25 desertan 3726
Il marchait depuis déjà trois jours sur les chemins poussiéreux de volcano.
Son pas était égal même si son visage trahissait sa fatigue. Mais son esprit était ailleurs et son regard gris vert semblait passer au travers des choses et des gens qu’il croisait sur sa route.
Tout le ramenait à cette nuit d’horreur où le mont Imperium vomit sa colère avec férocité, répandant la vengeance des dieux sur les hommes et les femmes endormis de la petite ville. Le souvenir tenace de cette terrible explosion et les ravages laissés par les énormes coulées de lave étaient une torture pour son âme endeuillée. Il avait perdu ses amis, ses frères, sa famille et tous ceux qui l’avaient aidé à conquérir la vie simple et sage à laquelle il aspirait du plus profond de son cœur.
Il se rappelait le jour où il était arrivé dans cette petite bourgade paisible il y avait dix ans de cela. Il l’avait trouvé parfaite pour y regagner la sérénité.
A cette époque la culpabilité d’avoir choisi sa vie au détriment du royaume le tenaillait encore et aucune de ses nuits n’était sans ombre.
Il revoyait sans cesse ce moment où il lui avait remis le sceptre, il voyait sa fine main tremblante se refermer sur le symbole de pouvoir de son peuple et l’immense tristesse de son regard gris, ses épaules s’étaient affaissées comme sous une trop lourde charge mais elle avait relevé le front refusant de se laisser terrasser par un sentiment d’abandon, d’échec. Il savait bien la douleur de ce cœur car celle du sien en était l’écho.
Mais il était parti sans se retourner.
La vengeance des dieux avait été terrible, meurtrière et sans appel frappant sans distinction hommes, femmes et enfants.
Tous morts ! Pas un seul rescapé sauf lui. C’était sa punition ! Ça serait pour toujours son purgatoire.
Pourtant ils n’étaient point coupables ! Lui seul l’était …
Une larme roula et traça un sillon sur sa joue maculée.
Il avait cru dans sa prime jeunesse qu’il lui appartenait de choisir son destin, qu’il lui suffirait de rechercher la paix pour écarter la guerre. Combien il avait été naïf ! Si l’on pouvait se cacher de la colère des hommes, nul ne se soustrayait à la fureur des dieux. Ces dieux même qui savaient réveiller le guerrier endormi dans le cœur de l’homme paisible, ceux qui, penchés sur son berceau, quelque trente ans, plus tôt avaient exigé qu’il conduisit son peuple vers le ciel étoilé qui était son destin.
Alors aujourd’hui faute de l’accepter vraiment il avait fini par comprendre quel était son devoir et ses pas le ramenaient à Agnosco.
29 desertan 3726
Le jour venait de poindre quand la matriarche arriva au temple de Galéa la déesse paradoxale d’Agnosco.
Elle entra dans le sanctuaire et leva les yeux vers la statue de la déesse bicéphale promettant d’une main la douceur de la paix et de l’autre la fureur de la guerre.
Elle déposa à ses pieds une brassée de fleurs fraiches puis se dirigea vers une petite chapelle qu’elle affectionnait particulièrement. Elle venait y prier chaque matin parce qu’elle avait beaucoup à se faire pardonner mais surtout parce qu’elle avait beaucoup à demander pour son peuple et la plus grande faveur que pourrait lui accorder la déesse serait de donner à ce peuple un Chef qui lui rappellerait que pour jouir de la paix il faut préparer la guerre selon les saints enseignements de Galéa.
Elle venait de commencer le rituel quand elle entendit des pas dans le temple et elle fut surprise d’y voir entrer un homme à une heure aussi matinale.
Son sang se glaça. L’homme était de dos mais elle le reconnut immédiatement. Certes, il avait changé mais il n’y avait pas la trace d’un doute dans son cœur.
Il était donc revenu ! Elle savait bien qu’il le ferait un jour mais elle tremblait de connaitre le prix de son retour.
Elle recula de quelques pas pour se dissimuler dans l’ombre de la chapelle.
L’homme se présenta devant la déesse les mains ouvertes. Il ferma les yeux quelques instants puis mit un genou à terre.
Je te servirai Galéa puisqu’aucun autre choix ne m’est donné
Les mots résonnèrent sur les voutes du temple comme une terrible sentence et la matriarche en frémit. Il était revenu pour accomplir son destin et il allait régner … enfin !
32 desertan 3726
Il ne reconnaissait pas Agnosco, sa Ville avait tellement changée ! Elle avait prospéré et s’était agrandie.
Là où il avait connu la nature fantasque de Volcano, se trouvaient maintenant des habitations, des usines et des commerces. Il était atterré par la fragilité des défenses d’une ville qui semblait si prospère. Pas de trace d’armée, tout au plus quelques miliciens faisaient du maintien de l’ordre aux alentours des marchés.
Il s’était arrêté dans un bar mal famé d’un quartier populaire pour s’y sustenter.
Il y avait reconnu les traces de la corruption, discrètes mais tangibles, des enveloppes qui passaient de main en main, des marchands mal grimés sous des capes misérables qui puaient l’argent et la luxure.
La martiale Agnosco conquérante et rebelle était devenue une cité marchande comme il en avait souvent vu au cours des voyages qui avaient émaillés sa formation militaire.
Ce n’est qu’en fin d’après midi qu’il se décida enfin à se rendre à la forteresse de pouvoir. Les murailles grises de l’édifice qui avait été son foyer des années durant lui apparurent ternes et lugubres. Il contourna le bâtiment ne se sentant pas le courage d’une entrée officielle dans le lieu d’un pourvoir qu’il avait longtemps fuit.
Il utilisa un passage dérobé de tout temps dissimulé derrière un arbre antique. Il longea des couloirs vides, sombres et silencieux pour se diriger dans la salle de l’union, cœur du pouvoir d’Agnosco. Il poussa la lourde porte qui s’ouvrit dans un gémissement.
Au centre de la pièce une grande table et une dizaine de fauteuils massifs semblaient recouverts d’un voile de poussière, il avait l’impression d’entendre, dans tout ce silence, des voix de guerriers qu’il croyait oubliées, d’hommes et de femmes qui avaient été le sang de ce peuple.
Pourtant une araignée descendant de son fil dans un rai de lumière que le soleil couchant laissait filtrer par le reflet bleu d’un haut vitrail était le seul signe tangible de vie dans cette salle autrefois pleine de la férocité et du courage de ses pairs.
Ses pas résonnèrent étrangement quand il s’approcha du trône qui aurait dû être le sien s’il n’en avait décidé autrement.
Le sceptre était là, en appui sur les accoudoirs comme pour lui interdire de prendre place sans l’avoir saisit, sans avoir accepté la responsabilité et la fonction dans la tradition ancestrale. Sa main se referma sur lui, il ne savait pas si c’était l’objet lui-même ou son propre sang qu’il sentait pulser dans sa paume. Le sceptre poussiéreux sembla s’éveiller et produisit une douce luminescence bleutée.
Ainsi la rumeur n’avait pas menti ! Tu es de retour !
Il se retourna vivement. L’homme qu’il n’avait pas entendu entrer était installé sur l’un des fauteuils qui entouraient la table une jambe négligemment posée sur l’accoudoir.
Arcifere ! Que s’est il passé ici ? dit il d’une voix blanche
Il ne s’est strictement rien passé lui répondit cet ami de toujours brusquement sorti des brumes de l’oubli.
Où est-elle ? Je lui avais confié le pouvoir !
Tu ne pouvais pas lui demander d’accomplir ta propre destinée. Elle aussi en avait une et comme tu le fais aujourd’hui en reprenant le sceptre de pouvoir, elle est allée accomplir la sienne ainsi qu’elle le devait, tout comme j’accomplis la mienne en reprenant la commandement de la Kaus Borealis.
Malgré la gravité de ses propos Arcifére souriait.
Bienvenue chez toi Sursum Corda Seigneur du Substratum !
SUBSTRATUM
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- Sursum Corda
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Re: SUBSTRATUM
La salle des archives de la confédération galactique était encore plongée dans la pénombre malgré l’apparition des premières lueurs de l’aube traversant les grandes baies vitrées.
Les murs étaient entièrement recouverts de hauts rayonnages remplis de boites contenant l’intégralité de ce qui avait pu être consigné de l’histoire de galactica.
Ça et là, de silencieux drones pourvus de membres télescopiques les desservaient.
La salle était vide et les longues tables servant à la consultation parfaitement nettes, seule une petite lampe allumée sur l’une d’elle signalait une présence humaine en ces lieux.
Qu’était-il venu faire là ? Le savait-il lui-même ? Une boite à archives était ouverte devant lui et une pile de registres et de rapports en débordait.
Les consultait-il vraiment ? Il semblait perdu dans ses pensées. Un pot de café froid et une tasse vide attestaient qu’il avait passé la nuit là.
Il avait lu nombre d’archives, un peu au hasard.
Des récits anciens, les comptes rendus de certains débats, les commentaires que les pigistes de la confédération avaient pu glaner dans les couloirs, ou à la faveur d’une confidence, la grande histoire de galactica mais aussi les petites histoires qui bien souvent expliquaient la première, avaient défilé devant ses yeux rougis.
Réminiscences du passé, États aujourd’hui disparus, grandeur, décadence, querelles feintes ou propos serviles, rien ne manquait et la diplomatie oscillait constamment entre le rôle de composition et la tendance, dont on ne saurait dire si elle est fâcheuse, à traduire plus facilement le cœur de l’homme que la position stratégique des États.
Le cœur et la raison ! Éternel dilemme !
Il ne savait dire qui avait raison ou qui avait tort !
Il avait lu des échanges cinglants qui trahissaient, au détour d’une phrase, au coin d’une tournure, une complicité qui donnait à penser, qu’en fait, aucun des pugilistes ne lèverait jamais de flotte contre l’autre, il avait lu des discours suintant la peur et la haine et d’autres où manifestement les rhéteurs ne souhaitaient, en fin de compte, que trouver un public soit pour faire le pitre, soit pour exprimer un ego débordant qui ne pouvait se satisfaire de la gangue des manœuvres militaires.
Puis quelques rares interventions où seule la raison semblait s’exprimer.
Elles le laissèrent dubitatif.
Pourquoi soudain une telle maitrise de soi ? Que cachait cette implacable rationalité et par quoi était elle causée ? Est ce de la froideur ? De la timidité ? De la peur peut être ?
Il se demandait si le raisonnement n’était pas en fait juste une construction intellectuelle visant à justifier des actions qui n’avaient d’autre origine que l’expression de sentiments refoulés… la raison comme ultime avatar du mensonge …..
Encore dans ses pensées, il saisit une boite. L’aspect rutilant de son fermoir attestait qu’elle n’était pas souvent consultée, pourtant pas un grain de poussière ….
Il en sorti plusieurs manuscrits et y retrouva souvent les mêmes écritures.
Il se plongea dans leur lecture avec délectation.
Ils s’agissaient d’œuvres de pure fiction réinventant des mondes oubliés ou transposant dans une dimension onirique des personnages hauts en couleur.
Et d’histoires d’amour, de magie et de rêve, de récits épiques en sentiments volés, il se laissait glisser sur les ailes du rêve, sur les mots de ceux qui avaient voulus partager leur gout pour l’imaginaire, pour le récit, la poésie mais aussi cette essence qu’il livraient d’eux même avec tant de générosité.
Voilà, le mot était dit ! Générosité !
S’il décelait un peu d’égocentrisme chez les slamers confédérés, ce n’était pas le sentiment global qu’il retirait de ses nocturnes lectures.
Certes il faut être imaginatif mais est ce suffisant ? Il faut aussi disposer d’une langue, de mots et des arcanes de leurs articulations …. A y bien réfléchir est ce que tout ça est vraiment indispensable ?
Tout le monde dispose d’un tant soit peu d’imagination, nous ne sommes pas des machines ! Qui pourrait prétendre ne s’être jamais perdu dans un rêve éveillé ?
Quant à l’écriture ce n’était pas comme si les habitués des salles de la confédération refusaient leur aide.
Au cours de la nuit, il avait vu en marge de nombreux textes la fine écriture d’Alexiel, les volutes de Lilas venant ajouter un « s » ça et là ou les pattes de mouches de Flamme et bien d’autres encore…. A sa connaissance, personne n’avait jusqu’alors refusé son aide pour mettre en forme les pensées de ceux qui avaient envie de les exprimer.
Non, ce qu’il fallait pour ajouter une petite pierre à l’édifice, ce qui est nécessaire et qui ne peut s’acquérir, c’est la générosité car il en faut pour partager un peu de soi même avec les autres.
Curieusement les pages réservées aux commentaires étaient soit indigentes, soit complaisantes, et quelquefois même inexistantes.
Il était patent que la générosité n’était point payée en retour, les rêveurs rêvaient entre eux ! Et il en serait ainsi tant qu’il y aurait plus de monde au café du commerce qu’à la bibliothèque.
Des pas vinrent troubler le silence de la grande salle des archives. Il se retourna et vit un jeune homme approcher d’un drone, les bras chargés d’un épais dossier. Il le posa sur le dessus du drone et tapota les informations nécessaires à l’indexation du document. Le bras télescopique du drone s’en saisit et après un déplacement de quelques mètres, se déplia et fit monter le document lentement jusqu’à l’emplacement quotté AW 0236.
Le jeune homme suivait le document des yeux.
Il aurait pu avoir de la prestance s’il n’avait pas eu les joues maculées de sang séché et un uniforme poussiéreux déchiré par endroit.
Une fois le document en place, il tourna les talons et s’en fut d’une démarche digne et lente.
Le noctambule avait compris que la nuit avait apporté son lot de souffrances.
Il avait vu dans le regard du jeune chef, les morts qui lui restaient à pleurer, les mois de labeur et d’espoir annihilés, les bâtiments chèrement acquits et aujourd’hui à terre, une armée décimée, des ressources pillées et pire encore, il y avait vu le doute, mais comment ne pas douter ? Aurait-il le courage de tout reconstruire ? De recommencer encore pour peut être tout reperdre demain !
Avec un peu de chance serait-il bien entouré par une alliance solidaire, avec un peu de chance on ne lui aurait pas servi le ridicule et douloureux « c’est la vie ma pov’ Lucette « …. Il l’espérait …
Le chercheur se pencha alors sur le registre des Etats, les anciens, les nouveaux, certains noms lui étaient parfaitement connus et il en lisait d’autres pour la première fois. Quand il le compara à la liste des États ayant effectué des dépôts aux archives de la confédération, il fut étonné de constater le grand nombre d’Etats « muets ».
Il ne s’agissait certes pas d’Etat à l’abandon ! Il les voyait œuvrer régulièrement dans le ciel galacticain.
Manifestement beaucoup de chefs d’Etat préféraient le silence et les salles de la confédération, étaient et resteraient, le théâtre de quelques divas plus ou moins talentueuses.
Fallait-il encore parler d’élitisme ?
Comme pour toutes les questions qu’il se posait en ce moment la réponse ne serait probablement pas tranchée et si le caractère élitiste du prétoire existait bel et bien, il ne suffisait pas à expliquer ce mutisme, on devrait y ajouter probablement une bonne dose de désintérêt de certains chefs d’Etat pour la vie de la confédération.
Il était entré, hier soir au crépuscule, dans cette grande salle à la recherche de réponses, il en sortirait bientôt, après une nuit de lecture, avec encore plus que questionnements, mais n’est pas là le prix de la connaissance ?
Il se servit une tasse de café froid qu’il porta à ses lèvres. Il en avala une gorgée en grimaçant.
Quelles décisions prendrait-il pour son peuple ? Quel dirigeant souhaitait-il devenir ? Qu’elle place serait la sienne dans la vie galacticaine ?
Il savait que des débuts de réponse étaient venus à lui pendant la nuit et il savait également qu’il saurait décider en temps et heure.
La porte de la salle des archives s’ouvrit alors sur la démarche pressée d’une petite prêtresse galléenne en toge rouge arborant un étrange teint indigo.
Hhha Sursum s’écria-t-elle d’un air soulagé, tu es donc là !! Tout le monde te cherche !
Ses grands yeux bleu marine trahirent de l’étonnement quand Sursum lui répondit simplement
Moi aussi ….
(pour toine)
Les murs étaient entièrement recouverts de hauts rayonnages remplis de boites contenant l’intégralité de ce qui avait pu être consigné de l’histoire de galactica.
Ça et là, de silencieux drones pourvus de membres télescopiques les desservaient.
La salle était vide et les longues tables servant à la consultation parfaitement nettes, seule une petite lampe allumée sur l’une d’elle signalait une présence humaine en ces lieux.
Qu’était-il venu faire là ? Le savait-il lui-même ? Une boite à archives était ouverte devant lui et une pile de registres et de rapports en débordait.
Les consultait-il vraiment ? Il semblait perdu dans ses pensées. Un pot de café froid et une tasse vide attestaient qu’il avait passé la nuit là.
Il avait lu nombre d’archives, un peu au hasard.
Des récits anciens, les comptes rendus de certains débats, les commentaires que les pigistes de la confédération avaient pu glaner dans les couloirs, ou à la faveur d’une confidence, la grande histoire de galactica mais aussi les petites histoires qui bien souvent expliquaient la première, avaient défilé devant ses yeux rougis.
Réminiscences du passé, États aujourd’hui disparus, grandeur, décadence, querelles feintes ou propos serviles, rien ne manquait et la diplomatie oscillait constamment entre le rôle de composition et la tendance, dont on ne saurait dire si elle est fâcheuse, à traduire plus facilement le cœur de l’homme que la position stratégique des États.
Le cœur et la raison ! Éternel dilemme !
Il ne savait dire qui avait raison ou qui avait tort !
Il avait lu des échanges cinglants qui trahissaient, au détour d’une phrase, au coin d’une tournure, une complicité qui donnait à penser, qu’en fait, aucun des pugilistes ne lèverait jamais de flotte contre l’autre, il avait lu des discours suintant la peur et la haine et d’autres où manifestement les rhéteurs ne souhaitaient, en fin de compte, que trouver un public soit pour faire le pitre, soit pour exprimer un ego débordant qui ne pouvait se satisfaire de la gangue des manœuvres militaires.
Puis quelques rares interventions où seule la raison semblait s’exprimer.
Elles le laissèrent dubitatif.
Pourquoi soudain une telle maitrise de soi ? Que cachait cette implacable rationalité et par quoi était elle causée ? Est ce de la froideur ? De la timidité ? De la peur peut être ?
Il se demandait si le raisonnement n’était pas en fait juste une construction intellectuelle visant à justifier des actions qui n’avaient d’autre origine que l’expression de sentiments refoulés… la raison comme ultime avatar du mensonge …..
Encore dans ses pensées, il saisit une boite. L’aspect rutilant de son fermoir attestait qu’elle n’était pas souvent consultée, pourtant pas un grain de poussière ….
Il en sorti plusieurs manuscrits et y retrouva souvent les mêmes écritures.
Il se plongea dans leur lecture avec délectation.
Ils s’agissaient d’œuvres de pure fiction réinventant des mondes oubliés ou transposant dans une dimension onirique des personnages hauts en couleur.
Et d’histoires d’amour, de magie et de rêve, de récits épiques en sentiments volés, il se laissait glisser sur les ailes du rêve, sur les mots de ceux qui avaient voulus partager leur gout pour l’imaginaire, pour le récit, la poésie mais aussi cette essence qu’il livraient d’eux même avec tant de générosité.
Voilà, le mot était dit ! Générosité !
S’il décelait un peu d’égocentrisme chez les slamers confédérés, ce n’était pas le sentiment global qu’il retirait de ses nocturnes lectures.
Certes il faut être imaginatif mais est ce suffisant ? Il faut aussi disposer d’une langue, de mots et des arcanes de leurs articulations …. A y bien réfléchir est ce que tout ça est vraiment indispensable ?
Tout le monde dispose d’un tant soit peu d’imagination, nous ne sommes pas des machines ! Qui pourrait prétendre ne s’être jamais perdu dans un rêve éveillé ?
Quant à l’écriture ce n’était pas comme si les habitués des salles de la confédération refusaient leur aide.
Au cours de la nuit, il avait vu en marge de nombreux textes la fine écriture d’Alexiel, les volutes de Lilas venant ajouter un « s » ça et là ou les pattes de mouches de Flamme et bien d’autres encore…. A sa connaissance, personne n’avait jusqu’alors refusé son aide pour mettre en forme les pensées de ceux qui avaient envie de les exprimer.
Non, ce qu’il fallait pour ajouter une petite pierre à l’édifice, ce qui est nécessaire et qui ne peut s’acquérir, c’est la générosité car il en faut pour partager un peu de soi même avec les autres.
Curieusement les pages réservées aux commentaires étaient soit indigentes, soit complaisantes, et quelquefois même inexistantes.
Il était patent que la générosité n’était point payée en retour, les rêveurs rêvaient entre eux ! Et il en serait ainsi tant qu’il y aurait plus de monde au café du commerce qu’à la bibliothèque.
Des pas vinrent troubler le silence de la grande salle des archives. Il se retourna et vit un jeune homme approcher d’un drone, les bras chargés d’un épais dossier. Il le posa sur le dessus du drone et tapota les informations nécessaires à l’indexation du document. Le bras télescopique du drone s’en saisit et après un déplacement de quelques mètres, se déplia et fit monter le document lentement jusqu’à l’emplacement quotté AW 0236.
Le jeune homme suivait le document des yeux.
Il aurait pu avoir de la prestance s’il n’avait pas eu les joues maculées de sang séché et un uniforme poussiéreux déchiré par endroit.
Une fois le document en place, il tourna les talons et s’en fut d’une démarche digne et lente.
Le noctambule avait compris que la nuit avait apporté son lot de souffrances.
Il avait vu dans le regard du jeune chef, les morts qui lui restaient à pleurer, les mois de labeur et d’espoir annihilés, les bâtiments chèrement acquits et aujourd’hui à terre, une armée décimée, des ressources pillées et pire encore, il y avait vu le doute, mais comment ne pas douter ? Aurait-il le courage de tout reconstruire ? De recommencer encore pour peut être tout reperdre demain !
Avec un peu de chance serait-il bien entouré par une alliance solidaire, avec un peu de chance on ne lui aurait pas servi le ridicule et douloureux « c’est la vie ma pov’ Lucette « …. Il l’espérait …
Le chercheur se pencha alors sur le registre des Etats, les anciens, les nouveaux, certains noms lui étaient parfaitement connus et il en lisait d’autres pour la première fois. Quand il le compara à la liste des États ayant effectué des dépôts aux archives de la confédération, il fut étonné de constater le grand nombre d’Etats « muets ».
Il ne s’agissait certes pas d’Etat à l’abandon ! Il les voyait œuvrer régulièrement dans le ciel galacticain.
Manifestement beaucoup de chefs d’Etat préféraient le silence et les salles de la confédération, étaient et resteraient, le théâtre de quelques divas plus ou moins talentueuses.
Fallait-il encore parler d’élitisme ?
Comme pour toutes les questions qu’il se posait en ce moment la réponse ne serait probablement pas tranchée et si le caractère élitiste du prétoire existait bel et bien, il ne suffisait pas à expliquer ce mutisme, on devrait y ajouter probablement une bonne dose de désintérêt de certains chefs d’Etat pour la vie de la confédération.
Il était entré, hier soir au crépuscule, dans cette grande salle à la recherche de réponses, il en sortirait bientôt, après une nuit de lecture, avec encore plus que questionnements, mais n’est pas là le prix de la connaissance ?
Il se servit une tasse de café froid qu’il porta à ses lèvres. Il en avala une gorgée en grimaçant.
Quelles décisions prendrait-il pour son peuple ? Quel dirigeant souhaitait-il devenir ? Qu’elle place serait la sienne dans la vie galacticaine ?
Il savait que des débuts de réponse étaient venus à lui pendant la nuit et il savait également qu’il saurait décider en temps et heure.
La porte de la salle des archives s’ouvrit alors sur la démarche pressée d’une petite prêtresse galléenne en toge rouge arborant un étrange teint indigo.
Hhha Sursum s’écria-t-elle d’un air soulagé, tu es donc là !! Tout le monde te cherche !
Ses grands yeux bleu marine trahirent de l’étonnement quand Sursum lui répondit simplement
Moi aussi ….
(pour toine)