[Les Jardins] Semblants d'Innommés

[Dox]

La soirée commença pénible. Mila organisant en compagnie de Guillaume les raids du lendemain. Et Théran s'endormant devant une série fantastique. Quelques capitaines vexés d'avoir perdu les commandes de leur chasseurs traversaient la salle agacés. A défaut de l'insupporter, cela amusait le vieux ronchon, devant son écran haute définition. Il se prélassait, alors que son état et son alliance, en ébullition nécessitaient son aide. Soudain, ce sont, à défaut des communicateurs, ses pensées qui l'échappèrent à son plaisir quotidien.

Pandora l'appelait... En vérité il était déçu. Souvent, ce moyen peu orthodoxe était utilisé par Lullaby. Et elle seule habituellement se permettait de l'interrompre en plein dans son feuilleton. Alors soit, il n'y a qu'une épisode par semaine, qu'il se regarde sept fois, chaque jour, à la même heure... Mais tout de même, un Théran Azhar c'est sacré.

En plus, en parlant de sacrilège... Elle avait besoin de lui pour jouer le messager. Heureusement, Théran adorait se rendre à la tour d'Ivoire y entreposer les dossiers du moment. Ainsi, sautillant tel un lapin, il se rendit en téléporteur jusque dans les méandres du temps lapinique.

...

Non, sérieusement. Il en avait strictement rien à foutre. Il se rendit au chasseur prévu pour l'amener jusqu'à l'Alcove des stozécans. Il y allait à reculons pour tout vous avouer. Et lisant sur son communicateur la missive reçue des mains du Sikhar Atlis. Déjà, avant de rejoindre son trône de passager de luxe, il méditait une réponse approuvant de a à z chacune des onces d'idées de la future membre des Brumes Oniriques.

Une fois confortablement installé... Il posa sa réponse.


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A : Sikhar Atlis
Date : 29-11-08 17:41
Sujet : [Pas de sujet]

Une curieuse animosité... Non pas que l'animosité soit curieuse, mais ma curiosité m'illumine d'un sourire que je ne connais que trop...
Ce sourire satisfait qui fait briller mes dents acérées dés lors qu'un frère d'esprit se joint à ma table. Non pas comme ces infâmes en garnissant mes plats ornés de mille richesses... Non, simplement en s'asseyant en face de moi et en souhaitant ma compagnie. C'est un honneur que je cache derrière une certaine once d'égocentrisme. Une once que vous connaissez fort bien, si je ne m'abuse. N'est-ce pas Nikki ?

A défaut d'aller vite. Toutes les informations me reviennent toujours. Vous le savez sans nul doute mieux que personne. Lorsque d'un regard avare j'ai deviné la position au degrés près de votre nouvel état. Sikhar Atlis... Conformément à vos coutumes et vos devoirs, ce nom fait pleurer les violons comme il enhardit les pires guitares. Vous êtes de ces rares poètes qui savent imprimer en quelques syllabes la consonance de vingt mots. C'est un honneur pour moi de vous souhaiter la bienvenue parmi nous, Stozécans.

Bien entendu, vous n'êtes pas encore officiellement intégré... La paperasse, vous connaissez bien. Mais pour moi, il va de soit que rien ne saura se mettre en travers de notre complicité.

Vous êtes pour moi, une personne digne d'intégrer non seulement nos rangs, mais aussi notre tour diamantée. J'espère qu'un jour, mes amis et collègues partageront cet avis avertis.

Passez dont une bonne soirée, madame. Et sachez que tout nous est bel et bien parvenu et sera mis sous clef incessamment sous peu.

Prenez soin des vôtres.

Ombrement vôtre,
Théran Azhar.


De : Sikhar Atlis
Date : 29-11-08 18:09
Sujet : Re : [Pas de sujet]

Eh bien, voilà une nouvelle des plus surprenantes. Surprenante par son issue, évidemment, mais encore davantage par la promptitude à s'être dégagée.
Sachez que cette issue, je l'emprunterai avec fierté et munie d'une extrême reconnaissance.

Votre compagnie, j'en rêvais. Les dires de Kossnei n'étaient que trop véridiques. Vous jouissez d'une plume qui n'est assurément que le reflet de votre personne : douce envers les siens, tranchante face à l'ennemi ; envoûtante tant elle est mystérieuse.
Il me tarde de partager votre table, mon ami. Je ne doute déjà plus qu'il en est de même pour vous.

Ceci dit, si votre Tour ne m'accueille, je n'y tenterai nulle investiture. Ma place est parmi le peuple. M'en couper d'autant plus ne peut être mon désir ; l'éthique Atlisak l'exige. Néanmoins, je n'exclue guère que ce pourrait être mon vœu...

Merci de votre message, en tous les cas. Je ferai dépêcher un vaisseau ambassadeur lors de l'annonce officielle, mais en attendant, sachez que je libère d'ores et déjà ma soirée pour allez vous saluer, Théran, si vous le pouvez et le permettez.

Je vous souhaite une bonne fin de journée, maître du Takalane.

Chaleureusement,
Nikki.

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Celle de son interlocutrice arriva plutôt que prévu. Enhardi à l'idée d'une balade nocturne dans les jardins de la corporation galactique. Le chasseur fit immédiatement demi-tour.

Mais par un soucis de commodités égocentriques, il préféra voir la jeune femme l'attendre, qu'attendre la jeune femme... Il épuisa donc son carburant à stagner dans l'espace, scrutant le radar à la recherche d'un vaisse*u Atlissien.

[Kossnei]

<<Pff... enfin fini.>>
<<Que se passe-t-il, Nikki ?>>

Etseko Mirrlahq était entré dans le bureau, toujours aussi beau qu'il était, caché derrière l'élégance de sa chemise blanche, rehaussée par une veste noire qu'un salaire de capitaine semblait suffire à payer, et au sourire pétillant. Son épée, éternel compagnon du personnage, y était certainement dissimulée, bien qu'une vision non affûtée n'aurait été capable de déterminer où.

<<Oh, Etseko. Depuis quand t'es autorisé à rentrer sans permission ?>>

Comme simple réponse, ce dernier gratifia la belle d'un baiser langoureux, qu'elle ne contesta qu'après en avoir goûté la saveur. La réplique fut une gifle.

<<Sors de cette pièce.>>
<<Mais...>>

Et la porte se referma sur lui.

"Vraiment... à quoi pensait-il ?" se demanda Nikki. "Une liaison d'un soir, et déjà il m'appartient. Inutile."

Elle tourna la clef dans le verrou, et se dénuda. La journée avait été longue, et un bon bain serait source de renouvellement de l'âme...et du corps.
Oui, du corps, car ce soir, elle avait encore un rendez-vous. Mais... pas exactement le même genre de rendez-vous.

Son désormais collègue ; Théran Azhar. Le maître des maîtres en matière de... non, en tout. Théran le Grand Conseiller. Théran le glaive, Théran la foudre, mais aussi Théran la plume, et Théran ...

<<Théran, mon nouvel amant, hmm ?>>

Elle s'y perdait. Elle rêvait déjà.

<<Hmm. Moi, m'offrir à lui, si facilement ? Pourquoi lui ? Il n'est qu'égocentrisme incarné.

...

comme moi, non ?

Non, vraiment. Deux êtres aussi similaires ne peuvent coexister simplement. Il faudra bien qu'un jour...>>

"Un jour, oui. Un jour, Nikki."

<<Un jour, nous nous unirons. Ou alors, nous nous entretuerons.>>

Elle marqua une pause, songeuse. Ses yeux d'un bleu pâle se perdaient si facilement sur tout et n'importe quoi, quand elle pensait à ses conquêtes, ou à se battre.
Que sa vie était morne, vraiment.

<<Mon but, maintenant, c'est toi, Thé.>>

L'heure arriva. Elle devait déjà être aux Jardins, mais elle sortait à peine de la baignoire lorsque son Trust-com sonna. Elle se vêtit d'une magnifique robe de soie grise qu'une rose noircie artificiellement ornait, et se rendit au hangar le plus proche. La déserticaine avait oublié le froid de la planète centrale du système. Elle se le rappela dans son chasseur. Qu'importe. Théran la réchaufferait.

---

"Quel... quel homme froid."

---

Lorsqu'elle était arrivé sur les lieux du rendez-vous, il n'y avait personne. Son nouveau compagnon était absent de la scène. Elle dut patienter pour lui une bonne dizaine de minutes supplémentaire. Elle était excédée lorsqu'il posa enfin le pied sur le parvis de la Corporation — sa force spirituelle l'avait instantanément frappée — mais elle prit le temps que lui accorda le reste du trajet que le Takalan avait à parcourir pour armer son stoïcisme.

<<Bonsoir, chère Nikki.>>
<<Bon...bonsoir, Théran.>>

Il l'observa durant quelques secondes, sans mot dire. Ses yeux gris ne trahissaient nulle émotion.

<<Je... Vous êtes en retard ... ?>>

Elle avait tourné son affirmation en question à la dernière syllabe, pour ne pas laisser tomber le masque qu'elle chérissait tant.
Après tout, elle aurait besoin de cet homme.

<<Vous l'étiez également, n'est-ce pas ?>>
<<Oui mais... vous avez un manteau bien plus épais que mon propre habit.>>

Théran sourit. Un sourire sans expression. Un sourire de façade, comme s'il avait tout percé à jour dans le jeu de la belle.

<<L'Amirale Mana-Li, maîtresse des flammes, avoir froid ?>>

Son aura grandissait. L'homme n'était plus qu'éloquent, il était également impressionnant. Non, indescriptible. Bien plus que cela.

<<Vous m'étonneriez.>>

La pression retomba. Lui, toujours très calme, engagea le discours. Elle, avait compris. Il ne faudrait pas jouer à cette comédie. Pas avec ce genre d'hommes.

"Quel... quel homme froid."

[Dox]

Il avait revêtit l'une de ses plus belles parades. Une longue saharienne, descendant jusque ses chevilles. Une grande veste noire recouvrant tout cela. La doublure de cette dernière, comme l'avait habilement fait remarquer Nikki, était d'une épaisseur rare. Car si en Vertana il pleuvotait timidement, en Galactica le froid hivernal s'installait doucement. Sa parure plutôt épaisse, elle lui inventait presque une stature. Car en vérité, s'il avait d'impressionnant tout ce que son esprit camouflait derrière ce regard sinistre ; il n'était physiquement que le plus commun des mortels.

Son pas était bien moins lourd qu'à l'habitude. Et ces quelques instants de retard volontaires n'eurent au final que l'effet souhaité. Son sourire habile, devant ses pincements linguistiques justes épicés ; finit par disparaître. Un doux calme vint tempérer les deux caractères. Théran venait de marquer le premier point, et à défaut de contrattaquer, Nikki se laissa bercer par l'avantage qu'il venait de s'octroyer. Et après avoir été le second à parler, il était le premier à bouger.

Ayant demeuré immobile sur le pallier des jardins, entre la marche écoulée qui descend jusqu'au chemin verdi et l'escalier grimpé qui nous emmène jusqu'à l'astroport, il emboita le pas. Nikki, toujours immobile, pensive, laissa l'avant bras du gardien s'emparer du sien. Ensemble, il passèrent leur second main sur la première ; et ainsi crochetés, accrochés, ils débutèrent une marche d'un autre monde.

" Alors comme cela... Vous avez élu domicile sur Désertica. Un retour aux sources vous déplairait-il ? "

Peu le savait... Mais elle si. Le vrai pouvoir de l'archimage spirituel, c'était d'initier aux rêves. Et s'il avait été de ceux qui rependirent le cauchemar et la misère sur une galaxie entière ; il fut aussi celui qui prôna le salut de trois dynasties.

Bras croisés. Leurs mains gantées, refermés sur elles-mêmes. Le regard vide, et le chemin dores et déjà tracé. Ils papotaient de la légitimité d'une rencontre future... Alors que celle-ci n'avait point commencée ?! Un manque cruel de délicatesse et par de cela une once d'euphémisme bien intruse à cet esprit avertis. Ne serait-ce pas là un moyen supplémentaire de déstabiliser l'Amirale ?

[Kossnei]

Mais Nikki, qui elle voyait toujours plus loin, semblait s'en amuser ; s'y complaire. En cet art de l'anticipation que tous deux indéniablement maîtrisaient, il régnait une sorte de dualité non affirmée. Comme si leur union physique faussait l'évidente divergence qui animaient leurs sentiments respectifs — notons que l'évidence n'existait qu'à leurs yeux ; nul n'aurait pu l'affirmer, serait-ce en lisant leurs écrits ou en décryptant le code de leurs actes.

Oui, en l'instant, ils étaient ostensiblement deux violons qui accordaient derechef leur mélodie à celle de l'autre, comme si, sous l'impact subit d'un remous du passé, le Platin rejoignait le Nécrolien ; mais il n'en était rien. Au fond, l'une était animée par le désir d'enfin s'élever, l'autre muni de la fierté qu'incombe la responsabilité "d'homme à tout faire" d'une grande alliance, ainsi que d'une once de curiosité.
Et pourtant, l'intérêt que suscite une amitié naissante, lui, grandissait. De fil en aiguille, comme si parler de sujets communs avait pour ces personnes-là un enjeu particulier, la tension ambiante retombait, et les buts mutuels convergeaient vers la même issue : l'entente.

<<En effet, mais... qu'entendez-vous donc par un "retour aux sources", mon cher Théran ?>>

L'Amirale ne souhaitait le moins du monde dévoiler que, dans l'instant, ses pensées s'étaient dirigées vers une invitation en les terres Vertanes de Takalane, aussi cacha-t-elle son engouement derrière une polie réflexion.

<<N'ignorez-vous guère le passé de celle qui vit en ce corps que vous frôlez depuis quelques mètres, Thé' ?>>

Elle lui lança un regard pétillant. Peut-être marquerait-elle un point, cette fois.

<<Je serais heureuse de vous entendre me conter mes fameuses sources. Vraiment, vous m'intriguez.>>

Le vent vint envoyer une mèche blonde dans les yeux de la belle. Tel l'allégorie du cache-cache auquel elle avait renoncé, et qui manifestait physiquement son rappel.

Et elle réalisa.

Et corrigea.

Son stoïcisme n'était plus, elle n'avait plus à forcer son apparence. Elle était vraie, tout ce qu'il existe de plus pur.

<<Non, je m'étais promis de cesser de jouer. Théran, pourquoi vous intéressez-vous à moi ? Y a-t-il une quelconque raison au-delà de votre intérêt de premier abord ?>>

Elle marqua une pause. Toujours aussi calme, l'Archimage plongea dans l'azur des yeux de Katarilis.

<<Allons Théran, jouons franc jeu. Vous saviez que je vous détestais, depuis le début. Tout comme... je me déteste.>>

Leur balade nocturne prenait soudain un horizon des plus enrichissants. Par-delà le ciel qu'illuminait la laiteuse chaleur de la lune, l'aurore de la génération de Néo-Platins et Néo-Nécroliens pointait déjà. Une alliance inconsidérée entre ceux qui de chaque camp furent trahis. Certains par leurs amis, d'autres par la jalousie.

[Dox]

L'Azhar... Avait le talent de dire "je sais". Sans ouvrir la bouche. Sans même donner un regard.

Son expression hautaine, une soudaine augmentation de la pression atmosphérique et sa respiration aigu qui sans sommation cessait simplement. Il savait rendre à une affirmation, si obstinée soit elle, toute sa vérité. Il démasquait l'ironie dans les méandres du lyrisme et en faisait deux arts à part.

Sans même lui répondre. Il avait su installer dans cette discussion une once de sérieux. Inutile de passer le peu de temps qu'ils avaient de libre à se conter leur passé commun. Car à défaut de s'être un jour embrassé, ils avaient partagé la même époque. Et de cette époque ils n'avaient gardé que leur expérience. D'autant plus inutile qu'ils en parlent, déjà et continuellement au fin fond de leur sang.

" Allons Nikki. Soyons francs, soit. Mais l'impureté et le poids de mots aussi mirobolants ont une fâcheuse tendance à me pousser vers l'audace des pires méprises. "

Il avait sa voix suave. Celle qui s'amusait à enfoncer un clou donc le premier coup de marte*u, hésitant, avait été difficilement lancé par son interlocuteur. Il aimait jouer à marcher sur le verre pilé. C'était sa façon à lui de s'étirer un sourire habile et aimable. Peut-être l'une des seules façons qu'il connaissait.

" Nous sommes bien loin de ce sentiment dénigrant. La haine, le mépris... Je ne connais pas. Certain appelle ça la noblesse madame.

Et cette fameuse noblesse, explique même ma présence en ces lieux. Vous êtes une vieille amie. Avec laquelle je n'ai même eu l'occasion de partager un verre. Alors profitons dont de ce nouve*u départ pour pallier à cet oubli malencontreux. N'est-il pas ? "

Étrange... Après même avoir confectionné un frère à ce premier opus... Voilà qu'il parle d'une seule et unique occasion. Encore un moyen bien à lui de répondre à la question par une question. D'éviter la réponse en en suppliant une autre.

Ils marchaient. Le vent était tombé. Et étonnamment, l'atmosphère se réchauffait.

[Kossnei]

<<Voilà bien ce pour quoi je vous déteste, Thé'.>>

Elle avait sourit à l'évocation de sa requête. Non d'un rictus froid et terne, mais bien d'un sourire sincère et évocateur. Soucieuse d'amener dans leur discours une compréhension aussi claire que l'eau de la planète bleue, l'Atlisak précisa :

<<Je vous hais, mon ami, car vous êtes ce que j'aimerais tant être ; vous et moi partageons le même passé, baignons sensiblement dans la même culture, sommes empreints des mêmes ambitions, et pourtant n'avons guère la même prestance, ne détenons pas les mêmes attributs tant dans la rhétorique que dans les armes. Et, pis encore, nous ne jouissons de la même...renommée.

Pour cela, je vous hais. Mais m'aiderez-vous à m'élever, vous que j'aime déjà tant, Thé' ?>>

Une étincelle traversa ses yeux ; la belle ne l'ignora guère. Elle jouait la bonne carte. Quant à lui, ses soupçons s'évadèrent. Cette femme n'était définitivement pas une écervelée.

<<Vous savez, je ne crois pas que les sentiments opposés de l'amitié et de la haine soient pour autant antithétiques. De plus, il ne me semble insolent d'avancer que, si grand que vous soyez, ce second sentiment existe en vous. Je conjecturerais simplement que la noblesse qu'incombe votre rang l'emporte sur une haine que vous semblez dissimuler. Bien trop souvent d'ailleurs, ce qui vaut à certains un courroux exacerbé car cent fois reporté. Mon tort fausserait-il telle analyse, Théran ?

Si vous ne le pensez, c'est-à-dire si en ce cas la raison m'a frappée, alors je crois bien que nous pouvons marcher dans la même voie, et ce, pour l'éternité...>>

Nikki avançait, l'Archimage à son bras. Elle n'aurait su dire où l'envie les menait — s'il s'agissait de tel ou tel autre lieu dans lesquels l'ingestion d'alcool semblait de rigueur, ou s'ils s'évadaient, dans un coin calme de leurs magnifiques hôtes, les Jardins que seuls les plus grands esprits peuplaient encore — mais toujours est-il que l'Amirale s'y complaisait, en cette promenade nocturne dont chaque instant en repoussait toujours plus l'échéance.

[Dox]

Théran avait cette fâcheuse habitude d'asseoir toutes les situations à son compte. Ici encore, son interlocutrice, malgré sa langue d'érudite, laissait gentiment l'Archimage prendre le contrôle de l'échange. Le laisse lui-même tirer ses conclusions, s'expliquer sur son passé. Lui laisse la liberté de mentir, et de tourner la conversation à sa guise. Car elle était loin de l'ignorer, une fois qu'il monopolisait le débat, il ne s'aventurait jamais en terrain délicat. Devise et principes obligent.

" J'ai moi-même... Déjà été confronté à ce dilemme.
D'où venait toute cette soif de pouvoir ? Cet instinct meurtrier ? Ces sortilèges démoniaques ? Ce noir et présomptueux regard ?

Longtemps je me suis posé les mauvaises questions. La haine réponse évidente devant de telles évidences. N'est en fait que le cauchemar de l'amour et non son opposé. Cette théorie blafarde à première vue, m'a mené aux quatre coins de la croyance. Et plus je cherchais en moi les fondements de ma haine pensée, plus je comprenais que je n'aimais. A mes aprioris personnels je n'ai pu qu'associer la miséricorde de mon passé nu. "

Un implacable silence s'installa alors. Et leur pas ralentirent. Non pas qu'ils soient pressés, le stress de ce rendez-vous inopiné bien qu'évidemment contenu, avait posé sur leurs mouvements une certaine et trop vive mesure. Ainsi, apaisés par cette réflexion qu'ils partageaient, puisque tout deux connaissaient son passé, leurs pensées leur ôtèrent cet hôte malvenu, puis le firent disparaître pour toujours. Partager une même pensée, c'est plus apaisant et complice encore que d'arpenter les chemins de la corporation main dans la main.

" Enfin... Dans un premier temps. Je le cru inondé d'amour impossible. Je suis parti à la recherche de mes frères, les Maudits. De mon âme en Azhar. De mes concepteurs, parmi le voile. De ma soeur, qui s'est avérée être une illustre étrangère et celle avec qui je partagea mon premier lit... Dame Aburale. Mais je me rendis compte que les uns comme les autres ces amours ne furent qu'éphémères. Tellement éphémères qu'aujourd'hui et hier, jamais mon coeur n'en a souffert. Tout ceci n'est pas oublié, mais ramené à sa triste réalité : le second plan.

En vérité. Je ne hais pas. Et malgré le temps qu'il m'a fallu pour le comprendre. Les doutes imperceptibles que cela a fait naître jusque dans les fondements de mon idéologie. Je suis pur. C'est assez fantastique de dire quelque chose de tel, lorsque l'on regarde la profondeur avec laquelle le sang de certains s'est incurvé jusque dans mes récits. Mais. Je ne hais pas, je ne regrette pas, je ne désire rien du temps. Je ne veux que le présent. Et c'est de là, que vient ma pureté.

Ma noblesse par contre, je vous l'accorde, n'a de vraie que les desseins égoïstes et fanatiques que je me suis offerts.

Mais... Maintenant que vous avez votre réponse, et la raison à vos côtés. Contez-moi un peu vos us et sacrilèges ? "

La démarche restait d'un lent sibyllin. Et seule une légère brise égayé ce moment emprunt aux pensées les plus profondes.