Alors que je m'apprête à m'en aller, le cœur lourd d'être tant de fois rejeté quand j'ouvre les bras pour accueillir ceux dont je partage ce rêve, je suis enfin reconnu. On ose me regarder dans les yeux, d'un regard franc, sans peur et sans l'ombre de la malveillante ignorance. Cette personne sait qu'il faut ouvrir plus que ses propres yeux pour véritablement voir.
Je suis surpris de me voir si étonné et ému, comme si au fond de moi j’avais toujours pensé que jamais personne ne me tendrait la main. Ma cause sans espoir confrontée à la force de ma détermination m’a peut-être trop habitué à la solitude et au mépris. Mais n’est-ce pas moi que je méprise le plus ? Moi qui voudrais vivre encore, quand eux ont tous disparus.
L’homme me faisant face prononce quelques mots, en faveur de la discrétion, par prudence semble-t-il. Il me prie de lui payer un bon dîner et des vêtements décents, après quoi je pourrai alors bénéficier de son aide dans ma quête de l’introuvable, devenant aussitôt Notre Quête. Je lui réponds oui, bien que je sais, sans vouloir l’admettre, que cela ne va pas être possible.
Nous nous asseyons à une table proche, trop à découvert à mon goût, mais mes caprices inutiles ne doivent pas gâcher l’instant présent. Comme d’habitude j’ai pensé devoir partir, mais c’est plutôt que je le voulais, car le temps me presse, tout comme l’ironie du sort... Cesse donc de défiler si vite, cruelle destinée.
- Pardonnez moi mon ami, car je ne vais pas pouvoir faire ce que je vous ai promis. Sachez toutefois que mon aide pourra s’avérer précieuse dans votre quête, puisqu’à présent elle est plus vôtre que mienne... A ma grande déconvenance. Si vous l’acceptez, je vous suivrai tout le long de votre chemin, en espérant qu’il sera long, car il est à l’image de ce que l’on recherche. S’il se montre court, ce sera forcément dans la mort ou l’abandon. Préparez vous y.
Je souris. Cela fait longtemps que le souvenir de mes lèvres effectuant cette chaîne de mouvements s'est éteint, et voilà qu’il resurgit pour me persuader davantage que l’issue n’est pas éternelle, ou en tout cas pas pour moi. Mitrae, j’arrive.
- Je vais vous apprendre quelque chose qui pourrait vous faire changer d’avis. Une chose que je nie constamment et que je déteste au plus haut point, mais qui est malheureusement une réalité, c’est que je ne suis véritablement pas ici avec vous. J’erre en âme flottante depuis des centaines d’années en me faufilant à travers les âges pour continuer à chercher ce que de mon vivant je n’ai pu trouver. Ma détermination me condamne depuis ma mort à me confronter à mon rêve mais c’est aussi dans le but d’offrir un héritage d’or immatériel à l’humanité que j’ai refusé de rejoindre les miens. Et si je parle parfois dans des lieux publics comme aujourd’hui, c’est dans l’espoir de trouver un être capable de dédier son existence a plus que lui même, de voir plus loin que sa personne, quelqu’en soit la raison. Et vous avez répondu, je vous en remercie. A vrai dire vous avez été le seul depuis toutes ces années à me voir car les autres ne peuvent percevoir que la force de mes mots, mais leurs cœurs n’ont pas la liberté de capter plus que cela. Les hommes déclinent. La mort gagne en distance et la vie s’en moque. Bientôt, d’autres êtres fouleront ces terres à vos places, sur vos traces, mais sans vous.
Voyez donc où cela peut mener... Donner sa vie n’est pas qu’une expression. Mais vous êtes la bonne personne, je n’en doute pas.
Et bien que je souris, une larme coule et coulera sans arrêt le long de ma joue.
[ Exercices - RP Libre ]
Modérateur : Modérateurs