Passer la main

Ici sont chroniquées les histoires des Etats et de leurs dirigeants

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Sergent Kami
Soulis de Kalyso
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Passer la main

Message par Sergent Kami »

Oserai-je vous conter une énième histoire dont vous vous foutrez tous ?

Un jour je fus un habitant des cinq, comme vous, contrairement à toutes ces bonnes gens qui nous gouvernaient et nous gouvernent encore. Un jour je devins militaire, tueur de profession, meneur de la chair à canon. M’écartant des sentiers battus, je me hissai à la tête d’une troupe et volai un bout de terre stérile à la tumultueuse Volcano. Et je grandis.


- Bougez-vous, on va le perdre !


Je grandis et mon alcôve brulante devint le creuset d’âmes en peine, fécond d’idées d’un autre monde. Je me fis voix de ces dernières et partit pour la première fois à la rencontre des grands. Ces hommes de biens œuvrant pour la cause commune. Des êtres habitués à l’apparat et aux beaux discours, le regard résolument porté sur leur propre nombril. Et il y avait aussi les autres, en marge de ce système. Les moins étincelants. Les moins éloquants. Ceux qui furent mes compagnons au fil des saisons.

- Bordel, j’arrive pas à le stabiliser !

Mes compagnons… Tous furent persuadé que mes racines se trouvaient sur la planète rouge. Mon tempérament de feu, ma propension à recourir à l’atome pour désamorcer les situations firent ma renommée. Mais personne ne me craignit. A l’instar de ces esprits limités, le système n'avait jamais peur. Il s’adaptait. Il façonnait. Il corrompait. Tout en lui me révulsait, me poussant à franchir la limite. Et à tout perdre.

- Faut le transférer !

Ma femme mourut dans la douleur. Ma fille aussi. Et mon peuple, mon œuvre, ma joie, mes souvenirs. Tout ce qui séparait les hommes des bêtes fut volatilisé en une nuit. Bercé par mon deuil, je me relevais, et devint procréateur puis terroriste…

-Peut-on le ramener sur Desertica ?
-Impossible Madame, il sera mort avant.
-Contactez Xodia.


Le meurtre s’installa comme une sombre routine plongeant le monde dans un chaos prévisible.

Combien d’ères d'une violence inouïe ai-je vu passer sous mes yeux ? Mon cœur devenu glacé par l’effroi et la bêtise de mes contemporains m’imposa un recul sur le monde. Alors, j’observais sans prendre part aux conflits destinés à tromper l’ennui d’une poignée de Seigneurs. Croyez-le ou non, je finis par devenir un homme bon. Un « grand ». Un Conseiller au service des peuples. Une proie désignée par des bonnes gens trop concernées par leur petit bien-être pour être honnête. J’ai vu l’enfer naitre dans leur cœur.

Lentement, les mains tendues se transformèrent en autant de pièges mortels pour qui s’en saisissait. Des mots comme « sage » ou « Conseiller » prirent un second sens proche de l’imposture et de la traitrise. Avaient-ils seulement réalisé que les Conseillers n’étaient que le reflet de leur volonté ?

Je ne fus pas épargné. La bêtise me traquait où que j’aille. Je n’avais aucune valeur à leurs yeux. J’étais redevenu un monstre.

Je sentais le froid me bercer à nouveau, glisser sur ma peau comme les balles de ce chasseur. Cela pourrait marquer le point de départ d’une autre histoire, d’autres folles spéculations mais… Merde à la fin. En une dizaine de saisons, pas un de ces imbéciles n’apprit du passé. Pire encore, voilà que des gosses se prenaient à apprendre aux vétérans l’art subtil de la guerre. La vraie. Celle qui se révélait incertaine. Celle des idées que l’on défendait corps et âme… Autant par la verve que par les canons...
L’embrigadement de masse et les discours sans fond… J’avais passé l’âge de lutter contre ces conneries.

Lointain cri d’effroi. Des mains qui me serraient. Des larmes.

Voilà qui cloturait admirablement l’histoire d’un homme solitaire. Car si l’on faisait les comptes, qui prit le temps de me connaitre réellement ? Tous me voyaient comme une relique du passé, bonne à jeter à la poubelle alors que ce combat, j’en fus l’un des pionniers en mon temps. Tous pouvaient se targuer d’avoir massacré des peuples entier, mais combien seraient là ensuite pour reconstruire et préparer l’avenir ? Qui s’interrogeait sur mes motivations à intégrer le Conseil de Galactica, moi qui les avait toujours haït ? Qui avait réellement pris le temps de me connaitre ? Mes origines n’avaient jamais été sur la belle rouge, alors que ce serait probablement là où l’on déposerait mon corps sans vie. Ma douce Desertica, sentirais-je une dernière fois le grain de ton sable caresser ma peau ?
Amiral Andrew K. R. Leister, dit le Feu, à votre service.
Un homme éclairé a écrit :Sergent dieu n'aime pas être contredit ! :evil:
Nelcith
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Re: Passer la main

Message par Nelcith »

— Suite des événements du couronnement d'Elin du Tidlösa

La dévastation. Il y a quelques heures, une cérémonie de couronnement sur des terres glacées se tenait là. Tout scintillait et chantait. Mais la neige s'était fondue en boue, probablement imbibée de sang çà et là, là où on distinguait encore silhouettes ou membres, entre les blocs de bitume retournés.

Xodia, Reine d'Antioche, n'avait jamais été si fébrile. De désespoir, du moins. Sa voix avait claqué très fort, éraillée par la panique. Mais ce n'était certainement pas ses cris qui allaient stabiliser Raykovith.

« Garde, portez le Grand Conseiller. Kaïen, vous l'aiderez, en vaillant à le maintenir dans cette position. Nous ignorons l'étendue et la localisation de ses blessures.

Elle se tourna vers le maître-mage antian, Araël.

« Maintenez une pression manatique au niveau de chaque blessure que vous décélérez durant le transport. Il a déjà perdu beaucoup trop de sang. »

La garde rapprochée constituée pour la cérémonie se mit donc en marche vers le chasseur royal, Xodia les suivant avec peine.
Le clone alluma son bracelet holographique tout en suivant la course de la garde rapprochée constituée pour la cérémonie.
« Ici Nelcith. Nous arrivons avec le chasseur de la Reine. Nous ramenons de Tildösa un blessé d'importance diplomatique. Blessures par balles de chasseur, d'un modèle classique, semble-t-il. Hémorragie déjà bien entamée. Besoin de culots globulaires O- et de plasma AB. Je vous tiendrai au courant si évolution.
— Bien Madame. »

Elle tendit la main à la Reine pour l'aider à monter dans le vaisseau, où le blond avait été allongé sur une banquette. Le mage se trouvait toujours penché sur lui, s'efforçant de maintenir son état du mieux possible.

La monarque, quand à elle, ne lâchait pas la main de son double. Alors que le capitaine Kaïen faisait décoller l'appareil, on entendit à nouveau sa voix, toujours élimée par un mélange de peur et de peine décidément bien corrosif.
« Pourquoi ?
— Les humains sont assez caricaturaux. Pour se donner de la valeur, ils s'efforcent soit de détruire, soit de construire. La construction débonnaire est toujours si lente, qu'ils lui préfèrent inlassablement la voie de la haine et de la destruction. C'est toujours la fibre la plus simple à exploiter, celle qui peut fédérer, même chez les constructeurs. Toujours avec une justification, bien sûr. L'affection du public nécessite un argument de façade, il ne se satisfait pas de regarder sa médiocrité toute nue. Je ne crois pas que Raykovith survira. »

La Reine sursauta à ce retour brusque à la réalité. Sa conseillère continua, tentant avec maladresse une caresse rassurante sur la main.

« Lui, il était un peu curieux. Comme si sa façade pour donner de la valeur à sa personne aux yeux du monde, elle était à l'inverse ce penchant guerrier, désormais. Vous étiez pareils sur ce plan, Majesté. Mais vous vous en avez conscience. Paradoxalement, les plus naïfs sont toujours les plus sûrs d'eux. Je ne comprends pas comment le peuple peut les trouver « charismatiques ». Ils sont d'un ennui... »

Xodia posa sa tête sur l'épaule de son clone, et, comme coulait les paroles de Nelcith, laissait couler ses larmes. Elle s'en rendait compte maintenant. Cette façon détachée et imagée de dépeindre le monde et les situations les plus chargées émotivement pour le commun des mortels... la détendait. Dans son univers dénué de sentiments, tout était si clair, tellement moins bruyant et angoissant. Mais l'en était-il toujours si dépourvu ? Plus le temps passait, plus elle lui semblait gagner une bienveillance qui dépassait la seule et froide logique.

Près d'elles, Araël semblait de plus en plus épuisé. Et les minutes semblaient s'étirer de plus en plus. Puis, enfin, l'équipage sentit le vaisseau ralentir pour se poser.
Et tout alla très vite. Une équipe hospitalière entra dans le chasseur dés l'ouverture de la plateforme, et le Grand Conseiller fut quasi instantanément installé sur un brancard, un masque sur le visage, et englouti dans le bâtiment.

— Quatre heures plus tard —


Des pans de robe royaux virevoltaient nerveusement dans le couloir d'attente du service de réanimation. La sidération ayant laissé place à une appréhension et une tristesse extrême, c'était probablement là le seul moyen qu'avait trouvé Xodia pour ne pas rester tremblante et nauséeuse sur sa chaise. Du moins, le tout se voyait-il moins. Or sa vision alimentait son angoisse. Restait quelques sanglots et larmes, dont le son était masqué par le claquement de ses talons, entre chaque demi-tour.
Une porte automatique s'ouvrit, et un médecin la salua.

« Votre Altesse. L'état de Monsieur Leister a pu être stabilisé. Bon nombre de vaisseaux ont pu être cautérisés afin d'endiguer l'hémorragie, et les transfusions ont fini par être efficaces. Il va pouvoir remonter du bloc d'ici peu. Cependant, il se trouve toujours dans un coma profond, et son organisme reste très fragile. Nous ne pouvons vous assurer de quoi que ce soit de plus à ce stade, Majesté.
Bien… Merci. »


Dés lors, les jours se suivirent, et se ressemblèrent toujours plus. Dés qu'il lui l'était permis, la Reine s'entêtait à revenir, veiller le corps inanimé. Enfin, presqu'inanimé. Il est vrai que la poitrine du Grand Conseiller se soulevait, mais au rythme commandé par un respirateur. La bouche encombrée d'un tuyau d'intubation et d'une sonde gastrique, sa superbe s'était envolée. Qu'importe, Xodia guettait le moindre signe d'amélioration. Sur son visage, sur les écrans. Attention qui avait été décuplée lorsque l'équipe médicale avait tenté de diminuer la sédation, espérant une récupération plus rapide que la moyenne de la part du technomage qui avait envoyé ce prétendu « Dark Aul » au-delà du Voile. Ce fut un échec. Son corps ne parvint pas à prendre le relais.

Lorsque la monarque était contrainte de quitter le service, elle ne sortait plus de ses quartiers. Seule Nelcith avait la permission de l'y rejoindre. Et Xodia l'écoutait sans mot dire.
L'Antioche se trouvait, comme trop souvent, abandonné de tout véritable gouvernement. Plongé dans un tel gel, son peuple n'était, au moins, pas non plus pillé, ni bombardé. La vie antiane semblait tout aussi suspendue et léthargique que celle de Xodia.
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Nelcith
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Re: Passer la main

Message par Nelcith »

— 25 Volcan 3733 —

Cris de ralliements d'officiers, réponses scandées des recrues, bruits sourds de chutes amorties par le revêtement des sols…

« Je sais que beaucoup pestent sur l'inutilité de ces entraînements, dans la mesure où nous menons essentiellement des combats spatiaux et magiques. Je suis très fière que notre Royaume ait l'intelligence de ne pas uniquement s'appuyer sur les compétences de bases de chacun, ou sur la qualité des engins conduits. L'arrivée de proches du Grand Conseiller Leister nous a sans nul doute amené un vent de fraîcheur et de points de vue neufs concernant nos politiques de défense, ce qui a indubitablement permis de les améliorer. »


La visite du centre de formation avait à peine débutée que Nelcith peinait déjà à suivre la marche rythmée de Morse. Il faut dire que cette femme était immense. Son corps semblait majoritairement constitué de ses jambes, lesquelles se transformaient en armes mortelles en combat rapproché. Pour l'avoir maintes fois vue combattre, le clone se demandait même si un coup de poutre en bois aurait un impact moins violent sur ses adversaires qu'un de ces membres.
Sans compter que, à l'évidence, elle avait également des talents d'analyse, de leader, et même de diplomate plus avancés que la majorité de l’État-major actuel de l'Antioche. Peut-être devrait-elle suggérer quelque promot…

« Madame la Conseillère ? »

Sourire excessivement poli, et donc clairement agacé. Mais si, bien sûr que Nelcith écoutait. À certains moments.

C'est alors qu'un énorme vrombissement se fit entendre, accompagné de secousses magistrales. Quelques recrues tombèrent même à terre, les autres se retenant comme elles pouvaient. Puis tout cessa, éclairage inclus.
Quelques vociférations se firent entendre, dont celles du Capitaine Kaïen, qui accompagnait le double de sa Reine pour l'occasion.

« Bon, quelqu'un aurait une quelconque source d… »

Avant même d'avoir eu le temps de demander quoi que ce soit, les voilà éblouies par les poignets de leur guide.

« Ne me regardez pas comme ça, pourquoi m'encombrerai-je de bracelets purement décoratifs ? Un équipement aux utilités basiques est toujours utile, retenez ça Capitaine. Ceux-ci viennent de l'armurerie en bas de la rue de…

— Pourriez-vous tenter d'établir un contact avec la tour de contrôle ? Cela ressemblait à des impacts de missiles…

— Oui, cela y ressemblait, c'est pourquoi j'ai déjà porté la main à mon oreillette, mais elle est désactivée. Impulsion électromagnétique je présume. Nous n'avons donc plus qu'à attendre que les séries d'impacts aient cessé, ou la fin des 60 minutes, selon la durée des réjouissances. Donc les babillements plus ou moins utiles seraient plutôt les bienvenus. Je vous offre un thé ? »

Nelcith vit distinctement Kaïen rouler des yeux. Cela la fit sourire. Morse était loin d'être l'hôte la plus ennuyeuse avec qui rester reclus, après tout.

Ceci étant dit, lorsqu'une heure fut passée, l'ambiance se refroidit quelques peu.

« … Rien n'est revenu. Il n'y a pourtant pas eu de nouvel impact… Nous avons un problème. »

La Conseillère Royale se mordit la lèvre inférieure. Il n'y avait aucune façon prudente de voir ce qu'il en était.

« Morse, conduisez-nous aux premières fenêtres donnant sur le palais s'il vous plait. »

La formatrice hocha la tête. Le dispositif se trouvait dans un bunker des sous-sols, près du tout premier d'entre eux, l'Indestructible, qui servait d'abri pour la population en cas d'alerte majeure.
Elles n'eurent cependant pas le loisirs de regagner le rez-de-chaussée. Au lieu du sas ouvrant les bunkers sur les ascenseurs se trouvait désormais un trou béant, qui s'étendait à une distance difficilement évaluable devant elles. Au-dessus, il ne restait plus que le ciel qui s'étirait, paisible, comme si rien ne s'était passé. Menteur !

« Mais… Mais, bon sang, nous sommes au dernier étage de bunkers. Tous ceux plus haut on été détruits ? Comment… À quel point c... Qu'est-ce qui... ? »

Si tous les bunkers, pourtant construits en sous-sols, étaient détruits, que restait-il ? Les services hospitaliers avaient eux aussi été construits en sous-sols, et celui de réanimation était encore plus bas que leur niveau actuel mais… Les heures de visites étaient terminées. Et si les bunkers étaient dans cet état, le palais…

Nelcith ressentit un étourdissement, ainsi qu'une oppression dans sa poitrine. Un gaz quelconque ?

Le visage de Kaïen était complètement livide et elle n'avait pas esquissé le moindre mouvement depuis plusieurs secondes. Choquée, inutile.

« Rentrons immédiatement. Masques à gaz, et je vous laisser juger pour le reste de l'équipement Morse, nous allons tenter de gagner l'hôpital, pour y trouver un moyen de communication et éventuellement plus d'informations. Peut-être rejoindre la surface… Nous emmenons quelques soldats également bien sûr. »

Morse approuvait, Kaïen avait encore du mal à rassembler ses pensées, mais l'impératif de l'action allait s'en charger pour elle en peu de temps, elle le savait.
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