Fuite

Tout le role-play qui ne rentre dans aucune autre catégorie

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kay
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Fuite

Message par kay »

Elle est là chaque soir. Une simple lettre sous une capuche, des mains pleines d'oseille et une voix étouffée par les secrets. Dans le quartier, c'est plutôt commun. Sauf que ça sent rarement l'œstrogène. Elle me fait de la peine, mais elle raque et ordonne. Et je prie pour qu'elle ne clamse pas sur un de mes tabourets. C'est que j'y suis attaché, à la petite.

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Sur le papier, c'était le boulot de rêve. Des putes aimantes, de la poudre à foison, une piscine de billets et la retraite à un âge où ta queue tient encore debout. Le boulot de rêve, ouais. Juste avoir la faculté d'oublier l'épais mélange brunâtre dans lequel t'as baigné ces dernières années.

"Eh, k., c'était le lever de coude de trop. Tes monologues sont de moins en moi compréhensibles".

"Ta gueule".

Je balance machinalement une liasse sur le comptoir. Si l'argent n'avait vraiment pas d'odeur, l'envie de gerber ne viendrait pas me titiller la luette au simple contact des morceaux de papier. Ou est-ce le souvenir de son acquisition ? Whatever. Boire. Oublier. Rendre mes veines transparentes à faire bander un pyromane. Se débarrasser du poisseux qui me recouvre.

C'est vrai que j'ai de plus en plus de mal à me comprendre moi-même. Mais la haine est toujours là. C'est crade. Ce bouge est crade. Sa bouillie est crade. Les tatoués priapiques qui fouillent sans pudeur les replis de mon manteau sont crades. Et je me fonds dans la peinture sans avoir besoin de l'acétone que j'avale pourtant par litres.

Et mon regard dégueu se délecte de tout ça. Ces anachronismes sont rassurants – notre époque cache bien son jeu. Et n'importe quel néanderthal peut trouver son compte pour peu qu'il gratte les dorures. Sauf que là, quelque chose cloche. Il y a comme une touche de couleur un peu trop criarde qui fait tout flancher, qui rendrait presque le murmure des perdus audible.

Une silhouette, sans âge, lumineuse, dans un coin de la pièce. Une autre apprentie tapineuse ? Ca me ferait mal, ces gamins qui grandissent quand leurs vieux le décident. Quatorze ans... Un adulte d'après les critères locaux. Mais non. Ses yeux. Des yeux tournés vers la fenêtre, derrière moi. Des yeux qui ne connaissent pas encore leur sort. Des yeux d'enfants.

Comme si on pouvait tomber par hasard dans ce trou à rat. Comme s'il ne fallait pas le vouloir.

Et je la remarque, la menotte de chair autour de son poignet. Une étreinte métallique, à vous briser un cartilage sur un simple doute. J'aurais pu baisser les yeux sur mon verre, ravaler ma curiosité mal placée. Je connais les règles du jeu. Mais j'étais bourrée, et au bord de l'explosion. Une langue de gaz qui cherche son allumette. Et ce regard là méritait de garder encore un peu sa place dans les nuages.
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Sombre Dune
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Re: Fuite

Message par Sombre Dune »

Ludwig est assis à son bureau.

Son regard gris acier se perd dans la forêt de tours de métal et de verre du quartier d’affaires.
C’est ici que se brassent les masses les plus importantes d’argent et que se font et se défont les économies du monde entier.

Son corps ascétique est grimé par un costume d’une élégance extrême, reflet froid de l’ameublement minimaliste de la pièce qui sous couvert d’une grande sobriété pue le luxe à plein nez.

Son visage est crispé sur son dilemme, son enfer, son purgatoire.
Il voit le prédateur, celui qui demain sonnera le glas de ce monde, celui qui traque l’enfant.

C’est son don, ce don qui lui pourri la vie et qui fait qu’il est le seul à pouvoir apercevoir le démon.
Il lui suffit de fermer les yeux et de se concentrer sur cette traque inutile et décalée.
Il le voit mais, il ne voit du monstre que ce qu’il était et ce qu’il faisait deux ans plus tôt.

Une fois de plus il va se prêter à cet exercice frustrant mais nécessaire à la sécurité de l’enfant.
Il ferme les yeux et se concentre.

Le désert, le soleil qui frappe le bitume d’une route fumante qui se déroule, rectiligne ruban découpant l’aridité du décor.
Il voit l’homme qui marche, relevant de temps en temps le pouce au passage d’un rare véhicule.
Il est vêtu d’un jean, d’un blouson de cuir élimé et d’un polo où les rouges se disputent aux oranges comme une parcelle de feu dans un univers morne.
Il a mille ans, il a cent ans, il a vingt cinq ans, il a la beauté du diable !

Il perçoit sa respiration, il entend le crissement de sa main sur sa joue qui révèle un début de barbe drue assombrissant son visage.
Le vent du désert fait danser ses cheveux les égrainant de l’or du sable clair.

Puis il voit son regard et sursaute comme à chaque fois.
Des yeux sombres et doux, des yeux qui portent sur le monde une expression de calme et de bienveillance.

Sale serpent ! Quelle hypocrisie !! Ludwig le sait bien, ce regard peut devenir si dur et implacable qu’il en frissonne.

Ludwig aperçoit un panneau de signalisation ! Enfin un indice !
MELANCOLIA 8 Miles

Une goutte de sueur froide perle sur son front pour venir s’échouer sur sa paupière.
Cela signifie qu’il y a deux ans, le prédateur n’était qu’à une poignée d’heures de l’enfant. La traque était serrée, très serrée.

Il reprend lentement sa respiration.
Reste calme Ludwig s’intima-t-il.
L’enfant est cachée au fin fond d’un cloaque chiasseux, perdue dans la multitude des rebuts de ce monde sous la surveillance du plus improbable gardien que l’on puisse imaginer.
Tu ne la trouveras pas démon !!
kay
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Re: Fuite

Message par kay »

Foutus gamins.

J'ai compris en regardant le petit couple. Ce n'était pas une histoire dégueulasse impliquant la fin d'une vie. C'était pire. Deux petits provocateurs qui offraient leur dignité en pâture à leurs hormones, qui jouaient aux adultes pour s'attraper l'un l'autre. Lui plus qu'elle, d'ailleurs. Son pas assuré a perdu toute crédibilité quand il a commandé d'une voix chevrotante deux cocktails pour midinettes. Le barman se détend un peu en partageant mon constat. Et je me rappelle avoir déjà pensé qu'il restait humain, malgré l'immoralité dans laquelle il baigne depuis des siècles, et que c'est amusant.

Il l'a bousculée, un peu, de cette main de fer qui m'avait induite en erreur. Séduction garantie sur une enfance trop bien rangée. Elle s'est assise sans mot dire, et a continué à regarder dehors. Comme si une joyeuse procession allait animer la ruelle sombre, éclairer le bar tout entier, et faire reculer la nuit. Il s'est assis en face d'elle. Début d'une parade nuptiale tellement maladroite qu'elle aurait pu être touchante. Elle fait son petit effet sur les paumés. Sourires goguenards, regards appuyés, sourcils froncés... L'élément de comparaison est trop éclatant pour qu'on passe à côté. Tous se perdent un instant dans la contemplation du conditionnel.

Et tandis que je promène mes propres regrets et mon regard sur les tueurs, mercenaires, vendeurs de rêve et autres catins désabusés mais émus, je le remarque. Le serpent dans le nid. Ses mains m'ont troublée. Gantées, fermées sur une petite canne. Un dandy parmi les déchets. Ça sonne faux. Il est trop propre, trop sobre, trop détaché. Il attend quelque chose. Et il ne la quitte pas des yeux. Un regard froid, calculateur, qui cherche à croiser celui de la petite. Comme s'il voulait en capter la chaleur, aspirer ses promesses. Je souris en sirotant le fond de mon verre. Foutus macs, qui vont crever le bonheur dans l'oeuf. Attends au moins qu'il l'aie déniaisée.... Le liquide ne passe pas. Je sais enfin pourquoi il me dérange. Le petit point doré qui frôle son iris... Un homme de main d'Iñir. Une espèce encore plus répugnante que la mienne. Des morceaux de chair et de muscle qui se délectent des boulots les plus sales. Qu'on embauche quand tous les assassins vous ont claqué la porte au nez avec effroi. Ils sont efficaces, propres, et dorment tranquillement la nuit. J'ai eu affaire à eux plusieurs fois. On a joué dans la même cour de récréation.

Repentir, goût du risque, ou amour de la mise en scène ? Je ne sais pas ce qui me prend, mais je me lève, et vais vers les gamins. Je souris au petit, et lui murmure que je veux lui emprunter sa copine. Il en profite pour exploser. Son malaise et les craintes affrontées en venant ici me sautent à la figure. Jamais, oh grand jamais, il ne me laissera en faire une des miennes, une créature des bas fonds qui suce pour sa dope et qui empeste la gnôle depuis la porte d'entrée. Je lui dis qu'il exagère, quand même, et qu'on ne m'a jamais payée pour me sauter, merci bien. Puis je l'allonge sur la table – j'espère que je ne lui ai pas cassé le nez ? - et j'embarque la môme. Elle crie, je lui dis de la fermer. Je lui dis qu'elle court un risque, et que je suis là pour l'aider. Et putain, la pièce tourne, mais mon coeur bat de nouveau. La retraite avant trente ans, et puis quoi encore ? Je ferme la porte des chiottes, et croise enfin son regard. Flippé mais combatif. Et lumineux... Je lève l'index - « une petite minute » ! Et vais gerber ce qui n'a pas encore été assimilé par mes vaisseaux. Eviter de perdre connaissance en pleine fuite...

On tambourine à la porte. Je m'essuie la bouche et reviens vers la fille. Elle est paralysée, et regrette déjà son éducation bien rangée. Tant pis, c'est fait, c'est là. Et ça réveille, ça fait du bien. Je lui explique qu'elle doit me faire confiance. Ca me fait rire – qui ferait confiance à un pilier de bar fantaisiste ? Sauf que ça commence à chauffer dans la salle. J'entends des bruits de lutte. Soit mon homme a été démasqué, soit mon acte a partagé les opinions. En tout cas ça cogne, et ça hurle, et ça menace. J'enverrai des fleurs au patron, pour lui demander pardon. Et je ris encore. Ca fait flipper la môme. Un coup de feu retentit, une balle siffle à mon oreille et un morceau de la porte m'écorche le bras. Cool ! Je profite du carreau pété, enroule la gamine dans ma cape, et l'entraîne dans la nuit qu'aucune procession n'aura illuminée...
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Sombre Dune
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Re: Fuite

Message par Sombre Dune »

Je sais que tu ne me vois pas, je sais que tu me verras, l’homme sourit.

Je n’ai jamais été aussi près d’elle, par delà les odeurs d’égout, de poubelles en putréfaction, de fumée, de transpiration, je la sens, elle est toute proche de moi, elle est à moi, je le sais.
Mon instinct me guide vers elle, aucun déguisement, aucun faux semblant ne peut me gruger. Je la reconnaitrais partout et sous n’importe quelle apparence car on peut changer bien de choses mais les âmes ne peuvent l’être et c’est comme ça que je la cherche, que je la traque, que je la chasse et que je la trouverai.


La ruelle mal éclairée grouille du monde de la nuit, les ivrognes titubent, les putes racolent, les bobos se dissimulent pour venir connaitre les plaisirs que l’univers aseptisé du dessus ne leur autorise pas.
Mendiants, voleurs et souteneurs se côtoient, se mélangent pour former un substrat de violence qui est la face cachée de toutes les sociétés bien-pensantes.

Ça pue ici, ça pue la peur, le danger, la misère, l’argent et les filles faciles, les plaisirs glauques et l’alcool bon marché.
L’homme se sent bien ici, au contact des travers et des vices de l’humanité.

Ses pas le conduisent vers une porte vitrée fêlée d’une étoile de verre laissée par l’impact d’un projectile.
Le chasseur sent sa proie, il entre dans le bar.

La bataille fait rage !

Raphaël n’a que le temps de se baisser pour éviter un tesson de bouteille et il comprend dans l’instant que son gibier lui a été dérobé.
Il sent monter en lui une colère terrible. Il était si près cette fois, à deux doigts de la fille et voilà qu’elle lui échappe !

D’une main il soulève une lourde table et l’envoi valdinguer au milieu de la pièce, des corps s’affaissent, des vies partent, des gens meurent, il n’en a cure, on lui a pris sa proie, il faut qu’il se paye autrement.
Il s’approche du tireur qui ne sait même pas pourquoi et où il tire, coince son cou dans son avant bras et un sinistre craquement met fin à sa folie.

Comme par magie, brusquement tout s’arrête. Ils ont peur, ils n’osent plus bouger, ils savent instinctivement qu’ils sont face à un fauve pour qui leurs vies n’est rien.
Le bar man qui s’était jusqu’alors préoccupé de mettre ses bouteilles à l’abri était maintenant prostré derrière son comptoir et on n’entendait plus que les grincements de terreur de ses dents.
Raphaël le saisit par le col et le souleva au dessus du comptoir comme un fétu de paille.

Où est la fille ?!!! hurla-t-il.
La gamine ! Dis-moi où elle est partie !

Je sais pas, bafouilla l’homme entre deux hoquets de terreur, elle était avec lui rajouta-t-il, désignant le gamin en espérant que la brute le lâche.
Raphael s’en prit alors au gosse, qui tenait sa main sur son nez manifestement cassé et qui pleurnichait dans un coin.

Nooooooooooooooon hurla le jeune en le voyant approcher, elle est partie avec la femme !! La femme qui m’a fait ça dit-il en montrant son nez sanguinolent.

Raphaël le souleva de terre et jeta son corps contre le mur, il retomba lourdement sans vie et désarticulé sur le sol.

Tu vois, lui dit Raphaël, il peut t’arriver bien pire.

Il ressortit dans la ruelle et huma l’air comme un animal.

Ce n’est que partie remise ma belle murmura-t-il, je vais te rattraper … bientôt …
kay
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Re: Fuite

Message par kay »

Et on court comme deux perdues, à en perdre haleine. Ivres d'adrénaline, de peur, d'envie... Je l'entraîne derrière moi sans chercher à savoir si elle peut suivre. Je saute de mur en toit, cours dans les flaques, rampe dans les trous. Redécouvre cette ville que j'ai quadrillée dans mille états. L'alcool, la solitude, le dégoût me paraissent loin, très loin. Je sais pourtant qu'ils se ruent dans mes veines au rythme de mon cœur, qui s'affole et ne comprend pas très bien. C'est sans importance.

C'est un sanglot qui m'arrête, une fois arrivées aux portes de la ville. Je me rappelle sa présence, et le contact bouillant de son poignet entre mes doigts fait monter une pointe de honte. « Merde, ça va ? ». Elle se frotte la main et essaye de retenir ses larmes. «Qu'allez-vous me faire ? » . Je lui souris, aussi maternelle que possible. « N'aie pas peur, je vais t'expliquer. D'abord... ». Je donne un grand coup de pied dans une porte branlante, plus pour la frime qu'autre chose. Nous entrons dans un immeuble promis à une destruction prochaine, et je l'installe entre deux escalier avant de me poster moi-même à la fenêtre. La lumière qui en sort me permet de l'examiner enfin.

Une enfant, en effet. Chétive, blême, tremblante. Sa peau bleutée m'évoque les profondeurs d'Aquablue. Je m'attends presque à découvrir des écailles sous sa coupe à la garçonne. Assez vite, pourtant, je suis surprise de découvrir des caractéristiques de peuples de chaque planète, dans son apparence, sa tenue, sa façon de se tenir, les traits de son visage...et son regard. Plaqué sur moi, accusateur, il me fait me sentir petite, ridicule, honteuse. Il m'ausculte, en quête d'une brèche, d'une issue de secours. Je lui souris de nouveau, et lui tends ma veste, cette fois-ci. Ses yeux se posent sur ma gorge, unique parcelle de mon corps dévoilée, emprunte des vestige de mon ancienne vie. Et de nouveau son regard se teint de panique. « Ne fais pas attention, je n'ai plus rien à voir avec eux ». Peu convaincue, elle n'arrive pas à se détourner des tatouages et cicatrices faisant foi de mes flirts avec des gens peu fréquentables, et dont la ville connaît les signatures.

« Ecoute, je suis désolée pour tout à l'heure. C'était brutal, violent. Mais ça aurait pu être pire. Dans la salle, il y avait un homme d'Iñis. Tu sais qui il est ? » Elle secoue la tête, son regard assoiffé maintenant orienté vers mes lèvres. « Iñis est le chef d'un groupe de mercenaires, des hommes sans foi ni loi, qui ont des monstres intérieurs à sortir régulièrement. Si tu as une tâche à récurer et que tu ne veux pas en garder de traces sous les ongles, tu fais appel à eux. Tu comprends ce que je te dis ? Si l'un d'entre eux est lâché, c'est que la tâche est coriace et..hum, pardon pour la métaphore ». Elle répond à mon pauvre sourire avant d'en saisir la raison. «Je ne sais pas qui tu es, ce que tu as en ta possession, ce que tu as fait, mais je suis catégorique, c'est sur toi qu'il lorgnait dans le bar ».

Je lui laisse le temps de comprendre, de revenir à elle, de répondre. Elle soupire, ses yeux courent sur les murs, ses doigts arrachent des mèches de cheveux. Elle essaye d'articuler une chose, puis une autre, soupire, se détourne, écrase une larme et plonge de nouveau ses iris dans ma chair. « Et si c'était vous ? Rien ne prouve rien, vous étiez assise au bar, vous sentez mauvais, comme ces gens qui … pardon je.. mais ». Je ri pour dissiper le malaise, en réalisant qu'elle n'a pas tort. Je suis devenue un de ces gens qui. « Ecoute, ma belle, je sais que c'est difficile, mais on n'a pas beaucoup de temps. Je veux bien t'aider, mais il va falloir que tu te positionnes". Après une hésitation millénaire, elle hoche la tête. « Il faut que tu me parles. Qui es, tu, d'où viens tu, as tu emprunté quelque chose ? Fréquentes tu les mauvaises personnes ? Je ne jugerai pas, il faut juste que tu me parles, c'est important, plus j'en saurai.... ». Elle fond en larmes, cette fois-ci. Je m'approche et, une main sur son épaule lui murmure que c'est le contrecoup, que c'est normal, que je lui laisse le temps. Le temps de ? Je l'ignore moi-même. Son désespoir est justifié, mais tellement inhabituel dans ce quartier. C'est étrange, j'ai perdu l'habitude des enfants qui en sont, et ça fait redoubler ma peine. Je la prends dans mes bras, et tire doucement sur les courtes pointes de ses cheveux tandis qu'elle s'enfouit loin derrière mon cou, comme un petit chat.

On doit bien rester trois heures comme ça. Je ne peux pas bouger, je ne veux pas qu'elle se réveille, qu'elle réalise que le cauchemar est encore palpable, et que le jour n'y changera rien. Dans la poche de mon jean éliminé, mon téléphone vibre avec insistance. Je finis par l'ouvrir pour trouver l'holomessage d'un vieux collègue, et qui n'annonce rien de bien réjouissant. Mon visage et mon numéro d'immatriculation sont placardés sur les murs. Accusée du kidnapping de la fille d'un sénateur Galacticain. Ben voyons... Je connais les arbres généalogiques des personnalités politiques sur le bout des doigts. Puis les filles de sénateurs, quand elle cherchent leurs limites, commencent par les pubs voisins de leurs palais, et leurs petits voyous mieux léchés. Elle est du coin. Son humble sourire est du coin. Et quand bien même, il y a quelques étapes avant Iñir quand on veut une rançon. Ce type là était prêt à tuer, où à emmener sur l'autel.... Je soupire, perplexe, ne pouvant m'empêcher de frémir d'excitation. Je crois que j'aime être dans la merde, jusqu'au cou. Je m'ennuie, sinon, et je bois.

En parlant d'ennui, le mien ne dure guère. Une porte s'ouvre à la volée en bas, la gamine sursaute et je dois plaquer ma main sur sa bouche pour l'empêcher de hurler. Les larmes inondent de nouveau ses joues alors que je la soulève du sol et tourne la tête dans tous les sens. Le toit ? Trop risqué, s'ils nous attendent dehors, c'est la meilleure façon d'être repérées. Si c'est bien ceux à qui je pense, les deux escaliers seront pris d'assaut très vite. Restent les vieux appartements, et l'espoir qu'une porte au moins soit ouverte. Je m'élance dans les escaliers, aussi silencieuse que possible. Du dernier étage, je pourrais les distancer plus facilement. Elle est si étrangement légère, que je pourrais presque libérer une main pour attraper mon téléphone et taper ce fichu numéro.....
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Sombre Dune
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Re: Fuite

Message par Sombre Dune »

Il était allongé dans la pénombre d’une petite chambre d’hôtel, les mains derrière la tête.
De la fenêtre entrouverte remontaient les bruits de la rue et l’odeur acre des égouts engorgés.
Les néons colorés reflétaient leur pénible clignotement sur son visage.

Il ne dormait pas, Raphaël ne dormait jamais, il n’en éprouvait pas le besoin, il réfléchissait.

Un marché est un marché, lorsque l’on demande un service énorme, il est logique de payer un prix conséquent mais il arrive qu’au moment de s’acquitter de sa dette on hésite devant l’importance du prix que l’on avait accepté de payer.
Raphaël sourit, c’était bien souvent le cas pour le type de « services » qu’on lui demandait, il en avait l’habitude et il n’était pas rare qu’il vienne lui-même chercher son dû, avec la surtaxe …

L’être humain est constamment rongé d’ambition dévorante, il rêve de gravir les sommets, de posséder le monde et il est prêt à tout pour atteindre son but, il vendrait père et mère pour devenir le caïd de sa rue, il donnerait son âme au diable pour être le chef de son quartier, il tuerait pour la gloire mais au moment de payer le prix, hé oui, il y a toujours un prix quel qu’il soit, il devient lâche et sentimental et il se déballonne comme une merde.
Il peut arriver aussi qu’il soit de mauvaise foi et qu’il souhaite vous rouler dans la farine, vous embobiner, vous escroquer, c’est alors un imbécile car on n’escroque pas Raphaël !

Mais au final pour moi ça ne fait pas de différence, soit on me paye, soit je me paye !
Elle lui avait promis l’enfant, il prendrait l’enfant !
Bien sûr elle ne pouvait pas savoir à ce moment là l’importance qu’aurait cette fillette pour les peuples de la corporation mais on ne peut jamais tout savoir par avance et un marché est un marché !


Il repassait dans sa tête la dérisoire bagarre qui avait permis la fuite de la gamine.

Ce type de diversion est facile à orchestrer dans un bar rempli d’alcoolico-dépressifs dotés pour la plupart de coefficients intellectuels négatifs ou de tares congénitales mais il sentait que quelque chose lui échappait.

Bien sûr il savait que Ludwig ferait tout pour l’empêcher de prendre la gosse et il ne le sous estimait pas.

La présence d’un mercenaire d’Iñis ne lui avait pas échappé mais qui aurait besoin de ces assassins de haut vol pour se débarrasser d'une petite gosse ? Il était bien trop dangereux et couteux d’y avoir recours pour éliminer une enfant chétive ! Et qui à part lui aurait intérêt à le faire ?

De plus que faisait-elle là sans surveillance à s’encanailler dans les quartiers chauds en compagnie de l’autre freluquet ?

Non … Non les mercenaires d’Iñis n’étaient pas là pour elle, ils étaient là pour lui.
Ainsi Lugwig avait décidé de contre attaquer ! Et pour cela il prenait le risque de perdre la gosse pour lui tendre un piège ! Il s’en était servi comme d’une chèvre …

Bien sûr, la meilleure défense c’est toujours l’attaque !

Mais là il me semble bien qu’une paille est venue gripper les rouages de ce plan. Une paille qui m’a empêchée de prendre ma proie mais qui a également fait, bel et bien, disparaitre la gosse. Quelqu’un est intervenu pour enlever la gamine et ce n’était pas prévu !


Raphaël sourit dans l’ombre.

Hé bien maintenant Ludwig, nous sommes à égalité, je ne sais pas où elle est et surtout avec qui elle est … mais toi non plus !
kay
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Re: Fuite

Message par kay »

C'est terrible, affreux. Tout a commencé si vite, et sans raison. Oh, pourquoi pourquoi pourquoi ? J'essaye de recoller les morceaux, en dépit des courants d'air qui les font voler dans ma tête. La dispute avec Nän, oui, tout est parti de ça. Oh, ma pauvre, ma belle Nän. Ses grandes mains brunes, si douces, qui pourraient tenir le monde au dessus de ma tête sans que j'aie peur qu'il ne me tombe dessus. Et ses lèvres, étirées en un éternel sourire. Nän, mon substitut de...que dis-je, ma mère, ma soeur, mon professeur, mon amie. Oh, et moi, quelle idiote j'ai été. Pour une histoire de libertés. Mais que signifie t-il, ce mot, déjà ? C'est un concept, abstrait, idiot, qui fait joli dans la bouche, qu'on peut mâcher éternellement et faire éclater en mille bulles à tout propos. Et c'est tout, absolument tout. Et il a fallu que je veuille ce que j'avais déjà, pour être libre. Mince, libre de quoi, hein ? D'être aveuglée, assourdie, amputée, traînée dans les rues sans rien y comprendre ? J'ai l'impression d'être l'héroïne d'un film, un film tragique, en teintes de gris, où la cavale ne s'arrête que quand l'ennemi invisible trouve un visage. Oh, ne pas y penser, rester avec Nän et son parfum de pain d'épices. Ma parfaite Nän, tu dois tant t'inquièter...

Je me suis mise à pleurer comme une petite fille. Moi qui revendiquais une maturité certaine, voilà que je perds toute contenance devant une parfaite inconnue. J'ai le mérite de l'avoir arrêtée. Cette femme si étrange que pourtant je ne peux que suivre. Elle a l'air si sûre de ce qu'elle avance, à tel point que je n'y comprends plus rien. Etrangère dans ma propre ville, où on ne parle plus ma langue et où les rues que je connais sur le bout de mes bottines se déforment en des angles terribles. Elle m'amène près d'un square où j'aimais jouer, petite. Et mes parfaits bonheurs enfantins, les gâteaux de Nän, le soleil, les manèges qui donnent le tournis, tout ça est englouti par cette nuit cauchemardesque. Elle me traîne entre les herbes, et fait sauter d'un coup de pied une porte branlante, avant de s'engouffrer sans une hésitation dans la bouche édenté d'un immeuble fantôme. « Démolition prévue le... ». La date est effacée, j'ai l'impression que ce panneau date de toujours. Elle ralentit le pas et m'installe sur une marche. Je grelotte, elle me materne.

Enfin, je peux voir sa silhouette se découper dans la lumière d'un lampadaire. Elle n'est pas très grande, et ses manières, sont langage châtiés, collent encore moins que prévu à son apparence. C'est une cascade de cheveux sombres, un peu gras, emmêlés par la course et le manque de soins. Et des mains blanches qui s'échappent de la veste, qu'elle retire pour me la tendre, maladroite. Je croise son regard, qu'elle détourne. Un regard gris, amusé et vivant, malgré tout. Et je remarque à la base de sa nuque un tatouage brillant. Un dessin que je connais, et dont je ne peux détacher mes yeux. Où l'ai-je vu ? Elle chancelle. Manque de forces, absorption de produits peu recommandables, ou peur ?

Non, elle n'a pas peur. Ca tient chaud. Elle me parle, mais je ne comprends pas tout. D'Iñis, de ses hommes. Des tueurs, des monstres. Elle sourit, et moi aussi. Puis les mots retrouvent leur sens, et j'ai peur de nouveau. Je tremble comme une feuille, l'origine du tatouage me revient. J'ai lu des choses là dessus. Des tueurs à gage, des clans, des monstres comme ceux qu'elle veut fuir. Elle en est, elle dit le contraire, mais elle en est. Cette femme n'a pas d'âme, ses yeux rient alors que le monde s'écroule. Et je pleure de plus belle, alors elle s'approche, et je ne peux que la laisser me prendre dans ses bras, et m'abandonner à son embrasse si étrangement douce. Comme si elle me disait « j'ai été humaine, un jour ».

Je me réveille dans ses bras, sans aucun contrôle. Je veux juste être petite, toute petite, minuscule, une brindille. Je veux m'évaporer là où la peur ne tient plus le manche. Elle court, à toute vitesse, légère et assurée. Que fuit-elle ? Je n'en sais rien, je ne sais plus rien. J'ai peur de nouveau, je veux me rendormir. Elle me pose, pour reprendre son souffle, et fouille sa poche avec précipitation. Des bruits me parviennent d'en bas. Des rires étouffés, des pas. Je bredouille. Mince, comment fait-on pour parler, déjà ? Ne pleure pas, ne pleure pas... Elle sort un téléphone, un vieux modèle. Un holo écran se reflète dans son regard, et elle compose une série de chiffres à une vitesse folle, jurant comme un vieux matelot. Puis un visage apparaît, un homme en costume. Il cherche son interlocuteur dans la pénombre, et paraît soulagé quand il la trouve enfin.

« K ! J'ai vu les infos, où es tu ? » - « Pas le temps, besoin d'une sortie de secours, maintenant, vite, urgent, t'expliquerai. » Et de lui envoyer une série de chiffres. Il secoue la tête, a un sourire désolé, et lui répond dans un murmure qu'il lui envoie une H7, qu'elle « fait chier », que ça coûte un bras, et que s'il ne lui était pas redevable... Elle coupe court à la conversation en lui envoyant un baiser, et l'écran dispparaît. Son attention se reporte sur moi.

Les bruits en bas se font plus forts. Verre brisée, portes qui claquent. J'avale un hoquet, et elle me serre la main. La douceur perce de nouveau, et je veux m'abandonner contre elle, mais elle me tient bien droite et me murmure prestement que je ne dois pas avoir peur, que ce sont sûrement des voyous, que s'ils étaient après nous ils seraient déjà là, et qu'on serait très vite hors de portée de quoi que ce soit, que je pourrais souffler. Et de me serrer la main, encore plus fort. Un « clic » retentit, qui, j'en suis sûre, a réveillé tout le voisinage ; et une lumière inonde notre morbide abris de fortune. La source en est une porte, qui s'est dessinée dans le vide. La femme me dit d'entrer, de ne pas avoir peur. C'est un prototype, mais ça devrait marcher. J'ai un dernier regard pour la cage d'escalier, et m'engouffre dans la lumière, sans réfléchir.

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K aime débouler, un sac d'aventures à la con sur le dos. Je me marre à chaque fois que je pense à ce bout de femme qui a zigzaggé entre les morts avec l'aisance d'un danseur de ballet. J'avoue m'être inquiété pour elle. Depuis sa décision de se mettre au vert, je n'avais plus de nouvelle. Et dans une ville comme celle là, ceux qui ont porté un nom ne disparaissent pas du jour au lendemain, si ce n'est littéralement. Mais non, la voilà de nouveau, sortie de nulle part, comme si on s'était séparés la veille. Avec une gamine en guise de sac. Une gosse, qui passe pour la fille d'un sénateur. Du lourd, une fois de plus. Elles ont atterri devant ma cheminée, avec l'allure – et l'odeur ! - d'un gibier effrayé. Elle m'a sauté au cou, fausse petite dure, et demandé de prendre une douche. J'ai envoyé une servante s'occuper de la petite, et je crois qu'elles se sont effondrées toutes les deux.

Elle s'installe à la table du petit déjeuner, un journal plié sous le bras, et salue une cantonade invisible. « Décuvé, mademoiselle ? ». Elle me lance un de ses sourires carnassiers et s'étire, féline. Rien à voir avec le fantôme de la veille. Rien à voir avec ce que j'avais imaginé. Elle fait danser le soleil dans ses longs cheveux de feu et m'accorde enfin un regard. Pauvre gamine, dans le fond, qui aurait pu. Tout court. « Tu sais quoi (je peux piquer une saucisse ?), je me sens vivante. Nan, jte jure, ça fait quoi, deux ans maintenant, que j'ai lâché tout ça ? Et je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Je pensais être finie. J'ai même commencé à faire du gras quoi. Et là, d'un coup, paf, ça me tombe dessus. Une gosse poursuivie par un type d'Iñis, et j'ai sauté sur mes pieds. Tu imagines, ça ? Mon corps qui me demande de bouger mon cul. Pour faire chier ces rats, ou parce qu'il en a marre de cuver au fond d'un trou, j'en sais rien. » - « J'avais le souvenir d'un vocabulaire plus riche ». Elle rougit et baisse les yeux. « Pardon. Je crois que je ne suis pas complètement revenue. Je suis juste... c'est tellement étrange... Merci, d'ailleurs. Merci mille fois. J'aurais bien pris le risque de sortir par mes propres moyens, mais je ne tiens plus une forme olympique, et j'avais l'impression d'un danger plus important que le guignol à canne. D'ailleurs, tu es sûr que l'H7 est au point ? Enfin, que tu es le seul à contrôler celui-là ?  J'ai eu la sale sensation d'être.. je ne sais pas, déshabillée du regard au moment de passer le portail... » - « attends, explique moi tout, du début, s'il te plaît. ». Et elle s'exécute. Je sais qu'elle élude quelques détails, mais elle me raconte tout.

C'est étrange, en effet. k. veut aller chercher du côté du Sénateur-père.  « Ne sois pas si hâtive, attendons que la gamine se réveille et nous raconte. En attendant, je peux appeler un ami haut placé, qui ne pourra que t'aider dans cette situation ».
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Sombre Dune
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Re: Fuite

Message par Sombre Dune »

Je m’en fous débrouillez vous comme vous voudrez mais retrouvez les moi !! Et vite !!
Dégommez la mercenaire et ramenez la gamine ! Je ne veux pas savoir combien ça coûte ni comment vous vous y prendrez mais demmerdez vous ! Je vous paye assez cher pour ça bande d’incapables !


Ludwig était fou de rage, ses lèvres étaient déformées par un rictus de dépit et son front plissé par la contrariété.
Son plan avait foiré, lamentablement foiré, non seulement il n’avait pas éliminé Raphaël mais en plus il avait perdu la gamine !
Qu’allait-il pouvoir dire aux armateurs et aux investisseurs ?! L’affrontement avec le sénateur ne serait qu’une sinécure en comparaison !

Enquêtez sur K, je veux tout savoir sur elle, je veux savoir ce qu’elle a fait pendant ces deux dernières année et qui est derrière tout cela ! Qui l’a payé pour enlever la gosse au nez et à la barde de Raphael et des mercenaires d’Iñis !

Lorsqu'il reposa son téléphone,son regard qui jetait des éclairs métalliques sous la blancheur de sa chevelure coupée en brosse, se posa sur la femme calmement assise sur un fauteuil de cuir clair de l’autre coté de son bureau.

Elle était belle, merveilleusement belle. Il la connaissait depuis plus de vingt ans et le temps semblait passer sur elle sans la toucher, elle ne lui avait pas cédé la moindre ride, la moindre rondeur, la moindre douceur … Elle était d’une élégance fantasque et tirait doucement sur le fume-cigare où était enchâssée l’une de ces fines cigarettes vertanes qui dégageait une fumée bleutée et odorante.

Elle polluait sans vergogne et avec une belle indifférence l’univers aseptisé de Ludwig, ce qui avait le don d’agacer l’homme encore plus qu’il ne l’était par la gravité de la situation.
Sentiment d’impunité des grands de ce monde qui ne se sentent contraints ni par la bienséance ni par la Loi et qui n’hésitent pas à faire savoir qui détient le vrai pouvoir à ceux, comme Ludwig qui soutiennent avec vigueur les vertus de l’hygiénisme.
Lufwig aurait voulu bruler toute la crasse des quartiers chauds, éliminer la délinquance, la prostitution, les trafics, l’économie parallèle qui gangrenait la société et le commerce et cette femme pleine de morgue venait lui fumer sous le nez des substances illicites … il ne pouvait rien dire car elle était beaucoup trop dangereuse pour qu’il se permette la moindre réflexion, la moindre réprobation.
C’était le genre de femme qui tenait le monde entre leurs mains, entre leurs cuisses aussi peut être.

Madame voici la situation telle qu’elle se présente au moment où je vous parle …


Il lui fit un récit complet des derniers événements survenus aboutissant à l’enlèvement de l’enfant, puis il fit le bilan des mesures qu’il avait prises pour la retrouver rapidement.
La femme l’écouta sans l’interrompre.
Elle écrasa sa cigarette dans un gros cendrier de cristal deserticain, repoussa sa chevelure blonde vers l’arrière d’un geste gracieux puis fixa enfin sur lui son regard myosotis qu’aucune patte d’oie n’avait adouci avec le temps.

Ludwig vous vous êtes vautré, oui vautré cela ne s’appelle pas autrement. Vous avez fait passer votre haine pour Raphaël avant la sécurité de l’enfant qui vous avait été confiée et vous vous êtes lamentablement vautré.

Ludwig accusa le coup et blêmit

Je n’aimerai pas être à votre place lorsque vous devrez rendre compte de tout cela à son père. Le Sénateur rentre ce soir et veut vous voir immédiatement, j’espère que d’ici là vous aurez de meilleures nouvelles à lui donner.
Dans cette affaire vous avez oublié que bien souvent le mieux est l’ennemi du bien et vous avez été bien naïf ou bien arrogant peut être de penser vaincre Raphaël à son propre jeu.

Mais vous donnez peut être à cette affaire plus d’importance qu’elle n’en a vraiment.
Je me disais que finalement la gosse était peut être plus en sécurité entre les mains de K qu’entre les vôtres.
On connait le passé de cette femme, elle a de la ressource, du cran, du caractère et, contrairement à vous, elle est totalement imprévisible.
Elle saura échapper à Raphaël.
Ce qui nous préoccupe aujourd’hui est de garder constamment la possibilité de récupérer la gamine quand nous aurons besoin d’elle, le reste est sans importance. Retrouvez la et surveillez la discrètement, le moment venu, vous irez la reprendre pour que nous puissions remplir notre part du contrat mais pour ceci nous avons du temps.
Je vais vous sauvez la peau une fois de plus. Vous direz au Sénateur que cet enlèvement a été orchestré par vous-même pour assurer un cran supérieur de sécurité pour l’enfant, je ne vous contredirez pas et le sénateur n’y verra que du feu mais rappelez vous Ludwig que c’est votre vie que je sauve et que ce n’est pas la première fois, vous me devez déjà beaucoup …


Il la détestait presque qu’autant que Raphael.

Maintenant il y a aussi un scenario catastrophe. Il ne faudrait pas qu’elle tombe entre les mains de quelqu’un qui maitriserait les derniers développements du H7 car si cette personne découvrait le potentiel de l’enfant tous vos plans d’extension, auxquels je ne crois guère d’ailleurs, tomberaient à l’eau et là Ludwig, vous seriez en très très mauvaise posture.

Mais Madame, l’enfant …

Ne vous en préoccupez pas, l’enfant n’a d’intérêt que pour ce qu’elle va permettre de réaliser.


La femme se leva et sortit sans autre commentaire du luxueux bureau emportant derrière elle des effluves parfumés.

Ludwig s’assit terrassé …
kay
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Re: Fuite

Message par kay »

Je dois dire que l'enthousiasme est retombé bien vite. Je déteste tourner en rond alors que la vie continue. Alors je vais squatter la salle de sport de l'hôtel particulier. M'étirer me fait mal, mon corps grince, mes os craquent. Putain de machine ingrate, c'est pas non plus comme si je t'avais complètement foutue en l'air, tu pourrais être plus prompte à oublier les dernières années. Et je m'élance dans une chorégraphie disgracieuse, de sauts, de tractions, de souplesses. Je peste contre mes membres trop raides, mes mouvements qui ne retrouvent pas instantanément leur fluidité. Une heure doit passer quand, à bout de souffle, je me résigne. Je vais m'appuyer contre une fenêtre, essayer d'en capter la fraîcheur. Et me revoilà perdue dans mes pensées. La lucidité ne me sied guère. Qu'est-ce que j'ai fait, hier ? Si la gamine est vraiment la fille d'un Sénateur, je vais devoir me trouver un cabanon sur Vertana. Avec une jolie distillerie. J'ai quand même du mal à accepter l'idée. Une fille de Sénateur aussi propre sur elle que celle-là ne traîne pas là où je l'ai trouvée. Et elle ne dégage pas assez de cette suffisance vomitive propres aux enfants pourris. Mais, si elle n'en est pas une, pourquoi cette campagne visant à la retrouver ? Est-ce que quelqu'un voudrait me faire plonger ? Impossible, je dors depuis bien trop longtemps, ma dernière activité remonte à quelques années et j'ai moi-même du mal à articuler mon nom. C'est qu'elle doit représenter quelque chose. Quelque chose d'autre qu'une somme astronomique... Mais quoi ?

Alors que je vagabonde entre les hypothèses, un bruit de moteur attire mon attention. On dirait qu'Arch a réussi à joindre son contact, et qu'un entretien longue distance ne suffit pas à celui-ci. Qu'est ce que ça cache, saurait-il quelque chose ? Et je sens mes veines palpiter de nouveau. Je m'élance dans la salle où sont reçus les invités, et retrouve mon ami assis à un bureau, paisible. « Tu aurais pu te doucher ». Je soupire. Où sont passées mes bonnes manières ? Je n'ai pas à me mordre la langue trop longtemps – notre homme nous rejoint avant que ma répartie ne force le passage. Et quand mon regard glisse sur lui, je ne peux réprimer un froncement de sourcils.

Si la perfection était faite homme, je pense qu'elle choisirait une apparence comme la sienne. Grand, svelte, une expression neutre figée dans des traits à la finesse déconcertante, une délicatesse féminine, couplée à cette vigueur mâle qui rassure ou assassine sans aucune hésitation – je pourrais l'observer des heures durant avant de mettre le doigt sur ce qui me perturbe. C'est peut-être une simple question d'aura, mais j'ai l'impression d'avoir déjà croisé cette créature. Il salue chaleureusement Arch, et ses yeux coulent enfin dans les miens. A t-il eu un imperceptible mouvement de recul, ou ma parano me joue des tours ? Il veut la voir, c'est important. Qui elle est ? Quelqu'un qui compte. Si elle lui est rendue, je pourrais reprendre ma vie. Il appuie sur ce dernier mot avec un sourire mauvais, je me renfrogne et charge. Pourquoi partirait-elle avec lui ? Que lui veut-il ? Où veut-il l'emmener ? On dirait deux enfants qui se disputent un jouet, un jouet qui leur appartient.

Finalement, je recule d'un pas et le toise des pieds à la tête. Qui est-il, finalement, pour revendiquer de la sorte une enfant qui ne le connaît ni d'Adam ni d'Eve ? Après tout, c'est moi qui l'ai sortie de ce bar, où elle courait réellement un danger. Pourquoi ne l'accompagnerais-je pas jusqu'au bout ?
Il a de nouveau son sourire cruel, et lâche avec douceur.

En effet, pardon madame, je n'ai même pas pris le temps de me présenter. Appelez moi Raphaël...
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Sombre Dune
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Re: Fuite

Message par Sombre Dune »

Il n’était encore qu’un enfant quand il avait quitté le siens.
Ses parents l’avaient vu partir, ce matin là, avec un sentiment de tristesse mêlée à de la fierté. Le potentiel magique qui avait été décelé chez lui lui avait ouvert les portes des enseignements du temple de Tenhn Shinzang, il y serait élevé et instruit.

Ludwig passa donc toute sa jeunesse au cœur de la forêt Vertane, suivant ainsi le rude apprentissage que l’on donnait alors à ceux qui étaient destinés à manier le pouvoir de très prés.

C’est là, dans ce cadre serein et studieux, qu’il avait entendu pour la première fois cette légende qui resterait toute sa vie le fil rouge qu’il suivrait, son but, son objectif, son obsession même.
Ce monde, il avait cru en comprendre le fonctionnement, au premier abord il était simple. Il y avait des alliances et des factions qui se créaient, qui se défaisaient, qui se renouaient, des pillages, des combats, de temps en temps quelques guerres et éventuellement des débats sénatoriaux dont il doutait de l’impact.

La réalité lui apparaissait maintenant beaucoup plus complexe et le rôle des sociétés secrètes qui détenaient la réalité du pouvoir lui apparu.
Elles articulaient les flottes, les États, les alliances dans un but secret, un objectif millénaire, la poursuite d’un credo qui divisait le monde.

C’est donc la légende du « déchireur de voile » qui lui fit comprendre, dés cette époque, que les choses n’étaient pas toujours ce qu’elles paraissaient être.

Garde toi de juger à la hâte lui avait dit le vieux prêtre, pour comprendre son environnement il faut connaitre le cœur des hommes. C’est bien souvent la peur qui les guide, il y a ceux qui craignent l’implosion et ceux qui ont peur de l’explosion.
Nombreux sont les pouvoirs magiques qui apparaissent ça et là sur les cinq planètes de notre galaxie, si bien sûr on les trouve plus volontiers sur Vertana, les quatre autres planètes en génèrent aussi et tu en es la preuve vivante Ludwig, n’es tu pas Deserticain ?


L’enfant acquiesça.

Il existe cependant une faculté magique qui est extrêmement rare continua le vieil homme, il s’agit du don du déchireur de voile, il apparait approximativement une fois par génération en un lieu aléatoire de la galaxie. Celui qui le détient a la faculté de déchirer le voile qui protège nos mondes et d’aller au delà vers l’inconnu. Ce n’est pas sans danger car si la déchirure du voile nous permettrait de dépasser notre univers, elle l’ouvrirait peut être aussi à des dangers inconnus qui pourraient sonner la fin du règne des cinq.
Dans le secret des alcôves du Sénat, dans les soubassements des forteresses, dans l’ombre fraiche des temples, partout où bat le cœur des hommes, il y a des factions qui s’opposent, des gens qui protègent l’état actuel de notre monde, éternels réfractaires à l’expansionnisme des autres et ceux qui ne voient pas d’avenir pour notre univers et qui luttent pour que le voile soit déchiré afin de construire un avenir ailleurs.

Qui a raison ? qui a tort ? C’est là un débat que je n’ouvrirai pas. Ils cherchent tous l’élu mais pour des raisons diamétralement opposées.

Il arrive bien souvent que l’élu, inconscient de son pouvoir passe une vie parfaitement sereine sans n’être jamais repéré ni jamais inquiété mais lorsqu’il est ciblé alors tu vois les événements de ce monde s’accélérer et s’enchainer sans toujours bien comprendre pourquoi … c’est le signe de la chasse.
Jusqu’à présent le voile a gardé son intégrité, j’en conclu donc que la faction des « protecteurs » a réussi à endiguer les actions des « déchireurs » mais qu’en sera-t-il demain … ça personne ne le sait.


Cette histoire avait profondément troublé Ludwig et complètement changé sa vision du monde. Si beaucoup d’étudiants ne lui donnaient pas plus de foi qu’à une légende de plus proférée par un vieil homme sénile, lui y croyait fermement.
Il passa donc les années qui suivirent à observer le monde, à guetter les indices, à s’introduire dans les coulisses du pouvoir, à constituer les réseaux qui seraient nécessaires à son ascension dans l’oligarchie corporatiste.
Immanquablement, ses notes, ses études, ses observations le conduisaient à constater la stupidité des théories protectionnistes. Il voyait une société bouffée par ses tares, dégénérée de consanguinité, où des générations de hierarches pervertis bouillaient dans la même marmite depuis des siècles comme de vieux navets, pour lui c’était certain, il fallait franchir le voile pour aller chercher au-delà l’avenir de ce monde.
Ludwig savait que le chemin serait long et difficile.
Les Protecteurs avaient dans leurs rangs des individus extrêmement puissants, que ce soit politiquement, militairement, économiquement ou par les capacités magiques dont ils étaient dotés.

Il lui fallut avaler un certains nombres de couleuvres, faire bien des concessions, passer de rudes épreuves pour être enfin admis dans le club très fermé des « Déchireurs » et devenir ainsi une figure de proue des théories expansionnistes.
Sans relâche, des milliers d’hommes et de femmes expansionnistes recherchaient l’élu sur les cinq planètes. On supposait qu’il apparaitrait sur une planète où les cinq sphères pourraient briller de concert pendant un temps suffisant.

Souvent, il lui semblait qu’il recherchait l’impossible, une aiguille dans une botte de foin et le découragement le gagnait mais il lui suffisait de porter son regard sur la fange des bas quartiers, sur les pratiques mafieuses des hauts dignitaires qui n’en étaient en fin de compte que le luxueux reflet, pour reprendre sa quête avec encore plus de détermination.
C’était un tel jour de lassitude que lui vint une idée. Nous connaissons les conditions favorables à l’apparition de l’élu, se dit-il alors pourquoi ne pas tenter de les provoquer et de créer nous même cet élu au lieu de nous épuiser dans de vaines recherches ?

L’idée faisant son chemin dans l’esprit de Ludwig, il commença petit à petit à rassembler les moyens de son plan.
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