La Corporation avait toujours été là pour juger. Artistes de la loi, de l'impartialité, parfois planquée, parfois discréditée, parfois mise en danger, mais toujours vivante, comme une âme qui surgit du Voile et qui vient prendre les hommes dans ses tourments. Finalement, on en pouvait rien faire, on ne pouvait rien y opposer, elle était à la fois incontrôlable et particulièrement aléatoire. Les Grands Conseillers, cachés dans leur tour d'ivoire, dominant tout Galactica et toute la galaxie en même temps, regardaient les hommes se déchirer de la plus belle des manières.
Devant un soleil rouge de sang, caché par une lune jaune du crachat de l'humanité. Les hommes s'étaient finalement faits juges, l'humanité procureur, la déchéance avocate et la honte, accusée. Que la défense rappelle ses chiens, il faudra pleurer des lames d'acier pour faire crier le mal, il faudra soudoyer le monde entier pour en exterminer ses rentiers. Rien n'avait plus de sens, rien n'avait plus aucune raison d'être organisée, d'être gérée. Parce qu'il y avait des âmes qui croyaient, bien amèrement, qu'elles étaient amenés à juger les autres. Et que cela leur était légitime et juste.
La seule légitimité qui existait était celle du plus fort. La nature avait été faite ainsi. Cruelle. Et splendide à la fois.
Narshadar fronça les yeux. Son immense carrure s'altéra dans le brouillard éthérée qui entourait les ombres de Galactica. Ses yeux perforèrent finalement la salle, son pas se fit lent, à la fois assuré et tremblant. Narshadar tremblait. De la peur de ce que cela signifiait, la crainte de voir ses pairs exploser. La frayeur que pouvait lire un homme dans le regard des autres. Bandes de fous, bandes d'inconscients, autrefois, nous menions la mort par les armes. Aujourd'hui, vous attisez la souffrance dans la haine et dans l'humiliation. La porte claqua. L'air se tassa, comme si on l'aspirait vers l'infini. Il suffoqua. Il cracha, quelque part, discrètement et malaxa ses poumons, encrassés. Ses pieds continuèrent d'avancer, mais sa bouche ouvert restait muette. Ah, le doux suintement, ah, le faible tressaillement. Une seule inspiration, le battement d'un cil. Narshadar s'arrêta. Il faisait cela si bien.
Courir n'est difficile pour personne. S'arrêter, a toujours été un art qu'il aimé maîtrisé. S'arrêter, au moment adéquat. Regarder les hautes tours, d'un splendide endroit. Alors qu'avancer brouille tout.
" Vous êtes fous. "
Sa voix crépita.
" Vous êtes fous. "
Il chancela. La folie.
" Vous êtes fous. "
Il chuta. La haine.
" Vous êtes fous. "
La honte ...
" Je vous hais. "
Ses yeux s'embrasèrent et l'homme sortit de l'ombre. Sa poigne ferme se serra et Narshadar rugit.
" Je ne vois pas des hommes qui s'allient, je ne vois pas des généraux qui s'organisent, je ne vois pas des commerciaux qui négocient. Je ne vois aucune troupe de l'honneur, aucune troupe de la dignité, se dresser dans cette galaxie. Je ne vois pas les représentants méritants que je connaissais avant. Je ne vois pas un once de valeur dans vos yeux ! Je ne vois rien de ce qui fait de nous des êtres intelligents et particulièrement dangereux ! Je ne vois que trois idiots qui s'abattent sur un Etat. Casse-Noisette. Un nom ridicule, à la mesure de votre idiotie.
Réveillez-vous ! Regardez autour de vous ! Voyez-vous, quelque part, l'écriteau de la mort ? Il est partout, il vous suit, il hante vos rêves, il vous poursuit dans chaque recoin de chaque ruelle de chaque ville de ce monde ! La mort est notre vie, nous nous battons pour vivre, ou pour survivre, c'est égal. Le résultat est le même. Chaque jour, nous œuvrons pour la mort d'un, ou pour la survie d'autres. Et nous y arrivons. Ou nous échouons. Mais vous, bandes d'idiots sans idées, insoluble mixture, inaprouvée sentiment d'unanimité, de quel droit, selon quelle règle, envers quelle force, vous autorisez-vous l'autorité nécessaire à la lapidation d'un homme ? N'avez-vous pas honte de jouer avec lui ? Ne sentez-vous pas la stupidité envahir votre esprit lorsque vous manipulez le monde à votre guise et pour quoi ? Pour l'adultère d'un homme envers votre foi ? Maris puérils. Alliances corrompues. Dirigeants égocentriques et prétentieux. Vous croyez que la nature vous a accordé ses faveurs parce qu'aujourd'hui vous semblez régner, mais demain, incapables, peut-être ne serez-vous plus rien là où d'autres auront pris votre place. Vous êtes mauvais, vous êtes idiots. Parce qu'il n'y a que des gens comme vous qui puissent avoir une telle confiance en votre petite personne et en vos amis pour mettre sur la tête d'une nation les multiples autres de toutes les planètes. Parce que vous ne semblez pas craindre une quelconque résistance. Parce que rien ne semble vous faire peur.
Allez ! Allez rire sur la tête de l'Exitium, ou de l'Aetherys ! Allez ! Bouffonez-vous, clown rustiques, jongleurs grotesques ! Osez ! Osez l'imaginer ! Osez vous attaquer à un homme pour de bonne raisons ! Le feriez-vous ? Non. Vous n'êtes que des lâches, et vos relations vous donnent l'impression de posséder l'univers. Voila, l'incommensurable puissance des alliances, voila, l'inéluctable ineptie de ceux qui les gouvernent. Voila l'usage, de ce qu'on fait des choses qui semblent nous mener vers la force. Ah, qu'elles reflètent l'état d'esprit de nombreux d'entre nous. Ah, qu'elles miroitent votre déchéance.
Messieurs, je vous hais et ce discours sera la pointe de ma colère. Je ne vous hais pas pour votre force ou par vos actes, je vous hais parce que ceux-là représentent un côté de l'homme que je n'osais jamais apercevoir. Et puisqu'il m'est impensable de me rebeller d'une façon qui réponde autrement qu'en jouant avec votre idiotie, puisque s'attaquer à vous serait rentrer dans votre petite partie risible, dans votre univers, à vous, rien qu'à vous, bercé d'illusions et de mirages, alors je déverse toute cette colère ici, afin que tous, ici, sachent ce que j'éprouve, ce que je ressens de vos gestes et de vos décisions. Vous êtes le berceau de votre perte. Et de la source commune, là où votre plus grand adversaire, vos plus grands adversaires, se dessinent chaque jour plus nettement, chaque jour plus violemment, vous vous concentrez sur un homme qui ne mérite même pas votre mépris. Vous avez fait d'un Etat le cache friable de nombreux autres qui, plus attachés à la réalité des choses, ne se déconcentrent pas du chemin qu'ils ont décidé de tracer. Pour eux.
C'était un homme qui haïssait vos adversaires plus que vous ne les avait jamais haï. C'était un idiot. Un idiot qui avait la hargne. Un idiot qui n'avait qu'une seule voie, celle de la destruction. Qui n'avait qu'une seule voie, celle de la résistance. Mêlée à la vôtre, cette voie aurait pu devenir chemin de victoires. Mêlée à la vôtre, cette voie aurait pu devenir hurlement effrayant et destructeur. Mais vous avez fait de cet idiot, le plus grand allié de ceux que vous craignez vraiment. Vous avez fait de lui un jouer qui vous permettra de vous amuser durant quelques jours et de vous distraire de la tâche d'urine qui infiltre le tissu de votre pantalon lorsque vous pensez à la réalité de la chose ; celle de votre faiblesse. Vous avez fait, en quelques minutes, celui qu'il fallait vaincre.
Messieurs, soyez fiers. Voilà, enfin, devant nous, le plus grand appât de tous les temps. Un appât que vous avez-vous même crée et qui vous dessert. Profitez de chaque minute de votre misérable vie, parce qu'elle s'avérer plus courte et plus violente que jamais. Ce ne sont pas des menaces. "
Narshadar sourit.
" C'est l'expression de mon dégout. "
Plaider coupable
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