Lievanta l'unie. Lievanta la majestueuse. Lievanta mère d'espoir.
Tous ces termes ne peuvent guère plus être descriptif de cette cité dans laquelle les valeurs les plus élémentaires de savoir-vivre passent pour inestimable générosité.
Dorénavant, on la nomme Lievanta la partagée, Lievanta la pauvre, Lievanta mère de convoitises.
Sur les voies, l'on ne chasse plus le sable: il enterre tant d'horreurs que l'on tente vainement d'oublier; quand bien même l'on s'acharna à en nettoyer les dalles, le sol reste ocre. Une subtile métaphore d'une ville qui tombe et que l'on ne rattrape.
Les hommes perdent espoir, les hommes ne sortent plus, les hommes prient, mais Bagina sauvera-t-elle ses fidèles de la misère dans laquelle leurs idéaux les ont plongés? A cette fin, l'on consacre désormais dix heures par jour à la religion, pour autant de repos.
Les activités telles que l'agriculture, l'industrie et le commerce se voient décrépir, pour qu'à leur place ne subsiste que la foi.
Partout l'on ordonne de supporter par la pensée les soldats envoyés au combat. A toute heure de la journée, l'appel résonne, et les garants de la foi désormais armés patrouillent dans les rues.
Car l'ennui, c'est que...
<<Chut!>>
<<Mais, si jamais...>>
<<On t'a dit de la fermer!>>
Un environnement sombre et humide, trois enfants, quelques treize ou quatorze années pour chacun, bougies à la main. La lueur des flammes révèle leurs attributs vestimentaires frappants: une longue robe blanche et rouge prolongée par un capuchon retombant sur les yeux de son propriétaire.
<<Faisons vite.>>
Ils s'avancent ensemble et forment un triangle autour d'un support de pierre circulaire d'une hauteur de trente centimètres environ, et de deux bons mètres de diamètre. Les bougies sont disposées en pentagone, au milieu duquel semble remuer une masse informe.
Et c'est lorsque celui qui apparaît comme le meneur de cette bande sort un long coutelas de sous sa ceinture que les visages des deux autres deviennent plus livides encore que leur tenue.
<<En ce premier soir du troisième mois, au nom du grand Telio, et pour le règne éternel de ses fidèles...>>
A l'intérieur de la figure décrite par le feu, les mouvements s'intensifient.
<<Moi-même, clerc secondaire de la dynastie Mérélin...>>
Des gémissements se font entendre, la flamme des bougies s'affole.
<<Offre en sacrifice à notre grand et vénéré dieu...>>
Sa lame fendit l'air, puis trancha un morceau de tissu qui s'avérait être le sac qui contenait l'objet du sacrifice. La matière prit feu, et l'on ne vit que deux yeux affolés se faire avaler par les flammes, rapidement propagées.
<<Cet indigne fidèle de Bagina, déshonorée déesse qui nous abandonna!>>
Et devant le bûcher improvisé, les yeux étincellent, tandis que derrière, à l'agonie de cet homme d'à peine dix-neuf ans se mêlent des cris étouffés.
<<Et que face à tant de faiblesse, nous gagnons à être les porteurs d'une parole nouvelle!>>, conclut le meneur.
<<Ne bougez plus!!>>
Les trois garçons se retournèrent hâtivement, et virent le pire qui pouvait leur arriver: une patrouille de fidèles de Bagina, comme à l'accoutumée fortement armés. Cinq hommes, et autant de canons pointés sur les trois encapuchonnés personnages.
Deux s'inclinent, mais le meneur, respectueux de son rang, envoie son couteau ouvrir la gorge du chef adverse. Désorientés devant cette réaction, ses hommes perdent l'initiative, tandis que se précipite sur eux un éclair blanc.
Rapidement démuni de son arme de poing, le premier tombe d'une balle dans le genou.
A peine une minute, et la cave est caveau, alors que le sang circule aisément entre les dalles de pierre et les cadavres jonchant le sol.
L'ennui, c'est que les massacres ne sévissent pas qu'à l'extérieur.
_______________
<<Je vous écoute, Rekis.>>
<<Nous avons perdu trois hommes, dont le chef de la patrouille du onzième. Comme convenu, devant résistance nous abattîmes les incriminés. Parmi eux se trouvaient Felo Hyva, le meneur des enfants que ces hérétiques nous endoctrinent.>>
<<Hum. C'était à s'y attendre, j'aurais dû envoyer davantage d'hommes, je fus négligent... En tout cas voilà qui leur donne une bonne leçon, n'est-ce pas?>>
<<Pour sûr, excellence. Nous continuerons en cette voie, soyez-en assuré.>>
Le dénommé Rekis se retira, laissant le Premier Prophète à ses pensées chaque jour plus sombres.
Car on avait beau cacher la menace, dissimuler le pire, l'on ne pouvait qu'admettre que la foi en Bagina se perdait, et la pauvreté qu'apportaient les quatorze années de guerre, ainsi que l'absence d'avancement dans cette dernière, ajoutées au cruel manque de troupes pour maintenir l'ordre intra muros y étaient pour beaucoup.
De plus, l'opposition se montrant féroce et immorale, les Lievantains n'avaient guère d'autres choix que la répression devant des ennemis de plus en plus nombreux, et...de tous âges.
"Quand bien même les soldats reviendraient victorieux de leurs dernières batailles, y retrouveraient-ils celle qu'ils ont connue?"
Le front contre la vitre, l'esprit au pied du mur, le représentant de l'ordre Baginien sombrait.
Guerre Sainte [suite] - En perdition
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Guerre Sainte [suite] - En perdition
Dernière modification par Kossnei le 19 sept. 2008, 14:56, modifié 1 fois.
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Re: Guerre Sainte [suite] - En perdition
-Excellence, c'est l'heure du prêche !
- Très bien ! Allons y. répondit le premier prophète en décollant enfin sa tête de la vitre, le regard sombre tourné en direction du nouveau venu. Ensemble ils quittèrent le quartier résidentiel du sanctuaire Baginien, traversant plusieurs couloirs et croisant ici et là de nombreux prêtres et pélerins qui s'inclinèrent révérencieusement à leur passage.
Dans l'établissement, l'atmosphère était des plus sinistres, la tension des plus vives. Depuis bien des années la bonne humeur n'existait plus, les éclats de rire avaient disparu. Chaque visage était marqué par le souci, la peur, la consternation et la tristesse. Tous ressentaient pleinement la décadence des temps actuels. Après quelques passages, de sompteuses marches descendues, ils arrivèrent enfin à la salle du prêche.
Une foule giganstesque et très dense s'y trouvait pressée et ce même à l'extérieur. Des centaines, des milliers de personnes. Des hommes, des femmes, des enfants et même des pélerins étrangers , tous très excités et impatients. Le premier prophète n'ayant pas vu un tel rassemblement depuis des années, fut plongé de stupeur. Quel était ce miracle qui faisait penser à un retour au temps de la splendeur de l'ordre baginien ?
-Ils sont venus pour le clerc Faltar excellence. lui annonça le jeune homme qui avait deviné sa question muette. Etrangement son oeil brillait et il affichait une mine satisfaite. Le visage du premier prophète s'assombrit par contre à cette énonciation.
Faltar... Le prêtre le plus dangereux,le plus intransigeant,le plus irréconciliable et... le plus aimé ou hai. Il était le chef incontesté des plus fervents baginiens, une branche que le premier prophète lui-même avait bien du mal à contrôler. Chacun de ses discours était marqué par la haine, on l'aimait et l'applaudissait pour ça. Son auditoire n'avait de cesse d'augmenter. Aujourd'hui il semblait atteindre des sommets en ces temps de malheurs et devant la montée en puissance de l'hérésie.
Celui-ci fit son apparition, monté sur une grande estrade à la vue de tous, avec derrière une énorme effigie de Bagina dont il baisa les pieds avec ferveur avant de s'en retourner vers la foule. La tension qui régnait monta d'un cran, et un silence absolu s'installa. Tous les regards,attentifs, étaient fixé sur cet seul homme. Le Premier Prophète eut un mauvais pressentiment.
Faltar,cet homme laid, cet homme repoussant... Il était d'une pilosité effrayante. Une violente trogne,les yeux noirs vifs très rapprochés lui donnant un air méchant et pervers, des sourcils brousailleux noir, et une grosse touffe brune en guise de chevelure. Sa bouche était large et ses ongles faisaient peur à voir tellement ils étaient sales. Comment pouvait-il réuni et passionner une telle foule ? Il commença son prêche et la réponse vint d'elle même.
Faltar l'homme à l'oeil enflammé, l'homme qui fascine, l'homme charismatique, mystique, l 'homme d'une foi inébranlable. Il était le prêtre au grand pouvoir, ses tirades acérées marquant à jamais les esprits de tous ceux qui prenaient la peine de l'écouter une seule fois. On lui prétendait ce pouvoir d'envoûter des milliers d'âmes. Le fait était qu'il s'était constitué une redoutable armée de fidèles. Les femmes, les hommes, et même les enfants ici présent l'écoutaient avec ferveur, tous absorbés, électrisés, comme ensorcelés. Faltar passa une dizaine de minute à louer Bagina, ses bienfaits, à affirmer la vrai foi. Des paroles que l'auditoire approuva fortement. Puis il s'étendit sur l'hérésie et la tension atteignit son paroxysme. Les esprits s'échauffèrent, beaucoup levant leurs armes en l'air de façon menaçante. Les faces devinrent haine et colère.
Depuis longtemps, le Sanctuaire de Bagina s'était transformé en quartier général, en lieu de rassemblement des zelés et des intransigeants.
-Ils prétendent que Bagina nous a abandonné ! vociféra celui-ci embrassant la foule de ses yeux illuminés, le ton criard et la face crispée.
- Blasphème ! hurla une jeune femme d'une voix suraigue rompant le silence tendu, ponctuée de sanglots de désespoir et de rage.
-Ils crachent partout qu'elle n'existe pas !
- Blasphème ! reprit la foule enragée, touché par le cri du coeur de la jeune femme.
-Ces maudits décident de s'allier aux démons insultant tous les morts valeureux que sont nos frères,nos soeurs et nos enfants, qui ont combattu et combattent encore les ennemis pour la préservation de la vrai foi et le maintien de la grâce de Bagina pour notre Lievanta.
Ces maudits à cause de notre faiblesse, notre conciliation affluent, ricanent comme des diables cachés et sapent nos lumières en les corrompant. Ils sont le fruit de l'enfer, avec pour dessein de plonger le Lievanta dans les limbes des ténèbres. C'est le pacte qu'ils ont conclu avec les démons.
-Mort aux maudits ! Mort aux maudits !
Je vous sens mes frères affligé comme moi par les crimes affreux et répétés commis contre notre Sainte mère Bagina, notre bonne foi par leur sanguinaires suppôts de leur religion démoniaque. Le prêtre se tut un instant, laissant quelques instants les pleurs marquer le pas. Le premier prophète lui avait la face blême. Quelle folie avait donc pris Faltar pour prononcer un tel discours ? Le lievanta n'avait certainement pas besoin de cela en ce moment. Il s'attendit au pire pour la suite
Ha mes frères ! Souffrirons nous plus outre d'être empoisonné en cette cité, fief de Bagina, royaume de ses héritiers par ces indésirables comme vers en charogne ? Mes frères bien aimé ce sera bonne oeuvre, si vous nous débarrassez de cette mauvaise engence, le salut vous sera à jamais assuré et vous deviendrez anges aux côtés de Bagina. Vous serez purifié de vos pêchés. Et voilà le pire venait de se produire. Un appel clair et net au meurtre. Et la foule complètement acquise applaudissait à tout rompre, certains poussant des cris d'enthousiasme. Le premier prophète sentit la colère l'irradier.
Mes frères j'ai eu une illumination ! Bagina m'est apparu ! Elle m'a clairement dit : Extirpez l'hérésie de la Cité !
Vous avez compris ? TUEZ LES HERETIQUES !
-Tue! Tue! Tue ! Tue ! Tue ! Le prêche du jour se termina sur ces dernières paroles, et la foule échauffée, rassassiée se dispersa en ordre hurlant avec fierté le nom de Bagina, leur yeux soupçonneux scrutant tous ceux qu'ils apercevaient sur leur chemin.
Le Premier prophète se précipita vers Faltar et le prenant férocement par le bras, s'établit à part dans un coin isolé avec lui. Celui-ci lui lança un regard surpris.
-Excellence !
- Imbécile ! Qu'est-ce que cela veut dire ? s'écria le premier prophète furieux. Faltar se tut, stupéfait. Qu'est-ce qui vous a pris d'appeler au meurtre ? C'est de sérénité et de calme dont a besoin cette cité, pas d'effusion de sang !! Par l'enfer vous souhaitez provoquer des évenements qui seraient hors de notre contrôle ou quoi ! Les yeux de Faltar s'illuminèrent à nouveau, la face déformée par la rage et virant au rouge.
- De sérénité ? Alors que les hérétiques nous menacent, se pavanent dans les rues et corrompent nos bonnes gens ?
- C'est aux autorités de s'occuper de cette menace ! répliqua le premier prophète la mine sévère.
- Les autorités sont trop faibles, elles n'ont pas empêché la montée en puissance de l'hérésie à l'exterieur de nos frontières mais surtout à l'intérieur même des murs de notre cité. Ce matin encore, un de nos fidèles a été sacrifié par ces vermines dans une cave, oui j'ai eu vent de cette affaire macabre Excellence. C'est là encore une preuve qu'ils se gaussent. Je n'en n'ai pas fait référence dans mon discours par seul souci de ne pas gêner la milice.
-Je ne sais pas quels sont vos sources mais peu importe ! Il suffit ! Je ne tolérerai pas un nouveau discours de ce genre. Vous êtes sur la scellette Faltar ! Vous entendrez de mes nouvelles si je vous vois encore appeler au ...
- Excellence toutes mes excuses mais c'est vous qui êtes sur la scellette. répondit Faltar d'un calme redoutable, le visage à présent menaçant et un rictus de mépris apparaissant dans le coin des lèvres. Le premier prophète l'observa en silence, les yeux écarquillés. Montrez ne serait-ce que le moindre signe de pacte ou de conciliation avec les hérétiques, osez vous en prendre à un seul partisan baginien à la faveur d'un de ces chiens et je vous promets la sentence divine. Le nombre de prêtres ayant abandonné la vrai foi est effarant, je ne voudrais pas que vous subissiez le même sort qu'eux par des actes inconsidérés qui pourraient être mal interprêtés.
Vous savez, la marre remplis de carnivôres ou encore le bûcher...
Qu'à cela ne tienne excellence nous écraserons tous ceux quui veulent chasser Bagina du Lievanta et tous ceux qui pactiserons avec eux. Et pas même les démons ne nous en empêcherons. Maintenant veuillez m'excuser, j'ai affaire.
Le premier prophète totalement désemparé le laissa partir, figé ne sachant ni quoi réoindre ni quoi faire. Il suivit des yeux la silhouette à présent lointaine du prêtre, à nouveau plongé dans les ténèbres de ses pensées.
Bagina sauve nous !
- Très bien ! Allons y. répondit le premier prophète en décollant enfin sa tête de la vitre, le regard sombre tourné en direction du nouveau venu. Ensemble ils quittèrent le quartier résidentiel du sanctuaire Baginien, traversant plusieurs couloirs et croisant ici et là de nombreux prêtres et pélerins qui s'inclinèrent révérencieusement à leur passage.
Dans l'établissement, l'atmosphère était des plus sinistres, la tension des plus vives. Depuis bien des années la bonne humeur n'existait plus, les éclats de rire avaient disparu. Chaque visage était marqué par le souci, la peur, la consternation et la tristesse. Tous ressentaient pleinement la décadence des temps actuels. Après quelques passages, de sompteuses marches descendues, ils arrivèrent enfin à la salle du prêche.
Une foule giganstesque et très dense s'y trouvait pressée et ce même à l'extérieur. Des centaines, des milliers de personnes. Des hommes, des femmes, des enfants et même des pélerins étrangers , tous très excités et impatients. Le premier prophète n'ayant pas vu un tel rassemblement depuis des années, fut plongé de stupeur. Quel était ce miracle qui faisait penser à un retour au temps de la splendeur de l'ordre baginien ?
-Ils sont venus pour le clerc Faltar excellence. lui annonça le jeune homme qui avait deviné sa question muette. Etrangement son oeil brillait et il affichait une mine satisfaite. Le visage du premier prophète s'assombrit par contre à cette énonciation.
Faltar... Le prêtre le plus dangereux,le plus intransigeant,le plus irréconciliable et... le plus aimé ou hai. Il était le chef incontesté des plus fervents baginiens, une branche que le premier prophète lui-même avait bien du mal à contrôler. Chacun de ses discours était marqué par la haine, on l'aimait et l'applaudissait pour ça. Son auditoire n'avait de cesse d'augmenter. Aujourd'hui il semblait atteindre des sommets en ces temps de malheurs et devant la montée en puissance de l'hérésie.
Celui-ci fit son apparition, monté sur une grande estrade à la vue de tous, avec derrière une énorme effigie de Bagina dont il baisa les pieds avec ferveur avant de s'en retourner vers la foule. La tension qui régnait monta d'un cran, et un silence absolu s'installa. Tous les regards,attentifs, étaient fixé sur cet seul homme. Le Premier Prophète eut un mauvais pressentiment.
Faltar,cet homme laid, cet homme repoussant... Il était d'une pilosité effrayante. Une violente trogne,les yeux noirs vifs très rapprochés lui donnant un air méchant et pervers, des sourcils brousailleux noir, et une grosse touffe brune en guise de chevelure. Sa bouche était large et ses ongles faisaient peur à voir tellement ils étaient sales. Comment pouvait-il réuni et passionner une telle foule ? Il commença son prêche et la réponse vint d'elle même.
Faltar l'homme à l'oeil enflammé, l'homme qui fascine, l'homme charismatique, mystique, l 'homme d'une foi inébranlable. Il était le prêtre au grand pouvoir, ses tirades acérées marquant à jamais les esprits de tous ceux qui prenaient la peine de l'écouter une seule fois. On lui prétendait ce pouvoir d'envoûter des milliers d'âmes. Le fait était qu'il s'était constitué une redoutable armée de fidèles. Les femmes, les hommes, et même les enfants ici présent l'écoutaient avec ferveur, tous absorbés, électrisés, comme ensorcelés. Faltar passa une dizaine de minute à louer Bagina, ses bienfaits, à affirmer la vrai foi. Des paroles que l'auditoire approuva fortement. Puis il s'étendit sur l'hérésie et la tension atteignit son paroxysme. Les esprits s'échauffèrent, beaucoup levant leurs armes en l'air de façon menaçante. Les faces devinrent haine et colère.
Depuis longtemps, le Sanctuaire de Bagina s'était transformé en quartier général, en lieu de rassemblement des zelés et des intransigeants.
-Ils prétendent que Bagina nous a abandonné ! vociféra celui-ci embrassant la foule de ses yeux illuminés, le ton criard et la face crispée.
- Blasphème ! hurla une jeune femme d'une voix suraigue rompant le silence tendu, ponctuée de sanglots de désespoir et de rage.
-Ils crachent partout qu'elle n'existe pas !
- Blasphème ! reprit la foule enragée, touché par le cri du coeur de la jeune femme.
-Ces maudits décident de s'allier aux démons insultant tous les morts valeureux que sont nos frères,nos soeurs et nos enfants, qui ont combattu et combattent encore les ennemis pour la préservation de la vrai foi et le maintien de la grâce de Bagina pour notre Lievanta.
Ces maudits à cause de notre faiblesse, notre conciliation affluent, ricanent comme des diables cachés et sapent nos lumières en les corrompant. Ils sont le fruit de l'enfer, avec pour dessein de plonger le Lievanta dans les limbes des ténèbres. C'est le pacte qu'ils ont conclu avec les démons.
-Mort aux maudits ! Mort aux maudits !
Je vous sens mes frères affligé comme moi par les crimes affreux et répétés commis contre notre Sainte mère Bagina, notre bonne foi par leur sanguinaires suppôts de leur religion démoniaque. Le prêtre se tut un instant, laissant quelques instants les pleurs marquer le pas. Le premier prophète lui avait la face blême. Quelle folie avait donc pris Faltar pour prononcer un tel discours ? Le lievanta n'avait certainement pas besoin de cela en ce moment. Il s'attendit au pire pour la suite
Ha mes frères ! Souffrirons nous plus outre d'être empoisonné en cette cité, fief de Bagina, royaume de ses héritiers par ces indésirables comme vers en charogne ? Mes frères bien aimé ce sera bonne oeuvre, si vous nous débarrassez de cette mauvaise engence, le salut vous sera à jamais assuré et vous deviendrez anges aux côtés de Bagina. Vous serez purifié de vos pêchés. Et voilà le pire venait de se produire. Un appel clair et net au meurtre. Et la foule complètement acquise applaudissait à tout rompre, certains poussant des cris d'enthousiasme. Le premier prophète sentit la colère l'irradier.
Mes frères j'ai eu une illumination ! Bagina m'est apparu ! Elle m'a clairement dit : Extirpez l'hérésie de la Cité !
Vous avez compris ? TUEZ LES HERETIQUES !
-Tue! Tue! Tue ! Tue ! Tue ! Le prêche du jour se termina sur ces dernières paroles, et la foule échauffée, rassassiée se dispersa en ordre hurlant avec fierté le nom de Bagina, leur yeux soupçonneux scrutant tous ceux qu'ils apercevaient sur leur chemin.
Le Premier prophète se précipita vers Faltar et le prenant férocement par le bras, s'établit à part dans un coin isolé avec lui. Celui-ci lui lança un regard surpris.
-Excellence !
- Imbécile ! Qu'est-ce que cela veut dire ? s'écria le premier prophète furieux. Faltar se tut, stupéfait. Qu'est-ce qui vous a pris d'appeler au meurtre ? C'est de sérénité et de calme dont a besoin cette cité, pas d'effusion de sang !! Par l'enfer vous souhaitez provoquer des évenements qui seraient hors de notre contrôle ou quoi ! Les yeux de Faltar s'illuminèrent à nouveau, la face déformée par la rage et virant au rouge.
- De sérénité ? Alors que les hérétiques nous menacent, se pavanent dans les rues et corrompent nos bonnes gens ?
- C'est aux autorités de s'occuper de cette menace ! répliqua le premier prophète la mine sévère.
- Les autorités sont trop faibles, elles n'ont pas empêché la montée en puissance de l'hérésie à l'exterieur de nos frontières mais surtout à l'intérieur même des murs de notre cité. Ce matin encore, un de nos fidèles a été sacrifié par ces vermines dans une cave, oui j'ai eu vent de cette affaire macabre Excellence. C'est là encore une preuve qu'ils se gaussent. Je n'en n'ai pas fait référence dans mon discours par seul souci de ne pas gêner la milice.
-Je ne sais pas quels sont vos sources mais peu importe ! Il suffit ! Je ne tolérerai pas un nouveau discours de ce genre. Vous êtes sur la scellette Faltar ! Vous entendrez de mes nouvelles si je vous vois encore appeler au ...
- Excellence toutes mes excuses mais c'est vous qui êtes sur la scellette. répondit Faltar d'un calme redoutable, le visage à présent menaçant et un rictus de mépris apparaissant dans le coin des lèvres. Le premier prophète l'observa en silence, les yeux écarquillés. Montrez ne serait-ce que le moindre signe de pacte ou de conciliation avec les hérétiques, osez vous en prendre à un seul partisan baginien à la faveur d'un de ces chiens et je vous promets la sentence divine. Le nombre de prêtres ayant abandonné la vrai foi est effarant, je ne voudrais pas que vous subissiez le même sort qu'eux par des actes inconsidérés qui pourraient être mal interprêtés.
Vous savez, la marre remplis de carnivôres ou encore le bûcher...
Qu'à cela ne tienne excellence nous écraserons tous ceux quui veulent chasser Bagina du Lievanta et tous ceux qui pactiserons avec eux. Et pas même les démons ne nous en empêcherons. Maintenant veuillez m'excuser, j'ai affaire.
Le premier prophète totalement désemparé le laissa partir, figé ne sachant ni quoi réoindre ni quoi faire. Il suivit des yeux la silhouette à présent lointaine du prêtre, à nouveau plongé dans les ténèbres de ses pensées.
Bagina sauve nous !
Re: Guerre Sainte [suite] - En perdition
HRP: Désolé, j'ai galéré comme jamais. Serai plus rapide et meilleur la prochaine fois, espérons-le... Enjoy malgré tout.
---
<<Ne te retourne pas...>>
"Cette voix..."
<<...et tu comprendras...>>
"Si familière..."
<<...que tu es dans l'impasse...>>
"Et moi qui pourtant ne la reconnais..."
<<...et que tu dois savoir.>>
Le décor se matérialise. Une longue ligne; un chemin. A gauche, de l'herbe humide. A droite, de l'herbe fumante. Mais là n'est pas la violence de l'allégorie: la frappante opposition ne se résumerait guère à quelques brins de gazon. Non, car partout...ce sont des cadavres qui gisent. Ici une jeune femme, là un vieillard. Une brise anime le tout. Ni douce ni agressive, elle pénètre dans les pores, et emporte avec elle une odeur et un goût de sang et de cendres. Devant, la plaine s'étend à perte de vue, si bien qu'on ne peine à repérer, à quelques mètres de là, une silhouette assise. Curieux, et toujours sans se retourner, le désemparé voyageur s'avance. Sa marche s'étouffe sur le sable à la même fréquence que son coeur sous la pression, chaque pas qu'il marque sonne comme avance de sa mort, et pourtant, incroyablement déterminé dans sa perte, il persévère.
"Approche... approche..."
L'homme sursaute. Est-ce cette personne assise sur le bas-côté qui soudain communique? Une seule façon de le savoir...
<<Qui es-tu?>>
"Approche... approche..."
Pas de réaction. L'avancée est de plus en plus rapide au rythme qu'une sensation d'abandon se fait ressentir. Le voilà à deux mètres, puis un seul. Quelques centimètres... La main une dernière fois hésite puis se pose sur la cape brune qui voile visage et corps..
Sans soulever le tissu, le secret est percé, comme si l'acte seul suffisait à tomber le masque. La confusion de l'homme n'a d'égale que son admiration. Maladroitement, il se jette sur les genoux, puis baise l'étoffe.
"Relève-toi, Lean, premier prophète baginien de Lievanta, fidèle homme de foi."
D'une voix larmoyante, n'y croyant pas, le lievantain bafouille.
<<B...Ba...Bagina...>>
"Il y a quelque chose que je dois te dire, Lean."
L'homme écoute, attentif, accroché aux lèvres de sa déesse.
"Je te remercie pour ton inépuisable foi..."
Soudain, un grand bruit. Lean se retourne, intrigué.
"Ne te retourne pas! Surtout - écoute-moi ! - surtout, je t'en supplie, abando..."
<<Excellence!>>
J'ouvre les yeux. Bagina n'est plus là. C'est un des gardes de la propriété qui, les yeux exorbités, me tire de mon sommeil. Il est penché sur mon lit, et c'est en observant au-dessus de son épaule que je me rends compte que le couloir est bondé et que tous, à l'entrée de ma chambre, me regardent effrayés.
<<Et bien, que se passe-t-il donc?>>
Ils m'apparaissent d'autant plus inquiets.
<<N'a...n'avez-vous donc rien entendu, grand prophète?>>
Un reflet rouge danse dans les yeux de celui qui a parlé, et c'est alors que je réalise que, tout près d'ici, au dehors, le bruit ambiant n'est plus le souffle du vent mais les hurlements des canons, les gémissements des balles, et les plaintes des épées.
<<Monseigneur, c'est...>>
Je pousse le garde, lui balance les draps à la figure, et me précipite à la fenêtre. Et mes derniers espoirs s'évanouissent avec ma vue. Une balle brise le verre, et vient se loger dans mon foie.
<<Aaaaaaarrrgggggghhhh!!!>>
<<Excellence!>>
Le capitaine de la garde pénètre dans la pièce avec une dizaine de fidèles, et se précipite vers moi. Les yeux embués par le sang, je croise faiblement son regard. L'inquiétude, puis la rage se lisent sur son visage. Il m'appuie précautionneusement contre le mur, et se retourne vers ses hommes complètement dépassés.
<<Tirez, voyons, TIREZ!>>
<<Ca...>>
Tous ouvrent les battants...
<<Capitaine, non...>>
<<Ne vous inquiétez pas, nous ne les laisserons pas passer la cour...>>
...et mettent l'arme à l'épaule...
<<Cessez...>>
...avant d'appuyer sur la dé...
<<CESSEZ LE FEU, AU NOM DE BAGINA!!!>>
Je me relève, tremblant, en entendant cette voix. Les coups de feu se sont tus, et l'attention se détache de moi. Je me lève donc, et constate le drame. La cour est jonchée de cadavres, et par-delà le portail, mon gardien branlant et mutilé, on peut apercevoir des milliers de torche tenues par ces gens que chacun je connaissais, que chacun j'avais aidé, et qui chacun me trahissait aujourd'hui.
De la foule se dégage celui que l'avenir m'a montré. Il est inévitable de chercher à le fuir, car il vient de me sauver, et par-là même de m'aliéner.
Les gens se sont calmés devant l'arrivée de ce guide, ce sauveur, dont je ne doute une seconde qu'il vient d'annuler ce qu'il avait provoqué, conformément à une toile parfaitement tissée, oeuvre depuis bien longtemps achevée dans mon dos. Le plan était infaillible. Il est assuré de la trame des événements, à présent, et je ne peux qu'appuyer sa thèse. Insensible aux diverses plaintes qui m'accablent, je sors douloureusement de la pièce. Mes pas frappent le velour du tapis, le bruit sourd, isochrone et accablant s'évertue à flirter avec mes nerfs à la fois calmes et excités, pris d'un affolement bien compréhensible. Je suis semblable à ces hommes qui au nom de leur déesse marchent toute leur vie, et d'une prompte cadence, vers le mur au pied duquel ils sont inexorablement destinés à lâcher leur dernier souffle.
Ce dernier ne se fait pas attendre: me voilà dans la cour, le coeur lourds, les membres tremblants. Je ne puis me résoudre à accepter les regard accusateurs qui pèsent sur moi, prophète, ou plutôt ex-prophète d'une religion que tout le monde semble avoir abandonné, ou du moins dont chacun a ostensiblement oublié les principes les plus élémentaires.
Nous fûmes grands, fiers, déterminés, mais toujours droits et sages.
Mon ennemi, animé d'un rictus de folie, me toise.
Nous ne sommes plus rien de ce qui faisait notre renommée et notre force.
<<Bonsoir, Lean, Ô premier prophète de Bagina. Vous aurais-je sorti de votre torpeur?>>
La bouche sèche, je ne pus décoller les lèvres. Mais le voulais-je seulement? Voulais-je réellement, une dernière fois, régler mes comptes avec celui qui depuis tant de mois déjà m'épiait, guettait chacune de mes erreurs, flairait mes faiblesses? Improbable. Non, je n'avais jamais été ce genre de personnes. Et je ne le serai jamais.
Mes yeux s'attardent encore une fois sur la foule qui dans l'attente d'une réaction ne cille pas, avant que l'homme aux yeux de feu ne reprenne, intransigeant, froid comme un roc, et, comme tel, inébranlable.
Son ton changea du tout au tout.
<<Alors, Grand Prophète, commencez-vous à comprendre l'ampleur du désespoir d'une ville qui souffre de votre passivité?>>
Sa réplique fut accueillie par des acclamations. Tous, à présent, semblaient rangés derrière sa bannière.
<<Allons, vous pourriez au moins me remercier, je viens de vous sauver des griffes de la mort, tout de même...>>
"Vous m'en direz tant...", pensé-je.
<<Faltar, vous n'êtes qu'un traître à Bagina. Jamais elle n'aurait prôné la mort, toujours elle la ...>>
<<Laissez-moi deviner, "elle la chasserait", n'est-ce pas? Mais ne voyez-vous pas que vos actes ne sont que pseudo-répliques et que chaque jour nos morts se font plus nombreuses? J'ai choisi de combattre l'ennemi avec ses armes, et c'est une seule et unique voix qui m'a donné raison: celle de Lievanta.>>
<<Mensonges que tout cela! Vous ne faites que déverser votre haine sur des innocents, haine que vous justifiez par de belles paroles! Vous êtes indigne de votre rang, Faltar.>>
<<SILENCE!>>
La lame sous la gorge, je me tus. Lievanta ne bouillonnait plus: elle frémissait. La cuisson avait atteint son terme, bientôt la ville serait avalée par les flammes et la guerre.
<<Rejoignez-moi, et réformons Lievanta, ensemble, Lean.>>
<<Je...ne...vous...rejoindrai...jamais.>>
Les lèvres du prophète attrapaient encore la dernière syllabe de son ultime phrase que sa tête frappa le sol, détachée de son socle de chair. Le corps s'affaisse, comme le mythe d'une Lievanta paisible. Les coeurs sont légers, les pertes lourdes. La nuit plus jamais ne sera noire; la cité ne connaît plus que le rouge.
---
"Lean... Pourquoi fallût-il que tu n'écoutasses mes avertissements. <<Abandonne-moi, lègue ta confiance, ou Lievanta la fiévreuse mourra>>.
Si vous, lievantains, saviez combien je suis désolé...combien je regrette...combien je souffre.
Puissiez-vous me pardonner un jour mes faiblesses."
---
<<Ne te retourne pas...>>
"Cette voix..."
<<...et tu comprendras...>>
"Si familière..."
<<...que tu es dans l'impasse...>>
"Et moi qui pourtant ne la reconnais..."
<<...et que tu dois savoir.>>
Le décor se matérialise. Une longue ligne; un chemin. A gauche, de l'herbe humide. A droite, de l'herbe fumante. Mais là n'est pas la violence de l'allégorie: la frappante opposition ne se résumerait guère à quelques brins de gazon. Non, car partout...ce sont des cadavres qui gisent. Ici une jeune femme, là un vieillard. Une brise anime le tout. Ni douce ni agressive, elle pénètre dans les pores, et emporte avec elle une odeur et un goût de sang et de cendres. Devant, la plaine s'étend à perte de vue, si bien qu'on ne peine à repérer, à quelques mètres de là, une silhouette assise. Curieux, et toujours sans se retourner, le désemparé voyageur s'avance. Sa marche s'étouffe sur le sable à la même fréquence que son coeur sous la pression, chaque pas qu'il marque sonne comme avance de sa mort, et pourtant, incroyablement déterminé dans sa perte, il persévère.
"Approche... approche..."
L'homme sursaute. Est-ce cette personne assise sur le bas-côté qui soudain communique? Une seule façon de le savoir...
<<Qui es-tu?>>
"Approche... approche..."
Pas de réaction. L'avancée est de plus en plus rapide au rythme qu'une sensation d'abandon se fait ressentir. Le voilà à deux mètres, puis un seul. Quelques centimètres... La main une dernière fois hésite puis se pose sur la cape brune qui voile visage et corps..
Sans soulever le tissu, le secret est percé, comme si l'acte seul suffisait à tomber le masque. La confusion de l'homme n'a d'égale que son admiration. Maladroitement, il se jette sur les genoux, puis baise l'étoffe.
"Relève-toi, Lean, premier prophète baginien de Lievanta, fidèle homme de foi."
D'une voix larmoyante, n'y croyant pas, le lievantain bafouille.
<<B...Ba...Bagina...>>
"Il y a quelque chose que je dois te dire, Lean."
L'homme écoute, attentif, accroché aux lèvres de sa déesse.
"Je te remercie pour ton inépuisable foi..."
Soudain, un grand bruit. Lean se retourne, intrigué.
"Ne te retourne pas! Surtout - écoute-moi ! - surtout, je t'en supplie, abando..."
<<Excellence!>>
J'ouvre les yeux. Bagina n'est plus là. C'est un des gardes de la propriété qui, les yeux exorbités, me tire de mon sommeil. Il est penché sur mon lit, et c'est en observant au-dessus de son épaule que je me rends compte que le couloir est bondé et que tous, à l'entrée de ma chambre, me regardent effrayés.
<<Et bien, que se passe-t-il donc?>>
Ils m'apparaissent d'autant plus inquiets.
<<N'a...n'avez-vous donc rien entendu, grand prophète?>>
Un reflet rouge danse dans les yeux de celui qui a parlé, et c'est alors que je réalise que, tout près d'ici, au dehors, le bruit ambiant n'est plus le souffle du vent mais les hurlements des canons, les gémissements des balles, et les plaintes des épées.
<<Monseigneur, c'est...>>
Je pousse le garde, lui balance les draps à la figure, et me précipite à la fenêtre. Et mes derniers espoirs s'évanouissent avec ma vue. Une balle brise le verre, et vient se loger dans mon foie.
<<Aaaaaaarrrgggggghhhh!!!>>
<<Excellence!>>
Le capitaine de la garde pénètre dans la pièce avec une dizaine de fidèles, et se précipite vers moi. Les yeux embués par le sang, je croise faiblement son regard. L'inquiétude, puis la rage se lisent sur son visage. Il m'appuie précautionneusement contre le mur, et se retourne vers ses hommes complètement dépassés.
<<Tirez, voyons, TIREZ!>>
<<Ca...>>
Tous ouvrent les battants...
<<Capitaine, non...>>
<<Ne vous inquiétez pas, nous ne les laisserons pas passer la cour...>>
...et mettent l'arme à l'épaule...
<<Cessez...>>
...avant d'appuyer sur la dé...
<<CESSEZ LE FEU, AU NOM DE BAGINA!!!>>
Je me relève, tremblant, en entendant cette voix. Les coups de feu se sont tus, et l'attention se détache de moi. Je me lève donc, et constate le drame. La cour est jonchée de cadavres, et par-delà le portail, mon gardien branlant et mutilé, on peut apercevoir des milliers de torche tenues par ces gens que chacun je connaissais, que chacun j'avais aidé, et qui chacun me trahissait aujourd'hui.
De la foule se dégage celui que l'avenir m'a montré. Il est inévitable de chercher à le fuir, car il vient de me sauver, et par-là même de m'aliéner.
Les gens se sont calmés devant l'arrivée de ce guide, ce sauveur, dont je ne doute une seconde qu'il vient d'annuler ce qu'il avait provoqué, conformément à une toile parfaitement tissée, oeuvre depuis bien longtemps achevée dans mon dos. Le plan était infaillible. Il est assuré de la trame des événements, à présent, et je ne peux qu'appuyer sa thèse. Insensible aux diverses plaintes qui m'accablent, je sors douloureusement de la pièce. Mes pas frappent le velour du tapis, le bruit sourd, isochrone et accablant s'évertue à flirter avec mes nerfs à la fois calmes et excités, pris d'un affolement bien compréhensible. Je suis semblable à ces hommes qui au nom de leur déesse marchent toute leur vie, et d'une prompte cadence, vers le mur au pied duquel ils sont inexorablement destinés à lâcher leur dernier souffle.
Ce dernier ne se fait pas attendre: me voilà dans la cour, le coeur lourds, les membres tremblants. Je ne puis me résoudre à accepter les regard accusateurs qui pèsent sur moi, prophète, ou plutôt ex-prophète d'une religion que tout le monde semble avoir abandonné, ou du moins dont chacun a ostensiblement oublié les principes les plus élémentaires.
Nous fûmes grands, fiers, déterminés, mais toujours droits et sages.
Mon ennemi, animé d'un rictus de folie, me toise.
Nous ne sommes plus rien de ce qui faisait notre renommée et notre force.
<<Bonsoir, Lean, Ô premier prophète de Bagina. Vous aurais-je sorti de votre torpeur?>>
La bouche sèche, je ne pus décoller les lèvres. Mais le voulais-je seulement? Voulais-je réellement, une dernière fois, régler mes comptes avec celui qui depuis tant de mois déjà m'épiait, guettait chacune de mes erreurs, flairait mes faiblesses? Improbable. Non, je n'avais jamais été ce genre de personnes. Et je ne le serai jamais.
Mes yeux s'attardent encore une fois sur la foule qui dans l'attente d'une réaction ne cille pas, avant que l'homme aux yeux de feu ne reprenne, intransigeant, froid comme un roc, et, comme tel, inébranlable.
Son ton changea du tout au tout.
<<Alors, Grand Prophète, commencez-vous à comprendre l'ampleur du désespoir d'une ville qui souffre de votre passivité?>>
Sa réplique fut accueillie par des acclamations. Tous, à présent, semblaient rangés derrière sa bannière.
<<Allons, vous pourriez au moins me remercier, je viens de vous sauver des griffes de la mort, tout de même...>>
"Vous m'en direz tant...", pensé-je.
<<Faltar, vous n'êtes qu'un traître à Bagina. Jamais elle n'aurait prôné la mort, toujours elle la ...>>
<<Laissez-moi deviner, "elle la chasserait", n'est-ce pas? Mais ne voyez-vous pas que vos actes ne sont que pseudo-répliques et que chaque jour nos morts se font plus nombreuses? J'ai choisi de combattre l'ennemi avec ses armes, et c'est une seule et unique voix qui m'a donné raison: celle de Lievanta.>>
<<Mensonges que tout cela! Vous ne faites que déverser votre haine sur des innocents, haine que vous justifiez par de belles paroles! Vous êtes indigne de votre rang, Faltar.>>
<<SILENCE!>>
La lame sous la gorge, je me tus. Lievanta ne bouillonnait plus: elle frémissait. La cuisson avait atteint son terme, bientôt la ville serait avalée par les flammes et la guerre.
<<Rejoignez-moi, et réformons Lievanta, ensemble, Lean.>>
<<Je...ne...vous...rejoindrai...jamais.>>
Les lèvres du prophète attrapaient encore la dernière syllabe de son ultime phrase que sa tête frappa le sol, détachée de son socle de chair. Le corps s'affaisse, comme le mythe d'une Lievanta paisible. Les coeurs sont légers, les pertes lourdes. La nuit plus jamais ne sera noire; la cité ne connaît plus que le rouge.
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"Lean... Pourquoi fallût-il que tu n'écoutasses mes avertissements. <<Abandonne-moi, lègue ta confiance, ou Lievanta la fiévreuse mourra>>.
Si vous, lievantains, saviez combien je suis désolé...combien je regrette...combien je souffre.
Puissiez-vous me pardonner un jour mes faiblesses."
« Altea seit Ethel. Ton nom ne sera jamais oublié... » - Kami Raykovith