
Comme pour la création de l'homme dans les saintes écritures, il y eu un 1er jour puis un second mais pour moi c'est tout différent, il y eu une nuit ou peut être un matin...
Je me retrouve seul sur une plage de sable fin au beau milieu d'un océan dont je ne connais pas le nom. Une île luxuriante apparaît sous mes yeux quand je les ouvre et je sens ce sable fin sous mes pieds. Cette texture rêche presque coupante qui agresse mes plantes comme si elle y infligeait des microcoupures, cette sensation de marcher sur des cailloux et que cela procure une douleur à chaque pas. Pourtant je rêve mais je ressens cette douleur et ces sensations. Je marche sur cette plage et j'en fais le tour, revenant ou bout d'un moment sur mes propres pas encore visibles dans le sable.
Au-dessus de cette plage sont alignés, en bordure de la forêt tropicale, des cocotiers. Premiers arbres que l'on trouve sur toute île déserte ou habitée, les noix de coco une fois mûres se détachant de son support et parte à la dérive à la recherche d'un autre coin de terre vierge pour y germer, donnant un futur arbre nourrissant.
J'ai dans la bouche, un goût de sel, mes lèvres sont craquelées et sèches comme si j'avais fait un long voyage sur un radeau sans rien à boire. Une sensation d'être perdu au milieu de cet océan d'eau à perte de vue, mon seul salut est cette île mystérieuse que je ne connais pas. Mon premier réflexe est de trouver à boire mais il n'y a pas de montagnes, du moins je ne vois pas de point d'eau potable, mis à part l'océan qui me tuerait lentement si j'en buvais son eau.
Une noix de coco peut me donner à boire et il faut que je trouve un moyen de l'ouvrir. Je me suis mis à fouiller mes poches et comme à mon habitude, le couteau suisse que mon père m'avait offert s'y trouvait. Un geste que j'ai depuis mon plus jeune âge qui consiste à mettre toujours mon couteau multifonction dans mon sac ou ma poche pour me sortir de toutes les situations délicates.
Ce couteau me permet avec son petit tire-bouchon de creuser un trou dans une noix trouvée au sol et de pouvoir me désaltérer de son eau fraîche au goût si particulier de coco. Je sens dans ma bouche cette eau si délicate alors que je dors. Je me demande comment on peut réussir à ressentir avec nos cinq sens les effets d'un rêve comme si on le vivait vraiment. Cette sensation d'avoir cette noix de coco dans la main et le goût de ce liquide particulier sur ma langue et dans ma bouche me surprenne. Mais surtout, d'avoir cette sensation de mettre désaltéré et de ne plus avoir soif me bouleverse.
C'est fou quand même le corps humain !
Mon interrogation suivante fut le besoin de me protéger des orages et des tempêtes journalières de cet îlot salvateur. Me voilà en chemin pour trouver un emplacement idéal, moi qui sais l'importance de l'endroit recherché. Alors proche de la plage, mais au-dessus pour ne pas être inondé par les vagues lors des marées. Avoir quelques arbres proches pour y attacher les supports du toit que je recouvrirais de feuilles de palme entrecroisées pour qu'elles soient un toit étanche et me protège des gouttes de pluies. Le plus important est bien sur le point d'eau, je dois partir à la recherche de cet or bleu et d'installer mon abri au meilleur emplacement possible.
Je commence par refaire le tour de l'île par la plage pour essayer de repérer un indice suggérant de l'eau, un amas de pierres se jetant dans l'océan ou d'une embouchure même petite supposant une rivière.
Cela faisait à peine 5 minutes que je marchais que je me mis à entendre une petite voix. Pourtant en observant les alentours, personne à l'horizon. Une nouvelle fois cette petite voix me salua et je n'arrivais pas à savoir d’où ce son pouvait provenir. Je m'approche alors de l'eau et je finis par mettre mes jambes dans l'eau salée pour ressentir le flux des vagues sur mes chevilles et c'est à ce moment-là que je vis cette créature qui me parlait.
Pas vraiment une créature mais juste une goutte d'eau sortie tout droit de cette eau salée.
• Bonjour, qui es-tu me demanda la goutte d'eau ?
• Bonjour, je suis Bryan Bebs et je suis perdu. Je ne sais pas ou je suis ni ce que je fais ici et par quel miracle je me suis retrouvé sur cet îlot perdu au beau milieu de toute cette eau ?
• Mais Bryan, tu rêves et tu n'es pas vraiment là.
• Pourtant je te parle, je ressens les vagues sur mes chevilles et le sable mouillé sous mes pieds ?
• Il ne s'agit que de ton subconscient, tu es bien là sans vraiment y être, mais si tu es là, c'est pour une bonne raison, ta conscience essaye de t'expliquer une frustration et toi seul connais la réponse.
• Je dois trouver de l'eau, sans eau je vais mourir.
• C'est pour cela que je suis venu te parler, apporter des réponses à ta frustration. Comment trouver de l'eau alors qu'il n'y en a pas toujours proche et qu'il faut dans certaines régions faire des kilomètres à pied pour en trouver et en rapporter pour survivre.
• Oui, mais toi tu es une goutte d'eau, tu es salée ou douce ?
• Je suis une goutte d'eau salée et je viens du fin fond de l'univers ou je suis née. J'ai parcouru des centaines de millions de kilomètres à dos d'astéroïdes avant d'atterrir sur cette planète.
• Comment ça, tout ce voyage pour atterrir ici ?
• Je suis l'eau d'origine de ta planète Terre, la goutte qui a fait apparaître la vie il y a 4,4 milliards d'années, la goutte d'eau primordiale originale. Il y a plusieurs sources de l'origine de l'eau sur Terre. Lors de la formation du système solaire, ta planète est entrée en collision avec une autre planète plus petite du nom de Théïa. Cette collision qui ne fût pas de pleine face mais plutôt partiellement engendra un énorme cataclysme de feu. Cette collision est à l'origine de la ceinture d'eau qui recouvre le noyau en fusion de la Terre car Théïa était aussi une planète tellurique. C'est grâce à cette ceinture liquide que la planète a pu créer une atmosphère et qu'elle est devenue la planète bleue, la seule de ce système solaire à offrir la vie. Cette collision a aussi créé la Lune qui était au début de sa vie bien plus prête qu'elle ne l'est aujourd'hui et c'est ce satellite de la Terre qui engendre les marées par sa gravité. L'eau est la molécule indispensable au développement de la vie. Elle est l'élément qui a permis le transport de bactéries et ses transformations pour en faire des millions d'espèces différentes végétales et animales.
• Je sais que la planète est recouverte à 75% d'eau mais qu'elle est en général salée, c'est dû aux remontées de gaz de soufre du noyau terrestres dans les océans.
• Non, ce n'est pas tout à fait juste. Il manque l'élément essentiel, moi. L'eau douce et plus particulièrement les pluies qui retombe sur la Terre et se mélange aux sels minéraux des pierres sur lesquels elle retombe. Ce mélange minéralisé à base de sodium, de magnésium et de potassium repart dans les océans, les mers et certains lacs qui deviennent alors salés. L'océan est salé parce qu'il est très ancien. Les gaz des volcans se sont dissous dans cette eau, la rendant acide. Le dioxyde de carbone de l'atmosphère forme de l'acide carbonique faible qui dissout les minéraux. Lorsque ces minéraux se dissolvent, ils forment des ions qui rendent l'eau salée, tout simplement.
Une autre petite voix se fit entendre, plus grave que celle de la petite goutte d'eau. Je me retournai alors en direction de la plage ou je vis un grain de sable me parler.
• Excusez-moi de vous déranger mes amis, j'ai entendu par mégarde votre conversation et je dois intervenir si cela ne vous dérange pas.
• Bonjour toi, qui es-tu ?
• Pardon, Bonjour, je manque à tous mes devoirs, je suis un grain de sable ou plutôt une Diatomée à ma naissance.
• Une quoi ?
• Une Diatomée. Une microalgue unicellulaire avec une coquille de silicium appelée frustule. Je suis né il y a très longtemps dans l'eau douce de la banquise arctique, cette glace qui tombe dans la mer se mélangeant au sel et je me suis nourri de ces sels minéraux pour former ma carapace. Avec le soleil et ses sels minéraux, j'ai alors pratiqué la photosynthèse pour grandir et devenir solide. Par cette photosynthèse j'ai libéré de l'oxygène pour former la couche d'ozone qui a permis à la planète de respirer. Je suis un élément important de la chaîne alimentaire marine puisque je fais parti des phytoplanctons indispensables à 50% de la formation de l'air, qui permet aussi la création de la molécule d'oxygène présente dans la composition de l'eau. Madame goutte d'eau est une eau primordiale et ancienne mais je suis à l'origine de l'eau que nous trouvons en grande quantité sur cette planète bleue. Mieux encore j'emmagasine en moi le CO2, le dioxyde de carbone et je l'emprisonne au fond de l'océan ou je finis ma vie.
La température augmentant tout au long de mon voyage, à un moment précis, je meurs et je finis au milieu de mes congénères au fond de l'océan. Ces couches successives qui se déposent pendant des millions d'années et qui sont écrasées par la pression de l'eau des profondeurs nous transforment en gaz ou en pétrole. Nous nourrissons une bonne partie des animaux marins ainsi que des crustacés.
• Je savais pas tout ça, vous êtes alors un grain de sable, c'est vous qui donnez cette sensation agréable quand on marche sur la plage ?
• Oui, du moins j'en fais partie, mélangé aussi aux fines roches détachées par les rivières et les torrents comme le silex. L'enveloppe d'une Diatomée est composée de silicium, une réaction combinée de la photosynthèse et il est l'élément principal utilisé pour fabriquer le verre comme les bouteilles. Le mot silice est un synonyme de sable, les silicates sont les constituants principaux du manteau et de l'écorce terrestres alors je fais bien partie des grains de sable. Nous avons constitué les déserts au moment ou les eaux ont baissé il y a fort longtemps, le niveau de l'eau des océans étant bien plus haut qu'il ne l'est aujourd'hui et les déserts recouverts d'eau. Quand le niveau de l'eau a baissé, il n'est resté que le fond composé principalement de silice. C'est pour cette raison qu'il y a du sable tout autour de cette Île et que je vis en permanence ici.
• Je discute alors avec deux éléments essentiels à la vie, la goutte d'eau et le grain de sable. Sans vous, la Terre serait une planète morte. Je n'y avais pas réfléchi, à l'importance de l'eau et la microalgue. Puisque vous vivez ici, vous savez donc ou je suis ?
• Oui bien sûr que nous le savons, tu te trouves sur l'île Henderson. Une des petites îles désertes de l'océan Pacifique, juste à mi-chemin entre les côtes de la Nouvelle-Zélande et celles du Chili. L'île la plus isolée mais aussi la plus polluée de tout le Pacifique. Elle est pourtant sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO mais elle est surtout proche du gyre du Pacifique Sud, un gigantesque tourbillon où s'accumulent les débris plastiques transportés par les courants marins venant d'Amérique du Sud.
• Ah voilà, tous s'expliquent. En faisant le tour de l'île, j'ai remarqué énormément de morceaux de plastiques en tout genre sur le sable, mon père m'avait expliqué le problème quand nous étions en Thaïlande pour découvrir la plongée en bouteille. Tous ces plastiques sont rejetés dans les mers et les océans par les fleuves, les rivières et les cours d'eau de la planète, mais surtout ils polluent les océans et l'eau va finir par être impropre à boire. Forcément, ils sont la conséquence à la pollution de l'eau douce. D'ailleurs il faut que j'aille ramasser les bâches plastiques et les récipients encore entiers pour récupérer l'eau de pluie quand elle va tomber et avoir une source d'approvisionnement en eau douce. L'eau de pluie est la meilleure eau à boire et j'en ai vraiment besoin pour survivre sur cette île déserte loin de tout.
• Je ne peux pas t'aider pour l'eau, je suis salée et impropre à la consommation mais je ne me fais pas de souci, tu vas trouver de l'eau et de la nourriture en abondance ici.
• Une bonne nouvelle, je n'ai plus besoin de me stresser et je n'aurais pas peur cette nuit tout seul sur cet îlot. J'ai des amis à qui parler si j'en sens le besoin. Je reviens plus tard vous voir, je vais aller trouver le meilleur emplacement pour construire ma cabane, trouver des bidons pour y stocker l'eau et aller chercher de quoi manger, noix de coco, fruits et peut-être du poisson en pêchant si j'y arrive. Je vous dis à plus tard les amis.
Me voilà rassuré, je ne suis plus seul, mes amis m'ont permis de retrouver tous mes esprits et de réfléchir à la meilleure façon de procéder. Je me lance dans un nouveau tour de l'île pour ramasser tout ce que je peux trouver de matériaux plastiques utiles à mon séjour, je suis le nouveau Bryan Crusoë.