SUBSTRATUM
Publié : 28 sept. 2008, 15:01
25 desertan 3726
Il marchait depuis déjà trois jours sur les chemins poussiéreux de volcano.
Son pas était égal même si son visage trahissait sa fatigue. Mais son esprit était ailleurs et son regard gris vert semblait passer au travers des choses et des gens qu’il croisait sur sa route.
Tout le ramenait à cette nuit d’horreur où le mont Imperium vomit sa colère avec férocité, répandant la vengeance des dieux sur les hommes et les femmes endormis de la petite ville. Le souvenir tenace de cette terrible explosion et les ravages laissés par les énormes coulées de lave étaient une torture pour son âme endeuillée. Il avait perdu ses amis, ses frères, sa famille et tous ceux qui l’avaient aidé à conquérir la vie simple et sage à laquelle il aspirait du plus profond de son cœur.
Il se rappelait le jour où il était arrivé dans cette petite bourgade paisible il y avait dix ans de cela. Il l’avait trouvé parfaite pour y regagner la sérénité.
A cette époque la culpabilité d’avoir choisi sa vie au détriment du royaume le tenaillait encore et aucune de ses nuits n’était sans ombre.
Il revoyait sans cesse ce moment où il lui avait remis le sceptre, il voyait sa fine main tremblante se refermer sur le symbole de pouvoir de son peuple et l’immense tristesse de son regard gris, ses épaules s’étaient affaissées comme sous une trop lourde charge mais elle avait relevé le front refusant de se laisser terrasser par un sentiment d’abandon, d’échec. Il savait bien la douleur de ce cœur car celle du sien en était l’écho.
Mais il était parti sans se retourner.
La vengeance des dieux avait été terrible, meurtrière et sans appel frappant sans distinction hommes, femmes et enfants.
Tous morts ! Pas un seul rescapé sauf lui. C’était sa punition ! Ça serait pour toujours son purgatoire.
Pourtant ils n’étaient point coupables ! Lui seul l’était …
Une larme roula et traça un sillon sur sa joue maculée.
Il avait cru dans sa prime jeunesse qu’il lui appartenait de choisir son destin, qu’il lui suffirait de rechercher la paix pour écarter la guerre. Combien il avait été naïf ! Si l’on pouvait se cacher de la colère des hommes, nul ne se soustrayait à la fureur des dieux. Ces dieux même qui savaient réveiller le guerrier endormi dans le cœur de l’homme paisible, ceux qui, penchés sur son berceau, quelque trente ans, plus tôt avaient exigé qu’il conduisit son peuple vers le ciel étoilé qui était son destin.
Alors aujourd’hui faute de l’accepter vraiment il avait fini par comprendre quel était son devoir et ses pas le ramenaient à Agnosco.
29 desertan 3726
Le jour venait de poindre quand la matriarche arriva au temple de Galéa la déesse paradoxale d’Agnosco.
Elle entra dans le sanctuaire et leva les yeux vers la statue de la déesse bicéphale promettant d’une main la douceur de la paix et de l’autre la fureur de la guerre.
Elle déposa à ses pieds une brassée de fleurs fraiches puis se dirigea vers une petite chapelle qu’elle affectionnait particulièrement. Elle venait y prier chaque matin parce qu’elle avait beaucoup à se faire pardonner mais surtout parce qu’elle avait beaucoup à demander pour son peuple et la plus grande faveur que pourrait lui accorder la déesse serait de donner à ce peuple un Chef qui lui rappellerait que pour jouir de la paix il faut préparer la guerre selon les saints enseignements de Galéa.
Elle venait de commencer le rituel quand elle entendit des pas dans le temple et elle fut surprise d’y voir entrer un homme à une heure aussi matinale.
Son sang se glaça. L’homme était de dos mais elle le reconnut immédiatement. Certes, il avait changé mais il n’y avait pas la trace d’un doute dans son cœur.
Il était donc revenu ! Elle savait bien qu’il le ferait un jour mais elle tremblait de connaitre le prix de son retour.
Elle recula de quelques pas pour se dissimuler dans l’ombre de la chapelle.
L’homme se présenta devant la déesse les mains ouvertes. Il ferma les yeux quelques instants puis mit un genou à terre.
Je te servirai Galéa puisqu’aucun autre choix ne m’est donné
Les mots résonnèrent sur les voutes du temple comme une terrible sentence et la matriarche en frémit. Il était revenu pour accomplir son destin et il allait régner … enfin !
32 desertan 3726
Il ne reconnaissait pas Agnosco, sa Ville avait tellement changée ! Elle avait prospéré et s’était agrandie.
Là où il avait connu la nature fantasque de Volcano, se trouvaient maintenant des habitations, des usines et des commerces. Il était atterré par la fragilité des défenses d’une ville qui semblait si prospère. Pas de trace d’armée, tout au plus quelques miliciens faisaient du maintien de l’ordre aux alentours des marchés.
Il s’était arrêté dans un bar mal famé d’un quartier populaire pour s’y sustenter.
Il y avait reconnu les traces de la corruption, discrètes mais tangibles, des enveloppes qui passaient de main en main, des marchands mal grimés sous des capes misérables qui puaient l’argent et la luxure.
La martiale Agnosco conquérante et rebelle était devenue une cité marchande comme il en avait souvent vu au cours des voyages qui avaient émaillés sa formation militaire.
Ce n’est qu’en fin d’après midi qu’il se décida enfin à se rendre à la forteresse de pouvoir. Les murailles grises de l’édifice qui avait été son foyer des années durant lui apparurent ternes et lugubres. Il contourna le bâtiment ne se sentant pas le courage d’une entrée officielle dans le lieu d’un pourvoir qu’il avait longtemps fuit.
Il utilisa un passage dérobé de tout temps dissimulé derrière un arbre antique. Il longea des couloirs vides, sombres et silencieux pour se diriger dans la salle de l’union, cœur du pouvoir d’Agnosco. Il poussa la lourde porte qui s’ouvrit dans un gémissement.
Au centre de la pièce une grande table et une dizaine de fauteuils massifs semblaient recouverts d’un voile de poussière, il avait l’impression d’entendre, dans tout ce silence, des voix de guerriers qu’il croyait oubliées, d’hommes et de femmes qui avaient été le sang de ce peuple.
Pourtant une araignée descendant de son fil dans un rai de lumière que le soleil couchant laissait filtrer par le reflet bleu d’un haut vitrail était le seul signe tangible de vie dans cette salle autrefois pleine de la férocité et du courage de ses pairs.
Ses pas résonnèrent étrangement quand il s’approcha du trône qui aurait dû être le sien s’il n’en avait décidé autrement.
Le sceptre était là, en appui sur les accoudoirs comme pour lui interdire de prendre place sans l’avoir saisit, sans avoir accepté la responsabilité et la fonction dans la tradition ancestrale. Sa main se referma sur lui, il ne savait pas si c’était l’objet lui-même ou son propre sang qu’il sentait pulser dans sa paume. Le sceptre poussiéreux sembla s’éveiller et produisit une douce luminescence bleutée.
Ainsi la rumeur n’avait pas menti ! Tu es de retour !
Il se retourna vivement. L’homme qu’il n’avait pas entendu entrer était installé sur l’un des fauteuils qui entouraient la table une jambe négligemment posée sur l’accoudoir.
Arcifere ! Que s’est il passé ici ? dit il d’une voix blanche
Il ne s’est strictement rien passé lui répondit cet ami de toujours brusquement sorti des brumes de l’oubli.
Où est-elle ? Je lui avais confié le pouvoir !
Tu ne pouvais pas lui demander d’accomplir ta propre destinée. Elle aussi en avait une et comme tu le fais aujourd’hui en reprenant le sceptre de pouvoir, elle est allée accomplir la sienne ainsi qu’elle le devait, tout comme j’accomplis la mienne en reprenant la commandement de la Kaus Borealis.
Malgré la gravité de ses propos Arcifére souriait.
Bienvenue chez toi Sursum Corda Seigneur du Substratum !
Il marchait depuis déjà trois jours sur les chemins poussiéreux de volcano.
Son pas était égal même si son visage trahissait sa fatigue. Mais son esprit était ailleurs et son regard gris vert semblait passer au travers des choses et des gens qu’il croisait sur sa route.
Tout le ramenait à cette nuit d’horreur où le mont Imperium vomit sa colère avec férocité, répandant la vengeance des dieux sur les hommes et les femmes endormis de la petite ville. Le souvenir tenace de cette terrible explosion et les ravages laissés par les énormes coulées de lave étaient une torture pour son âme endeuillée. Il avait perdu ses amis, ses frères, sa famille et tous ceux qui l’avaient aidé à conquérir la vie simple et sage à laquelle il aspirait du plus profond de son cœur.
Il se rappelait le jour où il était arrivé dans cette petite bourgade paisible il y avait dix ans de cela. Il l’avait trouvé parfaite pour y regagner la sérénité.
A cette époque la culpabilité d’avoir choisi sa vie au détriment du royaume le tenaillait encore et aucune de ses nuits n’était sans ombre.
Il revoyait sans cesse ce moment où il lui avait remis le sceptre, il voyait sa fine main tremblante se refermer sur le symbole de pouvoir de son peuple et l’immense tristesse de son regard gris, ses épaules s’étaient affaissées comme sous une trop lourde charge mais elle avait relevé le front refusant de se laisser terrasser par un sentiment d’abandon, d’échec. Il savait bien la douleur de ce cœur car celle du sien en était l’écho.
Mais il était parti sans se retourner.
La vengeance des dieux avait été terrible, meurtrière et sans appel frappant sans distinction hommes, femmes et enfants.
Tous morts ! Pas un seul rescapé sauf lui. C’était sa punition ! Ça serait pour toujours son purgatoire.
Pourtant ils n’étaient point coupables ! Lui seul l’était …
Une larme roula et traça un sillon sur sa joue maculée.
Il avait cru dans sa prime jeunesse qu’il lui appartenait de choisir son destin, qu’il lui suffirait de rechercher la paix pour écarter la guerre. Combien il avait été naïf ! Si l’on pouvait se cacher de la colère des hommes, nul ne se soustrayait à la fureur des dieux. Ces dieux même qui savaient réveiller le guerrier endormi dans le cœur de l’homme paisible, ceux qui, penchés sur son berceau, quelque trente ans, plus tôt avaient exigé qu’il conduisit son peuple vers le ciel étoilé qui était son destin.
Alors aujourd’hui faute de l’accepter vraiment il avait fini par comprendre quel était son devoir et ses pas le ramenaient à Agnosco.
29 desertan 3726
Le jour venait de poindre quand la matriarche arriva au temple de Galéa la déesse paradoxale d’Agnosco.
Elle entra dans le sanctuaire et leva les yeux vers la statue de la déesse bicéphale promettant d’une main la douceur de la paix et de l’autre la fureur de la guerre.
Elle déposa à ses pieds une brassée de fleurs fraiches puis se dirigea vers une petite chapelle qu’elle affectionnait particulièrement. Elle venait y prier chaque matin parce qu’elle avait beaucoup à se faire pardonner mais surtout parce qu’elle avait beaucoup à demander pour son peuple et la plus grande faveur que pourrait lui accorder la déesse serait de donner à ce peuple un Chef qui lui rappellerait que pour jouir de la paix il faut préparer la guerre selon les saints enseignements de Galéa.
Elle venait de commencer le rituel quand elle entendit des pas dans le temple et elle fut surprise d’y voir entrer un homme à une heure aussi matinale.
Son sang se glaça. L’homme était de dos mais elle le reconnut immédiatement. Certes, il avait changé mais il n’y avait pas la trace d’un doute dans son cœur.
Il était donc revenu ! Elle savait bien qu’il le ferait un jour mais elle tremblait de connaitre le prix de son retour.
Elle recula de quelques pas pour se dissimuler dans l’ombre de la chapelle.
L’homme se présenta devant la déesse les mains ouvertes. Il ferma les yeux quelques instants puis mit un genou à terre.
Je te servirai Galéa puisqu’aucun autre choix ne m’est donné
Les mots résonnèrent sur les voutes du temple comme une terrible sentence et la matriarche en frémit. Il était revenu pour accomplir son destin et il allait régner … enfin !
32 desertan 3726
Il ne reconnaissait pas Agnosco, sa Ville avait tellement changée ! Elle avait prospéré et s’était agrandie.
Là où il avait connu la nature fantasque de Volcano, se trouvaient maintenant des habitations, des usines et des commerces. Il était atterré par la fragilité des défenses d’une ville qui semblait si prospère. Pas de trace d’armée, tout au plus quelques miliciens faisaient du maintien de l’ordre aux alentours des marchés.
Il s’était arrêté dans un bar mal famé d’un quartier populaire pour s’y sustenter.
Il y avait reconnu les traces de la corruption, discrètes mais tangibles, des enveloppes qui passaient de main en main, des marchands mal grimés sous des capes misérables qui puaient l’argent et la luxure.
La martiale Agnosco conquérante et rebelle était devenue une cité marchande comme il en avait souvent vu au cours des voyages qui avaient émaillés sa formation militaire.
Ce n’est qu’en fin d’après midi qu’il se décida enfin à se rendre à la forteresse de pouvoir. Les murailles grises de l’édifice qui avait été son foyer des années durant lui apparurent ternes et lugubres. Il contourna le bâtiment ne se sentant pas le courage d’une entrée officielle dans le lieu d’un pourvoir qu’il avait longtemps fuit.
Il utilisa un passage dérobé de tout temps dissimulé derrière un arbre antique. Il longea des couloirs vides, sombres et silencieux pour se diriger dans la salle de l’union, cœur du pouvoir d’Agnosco. Il poussa la lourde porte qui s’ouvrit dans un gémissement.
Au centre de la pièce une grande table et une dizaine de fauteuils massifs semblaient recouverts d’un voile de poussière, il avait l’impression d’entendre, dans tout ce silence, des voix de guerriers qu’il croyait oubliées, d’hommes et de femmes qui avaient été le sang de ce peuple.
Pourtant une araignée descendant de son fil dans un rai de lumière que le soleil couchant laissait filtrer par le reflet bleu d’un haut vitrail était le seul signe tangible de vie dans cette salle autrefois pleine de la férocité et du courage de ses pairs.
Ses pas résonnèrent étrangement quand il s’approcha du trône qui aurait dû être le sien s’il n’en avait décidé autrement.
Le sceptre était là, en appui sur les accoudoirs comme pour lui interdire de prendre place sans l’avoir saisit, sans avoir accepté la responsabilité et la fonction dans la tradition ancestrale. Sa main se referma sur lui, il ne savait pas si c’était l’objet lui-même ou son propre sang qu’il sentait pulser dans sa paume. Le sceptre poussiéreux sembla s’éveiller et produisit une douce luminescence bleutée.
Ainsi la rumeur n’avait pas menti ! Tu es de retour !
Il se retourna vivement. L’homme qu’il n’avait pas entendu entrer était installé sur l’un des fauteuils qui entouraient la table une jambe négligemment posée sur l’accoudoir.
Arcifere ! Que s’est il passé ici ? dit il d’une voix blanche
Il ne s’est strictement rien passé lui répondit cet ami de toujours brusquement sorti des brumes de l’oubli.
Où est-elle ? Je lui avais confié le pouvoir !
Tu ne pouvais pas lui demander d’accomplir ta propre destinée. Elle aussi en avait une et comme tu le fais aujourd’hui en reprenant le sceptre de pouvoir, elle est allée accomplir la sienne ainsi qu’elle le devait, tout comme j’accomplis la mienne en reprenant la commandement de la Kaus Borealis.
Malgré la gravité de ses propos Arcifére souriait.
Bienvenue chez toi Sursum Corda Seigneur du Substratum !