La graine est plantée
Publié : 21 janv. 2013, 20:10
Dans la froide nuit Galacticienne l'orage battait son plein. Les pluies acides s’abattaient à torrent frappant de toute leur froide violence la vitre circulaire de la pièce. Cette dernière, circulaire également, était plongée dans la pénombre; chichement éclairée par des lumiglobes aux formes subtilement végétales : qui un bourgeon, un fruit ou une feuille. Le silence régnait, gratté par un occasionnel bourdonnement en provenance de la table de commande au centre et par le roulement lointain du tonnerre. Un éclair tout proche frappa la flèche d'une tour voisine inondant de lumière la pièce et découpant une ombre gigantesque qui touchait presque l'extrémité opposée.
La silhouette était tournée vers la fenêtre offrant une vue imprenable sur la rage des éléments, toute de bure écru vêtue, les mains dans le dos. Le cheveu argenté, coupé ras, à la mode militaire et l'oeil gris, perçant , il semblait ruminer de sombres pensées. Un bruit facilement identifié, un ronflement, d'abord baryton et montant vers l'alto au fur et à mesure du crescendo, le sortit de sa torpeur.
Lorsque l’ascenseur s'ouvrit sur une autre bure, il se retourna pour faire face au visiteur.
Bonsoir Frère Commandeur
La bure du nouvel arrivant, de même facture que son hôte, était portée différemment : la capuche en était abaissée, dissimulant une large partie de son visage. Dans l'ombre, brûlaient deux feux violet, témoins de l'intelligence de leur propriétaire.
Bonsoir Frère Archiviste. Quelles nouvelles?
Les deux silhouettes, massives et de hautes stature, mal dissimulées par l'amplitude des bures, se dirigèrent vers la table de commandement tandis qu'un nain, jusqu'ici parfaitement immobile et par conséquent invisible dans la pénombre, leur apporta un plateau chargé de gâteaux et d'alcools. Qu'elle était ridicule cette petite créature, emmitouflée dans une bure écru trop grande pour elle, la faisant ressembler à un ballot de linge ambulant.
Le Fabricator Général a bien progressé dans ses travaux. Les premiers bâtiments logistiques de l'Arbre-Monde sont opérationnels. Le paramétrage des drones fut difficile au début mais l'affaire est maintenant close et le Magister Administratum nous certifie que la production n'aura plus à subir de fâcheux contretemps. Si ce n'est...
Je sais Ezekiel, je sais!!
Cette phrase sortit plus abruptement qu'il ne l'aurait voulu. Ses poings s'étaient serrés et sa mâchoire crispée. Dix attaques ces onze derniers jours. Toutes n'avaient pas été des menaces sérieuses mais il fallait réagir.
Il prit une profonde inspiration, se forçant au calme.
Les légions pénales ne peuvent supporter seules le poids de ces raids, j'ai ordonné la conscription. Qu'en est-il des structures de défense? Le Grand Connétable me les réclame à grands cris avec sa pugnacité habituelle.
La Technomancienne Dökkalfa travaille de concert avec le Fabricator Général. Nous serons en mesure d'équiper l'Etat en tourelles de défense sous peu. Mais ne t'y trompe pas Azraël, ces défenses seront loin d'être suffisantes contre les grands Etats du système.
La patience est une vertu Frère Archiviste, la ténacité aussi. Nous devons tenir.
Un hochement de la capuche du Cardinal Archiviste lui indiqua son assentiment.
Quelles avancées dans la tâche de la Matriarche Suprême?
Ljösalfa commencera bientôt son recrutement. Comme toujours, la mise en place d'une nouvelle organisation soulève des problèmes auxquels nous n'avions pas pensé et qu'il faut résoudre au plus vite pour partir sur des bases saines.
Et c'est pensifs qu'il achevèrent leur verre, prêtant distraitement l'oreille aux roulements furieux du tonnerre.
Après quelques minutes d'introspection, le Cardinal Archiviste planta ses braises dans le regard de son interlocuteur :
Et... Lui? Comment va-t-Il?
Le Cardinal Commandeur soutint son regard. L'acier contre les flammes.
Viens Frère, allons les voir.
Ils se levèrent ensemble. Aussitôt, la pitoyable créature, noyée dans sa bure trop grande, s'approcha du Cardinal Commandeur. Elle avait troqué à son plateau un magnifique heaume ouvragé dont le cimier probablement trop grand pour un port efficace représentait un dragon des anciennes légendes aux ailes entièrement déployées au dessus de lui. Il représentait Fafnir, le père des dragons. Mais qui s'en souciait maintenant?
Les deux Cardinaux accompagné du Porteheaume entrèrent dans l'ascenseur à la lumière trop vive et la porte se ferma pour descendre dans les tréfonds de la tour.
Quand la porte s'ouvrit, les ténèbres les enveloppèrent et il fallut quelques secondes que leurs yeux s'accoutumassent à l'obscurité. Ils suivirent le corridor vers une pièce encombrée de tout un fatras de câbles, d'ordinateurs et de machines. Des accumulateurs à mana nourris par des pipelines allaient et venaient vers une gigantesque structure métallique façonnée pour lui donner la forme d'une fleur de lotus en train d'éclore et recouverte d'un dôme cristallin.
Vous voila mes Frères!
La voix caverneuse, étouffée comme par un obstacle résonnait dans la pièce. Sa source? Une autre silhouette de bure, le capuchon baissé et les mains gantées vint à leur rencontre.
Bonsoir Frère Chapelain, nous venons Le voir.
En pèlerinage hein?
Un petit rire légèrement métallique se fit entendre et le Cardinal Chapelain tourna son visage vers la fleur de lotus. La lueur verdâtre des canaux à mana se refléta un instant sur son masque et la Mort fut là. En os, imitant un crâne humain à la perfection. Regarder le Cardinal Chapelain Asmodaï en face, s'était regarder la Faucheuse dans les yeux.
L'installation fut des plus ardue, j'ai passé ces derniers jours avec la Technomancienne et la Matriarche Suprême à travailler sans relâche pour alimenter cette cuve. Nous avons terminé il y a peu.
Sa voix se fit murmure
Quelle splendeur n'est-ce pas?
L'imitant inconsciemment le Cardinal Archiviste chuchota
Il... est à l'intérieur?
Dans les volutes de brume liquide flottait un corps, nu visiblement. Une peau dorée comme l'or le plus pur jouait à cache-cache avec de longues mèches d'un bleu le plus profond et avec des plumes immaculées. Trois cyclopéennes paires d'ailes cachaient l'immense majorité d'un corps presque trop petit en comparaison. Le corps, inanimé, flottait et tournoyait doucement dans un flux de mana.
Le Cardinal Commandeur mit genou à terre et, sur le ton de la prière :
Lord Yggdrasil...!
En se relevant, il se tourna vers ses pairs. Il lut la vénération dans les lueurs violette d'Ezekiel et l'impassibilité sur le masque d'Asmodaï.
Il est vivant?
Le souffle caverneux du Cardinal Chapelain lui répondit
Oui, Il l'est.
Mes Frères, la Graine est plantée. Il faut maintenant La protéger, La nourrir, La soigner et La chérir. Telles sont les misions de l'Arbre-Monde.
Ce fut par hasard ou par complicité que les Cardinaux Commandeur et Archiviste reprirent en coeur, telle une psalmodie
La Graine est plantée.
La silhouette était tournée vers la fenêtre offrant une vue imprenable sur la rage des éléments, toute de bure écru vêtue, les mains dans le dos. Le cheveu argenté, coupé ras, à la mode militaire et l'oeil gris, perçant , il semblait ruminer de sombres pensées. Un bruit facilement identifié, un ronflement, d'abord baryton et montant vers l'alto au fur et à mesure du crescendo, le sortit de sa torpeur.
Lorsque l’ascenseur s'ouvrit sur une autre bure, il se retourna pour faire face au visiteur.
Bonsoir Frère Commandeur
La bure du nouvel arrivant, de même facture que son hôte, était portée différemment : la capuche en était abaissée, dissimulant une large partie de son visage. Dans l'ombre, brûlaient deux feux violet, témoins de l'intelligence de leur propriétaire.
Bonsoir Frère Archiviste. Quelles nouvelles?
Les deux silhouettes, massives et de hautes stature, mal dissimulées par l'amplitude des bures, se dirigèrent vers la table de commandement tandis qu'un nain, jusqu'ici parfaitement immobile et par conséquent invisible dans la pénombre, leur apporta un plateau chargé de gâteaux et d'alcools. Qu'elle était ridicule cette petite créature, emmitouflée dans une bure écru trop grande pour elle, la faisant ressembler à un ballot de linge ambulant.
Le Fabricator Général a bien progressé dans ses travaux. Les premiers bâtiments logistiques de l'Arbre-Monde sont opérationnels. Le paramétrage des drones fut difficile au début mais l'affaire est maintenant close et le Magister Administratum nous certifie que la production n'aura plus à subir de fâcheux contretemps. Si ce n'est...
Je sais Ezekiel, je sais!!
Cette phrase sortit plus abruptement qu'il ne l'aurait voulu. Ses poings s'étaient serrés et sa mâchoire crispée. Dix attaques ces onze derniers jours. Toutes n'avaient pas été des menaces sérieuses mais il fallait réagir.
Il prit une profonde inspiration, se forçant au calme.
Les légions pénales ne peuvent supporter seules le poids de ces raids, j'ai ordonné la conscription. Qu'en est-il des structures de défense? Le Grand Connétable me les réclame à grands cris avec sa pugnacité habituelle.
La Technomancienne Dökkalfa travaille de concert avec le Fabricator Général. Nous serons en mesure d'équiper l'Etat en tourelles de défense sous peu. Mais ne t'y trompe pas Azraël, ces défenses seront loin d'être suffisantes contre les grands Etats du système.
La patience est une vertu Frère Archiviste, la ténacité aussi. Nous devons tenir.
Un hochement de la capuche du Cardinal Archiviste lui indiqua son assentiment.
Quelles avancées dans la tâche de la Matriarche Suprême?
Ljösalfa commencera bientôt son recrutement. Comme toujours, la mise en place d'une nouvelle organisation soulève des problèmes auxquels nous n'avions pas pensé et qu'il faut résoudre au plus vite pour partir sur des bases saines.
Et c'est pensifs qu'il achevèrent leur verre, prêtant distraitement l'oreille aux roulements furieux du tonnerre.
Après quelques minutes d'introspection, le Cardinal Archiviste planta ses braises dans le regard de son interlocuteur :
Et... Lui? Comment va-t-Il?
Le Cardinal Commandeur soutint son regard. L'acier contre les flammes.
Viens Frère, allons les voir.
Ils se levèrent ensemble. Aussitôt, la pitoyable créature, noyée dans sa bure trop grande, s'approcha du Cardinal Commandeur. Elle avait troqué à son plateau un magnifique heaume ouvragé dont le cimier probablement trop grand pour un port efficace représentait un dragon des anciennes légendes aux ailes entièrement déployées au dessus de lui. Il représentait Fafnir, le père des dragons. Mais qui s'en souciait maintenant?
Les deux Cardinaux accompagné du Porteheaume entrèrent dans l'ascenseur à la lumière trop vive et la porte se ferma pour descendre dans les tréfonds de la tour.
Quand la porte s'ouvrit, les ténèbres les enveloppèrent et il fallut quelques secondes que leurs yeux s'accoutumassent à l'obscurité. Ils suivirent le corridor vers une pièce encombrée de tout un fatras de câbles, d'ordinateurs et de machines. Des accumulateurs à mana nourris par des pipelines allaient et venaient vers une gigantesque structure métallique façonnée pour lui donner la forme d'une fleur de lotus en train d'éclore et recouverte d'un dôme cristallin.
Vous voila mes Frères!
La voix caverneuse, étouffée comme par un obstacle résonnait dans la pièce. Sa source? Une autre silhouette de bure, le capuchon baissé et les mains gantées vint à leur rencontre.
Bonsoir Frère Chapelain, nous venons Le voir.
En pèlerinage hein?
Un petit rire légèrement métallique se fit entendre et le Cardinal Chapelain tourna son visage vers la fleur de lotus. La lueur verdâtre des canaux à mana se refléta un instant sur son masque et la Mort fut là. En os, imitant un crâne humain à la perfection. Regarder le Cardinal Chapelain Asmodaï en face, s'était regarder la Faucheuse dans les yeux.
L'installation fut des plus ardue, j'ai passé ces derniers jours avec la Technomancienne et la Matriarche Suprême à travailler sans relâche pour alimenter cette cuve. Nous avons terminé il y a peu.
Sa voix se fit murmure
Quelle splendeur n'est-ce pas?
L'imitant inconsciemment le Cardinal Archiviste chuchota
Il... est à l'intérieur?
Dans les volutes de brume liquide flottait un corps, nu visiblement. Une peau dorée comme l'or le plus pur jouait à cache-cache avec de longues mèches d'un bleu le plus profond et avec des plumes immaculées. Trois cyclopéennes paires d'ailes cachaient l'immense majorité d'un corps presque trop petit en comparaison. Le corps, inanimé, flottait et tournoyait doucement dans un flux de mana.
Le Cardinal Commandeur mit genou à terre et, sur le ton de la prière :
Lord Yggdrasil...!
En se relevant, il se tourna vers ses pairs. Il lut la vénération dans les lueurs violette d'Ezekiel et l'impassibilité sur le masque d'Asmodaï.
Il est vivant?
Le souffle caverneux du Cardinal Chapelain lui répondit
Oui, Il l'est.
Mes Frères, la Graine est plantée. Il faut maintenant La protéger, La nourrir, La soigner et La chérir. Telles sont les misions de l'Arbre-Monde.
Ce fut par hasard ou par complicité que les Cardinaux Commandeur et Archiviste reprirent en coeur, telle une psalmodie
La Graine est plantée.