais éprouvé le moindre remerciement sincère pour la passion qu’il mettait à l’ouvrage. Et aujourd’hui, il avait disparu. Il avait laissé ses frères, lui, Anava, Xih’Urlan, dans la tourmente, entraîné avec lui la fin des dames de l’Aetherys et du tyran du Xhimos, Eros. Il leur léguait ce passé, cette immense bible qui narrait les lointaines et puissantes hégémonies d’un temps passé, une bible entouré d’une très fine couche contemporaine. Celle d’un Cartel Sali. Celle d’un Cartel inactif, fainéant et corrompu par la haine et par le silence. Faust en était certain aujourd’hui : si les Astres avaient régné, c’était par l’incompétence des autres. Ces autres s’étaient finalement réveillés, et eux, endormis, avaient sombré dans un néant glacé et insatiable. Théran Azhar n’existait plus. L’Exitium avait disparu. Les Astres, si tant est que leur nom avait signifié quelque chose, s’étaient dissipés sans gloire, sans fierté, sans dire mot.
Depuis trop longtemps, ils avaient joui du courroux sanglant du Lord. Trop longtemps, ils s’étaient laissé entraîner dans une routine mauvaise. Il était temps. De voir su sang neuf.
Il s’en voulait presque de ne pas avoir fait cela plus tôt, mais il n’avait plus le droit à l’erreur. Gérer des hommes, des entités, certains plus puissants et plus expérimentés que lui, était plus difficile qu’il ne l’avait imaginé. Ils n’étaient pourtant guère nombreux, jusqu’à présent, mais chacun possédait ce soupçon de fierté, une caractéristique étonnante mais nécessaire. Ils proposaient, ils agissaient, surtout, et aucun, aucun, n’avait d’avis sur rien. Prestigieux mais harassant. Et surtout, surtout, le chaos dans lequel le Cartel, et par la suite, les Chevaliers de l’Opale, il les avait laissé, annonçait de sombres périodes. Mais de bien belles envolées politiques. La main du Lord se posa sur le métal froid de la rampe qui l’empêchait de tomber dans le vide. Il sourit et contempla une nouvelle fois Galactica et les plaines blanches qui s’étendaient au loin. Son sourire se dissipa et il rentra.
« Bonjour à toutes et à tous. Seigneurs de tous horizons, je suis Lord Faust et je viens vous parler du Cartel, de l’Inquisitio et de notre monde d’aujourd’hui. »
L’assemblée se tût et Faust attira leur attention à tous. Tellement longtemps qu’il imaginait ce moment qu’il craignait de n’être que déçu. Il ôta d’un clignement rapide des paupières toutes ces idées et se concentra sur son objectif : convaincre.
« Faust est, sans orgueil aucun, un nom connu. Maudit pour certains, aimé pour d’autres, Faust a néanmoins toujours garder la même connotation pour tous ceux qui s’y attachaient. Il a toujours éprouvé les mêmes émotions, les mêmes sentiments, embrassant comme personne la destinée d’un homme et d’une puissance. Théran Azhar, le Nécrolia, le Takalane et l’Exitium, ses joyaux. Qu’ils soient de l’Arabiahne, du Xhimo ou de l’Ashaïr, mon peuple m’a toujours soutenu et suivi. Il a toujours soutenu et suivi Lord Azhar dans chacun de ces projets, embrassant chacune de ses ambitions. Théran Azhaz, n’est plus. L’Exitium a disparu. Il est temps que ressurgisse d’entre les cendres, consommation incandescente et incessante d’un homme, un esprit nouveau, un esprit neuf et propre à lui-même. Il est temps que nous, anciens hommes fidèles à un homme, hommes fidèles aux idées d’un homme qui n’est plus, nous nous exprimions telles que nous sommes. Que nous vous surprenions et que nous nous imposions notre propre vision du monde, une vision couvée, cachée, dissimulée dans les méandres du chaos. L’Inquisitio sera notre mère porteuse, elle sera ce morceau de bois sur lequel nous nous reposerons dans cet océan de tempête.
Il est temps que ces hommes qu’on a appelé les Astres et qui, aujourd’hui réunis dans une nouvelle entité, une entité indépendante et crée de toute part par notre propre soif d’appartenir à ce pourquoi nous croyons être fait, il est temps que ces Astres s’éteignent et que l’âme qui évoluait dans ces enveloppes charnelles se soulèvent pour s’exprimer de son plein grès et dans son entière personnalité. Nous sommes, et nous resterons à jamais des hommes.
Il est temps que le Lord Faust que vous connaissiez disparaisse et qu’il renaisse dans l’homme que je suis et que j’ai toujours été. Moi, et seulement moi.»
Faust inspira tranquillement et marqua une pause. Il posa son regard sur l’assemblée, trop peu confiant en ses propres capacités, mais continua.
«L’Inquisitio n’est pas Cartel. Les Inquisiteurs, qu’ils logent au Nabla, en Epsilon, en Anteverse, en Akiolys ou en Antioche, ne sont pas des Astres. Ce nom n’existe plus pour nous aujourd’hui, sinon dans les bouquins d’histoire. Nous seront indépendants, de corps et d’esprits. Nous ne tiendrons pas compte de nos anciennes amitiés et inimités. Les Astres sont aujourd’hui dissous aux quatre coins du monde. Certains, tels que l’Equinox, ont rejoint les Chevaliers de l’Opale. D’autres, comme le Launell et le Jeraseth forment les rangs de l’Imperium Novus. D’autres encore, ont sombré dans le néant de l’indépendance et il est fort à parier qu’ils y resteront. Nous ne serons pas les avocats de l’ancien Cartel et de ses Astres. Nous ne formons pas le dernier bastion d’une pensée ancienne. Si ces hommes et ses femmes désirent aujourd’hui entretenir une quelconque relation d’amitié avec notre Inquisitio, ils auront à prouver comme tous leurs homologues, qu’ils méritent cette amitié.
J’apporte ici, un message pour le monde. En début de semaine, sous la bannière de l’Anteverse, le Nabla, l’Epsilon, l’Antioche, l’Akiolys et l’Erebos ont crée l’Inquisitio. Nous avons décidé d’assembler nos forces pour ne former qu’une seule passion : celle de l’Homme ; un seul amour : celui de l’Humanité. Quelques jours plus tard, l’Orilla d’abord, puis le Dros Delnoch ont décidé de nous rejoindre dans cette quête de cohérence et de retour aux valeurs fondamentales humaniste. Nos constations sont simples et notre engagement est logique. L’univers se meurt dans un assourdissant silence. Ce silence corrompt et met à bas tout ce que les Hommes ont entrepris depuis la nuit des temps. Il manipule les idées, il manipule les actions, légitimes ou non des Alliances et de leurs membres. L’Homme a besoin de s’assumer et de s’exprimer, d’être cohérent avec lui-même et avec les valeurs qu’il prône en agissant d’une manière, ou d’une autre, ou en n’agissant pas. L’Homme ne respecte plus sa substance, sa chaire, il ne se respecte plus lui-même, ce pourquoi il croit être fait ou destiné. Dans le silence galactique que nous connaissons, l’Inquisitio a envie de voir un espoir et a envie de croire en l’Homme.
Nous sommes conscients de la difficulté de cette entreprise. Aujourd’hui, nous sommes encore considérés comme l’âme d’un Cartel dissous, comme les fidèles serviteurs d’un Jeraseth opulent, comme la progéniture de la vision hégémonique du monde. Mais c’est bien pour cette sensation humaniste qui nous envahit continuellement que nous nous levons, non pour l’ambition et la domination. Nous ne jugeons pas les gouvernements, qu’ils soient démocraties, dictatures ou monarchies. Nous ne jugeons pas les Hommes, qu’ils soient polis, orgueilleux, pacifiques ou assoiffés. Mais nous dénonçons son incapacité à défendre ses idées et à les propager.
Nous, Inquisitio, avons besoin de dire au monde qu’il est impossible d’éviter la guerre. Mais il est possible de lui donner un sens.»
Il sourit et reprit sa respiration, alors que cette dernière phrase avait claqué comme le fouet dans son esprit.
« Lorsque le Dros Delnoch a été attiré par nos convictions, j’ai hésité. Et Anava avec moi. J’ai hésité parce que le Dros Delnoch s’était toujours levé contre ce que nous étions auparavant, et je connais sa fougue, sa ruse et son investissement. Alors j’ai pris un pari fou : celui de lui donner un peu de ma confiance. Parce qu’il est hors de questions que les clivages politiques et sentimentaux que nous connaissons depuis maintenant trois longues années, perdurent. Conscient de prendre un risque en agissant ainsi, je préfère avoir foi dans la bonne conduite des Hommes, dans la sincérité de ce dirigeant qui m’a surpris. Et je n’ai plus été surpris depuis trop longtemps.
J’appelle, tous ceux qui ont besoin d’un peu d’aléatoire, d’expériences nouvelles, de surprises passionnantes, à agir comme le Dros Delnoch. Parce que je suis intimement persuadé qu’il saura trouver son bonheur dans ce monde qu’il ne connaît pas, ce monde qui est le nôtre. Et que nous, de notre côté, nous saurons être étonnés de ce qu’il pourrait nous apporter dans notre combat. J’appelle tous les dirigeants de cet univers à réfléchir à cela, à prendre le recul nécessaire et à tenter, à nouveau, à parier, à renouer avec le gout du risque.
L’Inquisitio ne refusera jamais l’intention qu’un Etat, quel qu’il soit, lui porterait. Je promets, moi, Lord Faust, Grand Inquisiteur, de ne jamais dénigrer aucune de ces intentions et à en tenir compte à l’avenir. Je jure, de ne jamais rejeter l’engagement d’un Homme s’il me convainc de sa justesse et de sa sincérité.
De la même manière, il est grand temps que les clivages diplomatiques tombent. L’Inquisitio est sincère dans sa neutralité. L’Inquisitio n’est pas l’ami officieux de l’Imperium Novus parce qu’il recèle quelques Astres, ou parce qu’il s’élève contre d’anciens adversaires du Cartel, comme certains sont amenés à le penser. L’Inquisitio est indépendant, de corps, et d’esprit. Aussi, et je me répète, notre groupe ne repoussera aucune alliance si ses convictions et si ses arguments nous semblent justes, dans l’adversité, comme dans l’amitié. J’appelle donc, alliances, factions, indépendants, à nous contacter si l’envie leur en dit, afin que nous parlions de choses et d’autres et nous entrevoyons l’avenir, ensemble. Bon, ou mauvais.
Tout n’a été qu’une suite logique jusqu’à maintenant. Laissons les dès de l’impulsion et de la passion gérer un peu nos vies. Et nous en sortirons grandis. »
Faust leva le visage vers l’assemblée. Longuement, il s’imprégna de cette atmosphère si pesante, tendue, mais à la fois passionnante et haletante. Une ambiance qui lui avait manqué, lui qui avait connu des situations pour le moins chaotiques au Sénat. Du bout du doigt, il poussa quelques feuilles et jeta son dévolu sur les rapports qui parsemaient la petite table juste devant lui. Son regard s’assombrit. Il n’avait pas envie de faire ça. Mais il le devait.
C’était la partie sale du boulot qu’il s’était lui-même imposé. Comme une façon de montrer l’exemple.
« J’aimerais maintenant vous parler des Chevaliers de l’Opale. Conscient que c’est un sujet délicat pour beaucoup de monde, je me vois tout de même obligé d’en toucher quelques mots.
Aujourd’hui il ne fait de doutes pour personnes que les Chevaliers de l’Opale sont les mieux organisés et les mieux équipés pour imposer leur règne sur cet univers. Les Chevaliers de l’Opale sont ceux qui se sont toujours battus contre l’ancien Cartel, et la logique voudrait que nous nous opposions à eux, nous, rescapés. Mais ce serait bafoué mes convictions, mes engagements et ma propre charte. Nous ne sommes plus Astres, nous ne pouvons venger une chose qui n’existe plus, ni dans la carte politique, ni dans nos esprits. Les Chevaliers sont des gens que je respecte profondément pour leur investissement dans cet univers et pour leur fougue.
Pourtant, dans la nuit de mardi à mercredi, le Nabla et moi-même avons opéré quelques actions contre une demi-douzaine d’entre eux. Je viens ici en expliquer les raisons. Il nous vint d’abord à l’esprit de retrouver quelques silos, silos qui avaient gêné les connexions informatiques du Nabla durant quelques actions du week-end. Mais cet argument est secondaire. Ce que je regrette réellement est la pauvreté du discours opalien. Aujourd’hui, et ce n’est ni un reproche, ni une critique, ni même un appel à une quelconque coalition ou assemblée qui verrait à défaire le joug des hommes du Smallcity et du Mandragore. Aujourd’hui, l’Opale pourrait régner. Il s’avère qu’après quelques discussions avec le dirigeant du Smallcity, il apparaît qu’il n’y ait aucune volonté d’imposer une quelconque hégémonie. Mais en tant que maître incontesté de cet univers, qu’on le veuille ou non, le secret et le silence opalien n’est pas acceptable. La chute du Cartel n’apporta aucun débat, aucune annonce et donc, aucun avenir ni espoir possible. C’est ce que nous dénonçons. La Coalition, réunissant l’Opale, l’Aube et l’ancienne Evenzia, bien que connut de tous n’opéra à aucune communication.
Aussi nous sommes-nous mis en action. Nous avons frappé brièvement, quoi que sur six Etats, et nous nous sommes arrêtés là, conscients que cela suffisait. Cette action n’avait été, en aucun, préméditée et apporte la preuve aux Chevaliers de l’Opale, qu’à défaut de ne déclarer aucune hostilité à leur égard, et malgré notre amour de l’Humanité, nous respecterons tous les points de notre charte et serons ainsi capable de tout mettre en œuvre pour arriver à nos fins.
Ce n’était qu’une parenthèse de mon discours, mais je me devais de l’ouvrir et de l’entretenir, puis de la fermer.
J’espère, sincèrement, que ces mots seront correctement interprétés et transportés et qu’il sera, sinon écouté, entendu par nombre de mes homologues. Je vous souhaite, à tous et à toutes, une très bonne continuation. »
Théran Azhar l’avait mené vers des sommets bien trop hauts pour qu’il se rende compte d’une réalité, quelle qu’elle soit. Les Dieux Maudits ? Oubliés, par tous. Stozec ? Il avait repris le nom de Sherpal, une lumière noirâtre qu’il respectait toujours, mais qui les avait abandonnés et qui prenait aujourd’hui le cœur d’autres. Faust avait toujours été là pour Théran, il l’avait toujours suivi, il l’avait toujours secondé du mieux qu’il put – et parfois, il ne pouvait pas grand-chose – mais le Lord, tout puissant, n’avait, lui sembla-t-il, jamais éprouvé le moindre remerciement sincère pour la passion qu’il mettait à l’ouvrage. Et aujourd’hui, il avait disparu. Il avait laissé ses frères, lui, Anava, Xih’Urlan, dans la tourmente, entraîné avec lui la fin des dames de l’Aetherys et du tyran du Xhimos, Eros. Il leur léguait ce passé, cette immense bible qui narrait les lointaines et puissantes hégémonies d’un temps passé, une bible entouré d’une très fine couche contemporaine. Celle d’un Cartel Sali. Celle d’un Cartel inactif, fainéant et corrompu par la haine et par le silence. Faust en était certain aujourd’hui : si les Astres avaient régné, c’était par l’incompétence des autres. Ces autres s’étaient finalement réveillés, et eux, endormis, avaient sombré dans un néant glacé et insatiable. Théran Azhar n’existait plus. L’Exitium avait disparu. Les Astres, si tant est que leur nom avait signifié quelque chose, s’étaient dissipés sans gloire, sans fierté, sans dire mot.
Depuis trop longtemps, ils avaient joui du courroux sanglant du Lord. Trop longtemps, ils s’étaient laissé entraîner dans une routine mauvaise. Il était temps. De voir su sang neuf.
Il s’en voulait presque de ne pas avoir fait cela plus tôt, mais il n’avait plus le droit à l’erreur. Gérer des hommes, des entités, certains plus puissants et plus expérimentés que lui, était plus difficile qu’il ne l’avait imaginé. Ils n’étaient pourtant guère nombreux, jusqu’à présent, mais chacun possédait ce soupçon de fierté, une caractéristique étonnante mais nécessaire. Ils proposaient, ils agissaient, surtout, et aucun, aucun, n’avait d’avis sur rien. Prestigieux mais harassant. Et surtout, surtout, le chaos dans lequel le Cartel, et par la suite, les Chevaliers de l’Opale, il les avait laissé, annonçait de sombres périodes. Mais de bien belles envolées politiques. La main du Lord se posa sur le métal froid de la rampe qui l’empêchait de tomber dans le vide. Il sourit et contempla une nouvelle fois Galactica et les plaines blanches qui s’étendaient au loin. Son sourire se dissipa et il rentra.
« Bonjour à toutes et à tous. Seigneurs de tous horizons, je suis Lord Faust et je viens vous parler du Cartel, de l’Inquisitio et de notre monde d’aujourd’hui. »
L’assemblée se tût et Faust attira leur attention à tous. Tellement longtemps qu’il imaginait ce moment qu’il craignait de n’être que déçu. Il ôta d’un clignement rapide des paupières toutes ces idées et se concentra sur son objectif : convaincre.
« Faust est, sans orgueil aucun, un nom connu. Maudit pour certains, aimé pour d’autres, Faust a néanmoins toujours garder la même connotation pour tous ceux qui s’y attachaient. Il a toujours éprouvé les mêmes émotions, les mêmes sentiments, embrassant comme personne la destinée d’un homme et d’une puissance. Théran Azhar, le Nécrolia, le Takalane et l’Exitium, ses joyaux. Qu’ils soient de l’Arabiahne, du Xhimo ou de l’Ashaïr, mon peuple m’a toujours soutenu et suivi. Il a toujours soutenu et suivi Lord Azhar dans chacun de ces projets, embrassant chacune de ses ambitions. Théran Azhaz, n’est plus. L’Exitium a disparu. Il est temps que ressurgisse d’entre les cendres, consommation incandescente et incessante d’un homme, un esprit nouveau, un esprit neuf et propre à lui-même. Il est temps que nous, anciens hommes fidèles à un homme, hommes fidèles aux idées d’un homme qui n’est plus, nous nous exprimions telles que nous sommes. Que nous vous surprenions et que nous nous imposions notre propre vision du monde, une vision couvée, cachée, dissimulée dans les méandres du chaos. L’Inquisitio sera notre mère porteuse, elle sera ce morceau de bois sur lequel nous nous reposerons dans cet océan de tempête.
Il est temps que ces hommes qu’on a appelé les Astres et qui, aujourd’hui réunis dans une nouvelle entité, une entité indépendante et crée de toute part par notre propre soif d’appartenir à ce pourquoi nous croyons être fait, il est temps que ces Astres s’éteignent et que l’âme qui évoluait dans ces enveloppes charnelles se soulèvent pour s’exprimer de son plein grès et dans son entière personnalité. Nous sommes, et nous resterons à jamais des hommes.
Il est temps que le Lord Faust que vous connaissiez disparaisse et qu’il renaisse dans l’homme que je suis et que j’ai toujours été. Moi, et seulement moi.»
Faust inspira tranquillement et marqua une pause. Il posa son regard sur l’assemblée, trop peu confiant en ses propres capacités, mais continua.
«L’Inquisitio n’est pas Cartel. Les Inquisiteurs, qu’ils logent au Nabla, en Epsilon, en Anteverse, en Akiolys ou en Antioche, ne sont pas des Astres. Ce nom n’existe plus pour nous aujourd’hui, sinon dans les bouquins d’histoire. Nous seront indépendants, de corps et d’esprits. Nous ne tiendrons pas compte de nos anciennes amitiés et inimités. Les Astres sont aujourd’hui dissous aux quatre coins du monde. Certains, tels que l’Equinox, ont rejoint les Chevaliers de l’Opale. D’autres, comme le Launell et le Jeraseth forment les rangs de l’Imperium Novus. D’autres encore, ont sombré dans le néant de l’indépendance et il est fort à parier qu’ils y resteront. Nous ne serons pas les avocats de l’ancien Cartel et de ses Astres. Nous ne formons pas le dernier bastion d’une pensée ancienne. Si ces hommes et ses femmes désirent aujourd’hui entretenir une quelconque relation d’amitié avec notre Inquisitio, ils auront à prouver comme tous leurs homologues, qu’ils méritent cette amitié.
J’apporte ici, un message pour le monde. En début de semaine, sous la bannière de l’Anteverse, le Nabla, l’Epsilon, l’Antioche, l’Akiolys et l’Erebos ont crée l’Inquisitio. Nous avons décidé d’assembler nos forces pour ne former qu’une seule passion : celle de l’Homme ; un seul amour : celui de l’Humanité. Quelques jours plus tard, l’Orilla d’abord, puis le Dros Delnoch ont décidé de nous rejoindre dans cette quête de cohérence et de retour aux valeurs fondamentales humaniste. Nos constations sont simples et notre engagement est logique. L’univers se meurt dans un assourdissant silence. Ce silence corrompt et met à bas tout ce que les Hommes ont entrepris depuis la nuit des temps. Il manipule les idées, il manipule les actions, légitimes ou non des Alliances et de leurs membres. L’Homme a besoin de s’assumer et de s’exprimer, d’être cohérent avec lui-même et avec les valeurs qu’il prône en agissant d’une manière, ou d’une autre, ou en n’agissant pas. L’Homme ne respecte plus sa substance, sa chaire, il ne se respecte plus lui-même, ce pourquoi il croit être fait ou destiné. Dans le silence galactique que nous connaissons, l’Inquisitio a envie de voir un espoir et a envie de croire en l’Homme.
Nous sommes conscients de la difficulté de cette entreprise. Aujourd’hui, nous sommes encore considérés comme l’âme d’un Cartel dissous, comme les fidèles serviteurs d’un Jeraseth opulent, comme la progéniture de la vision hégémonique du monde. Mais c’est bien pour cette sensation humaniste qui nous envahit continuellement que nous nous levons, non pour l’ambition et la domination. Nous ne jugeons pas les gouvernements, qu’ils soient démocraties, dictatures ou monarchies. Nous ne jugeons pas les Hommes, qu’ils soient polis, orgueilleux, pacifiques ou assoiffés. Mais nous dénonçons son incapacité à défendre ses idées et à les propager.
Nous, Inquisitio, avons besoin de dire au monde qu’il est impossible d’éviter la guerre. Mais il est possible de lui donner un sens.»
Il sourit et reprit sa respiration, alors que cette dernière phrase avait claqué comme le fouet dans son esprit.
« Lorsque le Dros Delnoch a été attiré par nos convictions, j’ai hésité. Et Anava avec moi. J’ai hésité parce que le Dros Delnoch s’était toujours levé contre ce que nous étions auparavant, et je connais sa fougue, sa ruse et son investissement. Alors j’ai pris un pari fou : celui de lui donner un peu de ma confiance. Parce qu’il est hors de questions que les clivages politiques et sentimentaux que nous connaissons depuis maintenant trois longues années, perdurent. Conscient de prendre un risque en agissant ainsi, je préfère avoir foi dans la bonne conduite des Hommes, dans la sincérité de ce dirigeant qui m’a surpris. Et je n’ai plus été surpris depuis trop longtemps.
J’appelle, tous ceux qui ont besoin d’un peu d’aléatoire, d’expériences nouvelles, de surprises passionnantes, à agir comme le Dros Delnoch. Parce que je suis intimement persuadé qu’il saura trouver son bonheur dans ce monde qu’il ne connaît pas, ce monde qui est le nôtre. Et que nous, de notre côté, nous saurons être étonnés de ce qu’il pourrait nous apporter dans notre combat. J’appelle tous les dirigeants de cet univers à réfléchir à cela, à prendre le recul nécessaire et à tenter, à nouveau, à parier, à renouer avec le gout du risque.
L’Inquisitio ne refusera jamais l’intention qu’un Etat, quel qu’il soit, lui porterait. Je promets, moi, Lord Faust, Grand Inquisiteur, de ne jamais dénigrer aucune de ces intentions et à en tenir compte à l’avenir. Je jure, de ne jamais rejeter l’engagement d’un Homme s’il me convainc de sa justesse et de sa sincérité.
De la même manière, il est grand temps que les clivages diplomatiques tombent. L’Inquisitio est sincère dans sa neutralité. L’Inquisitio n’est pas l’ami officieux de l’Imperium Novus parce qu’il recèle quelques Astres, ou parce qu’il s’élève contre d’anciens adversaires du Cartel, comme certains sont amenés à le penser. L’Inquisitio est indépendant, de corps, et d’esprit. Aussi, et je me répète, notre groupe ne repoussera aucune alliance si ses convictions et si ses arguments nous semblent justes, dans l’adversité, comme dans l’amitié. J’appelle donc, alliances, factions, indépendants, à nous contacter si l’envie leur en dit, afin que nous parlions de choses et d’autres et nous entrevoyons l’avenir, ensemble. Bon, ou mauvais.
Tout n’a été qu’une suite logique jusqu’à maintenant. Laissons les dès de l’impulsion et de la passion gérer un peu nos vies. Et nous en sortirons grandis. »
Faust leva le visage vers l’assemblée. Longuement, il s’imprégna de cette atmosphère si pesante, tendue, mais à la fois passionnante et haletante. Une ambiance qui lui avait manqué, lui qui avait connu des situations pour le moins chaotiques au Sénat. Du bout du doigt, il poussa quelques feuilles et jeta son dévolu sur les rapports qui parsemaient la petite table juste devant lui. Son regard s’assombrit. Il n’avait pas envie de faire ça. Mais il le devait.
C’était la partie sale du boulot qu’il s’était lui-même imposé. Comme une façon de montrer l’exemple.
« J’aimerais maintenant vous parler des Chevaliers de l’Opale. Conscient que c’est un sujet délicat pour beaucoup de monde, je me vois tout de même obligé d’en toucher quelques mots.
Aujourd’hui il ne fait de doutes pour personnes que les Chevaliers de l’Opale sont les mieux organisés et les mieux équipés pour imposer leur règne sur cet univers. Les Chevaliers de l’Opale sont ceux qui se sont toujours battus contre l’ancien Cartel, et la logique voudrait que nous nous opposions à eux, nous, rescapés. Mais ce serait bafoué mes convictions, mes engagements et ma propre charte. Nous ne sommes plus Astres, nous ne pouvons venger une chose qui n’existe plus, ni dans la carte politique, ni dans nos esprits. Les Chevaliers sont des gens que je respecte profondément pour leur investissement dans cet univers et pour leur fougue.
Pourtant, dans la nuit de mardi à mercredi, le Nabla et moi-même avons opéré quelques actions contre une demi-douzaine d’entre eux. Je viens ici en expliquer les raisons. Il nous vint d’abord à l’esprit de retrouver quelques silos, silos qui avaient gêné les connexions informatiques du Nabla durant quelques actions du week-end. Mais cet argument est secondaire. Ce que je regrette réellement est la pauvreté du discours opalien. Aujourd’hui, et ce n’est ni un reproche, ni une critique, ni même un appel à une quelconque coalition ou assemblée qui verrait à défaire le joug des hommes du Smallcity et du Mandragore. Aujourd’hui, l’Opale pourrait régner. Il s’avère qu’après quelques discussions avec le dirigeant du Smallcity, il apparaît qu’il n’y ait aucune volonté d’imposer une quelconque hégémonie. Mais en tant que maître incontesté de cet univers, qu’on le veuille ou non, le secret et le silence opalien n’est pas acceptable. La chute du Cartel n’apporta aucun débat, aucune annonce et donc, aucun avenir ni espoir possible. C’est ce que nous dénonçons. La Coalition, réunissant l’Opale, l’Aube et l’ancienne Evenzia, bien que connut de tous n’opéra à aucune communication.
Aussi nous sommes-nous mis en action. Nous avons frappé brièvement, quoi que sur six Etats, et nous nous sommes arrêtés là, conscients que cela suffisait. Cette action n’avait été, en aucun, préméditée et apporte la preuve aux Chevaliers de l’Opale, qu’à défaut de ne déclarer aucune hostilité à leur égard, et malgré notre amour de l’Humanité, nous respecterons tous les points de notre charte et serons ainsi capable de tout mettre en œuvre pour arriver à nos fins.
Ce n’était qu’une parenthèse de mon discours, mais je me devais de l’ouvrir et de l’entretenir, puis de la fermer.
J’espère, sincèrement, que ces mots seront correctement interprétés et transportés et qu’il sera, sinon écouté, entendu par nombre de mes homologues. Je vous souhaite, à tous et à toutes, une très bonne continuation. »