Affleurement du passé.

Ici sont chroniquées les histoires des Etats et de leurs dirigeants

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Xodia
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Affleurement du passé.

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« Et ainsi, Votre Majesté ? »

Xodia rouvrit les yeux. Face à elle, deux femmes se miraient. La Reine contemplait, l'air interdite, la longue chevelure châtain qui avait été remontée sur son crâne, maintenue par diverses tiges de métal aux formes arabesques. Sur ces branches émergeait ça et là une plume noire aux reflets bleus. Des reflets d'un même bleu roi que celui que sa robe associait à une mousseline sombre. Les petites écailles duveteuses constituaient un feuillage digne d'un conte particulièrement inventif.
Xodia grimaça.

« Hm... Nan, c'est un peu... »

La femme postée derrière la Reine semblait sur le point de fondre en larmes. Voilà un peu plus de quatre heures qu'elle s'appliquait à façonner des œuvres capillaires ne satisfaisant jamais la monarque. Cependant, Xodia semblait elle-même désespérée.

« Après tout, et s'il était apparu au sein même du Palais une infection virale, hautement contagieuse et provoquant des éruptions cutanées des plus...

— Alors j'aurais mis en place des mesures si drastiques que le germe aurait été éradiqué en deux heures, tout au plus. »

Nelcith s'était glissée silencieusement dans l'immense dressing où avait été aménagé une sorte de petit salon de beauté. La jeune femme n'avait à l'évidence pas consacré autant de temps que son aînée à trouver apprêts à sa convenance. Ses cheveux avaient été noués dans un chignon si lâche qu'une grande partie d'entre eux coulait en ondes opales de chaque côté de son visage. Au milieu de ce désordre capillaire était piquée une rose rouge sang. Elle portait un robe blanche, coupée de la même façon que celle de la Reine : asymétrique, elle laissait voir le genou gauche puis la fente s'élargissait en descendant vers le sol, jusqu'à former une traîne d'environ vingt centimètres.
Mais... elle n'allait tout de même pas rester pieds nus ? Et... Attendez ! Rouge sang ? Non, c'était plutôt un bordeaux, n'est-ce pas ? Et... Probablement une nouvelle variété de roses, ou encore une fleur blanche peinte au moyen d'une substance conventionnelle, n... n'est-ce pas ? Pourtant, le simple fait d'associer la notion de « conventionnalité » à une initiative du clone paraissait absurde.
Nelcith semblait se délecter du trouble semé chez la Reine. Voilà qui était, à n'en pas douter, l'effet escompté. Cela faisait plusieurs semaines que sa jumelle aux épais cheveux blancs ne lui avait pas ouvert son esprit. Était-ce par jeu ou par prévention ? Car il était inévitable qu'elle ait un jour à l'esprit des choses qu'elle ne souhaite pas partager avec la Reine. En procédant ainsi, elle évitait d'avoir à se fermer subitement, suscitant instantanément la méfiance de Xodia. Impossible donc de savoir ce qu'il en était réellement.
Quoi qu’il en soit, malgré sa singularité, le costume conférait au clone un certain charisme. Et ce, sans nécessiter un travail de longue haleine.
La Reine s'efforça de se recentrer sur le problème capital de cette fin d'après-midi...

« Mais... Tu ne trouves pas que ça fait un peu « trop » ? Trop chargé, trop sombre, trop présomptueux, tr...

— C'est drôle, il me semble avoir entendu de cette même voix, mais vibrant d'un ton ô combien plus assuré, quelque chose du type « La noblesse du Veesna va se sentir toute fade ! Je serai à la fois splendide et singulière, la Reine d’Antioche semblera être un personnage quasi divin, qu’on ose pas même toucher ! »

— J’exagérai…

— Non. Il est temps pour toi de donner corps à toutes ces ambitions, esquissées d'un geste fébrile puis laissées de côté. L'Antioche à tout autant droit à l'éclat que sa Reine. Qu'importe ce que la Galaxie en pense ? Au moins elle pensera. Qu'importe qu'elle te - qu'elle nous - méprise, adore, abhorre, honore. Quitte à ce qu'elle vive, autant que ce soit aussi de regards sur nous. Avec énergie. Je crois que vous êtes prête, Votre Majesté. »

Xodia se fit violence pour retrouver aplomb et grâce. Si elle se demandait vaguement si son clone n’en avait pas tout simplement assez de l’attendre, elle la suivit sans protester jusqu’au Grand Salon.

Le timing était parfait pour révéler tout le charme de celui-ci. Les lueurs du crépuscule s’invitaient dans la pièce, habillant le mobilier blanc et argent de diverses nuances de pourpre. Les teintes étaient encore légères et le ciel suffisamment pâle pour ne pas avoir à ajouter d’éclairage artificiel.
Xodia se mit rapidement à palabrer sur la nécessité ou non d’immerger la pièce. Nelcith lui fit remarquer après un soupir exaspéré qu’une fois sous l’eau, elles ne bénéficieraient plus de la lumière du jour. Attendre que celle-ci ait filé avant de plonger serait donc le plus judicieux. La Reine pourrait ainsi montrer en direct ce qui la rendait la plus fière de son palais.
Avant que la souveraine n’ait pu embrayer sur un autre sujet qui ne soit crucial qu’à ses yeux, son majordome fit irruption dans la pièce.

« Votre Altesse, l'Amiral Andrew Kami Raykovith Leister... » Il reprit sa respiration. «... est arrivé. »

Xodia n’aurait probablement pas eu une expression différente si son double lui avait déversé un seau d’eau glacée sur le crâne.

« … Seul ?

— Oui, Madame. »


Nelcith éclata d’un rire franc.

« Ce n’est pas pour autant que tu t’es pouponnée pour rien, voyons ! Au contraire ! Dis, tu ne voudrais pas que j’appelle une couturière en vitesse ? Elle pourrait opérer une jolie incision qui fasse remonter cette fente au minimum jusqu’au milieu de ta cuisse. Et puis, je vous laisserai rapidement seuls si tu veux, je ne resterai que pour t’aider à engager la conversation – et puis pour m’amuser un peu, bien entendu. »

Nul doute que s’il y avait eu dans la pièce un objet que la Reine n’eût pas craint d’abîmer, il se serait violemment abattu sur le sommet du crâne de la belle Dame Blanche.

« Fais-le entrer. »
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Sergent Kami
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Re: Affleurement du passé.

Message par Sergent Kami »

L’Antioche. Enfin. Cette étape dans mon retour sur la scène politique passait inévitablement par un nombre de visites officielles plus chronophages et lassantes les unes que les autres. Néanmoins, je ressentais un pincement au cœur en m’avouant la criante vérité : j’en ressentais le besoin. Une nécessité de constater qu’il me restait encore une poignée d’éminences qui pourraient me soutenir, un besoin de retrouver des visages connus. Un contrecoup certain d’une solitude qui me pesait en silence. Une fois de plus, tout restait à accomplir.

A peine venais-je de fouler le tarmac qu’un frisson me parcouru. La température clémente de la planète bleue ne convenait guère à un organisme qui avait survécu tantôt dans les fournaises de Volcano, tantôt dans les déserts arides de Desertica. Aussi me hâtais-je vers ce bâtiment non-loin, où l’on pourrait me conduire au palais de la reine.

Plus tard.

J’étais émerveillé par l’œuvre des plus grands architectes de l’Etat. Dans toute ma vie, je n’avais eu l’occasion de voir quelque chose de similaire. Et pourtant, bien que ma carrière militaire m’amène régulièrement à traiter dans les palais des plus grands de ce monde, il n’existait assurément rien de comparable sur les cinq. Au lieu de tenter de dominer l’étendue aqueuse sur laquelle il reposait en partie, l’édifice semblait être pensé de manière à créer une synergie avec l’élément.

A peine avais-je pénétré dans l’édifice qu’un homme plus âgé, à l’air maniéré – manifestement le majordome - s’avança et m’interpella sur un ton respectueux :


Monsieur ? Que pouvons-nous faire pour vous ?

Je souhaite rencontrer votre reine.

Sa majesté est actuellement occupée. Qui dois-je annoncer ?


L’Amiral Andrew Kami Raykovith Leister.


Pour toute réponse, l’homme hocha la tête, et disparut dans une foule de serviteurs. Pour ma part, je me promenais dans le luxueux hall, contemplant les œuvres d’arts diverses qui s’offraient à mon regard. L’attente me semblait interminable. Puis le domestique revint.

Monsieur ? Sa majesté vous attend dans le grand salon. Veuillez me suivre, je vous prie.

Les deux portes en bois s’ouvrirent sur le dit-salon.

J’entrais d’un pas lent. Ma tenue revêtue pour l’occasion ; une veste ouverte en cuir aux motifs triangulaires bleu saphir, sous laquelle transparaissait une chemise ajustée acier rappelait les couleurs de ma cape, enroulée autour de mon col pour mieux se jeter sur l’une de mes épaules. Mon hôte semblait d’abord impressionnée par l’aplomb de l’ensemble qui amplifiait d’autant l’expression froide ancrée sur mon visage. Je balayais de mon regard perçant la pièce, en m'arrêtant sur les deux femmes qui se trouvaient là. De manière imperceptible, je fronçais les sourcils en constatant que la dame blanche qui accompagnait Xodia ne m’avait rien d’inconnu. Non seulement, cette dernière lui ressemblait trait pour trait, mais leurs auras étaient parfaitement identique. Ainsi, la reine de l’Antioche eut le besoin de recourir au clonage… Intéressant.

Depuis mon arrivée, le clone me fixait avec attention, nonchalamment assise sur un divan, aux côté de mon amie, un éclat dans les yeux, en inclinant sa tête sur le coté à la manière d’un enfant qui découvre avec intérêt un nouveau jouet.

En une fraction de seconde, je traversais le salon sous forme éthérée, et réapparus dans un bruit de tissus qui se froisse à un mètre d’une Xodia muette. Alors, je m’agenouillai respectueusement aux pieds de mon hôte qui accusait la surprise et saisissant avec délicatesse sa main droite, esquissa un baisemain tel un chevalier d’un autre temps.

(Agrémentant mon visage d’un sourire)
Une fois de plus son altesse m’honore par sa grâce. Courte pause. Cela faisait longtemps Dame Xodia.

Je me relevais, et saluais le clone avec plus de retenue, ne serait-ce que par méfiance envers ces erreurs de la nature. Satisfait de ma prestation, je m’installais alors confortablement dans le dernier fauteuil, face à mes hôtes.
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Xodia
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Re: Affleurement du passé.

Message par Xodia »

Merveilleux. Le saltimbanque de la séduction féminine jouait. Une bonne occupation de l'espace scénique, un geste mesuré mais éclatant, des mouvements fluides, un costume attrayant... Nelcith eût presqu'envie d'applaudir, mais inutile d'agacer son Altesse du Veesna si vite, ni de gâcher la joyeuse danse de quelques papillons dans le ventre de la Reine. Car si l'interprétation de l'acteur principal l'ennuya, elle lui offrit tout de même de goûter à un plat inédit : c'était lumineux, chaud, doux et sucré. En y cherchant les ingrédients précis, elle décelait de la surprise, du trouble, de la fascination, et un certain enchantement. L'âme de la monarque était décidément un puits d'émotions inépuisable.

Une fois son invité assis, Xodia mit un certain temps à réaliser qu'elle se tenait toujours debout, pétrifiée dans une expression de béatitude complète. Elle sursauta et s'installa à son tour, esquissant un sourire gêné.

« Cela fait longtemps, oui. L'Edelweiss... »

Ses yeux se perdirent dans la contemplation d'une vague de souvenir et se voilèrent, embués par son écume de nostalgie.

« Certes aucune de nos actions militaires ne marqua les esprits, mais nous, les nôtres... Nous étions si fiers, si enthousiastes... Nos cœurs chaudement emmitouflés dans nos idéaux, nous marchions tous la tête haute, dans cet univers aux allures de garderie...

Un sourire ampli de tendresse naquit sur ses lèvres... Pour aussitôt disparaître.

« Mia, Sushi... »

Un silence. Lorsqu'elle reprit, le volume de sa voix s'amenuisait graduellement, comme si les mots étaient cette fois un peu trop pesant.

« Sushido s'est comme évaporée. Quant à Mia... la rumeur, la rumeur dit qu'elle est... »

Bien que les doigts de la Reine se soient crispés sur sa robe, on en distinguait toujours les tremblements.
Sans crier gare, elle redressa son visage vers l'Amiral.

« Et, maintenant, vous voilà Grand Conseiller... Je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine fierté à l'idée que l'une de nos fleurs soit l'unique élue dans cette dernière vague de « recrutement », si l'on put dire.»

Un sourire.

« Je... vous savez, j'estime que vous méritez amplement cet honneur, et je vous en félicite. J'ose espérer que vous saurez insuffler à cette instance votre sagesse, votre habilité et...»

La voix de Sa Majesté s'éteint. Rougissante, elle se perdit dans la contemplation des bottes de Leister.

« J'aimerais vous poser une petite question, Amiral : les animaux de compagnie sont-ils autorisés au sein des secteurs sécurisés réservés au Grand Conseil ? »

Le blond parût d'abord surpris, lorsqu'il se tourna vers Nelcith. Expression vite balayée par un sourire carnassier.

« Je l'ignore, mais je dois avouer que l'idée d'un steak à portée de main ne me serait pas désagréable... »

Hum, le tout porté par un joli ton pédant... Il prenait prestement ses aises, le mignon ; et dévoilait au passage l'existence d'une certaine violence dans les méandres de son âme torturée. Ah, quel charme cet homme avait !
Mais l'heure n'était pas aux soupirs exaspérés. Nelcith avait tout autre chose en tête.
Elle se leva, commençant à décrire un cercle serré autour de l'Amiral. La voix comme le pas était mielleuse, traînante.

« Je me posais cette question, vénérable Grand Conseiller car, voyez-vous, il semblerait qu'un chimpanzé un peu joueur ait été – par mégarde, idiotie ou calcul – introduit au sein de votre éminente institution. Fier de ses trouvailles, il couinait il y a de cela deux jours à l'oreille de quelques dirigeants qu'il s'appelait le Fléau et leur brandissait les copies de documents confidentiels, les offrant gracieusement. Il s'agirait du compte-rendu des délibérations lors des dernières nominations au Grand Conseil, ainsi qu'un rapport d'enquête au sujet des pratiques d'un État dont la révélation pourrait provoquer un joyeux grabuge...
Avons-nous là affaire à un primate mythomane ou à la réelle introduction dans votre cour d'un garnement indésirable en ce lieu ? Si vous souhaitez jeter un œil sur ces textes et vous faire une idée sur leur authenticité, je vous les apporterai avec le plus grand plaisir, Amiral Leister. »


Nelcith s'accroupit devant l'invité, penchant à nouveau la tête pour l'observer. Un immense sourit enfantin illumina son visage.

« Monsieur Leister, Monsieur Leister... Si cela est exact, il n'est question que de documents dont la révélation représente un danger relativement minime, vous ne croyez pas ? Si elle n'aboutit pas au final à la discréditation du Grand Conseil aux yeux de nos peuples, bien entendu... Néanmoins, n'existe-t-il pas des éléments plus... compromettants, en ces lieux cachés de notre vue de mortels ? »
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Sergent Kami
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Re: Affleurement du passé.

Message par Sergent Kami »

Pathétique. Le spectacle du clone semblait digne d’une représentation théâtrale de seconde zone, tant le jeu de l’actrice se voulant inquisiteur tournait au ridicule. Alors, redoublant de patience, j’attendais impassible alors qu’en mon for intérieur je me retenais de rire. J’étais passablement intéressé par ce pseudo problème de faille de sécurité à la tour blanche. Néanmoins, avec un peu de recul, j’arrivais parfaitement à m’imaginer quelques années auparavant, prenant la place du clone, lorsque je ne cachais plus mon hostilité envers l’institution galactique. Cette douce pensée m’arracha un sourire, rapidement effacé quand mes yeux s’arrêtèrent sur Xodia.

La Dame fixait le sol dans le silence. Un certain trouble m’envahit alors que sa dernière phrase -interrompue avant son terme- résonna dans mon esprit. Serait-ce possible que…

En une fraction de seconde, je me volatilisais de mon siège pour me planter face à la reine qui sursauta. Délicatement, je posais ma main sur son visage pour l’inciter à me regarder dans les yeux et lorsque nos prunelles se croisèrent, l’espace d’un instant, le masque glacial qui me caractérisait fondit comme neige au soleil. Mon regard avait la douceur d’une caresse alors qu’il plongeait dans ses iris verdoyants.

Relevez la tête mon amie. Je ne mérite pas tant d’égards, surtout de votre part. Vous brillez d’une lumière pure et pleine d’innocence dans ce monde bien terne tandis que moi…

Mon regard se perdit au loin alors que les dernières sonorités de ma voix s’éteignaient dans le salon chaleureux.


Je vous admire et vous envie, ô ma Reine…

Et mon visage retrouva la froideur qu’on lui connaissait alors que je me détournais de mon hôte. Je pris un temps pour dévisager Nelcith avant de lancer :

Aboutir à la discréditation du Grand Conseil ? Il serait de mauvaise foi de me soutenir que vous croyez encore en cette sainte institution que vous venez de dénigrer…

Qu’y a-t-il à dire de plus ?


Le détracteur trouvera toujours mille raisons de médire sur son opposant, mais peut-on réellement lui en vouloir ? Avons-nous le droit de réprouver ce Léviathan qui nous nargue depuis son antre sur Volcano ? Les Archimages n’ont jamais fait preuve d’autre chose que de leur légendaire autosatisfaction, même lorsqu’ils sont guidés par leur soif de destruction. Inévitablement, cela laisse des séquelles…


Lentement, je me dirigeais vers la baie vitrée qui laissait filtrer les derniers rayons de soleil. Porté par la magnificence du paysage, je me laissais aller à mes pensées, torturé par cette paradoxale nuance qui me poussait à garder pour moi la vérité. L’utopie était tellement plus belle et apaisante.


(Dos à mes hôtes)
Néanmoins…

Je me retournais et fixais Nelcith d’un regard froid et inquisiteur.

Je me dois de vous avertir. Vous vous engagez sur un chemin fort hasardeux, jeune clone. Tout comme moi, il y a de cela des années. S’il y a une chose que j’ai apprise en sept ans, c’est qu’une fois défié, l’Archimage Altor Terluan ne vous laisse aucun répit. A vous comme à vos proches, aussi éminents soient-ils.

Je me téléportais à nouveau à quelque pas de mon interlocutrice et posais ma main gauche sur le divan. Les yeux du clone s’arrêtèrent brièvement sur les runes gravées sur cette dernière avant de porter à nouveau son attention sur moi.


La mort n’a rien d’un jeu. Elle est même très amère et infiniment douloureuse. Que vous n’ayez aucune considération pour votre misérable existence est une chose. Mais, par pitié, n’entrainez pas votre génitrice dans votre chute…
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Xodia
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Re: Affleurement du passé.

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Mépris, et hostilité. Voilà tout ce qui émanait, à l'écoute du discours de Nelcith, de cette âme fraîchement promue ; se trouvant peut-être ainsi aux yeux du Monde plus légitime à se croire plus sagace que quiconque.

La jeune clone ne broncha pas lorsque l'Amiral se matérialisa face à elle. Et c'est d'une voix égale qu'elle lui répondit :

« Leister... N'est-ce pas vous qui faites preuve de mauvaise foi lorsque vous déformez mes propos ? Répondre d'une bévue de vos si estimés partenaires sans avoir pu préparer votre texte vous n'est, je le conçois, pas aisé. Il n'est pas pour autant utile de vous défendre en frappant l'air de votre épée.
J'ai évoqué le crédit que nos peuples accordaient au Grand Conseil. Sous-entendant par là celui des peuples de cette Galaxie. Ceux-ci ont besoin de leaders, bienveillants mais implacables, veillant sur l'équilibre des Cinq. Mais que reste-t-il de l'aura opaque qui les élevaient aux yeux des petits esprits au-dessus de la mêlée, au temps où votre soif de vengeance et votre honneur les poursuivaient encore, Monseigneur ?
Me laisseriez-vous vous dépeindre Galactica telle que je la vois aujourd'hui ? »


Sans attendre de réponse de la part de leur invité, la jumelle de la Reine poursuivit.

« Les Grands Conseillers me semblent ne jamais avoir inspiré la déférence nécessaire au bon exercice de leurs fonctions, certes. Voyez tout de même l'état dans lequel se trouve actuellement notre Galaxie... Les plus hauts rangs censés la régir paraissent n'être plus que des titres honorifiques.

Comme je viens de vous l'exposer, il s'avère qu'au moins une éminente cape verte laisse un étranger pénétrer au sein de la Tour Blanche sans en être inquiétée.

Ensuite, souvenez-vous du choix des nouveaux Grands Conseillers. Pas pour vous en féliciter, mais pour l'examiner un tant soit peu. On nous annonçait cette nomination comme un moyen d'insuffler, grâce à ces nouveaux suzerains, une nouvelle foi, un nouveau dynamisme aux Cinq. Pourtant, il fut décidé par les hautes instances de restreindre le scrutin à un seul nom. Cela nous fut justifié dés l'annonce de votre désignation. Il serait à leur sens inutile d'augmenter même sensiblement les effectifs de cette institution comme de les renouveler du fait que la galaxie s'assoupit, désertée par des dirigeants qui ne croient plus en un avenir digne de ce nom parmi nos astres... Ce fut assez curieux comme raisonnement, de la part de nos plus éminentes têtes pensantes, ne trouvez-vous pas ?

Leister, si le Grand Conseil n'a jamais bénéficié d'une grande crédibilité, nos deux plus anciens Archimages ne connaissaient pas une telle méfiance. Aujourd'hui, alors que l'un semble s'être volatilisé, l'autre ne cache plus son désintérêt total pour le sort de notre galaxie et ne se manifeste que pour railler ceux qui, à l'évidence, ne sauraient avoir la capacité ou l'audace de lui rendre cet égard, ou encore pour envenimer des discussions.

Aussi, si certains notables abusent de leur pouvoir sans que la moindre procédure soit initiée, un autre se voit déchu de son rang suite à ses manigances militaires... Que dis-je, de ses rangs. Théran Azhar n'a semble-t-il pas exploité pour son propre compte ses droits de Grand Conseiller, du moins au regard de notre chère Corporation. Le voilà pourtant relégué au rang de simple dirigeant. Voilà une décision une nouvelle fois bien singulière. »


Un sourire naquit sur le visage de Nelcith. Fade, purement rhétorique. Une simple reproduction du geste qu'elle avait tant de fois décortiqué sur d'autres faciès. Elle était capable de réaliser des imitations bien plus convaincantes, mais celles-ci n'auraient pas trouvé leur utilité, ici.

« Amiral Leister... L'intelligence est l'une des deux seules qualités que je vous concède... C'est pourquoi je me permets d'affirmer que vous voyez comme moi que Galactica est en bonne voie pour n'être plus livrée qu'à elle-même. Le pouvoir de la Corporation devient fébrile, incohérent et lunatique. On dirait presque que celle-ci a atteint une certaine sénilité.
Je vous considère également comme ce que l'on pourrait appeler un homme d'honneur. C'est pour cela que je voulais vous faire part des fuites dont Ellassar a fait part à la Reine. Vous ignoriez leur existence, alors que nous savons de sources sûres qu'un Archimage de la seconde génération en eût été informé... Ainsi, il n'y a pas eu la moindre enquête ? Ne trouvez-vous pas cela alarmant ? J'ose espérer que vous accordez plus d'importance au devenir de cette galaxie que vos camarades, Leister. Et que vous saurez leur suggérer de façon appropriée – ou de celle qui vous plaira, après tout – de faire face à leurs responsabilités, et ce en adoptant une attitude qui sied à leur rang. »


La clone marqua un pause durant laquelle elle sonda les pupilles de son interlocuteur avec plus d'intensité qu'elle ne l'avait fait de tout son monologue.

Xodia s'empara de ce silence, la voix feutrée par l'hésitation.

« Amiral, je... Je dirais que je rejoins assez Nelcith dans ses propos... Je veux dire... Je crois que la plupart de nos hauts dirigeants n'ont plus en tête tous les aspects de la fonction qui leur incombe, mais... Peut-être, s'ils se détournent totalement du devenir de nos astres, le Léviathan pourra-t-il constituer de nouveaux régents, nous... »

Sa jumelle la fit taire d'un regard presque imperceptible et repris d'une voix rauque, alourdie de menace.

« Leister, sachez que j'accorde une grande importance à ma vie. Xodia est plus que ma vulgaire «génitrice ». Elle est l'essence même de mon existence, de son origine, son agrément. Préserver ma vie ou préserver la sienne, ces notions sont à mon sens indissociables.
L'adhésion de la Reine au Léviathan, avant même ma naissance, constitue un affront bien plus dangereux pour la vie de la Reine que de vous exposer la décadence du Grand Conseil et ce même dans le cas où vous communiqueriez ces remarques à vous supérieurs.
D'ailleurs, en parlant du Léviathan, Numéro Douze... Est-ce sa promesse de protection envers les Numéros sur leur simple sollicitation sans jamais leur demander de se soumettre à leur idéaux qui vous a plu, ou bien le fait d'être un numéro vous procure-t-il également la sensation de vous mettre dans la peau d'un de vos malheureux cobayes, et d'ainsi expier une partie de vos fautes ? Si tel est le cas, peut-être voudriez-vous que je vous aide à entrer un peu plus dans leur peau. Ma « misérable existence » comme vous dites, aurait peut-être plus d'éclat une fois éclaboussée de votre sang ? »


Tandis que les lèvres de Nelcith s'étirait en un sourire cruel, Xodia perdit soudainement son souffle, sous le coup asséné à sa poitrine par la violence des propos de sa jumelle. Jamais elle n'aurait cru que la confrontation irait aussi loin. Cependant, elle ne pouvait pas non plus l'en blâmer, compte tenu des termes employés par son ami. Et, ces histoires de cobayes... De quoi s'agissait-il exactement... Du... du sang ? Andrew, faire couler le sang de... juste pour des... expériences ?
C'est le corps tendu et d'un geste presque craintif qu'elle pressa un bouton discrètement intégré à l'accoudoir du divan et s'adressa à celui-ci d'une voix plus aiguë que d'ordinaire.

« Un café très noir, deux sucres, un Earl-Grey, un grand chocolat et deux, euh, non : trois cookies. »
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Sergent Kami
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Re: Affleurement du passé.

Message par Sergent Kami »

Assis dans mon confortable fauteuil, je haussais un sourcil, interdit, accusant la surprise de telles menaces à peine voilées. Mon regard perçant plongeait dans celui d’une Nelcith savourant sa victoire. Mal à l’aise, en proie au doute, je serrais les poings puis les desserrais pour essayer de réprouver cet instinct animal qui refaisait surface. La tension était palpable, si bien que ce serviteur qui perturbait la scène de par sa présence était accueillit par la Reine en véritable messie.

Je prenais la tasse de thé que l’on me tendait, et remerciait d’un signe de tête mon hôte. Le serviteur repartit et le silence retomba, plus lourd que jamais. Lorsque chaque protagoniste fut servit à sa convenance, je portais lentement le raffiné breuvage à ma bouche et en but une gorgée. L’excellence des saveurs qui titillaient mes papilles eurent un effet apaisant. Fermant les yeux pour mieux m’enivrer de ces dernières, je reprenais pied et retrouvais le calme froid qui me caractérisait. Je bus une nouvelle gorgée avant de poser à nouveau mon regard sur Nelcith.

Puisque je suis percé à jour, je suppose qu’un peu de franchise ne sera pas un mal, pensais-je.

Puis il me fallut un temps, durant lequel mon regard se perdit, afin de trouver les mots adéquats.


Vous m’avez l’air de bien connaître votre sujet, jeune clone. Jamais je n’aurai pensé que l’on puisse s’intéresser à moi de la sorte… C’en est presque flattant, dis-je d’un ton railleur, agrémentant le tout d’un sourire narquois.

Néanmoins, vous vous méprenez sur mes desseins. Ainsi, permettez-moi de nous accorder sur notre désaccord, ajoutais-je froidement.

Ma présence en tant que numéro douze n’est pas une histoire de protection, ni même de remords. Il serait bien mal me connaître de croire que pourrais regretter mes actes passés, si noirs soient-ils. Pour tout vous avouer, ils étaient même nécessaires, mais là n’est pas la question.

Je fus l’un des premiers curieux à fouler anonymement le pavé de votre antre. L’idée de base était louable, et collait parfaitement à mes idéaux. J’ai même longuement hésité à embrasser votre cause. Mais le succès de votre entreprise fut tel, que de nombreuses personnes s’y intéressèrent. Or d’après ce saint écrit qu’est votre charte d’alliance, le Léviathan n’est ni le mal, ni le bien. Il incarne l’équilibre… Mais où se trouve l’équilibre, lorsqu’une majorité des suzerains et pas des moins influents intègrent cette organisation ?

Donc si vos exécutifs souhaitaient respecter les idéaux exposés ici, vous devriez tout simplement quitter l’organisation, un à un, jusqu’à ce que l’équilibre des forces ne soit rétablit. Evidement, rien ne sera fait dans ce sens. Le Léviathan est explicitement définit comme un contre-pouvoir, donc par extension, vous agissez contre l’intérêt de la Corporation. Dois-je davantage insister sur ce point, où sommes-nous d’accord pour vous imputer la faiblesse actuelle de la grande institution ?


Je bus une nouvelle gorgée de mon thé puis reposais la tasse à demi-vide.

En réalité, la seule chose que je vous accorde est l’étrange gestion de mes supérieurs hiérarchiques. Et j’insiste sur ce point. Il n’existe point de camaraderie dans le Conseil, point d’égalité. Tout est question de puissance et d’influence. Et là se trouve le problème. Je ne doute pas qu’enquête il y ait eu. Terluan protège ardemment ses intérêts. Le plus alarmant est le fait que les Archimages ne crurent pas utile de m’en informer… Tout d’un coup, j’eus une révélation et mon regard se durcit ostensiblement. Ma voix se perdit. …et je pense savoir pourquoi…

Je terminais d’une traite ma tasse de thé. Ce dernier avait désormais un goût amer en bouche. Nelcith dut percevoir mon désarroi, car en cet instant, un étrange sourire narquois naquit sur son visage. Je me levais, et marchais lentement vers le clone.

Nous arrivons enfin au point certainement le plus intéressant de votre monologue. J’ignorais que l’on traitait un ami en le menaçant… Mais puisque vous souhaitez tant briller, permettez-moi de vous prouver que vous vous leurrez.


Une lame apparut dans ma main droite et soutenant le regard impassible de Nelcith, je m’entaillais la main dans la largeur. Un liquide noirâtre s’échappait lentement de la blessure.

Alors, maintenant que la vie me file entre les doigts, vous sentez vous plus heureuse ? Demandais-je sur un ton faussement neutre.

Le clone me retourna un regard noir, plein de haine et de frustration.
Un bruit de verre qui dérape se détacha du silence. Je me pivotais sur moi-même juste assez vite pour voir sa Majesté chuter, inanimée et pour la rattraper de ma main valide. Tandis que je la replaçais en position assise au bas du divan, je plongeais ma main ensanglantée dans ma poche et en sortit un mouchoir immaculé. D’un mouvement habile, je resserrais le mouchoir de manière à comprimer ma plaie et stopper l’hémorragie.

Mon attention se portait désormais sur Xodia. Je m’agenouillais à ses côtés et prenais son pouls pour élaborer un premier diagnostic. Tout en douceur, j’insufflais en elle une fraction de magie curative, douce comme une caresse, pour la ramener à notre réalité…


Trop occupé à prodiguer des soins à son Altesse, je ne sentis pas Nelcith faire quelques pas dans mon dos. Jamais je n’aurais pu imaginer que, parfaitement occulté sous une jarretière, la jeune clone avait dissimulé une courte lame et qu’en cet instant, elle fondait sur moi, arme à la main. La lame pénétra mon organisme juste sous l’homoplate.

La douleur fut si poignante que subitement, mes reflexes de farouche guerrier reprirent le dessus. L’ensemble du décor disparut alors que je me retournais, la lame toujours plantée dans le dos. Nelcith voulut avoir un mouvement de recul, mais sous l’effet de la magie, elle se retrouvait bloquée sur place. Le temps s’était comme figé.


Pourquoi, Nelcith ?


Je ne saurai tolérer ici ni votre insolence ni votre claire tendance à tourmenter ma Reine sans moi-même initier le moindre affront. Un étranger n'a pas à faire couler le sang en Antioche sans être inquiété. Si les mots sont des armes qui me ravient, je ne peux décemment souffire l'humiliation d'une menace non tenue. Vous ne m'intimidez pas, Leister.

(Voix faible)
Et pourtant je n’ai toujours cherché qu’à la protéger… Je baissais la tête. Une larme s’échappa et glissa sur ma joue. Mais vous… Je la fixais à nouveau, impassible, et lentement, je posais la paume de ma main blessée sur le buste du clone. … croyez-vous réellement servir sa cause ?

Je libérais mon aura, un gaz tournoyait en l’air pour former deux immenses ailes dans mon dos qui s’évanouirent ensuite. La lame plantée dans mon dos se désagrégea, créant une centaine de poussière d’étoiles. Mes iris et l’ensemble des runes sur mon bras gauche s’illuminèrent d’un bleu azur, avant qu’une force surnaturelle ne propulse subitement le clone en arrière. Instantanément, les deux protagonistes se retrouvèrent dans le salon où tout avait prit place. Le clone chuta lourdement au sol et manqua de déchirer sa robe d’apparats. Pour ma part, je m’agenouillais aux côtés de Xodia. Sa Majesté reprit connaissance. J’esquissais un sourire.

(Voix faible)
Que… s’est-il passé ?

Vous vous êtes évanouie, mais n’ayez crainte, tout…
J’eus un léger mouvement de recul, alors que je pâlissais. Ma vue se brouillait et je me sentais perdre pied. Je sentais une main me tenir, ravivant ma blessure à l’omoplate.

(Voix au loin)
Du sang ? Andrew ? Souhaitez-vous que …

J’ai juste besoin de souffler. Pardonnez-moi ô ma Reine. Je suis réellement désolé, je ne voulais pas, bredouillais-je en m'affalant contre le divan.
Amiral Andrew K. R. Leister, dit le Feu, à votre service.
Un homme éclairé a écrit :Sergent dieu n'aime pas être contredit ! :evil:
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Xodia
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Re: Affleurement du passé.

Message par Xodia »

Il existe un voile qui suscite tout autant de fantasmes, de questions et de fascination que celui qui protège le paisible monde de la Reine de celui des démon. Il a d'ailleurs un rôle quelques peu similaire.
L'inconscient.
Cette hypothétique gaze, aux contours insaisissables qui peut venir caresser l'inacceptable et l'occulter avec une insoupçonnable efficacité. Nelcith avait remarqué que chez Xodia, ce rempart était particulièrement réactif. Et ce, au point d'être capable de lui faire perdre connaissance.

Des expériences, du sang... Les propos de la Conseillère de la Reine avaient semblé ébranler l'impassible Amiral. Il n'avait rien démenti, rien. Lui qui était pourtant si fier, jamais il n'aurait laissé quiconque médire sur sa personne... À l'introduction de cette terrifiante conclusion dans son esprit, la Reine commença à ressentir un certain vertige.
Il fallait qu'elle contrôle sa respiration. Pas de crise en présence de l'élégant Grand Conseiller, non... Elle se devait de se montrer impériale, majestueuse, et...
Le cœur de la Reine lui parut s'arrêter., aussi nettement que le temps.
Andrew, Andrew... Son sang. Blessé. Du sang, ici, dans la Palais Royal... Le sien.

Une sensation douce, chaude... Azur.
La vision de Xodia s'éclaircit. Alors que le regard qui la sondait virait de l'azur au bleu profond, le visage de son propriétaire s'illumina de soulagement.

Un rapide coup d'œil vers sa jumelle gratifia la Sa Majesté de nouveau de vertiges. Semblant avoir été projetée à l'autre bout de la pièce, la jeune femme se relevait péniblement, hilare.

« Touchéééé ! Alors, qu'est-ce qu'en dit notre beau et ténébr... »

Nelcith se tut. Sur son visage, toute trace de l'amusement enfantin fondit subitement, laissant place à une expression d'incompréhension.

Les frêles bras de la Reine tremblait de désarroi. Ils assuraient encore un maintien inutile au corps inerte du dirigeant, dont elle n'avait pu retenir la chute. Rapidement, elle fut également secouée de sanglots.

« Votre, votre Excellence... Grand Conseiller, Amiral... Leister. Andrew... Kami ! S'il vous plait... »

Sa voix tremblante insista sur chacun dénomination, comme si l'une d'elle allait pouvoir ramener le blond à l'état de conscience.

La voix de Nelcith s'éleva, avec une puissance dont l'on n'aurait pu soupçonner son petit corps capable.

« Un médico-mage ! Hémorragie. Un médico-maaaaaaage ! »

La clone aux cheveux opales s'approcha d'un pas ralenti par l'appréhension de Leister, comme pour s'assurer que ses sens ne l'avaient pas trompés. Elle s'accroupit près de lui, et claqua avec force dans ses mains, juste au-dessus du visage

« Je ne comprends pas. Je sais où frapper. Ce ne devrait être qu'une blessure relativement bénigne, elle est simplement douloureuse. Même associée à son auto-mutilation...Je sais les conséquences qu'ont chaque coup de cette lame dans chaque zone d'un corps humain, désormais. »

La monarque leva son visage trempé de larmes vers sa jumelle. Elle ne se sentait même pas la force de s'interroger sur l'origine ce type de connaissances.
Andrew se tenait inanimé dans ses bras. Le charismatique, le fier, le magnifique Amiral... à terre.
Xodia n'avait jamais ne serait-ce que songé à quitter le Léviathan depuis la nomination de son ancien allié à la Tour Blanche. Qu'importe les plans de l'alliance, jamais l'éventualité de sa mise en danger réelle ne lui avait effleuré l'esprit. Il lui avait toujours parut... Invincible. Non pas son armée, non pas son État – les faits auraient par ailleurs déjà prouvé le contraire – mais lui. Cet homme lui semblait intouchable, tout bonnement.
À présent, il se trouvait dans un état de totale vulnérabilité. À présent, la Reine avait l'impression que la Mort attendait son ami. Qu'elle attendait que le Léviathan lui livre son corps amorphe sur un plateau. Elle réalisait enfin qu'elle faisait partie de l'organisation qui voulait la mort de ces doux traits, de cette âme fière et forte, à la fois pure et brûlante de rancœurs, pour qui l'Honneur est l'un des principaux mentors. Il était coupable d'avoir voulu participer à remettre sur pied cette galaxie.
Les sanglots avaient laissé place à des soubresauts isolés, bien que les larmes coulaient toujours le long de ses joues pâles. Xodia se sentait totalement démunie, et désemparée.

Elle prêta à peine attention au médico-mage qui entra en trombe dans la pièce, une petite mallette métallique à la main.

Nelcith le vit, comme elle le pressentait, s'occuper tout d'abord de la main gauche de l'invité. Le bandage de fortune était déjà totalement détrempé, et du sang coulait lentement sur le sol. Il ôta délicatement le tissu, puis approcha sa paume à quelques centimètres de la plaie. Il s'en dégagea une douce lumière pastelle qui, quelques secondes plus tard, s'éteignit pour ne plus laisser voir qu'une lésion déjà quasiment cicatrisée. L'homme ouvrit ensuite sa mallette, et se saisit de la seringue qu'elle contenait. Tandis qu'il injectait doucement le produit au plis du coude du Grand Conseiller, il répondit au regard interrogateur de Nelcith.

« Un régénérateur cellulaire, d'origine manatique. Associé de l'érythropoïétine. »

La jeune femme hocha la tête. Impassible, ses yeux fixait Xodia. Jamais elle n'avait eu l'intention de mettre Leister dans cet état. À l'évidence, ses recherches sur cet homme avaient été insuffisantes. Elle ignorait quel mal le rongeait, mais son corps était semble-t-il bien plus faible qu'il ne le paraissait. Quoiqu'il en soit, cette erreur était grave. Dangereuse, même. Une haute dignitaire de l'Antioche venait d'attenter à la vie d'un Grand Conseiller. Bien que Sa Majesté ne semblait pas prendre en compte ce détail, son double réfléchissait à toute vitesse. Fallait-t-il fuir pendant qu'il était encore temps, se débarrasser de l'Amiral puis fuir ou bien... Croire en l'amitié que semblait porter cet homme à la Reine ?
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Sergent Kami
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Re: Affleurement du passé.

Message par Sergent Kami »

« L’être humain ne pleure que pour ses amis. »

Mes yeux se fermèrent sur le visage de Xodia, avant que ma conscience ne sombre dans cet étrange état où la chute dans les ténèbres nous semble interminable et en ce qui me concernait, bien trop familière. En punition aux mauvais traitements et aux nombreuses nuits blanches que je lui avais infligé ces derniers temps, mon organisme venait de m’abandonner sans sommation, à bout de souffle, et je gisais là dans l’expectative d’un sursis supplémentaire en la personne de ce médico-mage.

Dans cet état de stase où il ne me restait plus qu’à attendre de reprendre pied, mon cerveau fonctionnait à plein régime. Il déroulait minutieusement le film de cette curieuse et éphémère entrevue, analyse chaque image et l’associant à un souvenir.
Pourquoi cherchais-je à désespérément secourir cette jeune monarque alors qu’imperceptiblement son univers s’effondrait ? Pourquoi, lorsque mes yeux se posaient sur son visage, ma rationalité se retrouvait soufflée par la pureté et l’innocence de cette Dame, au point que mon cœur me souffle « Pourquoi pas elle » ?

Tout cela n’était que purs fantasmes. Je chassais toutes ces pensées parasites dans un coin de mon esprit.

Subitement, mon bras fut le siège d’une insupportable douleur, foyer d’un incendie qui bientôt se répandait dans mon être. Tout aussi violement, mon horizon de perception par mon sixième sens passait d’une poignée d’auras à tout une fresque d’empruntes spirituelles qui s’étendait une distance au moins équivalente au domaine royal de sa majesté. J’avais bien du mal à m’accommoder à ces présences inopportunes présageant dans un avenir proche bien des désagréments. Sous peine de dévoiler à sa majesté le coté pathétique qu’un pauvre hère en pleine dégénérescence pouvait exprimer, je me devais d’écourter cet entretien.

Je revenais lentement à moi.


… Et maintenant qu’allons nous faire ? On doit alerter le Léviathan.

Non, objecta Xodia, horrifiée.

C’est un Grand Conseiller, il pourrait nous faire condamner à mort
, rétorqua Nelcith d’une voix trahissant un agacement certain.

Je pourrais… le faire
, murmurais-je en ouvrant les yeux sur une Xodia assise, le visage humide. Mais…

J’essayais de me redresser.

Comment vous sentez-vous, s’enquit le mage.

J’eus envie de lui répondre avec toute l’amabilité dont je pouvais faire preuve qu’il n’était qu’un pauvre con incompétent et qu’il venait de m’empoisonner avec cette injection de mana. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, rien de tout cela ne sortit de ma bouche. Pour faire bonne figure, je gratifiais le mage d’un sourire en murmurant un vague :
Cela ira.

Je me relevais difficilement puis, en bon gentleman, tendais une main à sa majesté pour l’aider à en faire autant. Le silence retombait tel un linceul sur le salon. Mon regard croisa brièvement le regard du clone, me faisant comprendre que ma présence sur l’Antioche était désormais indésirable.


Dame Xodia, avant que je ne m’en retourne sur mes terres, me feriez-vous l’honneur de vous entretenir avec moi
, puis je fixais Nelcith qui fronçait les sourcils avant d’ajouter, seul à seule ?



Evidement le clone n’apprécia guère cet ultime rebondissement y voyant certainement une occasion de mesquinement me venger. Ainsi, deux gardes nous accompagnèrent la Reine et moi dans une marche silencieuse jusqu'au dernier poste de garde me séparant de mon chasseur. Je me tournais vers mon amie.


Ma Reine, pensez-vous réellement que je vous veuille du mal
, dis-je d’une voix douce occultant totalement l'agacement qui me gagnait.

Oui, bien sûr
, murmura Xodia en plongeant ses yeux verdoyants dans les miens. Cela ira Messieurs.

Les gardes s’éloignèrent mais semblaient tout de même me surveiller. Je soupirais, exaspéré, en focalisant à nouveau mon attention sur mon hôte.


Dame Xodia. J’ignore de quoi sera fait l’avenir. Je pressens néanmoins que nous entrons dans des heures bien sombres. Je… J’ai peur. Peur que des actes irréparables ne soient commis. Je ne sais comment le formuler tant mon cœur souffre à cette simple pensée… C’est ici que nos chemins se séparent, mon amie. Que vous vous devez d’embrasser votre destinée ; une destinée dont je ne ferai peut-être plus parti. Ceci est un adieu…


Ma voix s’éteignait lentement. Frappée par l’émotion, Xodia me retourna un regard duquel je décelais une peine infinie, ainsi que les prémices d’une larme. Je m’avançais lentement et recueillais avec délicatesse la dite-larme qui glissa le long de ma main, avant d’enlacer tendrement mon amie.


Il ne sied guère de pleurer à une femme de votre rang
, dis-je finalement avec un sourire triste. Puis libérant la Reine de mon étreinte, j’ajoutais :

Je dois également vous confier une chose, éminemment plus importante.

Toutes vos actions depuis votre adhésion au Léviathan jusqu’à aujourd’hui furent scrupuleusement consignées en autant de preuves de votre culpabilité à la tentative de renversement du Grand Conseil orchestrée par Pacifior. Ayant repris l’ensemble des dossiers, j’ai pris, à mes risques et périls, la liberté de détruire par le feu chacune de ces preuves, vous lavant ainsi de tout soupçons.

Aux yeux du Grand Conseil, vous n’êtes désormais plus qu’une victime, enrôlée à votre insu dans la sombre machination qui se prépare. Prenez soin de vous car il s’agit là d’une faveur que je ne pourrai renouveler mon amie…

Mes mots semblèrent avoir l’effet d’une bombe. Xodia, dans un premier temps surprise par l’enquête secrète réalisée par la Corporation, resta interdite avant de se ressaisir. La dame me gratifia d’un immense et chaleureux sourire, illuminant d’autant son visage. Puis elle s’approcha, esquissa un mouvement, indécis tout d’abord, et me pris dans ses bras en soufflant simplement :
« Merci. »

J'espère que vous saurez préserver votre personne des foudres que votre appartenance à cette tour d'ivoire si voyante ne manquera pas d’attirer... Protégez-vous de vous de vos ennemis comme de vos alliés, Andrew.

Une larme solitaire roula le long de ma joue. Un homme ne pleurait que pour ses amis, et aujourd’hui ce fut le cœur lourd que je quittai les calmes terres de l’Antioche.
Amiral Andrew K. R. Leister, dit le Feu, à votre service.
Un homme éclairé a écrit :Sergent dieu n'aime pas être contredit ! :evil:
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